B- LES FESTIVITÉS DU CINQUANTENAIRE DE LA
RÉUNIFICATION :
Cameroon Tribune nous informe de ce que tout a
commencé à Buéa le 16 février 2014 en
après-midi, par une célébration inter-religieuse. Le
comité d'organisation dont le PCO est le Directeur du cabinet civil de
la Présidence de la République, Martin Bélinga Eboutou a
choisi cette formule pour baliser le chemin de la paix, de la tolérance
et de l'unité dans la diversité. L'évêque du
diocèse de Buéa Immanuel Bushu a indiqué dans son
homélie que le sens de cette action de grâce est de dire merci
à Dieu pour les bienfaits abondants octroyés à notre pays
le Cameroun. Pour aller dans ce sens, le journaliste Essama Essomba signe un
reportage intitulé « une prière en guise de coup d'envoi
»64. L'envoyé spécial à Buéa de
Cameroon Tribune écrit: « ...ils ont imploré Dieu
très haut et très grand en chantant des sourates, afin qu'il
continue à protéger notre pays des maux de la division ».
Le 17 février 2014 a eu lieu à
l'amphithéâtre 750 de l'université de Buéa, le grand
colloque de Buéa sous le thème : « de la
réunification à l'intégration : 50 ans de construction
nationale ». Ledit colloque a été ouvert par le Premier
Ministre Philémon Yang et les travaux ont été
dirigés par le Ministre Fame Ndongo de l'enseignement supérieur.
Le quotidien Cameroon Tribune nous rapporte que la parole a
été donnée à 27 personnalités de la classe
politique nationale, du monde universitaire, des confessions religieuses, des
chefferies traditionnelles etc. Trois sous-thèmes ont été
abordés : le premier : l'unité nationale mythe ou
réalité ? Le deuxième : la dynamique intégrative
après 50 ans de réunification. Le troisième : la dynamique
de convergence entre les deux sous-systèmes éducatifs francophone
et anglophone. Philémon Yang a ouvert les travaux en rappelant que le
processus d'indépendance et de réunification du Cameroun est
irréversible, tout comme celui de l'unité et de
l'intégration nationale. Mais, durant les échanges, Jacques Fame
Ndongo a expliqué à tous les participants, en langue anglaise
qu'il n'y a pas de sujet tabou. La parole étant libre, l'enseignant
d'université Daniel Abwa en revisitant le processus historique depuis la
colonisation allemande jusqu'à nos jours, soutient que l'unité du
Cameroun n'est pas un mythe. Son collègue anglophone, Fanso Werfijika
avance que sans la prise en compte de certaines réalités et
droits pour l'égalité, cette unité demeure un mythe. Njoh
Litumbe dont la
accords signés avec les rebelles de la
Séléka qui s'articulaient autour de 10 points. La situation s'est
envenimée et ils se sont mis en route vers la capitale Bangui où
s'en est suivie une guerre civile...Il y a beaucoup de groupes de pression
anglophone au Cameroun qui s'intéresse au problème anglophone
»
64Cameroon Tribune, Du lundi 17
février 2014
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La médiatisation de la « question anglophone
» dans les journaux camerounais pendant la célébration du
cinquantenaire de la réunification du Cameroun.
thèse demeure qu'il n'y a pas eu mariage entre les deux
Cameroun, évoque le « problème anglophone » et propose
éventuellement un dialogue avec le SCNC. Sur cette question le PM a
été clair : « qu?il crée un parti politique et
dans ce cadre, comme tous les partis légalisés, dialogue avec les
pouvoirs publics ».
Un fait marquant et significatif de ce cinquantenaire,
l'arrivée du Président de la République Paul Biya
accompagné de son épouse à l'aéroport de Tiko
annoncée dans un communiqué signé du DCC le 17
février 2014 : « Monsieur le président de la
République, son excellence Paul Biya, en compagnie de son épouse
Madame Chantal Biya, effectuera dès le mardi 18 février 2014, une
visite officielle dans la région du Sud-Ouest, où il
présidera les manifestations du cinquantenaire de la
réunification du Cameroun ». Une arrivée triomphale en
hélicoptère à Tiko, qui vient bousculer le programme de
ces festivités et imposer au Cameroon Tribune journal
pro-gouvernemental de publier le nouveau programme des festivités. Le CT
n'en finit plus avec sa titraille pour magnifier cette arrivée : «
Paul Biya à Buéa ce jour »65, « Le Chef de
l'Etat en visite officielle à Buéa »66,«
Tiko comme en 1961 », « Liesse populaire au pied du mont Cameroun
»,« Tiko Airport : Where Reunification begins ».Sur le tarmac de
l'aéroport de Tiko, une foule en liesse mais surtout deux enfants : la
petite Ada Elisabeth Ngongi, élève à l'école
anglophone Kingston School de Buéa et le petit Ngono Bikanga de
l'école francophone de Buéa, qui remettent chacun à son
tour un bouquet de fleur, respectivement au président de la
République et à la première dame, Chantal Biya.
