Information, sensibilisation et conscientisation dans la lutte contre les violences sexuelles par la commission diocésaine justice et paix à Uvira dans le sud-Kivu.( Télécharger le fichier original )par MUKOKYA Morgan MUBENGWA Université Catholique du Congo - Licence 2014 |
1.1.2. La sensibilisationLa sensibilisation à l'instar de l'information, passe généralement par les canaux traditionnels de communication. Disons que la sensibilisation soulève cependant certaines difficultés. La première qui se pose au sensibilisateur est celle d'obtenir un espace suffisant lui permettant de développer une problématique dont l'exposé prend nécessairement plus d'ampleur que la simple transmission de données factuelles. L'autre difficulté à laquelle est confronté le sensibilisateur est bel et bien le choix conceptuel à adopter. Expliquer un problème ne peut se faire dans le champ lexical faisant recours à des propos du langage ordinaire. Il n'est pas question non plus de communiquer en recourant aux concepts techniques des scientifiques. Quel est alors le travail du sensibilisateur ? Tilman y répond quand il écrit : « Le sensibilisateur est donc un traducteur qui exprime dans un langage accessible au public qu'il vise, des considérations qui sont, habituellement le fait de spécialistes. La sensibilisation suppose donc une solide préparation du contenu et de la forme du message envisagé et donc, un savoir-faire spécifique.»8(*) De ce qui précède, il ressort le fait que dans les séances de formation sur la lutte contre les violences sexuelles, par exemple, le sensibilisateur, pour mieux faire passer son message, devra préparer une série d'activités triviales qui permettront de mieux rentrer dans le problème tout en s'y impliquant lui-même. Il mettra donc au point une stratégie qu'il rendra lui-même vivante à travers son animation. Faisons remarquer en sus que dans la plupart de cas, au cours des séances de sensibilisation sur les différentes lois réprimant les violences sexuelles, on tient moins compte de la co-construction du message, pourtant très nécessaire à la réception du message. On vient juste bombarder les participants avec des théories sur ces lois qui parfois, ne cadrent nullement avec les pratiques sociales et coutumières de la région et ainsi constituent-elles parfois un obstacle pour sa mise en oeuvre9(*). 1.1.3. La conscientisationLa conscientisation, par rapport à la sensibilisation, franchit un pas supplémentaire surtout par ce qu'elle fait appel à l'engagement. Bien que la conscientisation reprend à son compte la plupart des caractéristiques de la sensibilisation, elle vise en outre l'engagement des destinataires du message dans la recherche de solution. Tilman fait constater que : « Le spécialiste, qui est ici un militant, est persuadé que le public auquel il s'adresse est victime d'une injustice et a donc intérêt à réagir. Son hypothèse est, notamment, que si les « victimes ne sont pas encore mobilisées, c'est par ce qu'elles n'ont pas pris conscience de toutes les dimensions de sa réalité qui les concerne et ou qu'elles sont démunies pour l'appréhender intellectuellement.»10(*) Le travail du conscientisateur consiste en la proposition d'un cadre interprétatif qui rend compte des faits et de la réalité du terrain que le public peut facilement appréhender. Le conscientisateur adopte pour ce faire un point de vue un peu partisan et ainsi devient-il alors un éveilleur des consciences, appelé à ouvrir des perspectives. Cela ne peut se faire qu'en assurant une éducation permanente de son public qui devra se rendre elle-même compte que la situation dans laquelle elle vit n'est pas normale et qu'il sied donc de la changer. Voilà le niveau auquel le conscientisateur doit faire parvenir son auditoire. Le conscientisateur doit en outre permettre à ses interlocuteurs de trouver eux-mêmes des réponses à leurs préoccupations majeures. Il les engage ensuite dans des actions qu'ils auront eux-mêmes définies à la fin d'une réflexion approfondie. Ainsi, la conscientisation devient-elle alors une pratique d'analyse sur le terrain avec les personnes directement concernées par un problème et dans notre cas ici, la lutte contre les violences sexuelles au diocèse d'Uvira. Elle nécessite un travail d'accompagnement pour l'appropriation par le public du problème analysé. La conscientisation, loin d'être une simple transmission des données devient par conséquent, une activité éducative et formative dont la finalité reste la modification des représentations des destinataires. Toutefois, on ne peut passer sous silence le fait que la conscientisation reste tout de même une activité exigeante. Elle nécessite du temps et la mise en place des stratégies appropriées pour parvenir au changement de la situation initiale. Tilman corrobore cette réflexion lorsqu'il note : « L'hypothèse pédagogique est ici que ces transformations requièrent une méthodologie du traitement des informations, accompagnée d'une interrogation sur les conceptions qui guident les comportements adoptés jusqu'alors. En conséquence, la conscientisation requiert un double travail : mettre au point des outils pour interpeller et informer les publics concernés ; animer les séances d'appropriation et de réflexion. Evidemment, cela prend du temps et exige des conditions institutionnelles particulières.»11(*) Le conscientisateur est donc un animateur de terrain, capable de faire travailler un groupe de gens sur une question qui les concerne et en particulier ici celle liée à la lutte contre les violences sexuelles. * 8 www.legrainasbl.org, TILMAN, J., Op. cit. * 9 LINO PUNGI, J., Eduquer aux médias à l'ère de l'Internet. Repères théoriques et pistes d'action en R.D. Congo, Kinshasa, Médiaspaul, 2013, p. 81. * 10 www.legrainasbl.org, TILMAN, J., Op. cit. * 11 www.legrainasbl.org, TILMAN, J., Op. cit. |
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