II. REVUE THEORIQUE DU LIEN ENTRE
DEVELOPPEMENT FINANCIER ET CROISSANCE ECONOMIQUE
Dans cette section, il s'agira de présenter les
théories de l'intermédiation financière dans un premier
point et ensuite montrer la contribution des théories de croissance
endogène à l'analyse du lien entre développement financier
et la croissance économique.
2.1.
Les théories de l'intermédiation et de la libéralisation
financière
2.1.1. La théorie
d'intermédiation financière
Les travaux de Schumpeter (1912) montraient
déjà le rôle essentiel des banquiers dans le ciblage et le
financement des entrepreneurs, ils encouragent de ce fait l'innovation
technologique l'accumulation du capital qui stimulent selon lui la croissance
économique à travaux l'accroissement des taux d'investissement,
l'allocation du capital aux projets les plus productifs et l'accroissement des
échanges. Pour arriver à ce but les intermédiaires
financiers assurent cinq fonctions principales énumérées
par Levine (1997, 2004) :
Ø Acquérir des informations sur les projets et
favoriser l'allocation des ressources aux projets les plus rentables
Lorsque le système financier est efficace, il stimule
la croissance en réduisant les coûts de transaction et en
s'assurant que le projet soit alloué aux projets les plus rentables.
Grâce aux économies d'échelle, l'intermédiation
financière réduit les coûts d'information du financement
externe et ce faisant, accroit le rendement implicite des placements tout en
réduisant les coûts d'emprunt. Dans la mesure où les agents
pris individuellement ne peuvent évaluer les entreprises dans lesquelles
ils désirent investir, ils seront par conséquent réticents
à investir. L'intermédiaire financier va se substituer à
chacun des épargnants afin d'évaluer les opportunités
d'investissement, réduisant ainsi le coût d'acquisition de
l'information tout en offrant une opportunité de placement rentable pour
les agents et un accès facile au crédit et à moindre
coût aux emprunteurs.
Lorsque les intermédiaires financiers disposent d'un
grand nombre d'informations précisent et exactes sur les entreprises,
ils les utilisent pour financer les meilleurs projets, améliorant ainsi
l'allocation des ressources et réduisant le risque de
défaillance. La réduction des coûts de transaction pour les
épargnants stimule également les investissements en ce sens
qu'elle contribue à transformer une grande partie de l'épargne en
investissements productifs. L'activité d'intermédiation
financière permet également l'innovation technologique car elle
identifie de façon efficace les meilleurs produits autrement dit les
produits innovants qui les meilleures chances de réussite. Les
marchés boursiers peuvent de même favoriser la recherche
d'information car au fur et à mesure que la taille du marché
augmente les agents sont portés à s'adresser aux marchés
pour rechercher des informations sur des entreprises pour avoir des profits.
Ø Faciliter les transactions financières et
commerciales, la gestion des risques et diversifications des actifs
Les ménages ont généralement une
préférence pour la liquidité ou préfère
détenir des actifs liquides alors que les entreprises sont demandeuses
d'actifs de long terme. Les intermédiaires financiers se chargent de
concilier ces désirs divergents en mettant à la disposition des
entreprises des actifs de longs termes, convenables pour les investisseurs
recyclés à partir des actifs liquides récoltés
auprès des ménages. En agissant ainsi, ils adaptent les actifs
financiers aux préférences en réduisant l'asymétrie
d'information entre prêteurs et emprunteurs. Les intermédiaires
financiers inventent des nouveaux actifs financiers qui réduisent les
risques d'insolvabilité et d'illiquidité et de variations
imprévues du prix des actifs (Guillaumont-Jeanneney, 1998). Les
intermédiaires financiers remplissent des fonctions de facilitation de
la transaction et la gestion des risques soit en s'interposant entre les
épargnants et les investissements soit en leur apportant assistance par
leur intervention sur les marchés financiers.
Le système financier peut également favoriser la
réduction des risques individuels liés au projet d'investissement
grâce à la diversification et au partage des risques. La
réduction des risques stimulent les investissements dans où les
agents ont l'assurance de courir moins de risques en investissant dans des
projets susceptibles de leur rapporter des profits. La réduction des
risques favorise donc l'accumulation du capital et l'amélioration de la
rentabilité des investissements. En retour la croissance
économique se trouve affectée favorablement. Une absence de
marché oblige les ménages à investir dans des actifs peu
liquides car les risques les empêchent d'investir dans des actifs dans
des actifs rentables. Les intermédiaires financiers vont mutualiser les
risques individuels des déposants, et des déposants et en
investissant les fonds récoltés dans des actifs peu liquides mais
rentables. Bencivenga et Smith (1991) ont monté que lorsque les
intermédiaires financiers allouent l'épargne aux actifs peu
liquides et réduisent la liquidation prématurée
d'investissements rentables, améliorent la productivité du
capital et stimulent la croissance économique.
