II. CONTEXTE GEOLOGIQUE
II.1 Géologie régionale
La région est caractérisée par un socle
constitué en plus grande partie par le complexe de la Lukoshi, formation
antékibarienne1 (plus ancienne que 1300 Ma), dont l'âge
est plus ancien que 2.100Ma (Ledent et al., 1962). Cet ensemble fortement
plissé comprend des roches magmatiques (granites, gabbros,
pyroxénites) et des roches métamorphiques. Ces
dernières
1 Voir l'échelle des temps géologiques
des différentes périodes géologiques mentionnées
dans ce travail (annexe 1).
sont principalement localisées entre la Lukoshi et la
Luashi et il s'agit principalement de phyllades, micaschistes, gneiss, schistes
amphiboliques et quartzites (Doyen, 1974).
Une couverture composée des formations plus
récentes recouvre le complexe à l'ouest et au sud. Cette
couverture est constituée principalement des latérites mais
également des sables, des grès, des quartzites récents et
des alluvions (figure II.1.1).
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Figure II.1.1 : Extrait de la carte géologique et
minière de la République Démocratique du Congo (MRAC,
2013)
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Les gisements de Kisenge, Kamata et Kapolo se situent dans les
micaschistes à proximité des schistes amphiboliques (figure
II.1.2).
Figure II.1.2 : Carte géologique du polygone
d'exploitation du Bécéka-Manganèse. Projection conforme de
Gauss, C.S.K.I. (Schuiling, 1956 in Doyen, 1974).
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II.2. Présentation générale du
gisement
D'après les observations faites par Doyen (1974), le
gisement est constitué des concentrations minérales stratiformes
formées d'une succession de quatre horizons, comprenant de la base au
sommet des :
> schistes noirs, légèrement
manganésifères,
> gondites2 à spessartine et à ciment
de rhodochrosite,
> carbonate de manganèse (rhodocrosite)
stratifié, à matière graphiteuse et à cristaux
de
sperssartine,
> schistes de teinte claire et stériles
(séricito-schistes3).
Le minerai qui est exploité en carrière constitue
le « chapeau de fer » du gisement. Ses parties riches proviennent de
l'oxydation des couches formées essentiellement de rhodochrosite
(horizon 3), tandis que le minerai pauvre provient de l'oxydation des gondites
(horizon 2), (Doyen, 1974). L'ensemble de la série est intercalé
dans le complexe de la Lukoshi.
II.3 Origine du manganèse primaire de Kisenge
Nous entendons par minerai primaire, le minerai profond non
oxydé et non altéré, c'est-à-dire le minerai
principalement carbonaté métamorphisé (horizons 2 et 3),
constitué en majorité de rhodocrosite.
La rhodocrosite peut avoir trois origines
génétiques :
> se former par circulation hydrothermale dans les fissures
;
> se substituer à une phase minérale
préexistante, calcaire ou dolomitique ;
> se former par précipitation chimique en milieu aqueux
réducteur (processus sédimentaire).
Doyen (1974) approuve l'hypothèse sédimentaire par
précipitation pour évoquer l'origine du manganèse de
Kisenge grâce à ses observations dont notamment le fait que le
minerai carbonaté de manganèse soit interstratifié, la
présence des structures sédimentaires (plan de stratification,
fente de dessication,...), la présence de structures algaires,... et
propose le schéma sédimentaire suivant :
> Un continent formé principalement des roches
magmatiques (granites) et de peu de roches volcaniques ou métamorphiques
dont l'érosion apporte dans un bassin
2Le terme gondite fut défini par Fermor en 1909
pour désigner des roches métamorphiques à silicates
manganésifères composées principalement de spessartine
[Mn3Al2(SiO4)3] et de rhodonite [Mn2(SiO3)2].
3 Le terme séricito-schiste désigne un
schiste du métamorphisme général avec abondance de
séricite (petits cristaux de micas blancs) donnant un aspect soyeux en
surface.
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sédimentaire des éléments sous forme solides
(fractions détritiques) et des constituants des roches magmatiques (Si,
Al, Ca, Mg, K, Fe, Mn,...) en solution.
? Dans le bassin, les fractions détritiques se
déposent, alors que les éléments en solution se
concentrent dans un endroit confiné. Ce bassin semi fermé et
limité en extension, est considéré comme faisant partie
d'une série de bassins de ce type, observés tout au long de ce
que devait être la côte de l'époque.
? L'échange réduit avec la mer libre et une
évaporation intense favorisent la concentration des
éléments en solution. Certains de ceux-ci accentuent le
développement rapide de la principale flore de l'époque : les
algues. Leur abondance devient telle qu'il s'en suit un « désastre
». Il se dépose alors des boues noires, riches en matières
organiques, qui par diagenèse et métamorphisme donneront des
schistes noirs graphiteux.
? Sous l'influence conjointe de l'évaporation et des
algues (les algues sont principalement liées à la zone de
battements des vagues), les conditions physico-chimiques des eaux du bassin
vont favoriser la sédimentation chimique. Celle-ci débute par la
précipitation du fer puis celle du manganèse, dans des conditions
réductrices. Ces précipitations s'effectuent sous forme de
carbonate. A ce moment-là l'apport terrigène est presque nul.
Signalons que les gisements de manganèse
sédimentaires représentent environ 90% des gisements de
manganèse mondiaux.
La série carbonatée décrite ci-dessus est
actuellement disposée en série renversée à pendage
sud. Ce qui témoigne d'une activité tectonique dont la direction
générale était Ouest - Est. Une partie au moins du
gisement a subi un métamorphisme mézosonal à staurotide -
disthène -andalousite - biotite - almandin, qui a permis la
cristallisation de la spessartine. Mais ce métamorphisme se marque
également sur le terrain par des amphiboles et des phyllites qui
traversent, soit le minerai primaire carbonaté, soit les gondites
(Doyen, 1974).
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