III.4.2. L'option binationale ; Etat démocratique et
laïque
La deuxième proposition que nous présentons est
celle d'instaurer un Etat composé de deux sous nations ou un Etat
Judéo-arabe, fonctionnant comme tous les Etats ayant traversé des
difficultés d'intégration culturelle comme le Flamant et Wallons
à Belgique, les Hutu et Tutsi au Rwanda .... Ces deux Etats permettront
aux Arabes et Juifs de vivre au sein d'un même Etat. Cette idée
prévoit l'établissement d'une "Palestine démocratique"
englobant dans un seul et même Etat les Palestiniens et les Juifs comme
cela avait été annoncée en octobre 1968 dans une
conférence de presse de l'un de dirigeant de Fatah, Abu lyad, et
adoptée officiellement par le Comité central dans une
déclaration laquelle le Fatah proclame que « l'objectif final de la
lutte est la restauration de l'État palestinien indépendant et
démocratique dont tous les citoyens, quelle que soit leur religion,
jouiront de droits égaux »
L'idée d'un Etat binational remonte plus loin dans
l'histoire, précisément aux années 1920, où un
groupe d'intellectuels sionistes liés à l'Université
hébraïque de Jérusalem, notamment Judah Magnes, Martin
Buber, Hugo Bergmann et HaïmKalvarisky, fondèrent en 1925
l'association Brit Shalom « Alliance de Paix ». Cette alliance
prône la reconnaissance réciproque de deux nationalismes arabe et
juif afin d'aboutir à la constitution d'un état binational en
Palestine. Les partisans les plus avancés, comme Dr Magnes et Dr
Bergmann, disaient même : « Nous sommes avant tout Palestiniens et
ensuite Juifs et Arabes ». Toutefois, pendant le Mandat britannique, les
partisans de l'option binationale étaient minoritaires au sein du
mouvement sioniste, bien qu'influents.
A cette période, les Palestiniens quant à eux,
toute en réfutant les revendications sionistes sur la Palestine,
revendiquaient « un gouvernement national responsable devant une chambre
élue parmi ceux qui résidaient en Palestine avant la guerre,
Musulmans, Chrétiens et Juifs. » (Paul BEBHIN, 2004:23)
Une distinction était ainsi faite entre les Juifs
immigrés et ceux « arabisés d'entre eux, présents
dans la région avant la guerre, ils sont comme nous avec
l'égalité des droits et des devoirs.
Soixante-cinq ans après la division de la Palestine,
l'option bi nationaliste fait
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un retour triomphant et apparaît comme seule alternative
à l'échec de la solution bi étatique. Des intellectuels
célèbres Arabes et Juifs, tels que Edward Saïd, Azmi
Bishara, Ilan Papé, Tanya, Reinhart, etc., estiment que cette solution
est inévitable. Pour certains la question n'est plus de savoir «
s'il y aurait un jour un Etat binational en Palestine-Israël, mais de
définir quel type de bi nationalisme serait mis en place » 894.
Citons ici un article d'un cadre de l'OLP intitulé « la Palestine
de demain », apparu en 1971, dans lequel il expose la vision de son
organisation sur l'Etat démocratique. Cet Etat couvrira le territoire de
la Palestine mandataire, sa population comprendra ses habitants : les Juifs,
les Palestiniens sous occupation ou en exil, « du moment qu'ils acceptent
d'être égaux sans déroger à la loi commune ni jouir
de privilèges ». Il poursuit en donnant une conception moderne d'un
Etat de droit à la française, allant plus loin que
l'espérance binationale, où le nouvel Etat ne sera pas
communautariste ou binational, mais uni, indivisible et laïque et
où « les différences confessionnelles ne devront pas s'y
cristallier et toute discrimination religieuse ou raciale sera interdite»
895. Mais cet Etat binational ou démocratique, bien qu'il constitue le
cadre idéal pour régler tous les aspects du conflit 896, pose,
néanmoins, beaucoup de questions. A supposer que le projet
uni-étatique soit adopté par le peuple palestinien - ce qui n'est
pas le cas à en croire un sondage 897 - comment arrivera-t-on à
convaincre les Israéliens de renoncer au sionisme et à leur Etat
« juif» dans ce rapport de force qui est à leur avantage ?
Quels sont les moyens à mettre en oeuvre «pour convaincre la grande
majorité des Israéliens qu'ils ont intérêt à
coexister avec les Palestiniens dans un Etat qui, à la différence
du leur, ne leur appartiendra pas exclusivement 898» D'un autre
côté, Israël constitue aujourd'hui un Etat binational de
facto. De plus, puisqu'Israël refuse de restituer les Territoires
Occupés et y installe des centaines de milliers de colons, transformant
ces Territoires en enclaves et mettant, par conséquent, fin à la
possibilité d'un Etat palestinien, autant dans ce cas revendiquer
l'intégration dans un seul Etat. Quant aux Palestiniens, il peut
s'avérer difficile de les convaincre de renoncer à la
revendication d'un Etat indépendant pour lequel ils luttent depuis
quarante ans et de s'engager à nouveau dans un projet dont la
réalisation pourrait prendre encore quelques décennies. Selon le
député arabe israélien Mohamad baraka, l'Etat unique en
tant qu'idée démocratique nécessite une construction de
longue haleine et de profondes convictions qui peuvent être
réalisées seulement à la suite d'une longue période
de coexistence pacifique entre un Etat palestinien indépendant et
Israël, libéré de ses
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complexes sioniste.
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