Ø Assurer la surveillance des investissements, exercer
un contrôle sur la gestion des entreprises après le financement
des projets
Une fois l'investissement financé la fonction de
surveillance des investissements consiste pour une banque d'exercer un
contrôle sur les entrepreneurs et les contraindre à gérer
l'entreprise dans l'intérêt des actionnaires et des
créanciers. Pour assurer cette fonction les banques exigent des
garanties et proposent des contrats financiers adaptés aux
spécificités des projets et au profil de l'entrepreneur, tous ces
moyens lui permettent de réduire les coûts de les coûts de
surveillance. La relation de long terme entre les banques et les entrepreneurs
permet de diminuer les coûts d'acquisition de l'information et
l'allocation efficace des ressources. De même le fonctionnement des
marchés boursiers peut contribuer à exercer des contrôles
sur les entreprises une fois qu'ils les financent.
Ø Assurer la mobilisation de l'épargne
Les intermédiaires financiers assurent la collecte
d'épargne des ménages en leur offrant des possibilités de
dépôts et leur permettant de diversifier leur portefeuille et
d'investir dans des projets rentables, tout en assurant la liquidité des
placements (Levine, 1997). Les ménages pris individuellement ne peuvent
acquérir les actifs des entreprises surtout le cas où ces actifs
ne sont pas divisibles en petites unités. En se chargeant de mettre en
commun les épargnes de chaque individu les intermédiaires
financiers arrivent à surmonter le problème d'invisibilité
de l'actif émis par les entreprises et réaliser ainsi des
économies d'échelle. Ainsi les intermédiaires financiers
améliorent l'efficacité de l'économie par
conséquent stimulent la croissance économique.
Les systèmes financiers les plus efficaces dans la
mobilisation de l'épargne affectent favorablement la croissance
économique. Cependant, il n'y a pas de consensus sur l'impact positif du
développement financier sur la mobilisation de l'épargne à
travers le rôle des intermédiaires financiers. En effet, la
réduction des risques sur les marchés financiers pourrait
réduire le niveau d'épargne de précaution des
ménages et par conséquent le taux de croissance. Donc l'effet
global du développement financier sur le taux d'épargne reste
mitigé.
Ø Faciliter les échanges des biens et services
Par cette fonction les intermédiaires financiers
facilitent la spécialisation, l'innovation technologique et la
croissance économique. En effet, la spécialisation augmente la
productivité du travail et demande plus de transactions. Ces
transactions étant coûteuses, les contrats financiers susceptibles
de réduire les coûts favorisent une plus grande
spécialisation, une augmentation de la productivité et de la
croissance économique. Les intermédiaires financiers favorisent
le commerce extérieur par les crédits à l'exportation et
aux mécanismes de couverture contre les risques.
En somme les intermédiaires financiers en assurant les
fonctions de facilitation des échanges, de gestion de risques, de
recherche d'information sur les projets, de contrôleurs des entreprises,
de mobilisation d'épargne, et de facilitation des échanges
stimulent la croissance économique à travers le taux
d'investissement, la productivité du capital et les échanges
commerciaux. Ainsi le système financier à travers ces
différentes composantes qui certes agissent différemment dans le
circuit économique mais confère au développement financier
son rôle essentiel dans la dynamique de la croissance économique.
Dans l'établissement du lien entre le
développement financier et la croissance économique, plusieurs
modèles théoriques ont été développés
et chaque modèle se rapporte à une fonction bien précise
exercée par les intermédiaires financiers et celle-ci nous
emmène à l'étudier différemment des autres.
Cependant l'absence de prise en compte du lien entre ces différentes
fonctions représente un inconvénient. Greenwood et Jovanovic
(1990) à travers leur modèle étudie le rôle des
intermédiaires financiers dans l'acquisition de l'information et
l'allocation optimale des ressources. L'apport de liquidité par les
banques représente l'analyse du modèle de Bencivenga et Smith
(1991). Quand à celui de Saint-Paul (1992), il porte sur la gestion de
risques et la diversification des actifs. King et Levine (1993b) pour finir se
penche plutôt sur le rôle du système financier dans la
mobilisation de l'épargne et le financement des projets innovants.
