2- Les angles de traitement :
Le Messager, avant le cinquantenaire de la
réunification a comme angle de traitement dans les récits
concernant cette célébration, le retard accusé par ces
festivités qui auraient dues
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La médiatisation de la « question anglophone
» dans les journaux camerounais pendant la célébration du
cinquantenaire de la réunification du Cameroun.
avoir lieu des années auparavant. En témoigne le
chapeau de Joseph Olinga dans son article Buéa entre espoir et
résignation : « Quatre ans après la date initiale
fixée pour la célébration du cinquantenaire de la
réunification, la Région du Sud-ouest continue d'attendre le
grand jour ». Pendant la période du cinquantenaire, Le
Messager a comme angle de traitement la réconciliation
manquée entre anglophones et francophones. Dans le chapeau de Blaise
Pascal Dassie on peut lire : « le leader du social democratic front
(Sdf) qui a assisté à la grande parade de Buéa pense que
le Chef de l'Etat a nargué les camerounais en donnant l'impression que
tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles69
» et de manière plus claire et plus évocatrice le titre de
l'article d'Edouard Kingue publié dans Le Messager n°4024
du lundi 24 février 2014 « Buéa sans mémoire : la
réconciliation n'a pas eu lieu ». Les angles de traitement qui
suivront ne seront que des corollaires de la réunification
manquée, notamment le travestissement de l'histoire du Cameroun avec
comme titres : - « Le Manidem décrie la mystification'
de l'histoire du Cameroun », - « des avocats exigent le
fédéralisme », - « Regard 20 mai 1972 : un coup de
force d'Ahidjo », - « Devoir de mémoire : la
réunification dans les oubliettes ». Sur la question anglophone
spécifiquement Le Messager a toujours eu comme angle de
traitement la marginalisation de cette minorité comme en
témoignent ces titres : - « marginalisation des anglophones : le
sénateur Nfon Victoire Mukete met le régime en garde », -
« Tchiroma et Vamoulke sourds aux cris des anglophones », - «
CRTV : les anglophones dénoncent la discrimination », - «
revendication : les avocats anglophones du Common Law exigent le retour au
fédéralisme ».
The Post sur la « question anglophone »,
publie pour la plupart des interviews. Pendant le cinquantenaire de la
réunification le journal anglophone souhaite que l'on parle de la «
question anglophone » et a de ce fait pour angle de traitement l'oubli
volontaire de la « question anglophone ». Le journal commet des
articles avec pour titre : - « Address Anglophone problem before it boils
over », -« Admit Anglophone problem, Prof Pondi tells Gov't », -
« At Réunification Celebration, Northwest Elites demand Equity
» ou encore l'extrait du Premier Ministre qui n'a pas dialogué avec
le leader du SCNC en lui recommandant : « Yang tells activists : if you
want dialogue form political party ». Cependant, dans le dialogue entre
anglophones sur la « question anglophone », vu que The Post
ne s'adresse pas qu'aux francophones mais aussi et surtout aux
anglophones, ce journal utilise un angle de traitement qui est aussi
récurrent : la désunion des anglophones, qui est à
69Le Messager, du vendredi 21 février
2014, Page 5
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La médiatisation de la « question anglophone
» dans les journaux camerounais pendant la célébration du
cinquantenaire de la réunification du Cameroun.
l'origine de la création du « problème
anglophone ». A cet effet The Post a publié des titres
comme - « Anglophone's worst Enemy is the Anglophone » phrase
tirée d'une interview de Nico Halle70,- « Babungo Fon
named as frustated idiot », À « Reunification Celebrations
fallouts : Fons, Chiefs wash Royal linen in public ».
Cameroon Tribune choisit en guise d'angle de
traitement de s'appesantir uniquement sur les festivités marquant le
cinquantenaire de la réunification, sur les changements visibles dans la
ville de Buéa et sur la consolidation de l'unité nationale au
détriment de la « question anglophone » qui serait plus
embarrassante. D'ailleurs c'est une question tellement sensible que les
journalistes de ce quotidien n'osent même pas s'y risquer. L'un des rares
titres allant dans le sens de l'ouverture au dialogue sur la « question
anglophone » est un extrait du propos de l'évêque
émérite de Mamfe Teke Lysinge publié en anglais de
surcroit « We still need continue discussing »71.
