II- LE DÉROULEMENT DU CINQUANTENAIRE DE LA
RÉUNIFICATION
Beaucoup d'incertitudes ont émaillé les
préparatifs de ce cinquantenaire de la réunification. Le lieu de
son organisation ? Le déroulement de cet évènement ? Ses
articulations ? La symbolique qui le caractérisera ? Les
festivités qui le couronneront ? La
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La médiatisation de la « question anglophone
» dans les journaux camerounais pendant la célébration du
cinquantenaire de la réunification du Cameroun.
présence ou non du Chef de l'Etat ? Le budget
alloué à cet évènement ? L'évocation ou non
des martyres du Cameroun pendant les festivités ? Etc.
A- LES PRÉPARATIFS DU CINQUANTENAIRE DE LA
RÉUNIFICATION :
Dans sa traditionnelle adresse à la nation du 31
décembre 2009, le Chef de l'Etat, son Excellence Paul Biya, a
annoncé la célébration des cinquantenaires de
l'indépendance et de la réunification en 2010. Plus tard, le 17
mai 2010 dans son message à l'occasion de la célébration
du cinquantenaire de l'indépendance, le Chef de l'Etat a
précisé sa pensée : « Mes chers compatriotes, le 31
décembre dernier, je vous ai annoncé que nous
célébrerions cette année le cinquantenaire de notre
indépendance, prélude à notre réunification et que
les commémorations trouveraient leur apothéose lors de notre
fête nationale ». 58 Toujours des incertitudes sur la
date exacte de la tenue de cet évènement. Ce qui emmène
Blaise Pascal Dassie, le rédacteur en chef du quotidien Le Messager
à s'interroger : « Pourquoi le cinquantenaire se
prépare-t-il à Douala ? »59. Qu'à cela ne
tienne, Bernard Okalia Bilai nous rassure tout de même dans une interview
datant du 27 mai 2013 sur le fait que tous les chantiers du cinquantenaire ou
presque, sont exécutés et prêts. 60 L'on peut
observer la construction d'une nouvelle tribune, de nouveaux hôtels :
notamment celui dédié à la réunification, la
réfection et la matérialisation des routes, la construction du
monument du cinquantenaire etc. De mile 17, à Buéa Town, ou
Bokwango, en passant par Bondoma, Great Soppo, Clerks Quater, Guinness Street,
Long Street, Buea Station, Federal Quarter, la ville a fière allure
témoignent des riverains dans le quotidien Le Messager.
D'ailleurs tous les observateurs sont unanimes sur le fait que la ville de
Buéa a connu une grande mue et le cinquantenaire se déroulera
finalement bel et bien à cet endroit. Mais Après l'annonce dans
le Cameroon Tribune de la date de célébration du cinquantenaire
de la réunification prévu les 17, 18, 19 et 20 février
2014 ainsi que la communication du programme officiel des
cérémonies qui meubleront cet évènement, des
interrogations persistent en pays anglophone sur la capacité de cette
célébration à répondre à toutes les attentes
des populations anglophones. Dans un article intitulé : «
Buéa entre espoir et résignation »61, Joseph
Olinga met en exergue les inquiétudes d'un habitant de la ville de
Buéa interviewé dans la rue en ces
58Idem, page 135
59Le Messager, N°3992, Du
mercredi 8 Janvier 2014. 60Le Messager,
N°3996, Du mardi 14 Janvier 2014. 61Le
Messager, N°3996, Op.cit. Page 2
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La médiatisation de la « question anglophone
» dans les journaux camerounais pendant la célébration du
cinquantenaire de la réunification du Cameroun.
termes : «...Du reste cet interlocuteur reste dubitatif
sur la prise en compte de la question anglophone au lendemain d'une
commémoration qui sera personnellement présidée par le
Président de la République... ». Plus loin dans le
même article, Joseph Olinga ajoutera : « ...une question d'honneur
agite certains habitants de la région parmi les moins excessifs. Une
occasion dit-on ici de démontrer que les anglophones ne sont pas les
faire-valoir de la République... ». Le sentiment
général qui anime les citadins de Buéa au moment des
préparatifs du cinquantenaire de la réunification selon les
journaux est un sentiment de fierté de voir leur ville connaitre un
profond embellissement, mais également un sentiment de suspicion
à l'égard du pouvoir central de Yaoundé qui pourrait rater
le coach et éluder des problèmes essentiels. Le journal
anglophone The Post publie dans sa sous-tribune : « address
Anglophone Problem before it Boils over »62. Le journaliste
Yerima Kini Nsom réalise une interview de l'avocat Christopher Nsom qui
s'exprime sur le cinquantenaire de la réunification en parlant du
malaise Anglophone au Cameroun et en faisant le parallèle avec la
République centrafricaine où le Président Bozize qui n'a
pas respecté ses accords avec la séléka a vu
prospérer dans son pays une rébellion armée :«
...First of all, there is no small problem...this celebration is limited
because there is no equal regional integration as well as territorial
developments. Most Anglophone regions are not really developed in relation to
the francophone regions...in the case of Cameroon; there is the minority
problem which is the Anglophone problem. There exists a high level of
marginalization of Anglophones within the economy. There are over six million
of Anglophones in the country and only two ministerial positions have been
given to them, that is, the Ministry of Forestry and wildlife and the Ministry
of Arts and Culture...at the central African republic, you will notice that the
problem started with Francois Bozize dishonoured the accord he signed with the
Seleka rebels which had ten clauses. They got angry and stared moving towards
the capital Bangui which led to the rebellion...There are many Anglophone
pressure groups in Cameroon struggling for the Anglophone
problem...»63.
62The Post, Du lundi 03 février
2014.
63 Traduction « premièrement il n'y
a pas de petit problème ? Cette célébration est
limitée parce qu'il n'y a pas d'égalité dans
l'intégration régionale ainsi que dans le développement
territorial. Les régions anglophones comparées aux régions
francophones ne sont pas développées...dans le cas du Cameroun.
Il existe un problème de minorité et c'est le problème
anglophone. Il existe un haut degré de marginalisation des anglophones
au plan économique. Il y a environ 6 millions d'anglophones au Cameroun
et seulement 2 portefeuilles ministériels leurs sont accordés,
qui sont, le ministère de la forêt et de la faune et le
ministère des arts et de la culture...En République
centrafricaine vous remarquerez que tout a commencé avec François
Bozize qui a désavoué les
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La médiatisation de la « question anglophone
» dans les journaux camerounais pendant la célébration du
cinquantenaire de la réunification du Cameroun.
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