CHAPITRE SIXIEME :
LES CAUSES DE CETTE FAIBLE IMPLICATION POLITIQUE DE LA
POPULACE
Dans le chapitre précédent, nous avons
essayé d'appréhender ce phénomène sur un aspect
microsocial. Cependant, ayant opté pour une approche du fait social
total (Marcel Mauss)129, nous ne saurons mettre de coté E.
Durkheim 130qui relevait qu'un phénomène social est
déterminé socialement, mettant ainsi au devant les
déterminants sociaux. C'est également dans ce sens que Lazarsfeld
mentionnait que :
« Les individus pensent politiquement comme ils sont
socialement »
Ce qui nous amènera donc à examiner la place de
l'âge, du sexe, du niveau d'étude (I), celle de l'appartenance
religieuse, ethnique et du niveau de revenus dans la faible implication
politique de la populace dans les bidonvilles.
6-1- LA PLACE DE L'AGE, DU SEXE ET DU NIVEAU
D'ETUDE 6-1-1- L'âge et le sexe
Nous nous appuierons sur les tableaux construits sur la base
du dépouillement de nos questionnaires administrés. La variable
dépendante étant ici l'intérêt que la populace a
pour la politique, nous la croiserons avec l'âge et le sexe qui sont les
variables indépendantes. Dès lors, utilisons le premier tableau
:
Tableau 16 : intérêt pour la vie
politique et tranche d'âge
Intérêt vie politique Age
|
Oui
|
Non
|
Total
|
20-30
|
42 /16,8%
|
55/22%
|
97/38,8%
|
30-40
|
35/14%
|
50/20%
|
85/34%
|
40-50
|
19/7,6%
|
23/9,2%
|
42/16,8%
|
50 et plus
|
15/6%
|
11/4,4%
|
26/10,4%
|
Total
|
111/45%
|
139/55%
|
250/100%
|
Source : par nos soins
129 Marcel (mauss), op. cit.
130 Durkheim (Emile), Les Règles de la Méthode
Sociologique, 1895
Rédigé et défendu par : NANTCHA
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LA PARTICIPATION POLITIQUE DANS LES BIDONVILLES : LES
CAS DE NEW-TOWN AEROPORT ET DE NEW-BELL DOUALA
Ce tableau établit une relation entre
l'intérêt pour la vie politique et l'âge.
La lecture majoritaire nous montre que le
désintérêt pour la vie politique est plus fort que
l'intérêt. Ceci est dû au fait que dans les bidonvilles, les
habitants la considèrent comme une chose compliquée et dont il
faudrait s'en méfier.
La lecture différentielle permet de relever qu'il y a
d'avantage d'individus âgés entre 20 et 40 ans que ceux dans la
tranche 40 ans et plus. Dès lors, il nous donne à croire que ce
désintérêt est plus grand chez les plus jeunes (42%) et que
ce désintérêt diminue avec l'âge puisque 50% des
individus âgés entre 40 ans et plus, s'intéressent à
la vie politique contre 42,30% des individus âgés entre 20 et 40
ans qui s'intéressent à la vie politique.
Ainsi, ce degré d'implication peut s'expliquer par le
fait que ces quartiers regorgent majoritairement des jeunes qui sont volatiles
sur le plan politique, c'est-à-dire qu'ils n'ont pas de conviction ou
une idéologie politique stable. En effet, nous avons pu observer sur le
terrain des jeunes qui faisaient du bruit lors des campagnes
électorales, mais qui en faitn'avaient aucune connaissance de la
politique. De plus, de part le manque de socialisation politique primaire, ils
ne savent pas les évènements politiques, encore moins comment s'y
comporter. En ce qui concerne le fait que le désintérêt
pour la vie politique diminue lorsque l'âge augmente, nous avons vu dans
le premier chapitre que les individus qui se situaient dans la tranche
d'âge 40 ans et plus concevaient la politique comme :
« Tout ce qui concerne la vie de l'homme.
C'est-à-dire ce qui concerne la satisfaction de ses besoins à
savoir : l'électricité, l'eau, l'éducation, la route, la
sécurité... »
M. Jonas de New-Bell Ngangue
Ce qui renvoie donc à dire que tout homme devrait s'y
intéresser, car qu'on le veuille ou pas, cela impacte sur la vie de
chacun. Aussi, ils sont contraints par leurs différents groupes de
référence : associations du quartier, lieu de travail et groupe
de pair. C'est ce que nous relata Mme. Barga de New-Town :
« Ce qui fut le cas lors de ces dernières
élections présidentielles, législatives et municipales,
où une pression indirecte fut mise sur nous, les parents à
s'inscrire et à aller voter ».
Ainsi, nous pouvons dire que le déterminisme social
permet de noter que la participation politique dans les bidonvilles est
corrélée à l'âge, car les individus les moins
âgés s'intéressent moins à la vie politique et que
ce désintérêt diminue lorsque l'âge augmente.
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Observons le second tableau
Tableau 17 : intérêt pour la vie
politique et le sexe
Intérêt vie politique sexe
|
Oui
|
|
Non
|
|
Total
|
|
Masculin
|
68/
|
27,2%
|
87/
|
34,8%
|
155/
|
62%
|
Féminin
|
43/
|
17,2%
|
52/
|
20,8%
|
95/
|
38%
|
Total
|
111/
|
45%
|
139/
|
55%
|
250/
|
100%
|
Source : par nos soins
Ce tableau établit un lien entre l'intérêt
pour la vie politique et le sexe
La lecture majoritaire permet de voir que le
désintérêt (55%) l'emporte sur l'intérêt (45%)
pour la vie politique. Le désintérêt l'emporte ici tout
simplement parce que les individus de sexe féminin sont moins nombreux
que ceux de sexe masculin et que parmi ces derniers, il y a plus de jeunes que
d'adultes et de personnes âgées. Or nous avons vu dans les
quelques lignes précédentes que les jeunes s'intéressaient
peu ou pas à la vie publique.