Plus tôt ce 18 février 2014 a eu lieu dès
7h30, la marche de la réunification dans toutes les 10 régions du
Cameroun. Ensuite place a été laissée en soirée
à un spectacle riche en son et lumière intitulé : «
la marche en avant » et mettant en scène les fresques historiques
du Cameroun. Un vibrant hommage a été rendu aux héros de
l'indépendance et de la réunification du Cameroun. Des
séquences laissant apparaitre des images avec des personnages
historiques tels que Um Nyobe, André Marie Mbida, Ahmadou Ahidjo,
Ossende Afana, Félix Moumié, Ernest Ouandjié, John Ngu
Foncha, Chief Endeley, Madola, Egbe Tabi, Ngom Jua, Salomon Tandem Muna ont
été mises en exergue. Le 19 février 2014, le monument des
cinquantenaires a été inauguré en matinée. En fin
d'après-midi a eu lieu l'ouverture solennelle de la retraite aux
flambeaux, suivi en début de soirée de l'ouverture du
65Cameroon Tribune, Du mardi 18
février 2014 66Idem, Page 3
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La médiatisation de la « question anglophone
» dans les journaux camerounais pendant la célébration du
cinquantenaire de la réunification du Cameroun.
feu de camp par les scouts en prélude à la
grande soirée culturelle à laquelle ont pris part des artistes
musiciens et des humoristes. Et puis le 20 février 2014,
cérémonie protocolaire marquant le cinquantenaire de la
réunification à la place des fêtes de Buéa. Pendant
son discours de circonstance à la nation, Paul Biya a rendu hommage aux
artisans de l'indépendance et de la réunification. Le Chef de
l'Etat a salué la marche héroïque vers la
réunification, la construction de l'Etat du Cameroun, souligné ce
qui a été fait en matière d'éducation,
d'infrastructure de transport, d'industrialisation et dans le secteur de la
santé. Le président de la république a dressé le
bilan des évolutions du Cameroun de la période de
l'indépendance jusqu'à nos jours et évoqué les
perspectives d'avenir.
Pour bon nombre d'observateurs, la réconciliation n'a
pas eu lieu pendant le cinquantenaire de la réunification. L'on s'est
limité aux festivités sans poser des actes forts allant dans le
sens du dialogue constructif, de l'apaisement, de la réparation d'un
préjudice historique, bien que le débat sur la question
anglophone ait été évoqué lors des travaux en
plénière pendant le colloque.
CHAPITRE III : STRATÉGIES DE CONSTRUCTION
DE LA « QUESTION ANGLOPHONE » DANS LES JOURNAUX
CAMEROUNAIS
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La médiatisation de la « question anglophone
» dans les journaux camerounais pendant la célébration du
cinquantenaire de la réunification du Cameroun.
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La médiatisation de la « question anglophone
» dans les journaux camerounais pendant la célébration du
cinquantenaire de la réunification du Cameroun.
La « question anglophone » comme tous les autres
questionnements sociaux, pour apparaitre dans le paysage médiatique
camerounais doit préalablement faire l'objet d'une construction. Les
journaux sont avant tout des entreprises de presse. Ils mettent en oeuvre des
politiques de captation de l'audience pour traiter d'une information dans leurs
colonnes. Ces manoeuvres ont un triple objectif : premièrement sur un
plan purement professionnel, il est question de traiter de manière
optimale le sujet dans le but d'en ressortir les pourtours et les contours ;
deuxièmement sur un plan économique, le traitement de
l'information doit accrocher le « lecteur de Une 67» au
point de le pousser à acheter le journal, à le lire et à
le faire lire. Troisièmement sur un plan éthique et
déontologique, le ton donné aux articles à paraitre, doit
respecter la ligne éditoriale du journal. C'est à ce triptyque
que se greffent les autres éléments qui participent de la
médiatisation d'une information dans la presse. Dans cette partie
liminaire, il sera question d'étudier les opérations qui
concourent à la mise en page et à la mise en discours de la
« question anglophone » pendant la célébration du
cinquantenaire. Nous allons distinguer trois étapes précises : la
période pré cinquantenaire, la période du cinquantenaire
et la période post cinquantenaire, pour étudier le traitement de
la « question anglophone ». Ces étapes nous permettront
d'analyser les trois journaux de notre corpus dans le but de savoir comment ils
traitent de la « question anglophone », de vérifier s'ils
respectent la distance minimale du discours informatif par rapport à
l'information en fonction de leur périodicité. A travers les
sources, l'étude des stratégies de langage et les
différents genres journalistiques utilisés, nous pourrons
comprendre le processus de médiatisation de la « question
anglophone » au Cameroun. Nous veillerons à bien faire la
différence entre la mise en récit de la « question
anglophone » dans la presse écrite avant, pendant et après
le cinquantenaire de la réunification.
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