Dans le modèle de Greenwood et Jovanovic (1990) comme
établit plus haut l'accent est mis sur la mobilisation de
l'épargne et l'allocation optimale de cette dernière dans aux
projets les plus productifs. Dans ce modèle, ils montrent que le capital
peut être investi dans des projets peu risqués et peu rentables ou
dans des projets qui comportent plus de risques mais rentables. Le risque
étant provoqué par les chocs agrégés et la
spécificité du projet, les auteurs soulignent que les agents sont
incapables de distinguer ces deux chocs. Alors que les intermédiaires
financiers, aidés par un nombre d'un échantillon de projets
rentables, sont capables de déterminer la nature du choc. Avec la
collecte et l'analyse de l'information, les intermédiaires financiers
profilent leurs stratégies d'investissement sur la base de leur
connaissance des chocs agrégés de la période courante. Si
les investissements qui comportent plus de risques deviennent moins profitables
que les investissements plus sûrs, à cause d'un choc
négatif, ils investiront seulement dans des projets peu risqués.
Si les coûts d'acquisition et d'analyse de l'information sont
suffisamment bas, la capacité des intermédiaires à choisir
les projets appropriés pour un choc agrégé donné
accroît le rendement attendu de leur portefeuille au-delà de ce
que les autres agents économiques auraient obtenu sans aucune
information sur les chocs agrégés.
Bencivenga et Smith (1991) dans leur analyse ont
également démontré que le développement financier
est corrélé positivement à la croissance
économique. Partant des travaux de Diamond et Dybvid (1983), on assiste
à une intégration de la fonction d'apport de liquidité par
les banques dans un cadre de croissance pour analyser le rôle de
l'intermédiation financière dans la croissance économique.
En effet lorsque les intermédiaires financiers sont absents dans une
économie, l'incertitude pousse les agents à conserver leur avoir
sous forme d'épargne liquide et improductive, autrement dit une
épargne qui ne favorise pas la croissance. Il faut également
noter que les contraintes de liquidité découragent les
investisseurs et engendrent car elles ont un effet négatif sur
l'accumulation du capital et engendrent la liquidation des actifs
prématurée des actifs productifs. Les banques en assurant les
dépôts des agents leur donne la possibilité d'effectuer des
placements rentables, atténuant ainsi le risque d'illiquidité.
Ainsi l'activité intermédiation financière accroît
le ratio du capital par tête de l'économie et par
conséquent stimule la croissance économique.
Saint-Paul (1992) conclut que les intermédiaires
financiers permettent une plus grande spécialisation des facteurs de
l'économie. Ainsi, en l'absence d'intermédiaires financiers, les
agents minimisent leur exposition au risque en adoptant des technologies de
diversification moins spécialisées et par conséquent peu
productives.
King et Levine (1993) abordent dans leur modèle la
question du lien entre le développement financier et la croissance
économique à travers la productivité des facteurs. Les
auteurs montrent que dans une économie avec les investisseurs potentiels
susceptibles d'apporter des projets innovants, les intermédiaires
financiers vont engager des ressources pour évaluer ces projets et seuls
les plus prometteurs sont retenus. Ils mobilisent par la suite l'épargne
pour financer les projets les plus productifs et permettre une diversification
du risque associé à ces projets innovants et à moindre
coûts les investisseurs pris individuellement. L'évaluation et la
sélection des entrepreneurs réduit le coût de
l'investissement, accroît la productivité du capital et
améliore la croissance économique.
Guellec et Ralle (2003) pensent que, dans une économie
sans intermédiaire financier chaque agent ne pourrait investir son
épargne que dans ses propres projets, et dans ses projets que dans sa
propre épargne, l'économie serait donc
« cloisonnée ». Certains projets ne verraient pas le
jour alors qu'il existe une épargne inutilisée. De plus
même si les agents ont la possibilité de transférer leur
épargne les uns aux autres pour financer les projets, rien ne justifient
que ce sont les projets les plus rentables qui seront financés. Enfin
l'impossibilité de repartir l'épargne d'un agent entre plusieurs
projets accroîtrait le risque et découragerait donc
l'investissement. Le système financier sert à remédier
à ces problèmes car les intermédiaires financiers peuvent
sélectionner les bons projets parmi l'ensemble de ceux devant être
financés.
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