La lecture différentielle relève qu'il y a moins
de femmes que d'hommes. Notons aussi que 54,73% des femmes ne
s'intéressent pas à la vie politique contre 56,12% des hommes.
Bref, ce tableau vient remettre sur la scène le statut de « cadets
sociaux » de la femme131, puisque la société
considère qu'elle n'a pas de statut politique et qu'elle est
confinée dans le foyer à faire les taches domestiques alors
qu'elle représente approximativement « 51% »132 de
la population totale.Ce qui nous permet de mettre sur la sellette la
théorie du « cens caché » pour relever que l'homme et
la femme n'ont pas un égal accès aux ressources
nécessaires à la compétence politique, car la
discrimination de genre est existante entre l'homme et la femme.
Voilà pour ce qui de l'âge et du sexe, qu'en
est-il du niveau d'étude et de la situation matrimoniale ?
6-1-2- La place de la situation matrimoniale et le niveau
d'étude
Nous nous servirons une fois de plus des tableaux issus de
notre fiche de dépouillement. Soit le tableau ci-dessous :
131 Bayart (j-f), La Politique par le Bas
132 Nana-Fabu, S., op. cit., P.73
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Tableau 18 : intérêt pour la vie
politique et situation matrimoniale
Intérêt vie politique Situation
matrimoniale
|
Oui
|
Non
|
Total
|
Célibataire
|
50/20%
|
53/21,2%
|
103/41,2%
|
Marié
|
38/15,2%
|
59/23,6%
|
97/38,8%
|
Veuf (ve) s
|
10/4%
|
12/4,8%
|
22/8,8%
|
Divorcé
|
13/5,2%
|
15/6%
|
28/11,2%
|
Total
|
111/45%
|
139/55%
|
250/100%
|
Source : par nos soins
Ce tableau établit un rapport entre
l'intérêt accordé à la vie politique et la situation
matrimoniale.
A l'issue de la lecture majoritaire, il y a toujours moins de
personnes qui s'intéressent à la vie politique, ceci pour les
mêmes raisons que celles des deux premiers tableaux.
La lecture différentielle révèle que les
individus mariés ou célibataires s'intéressent davantage
à la chose publique que les divorcés et les veufs. En effet, ce
sont les mariés et les célibataires qui considèrent la
politique comme :
« Un monde de tromperie, dangereux. De plus, il y a
mieux à faire que de s'y intéresser, car cela n'améliore
pas les conditions de vie et est réservé aux autres, bien plus
compétents »
D'après ce tableau, plus on est marié et
célibataire moins on s'intéresse à la gestion de la chose
publique dans la populace.
Soit le deuxième tableau :
Tabeau19 : intérêt pour la vie
politique et niveau d'étude
Intérêt vie politique Niveau d'étude
|
Oui
|
Non
|
Total
|
Primaire
|
14/5,6%
|
21/8,4%
|
35/14%
|
Secondaire
|
48/19,2%
|
62/24,6%
|
110/44%
|
Supérieur
|
43/17,2%
|
45/18%
|
88/35,2%
|
Sans niveau
|
06/2,4
|
11/4,4%
|
17/6,8%
|
Total
|
111/45%
|
139/55%
|
250/100%
|
Source : par nos soins
Ce tableau établit un lien entre l'intérêt
pour la vie politique et le niveau d'étude.
LA PARTICIPATION POLITIQUE DANS LES BIDONVILLES : LES
CAS DE NEW-TOWN AEROPORT ET DE NEW-BELL DOUALA
Au niveau de la lecture majoritaire, le constat est le
même.La lecture différentielle quant' à elle montre que ce
sont les individus qui ont un niveau inférieur ou égal au
secondaire qui sont les moins intéressés. En nous appuyant sur le
sens caché de la participation politique de Daniel Gaxie, nous
comprenons que ce désintérêt est la résultante d'un
sentiment d'incompétence politique qui les amène à
s'exclure eux-mêmes. Pour illustrer cela, reprenons ces paroles de cette
femme de ménage :
« ... mais là j'ai pas beaucoup de temps.
J'aurais plus de temps, ben là je m'en occuperais, j'essaierais de
savoir certaines choses quoi, de suivre plus. C'est-à-dire qu'en
étant plus informé, on peut déjà plus discuter avec
certaines personnes. Quand on sait pas grand-chose, on reste un peut à
l'écart »
De plus, nous avons des individus que lors des entrevues ne
savaient et ne comprenaient pas ce que c'est que la politique, encore moins ce
que c'est que participer à la gestion de la chose publique.
Ainsi, le niveau d'étude conditionne le degré
d'implication politique des individus au point où nous pouvons donc dire
que le désintérêt pour la vie politique, trouve une cause
dans le bas niveau scolaire des habitants de bidonvilles (64,8%) comprenant le
primaire, les sans niveau et le secondaire.
Que nous apportent l'appartenance religieuse, l'appartenance
ethnique et le niveau de revenu.
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