B- TITRAILLE ET ILLUSTRATIONS : 1- La titraille
:
Les quotidiens observés dans notre étude nous
permettent de desceller une différence dans l'utilisation de la
titraille. Pour Le Messager, le cinquantenaire de la
réunification est utilisé comme prétexte de l'information
et non comme l'information elle-même. Le Messager titre : «
cinquantenaire de la réunification : Buéa sans mémoire :
la réconciliation n'a pas eu lieu ». C'est cette annonce qui
devient l'information.
Par contre, Cameroon Tribune opère une forme
de cadrage centré sur le cinquantenaire pour donner à cet
évènement une envergure nationale. « Reunification :
Withnesses Speak of Event », « cinquantenaire de la
réunification : que la fête commence ! », «
Cinquantenaire de la réunification : Paul Biya à Buéa
», « cinquantenaire de la réunification : mémorable !
». Ici c'est l'évènement cinquantenaire qui est mis en avant
comme pour ne pas s'appesantir sur une réalité (qui serait
gênante).
Dans le journal de langue anglaise The Post, au mois
de février 2014 la rédaction a pris la peine dans sa titraille
d'écrire en rouge certains mots, question de les mettre en exergue.
70The Post, n°1506, du vendredi 21
février 2014
71 Traduction « nous avons toujours besoin de
continuer à discuter ».
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La médiatisation de la « question anglophone
» dans les journaux camerounais pendant la célébration du
cinquantenaire de la réunification du Cameroun.
Lundi le 03 février 2014 la Une de The Post
propose : « Tiko Airport may be Re-opened », lundi le 17
février 2014 : « No Beer before Welcoming Biya to Buea »,
vendredi le 21 février 2014 : « Ahidjo, Foncha, Endeley ignored at
Reunification Jubilee ». Ces trois mots : ré-ouvert, accueil et
oublié sont symptomatiques du ressentiment anglophone concernant un
problème oublié pendant longtemps, qui a été
ré-ouvert avec l'accueil du Président de la République
dans la ville de Buéa.
Toutefois, notons que la titraille de The Post est
constante sur la « question anglophone ». Le CT n'a produit aucune
titraille explicite sur le « problème anglophone » ; le
journal s'est plutôt focalisé sur l'évènement en
cours. Le Messager quant à lui progresse de manière
croissante avec la « question anglophone ». Il part du même
postulat que le Cameroon Tribune en ne produisant aucun titre
explicite sur le « problème anglophone » pendant
l'évènement cinquantenaire mais passé cet
évènement Le Messager se penche sur la question en se
focalisant sur la discrimination dans les corporations des professionnelles :
des journalistes anglophones à la CRTV et des avocats anglophones au
barreau avec des titres comme « Des avocats exigent le
fédéralisme » ou encore « CRTV les anglophones
dénoncent la discrimination.
- Les titres de pages internes :
Le distinguo doit tout de même être fait entre la
titraille des « Unes » et la titraille des pages internes. En pages
internes les titres du Cameroun Tribune s'apparentent à des
slogans pompeux : « Maroua : la paix exaltée », « le
flambeau toujours plus haut », « unis, décrocher l'avenir
», « Garoua : le patriotisme magnifié », « Douala :
Unity in diversity », « Yaoundé à l'unisson »,
« consensus sur l'unité nationale » etc. Cette titraille est
à la fois propagandiste et interpellative. Il existe ici une
volonté manifeste d'agir sur le lecteur, pour susciter chez lui une
réaction d'adhésion.
Le Messager dans sa titraille en page interne cherche
à relever les couacs de cette célébration. Exemple
: « Buéa sans mémoire : la réconciliation n'a pas eu
lieu », « célébration : Foumban reste sur sa soif
» ou encore « un cinquantenaire sans symbole ».
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La médiatisation de la « question anglophone
» dans les journaux camerounais pendant la célébration du
cinquantenaire de la réunification du Cameroun.
The Post dans sa titraille interne fait l'effort
à chaque fois de faire apparaitre la « question anglophone »
de manière subtile en pied72 de « Une » : «
Address Anglophone Problem before it Boils over », « Yang tells
Activists : if you want Dialogue, form Political Party », « Admit
Anglophone Problem, Prof. Pondi tells Gov't ».
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