2- Les arguments des journaux sur la « question
anglophone » :
Dans Le Messager, la thèse soutenue est celle
de la marginalisation des anglophones au Cameroun. The Post et
Cameroon Tribune abordent la thèse du dialogue autour de cette
« question anglophone » même s'ils ne la traitent pas de la
même manière. Ces différentes thèses permettent de
convaincre le lecteur en utilisant des arguments et un type de raisonnement
précis.
63
La médiatisation de la « question anglophone »
dans les journaux camerounais pendant la célébration du
cinquantenaire de la réunification du Cameroun.
- La marginalisation de la minorité anglophone au
Cameroun
Pour soutenir sa thèse qui est celle de la
marginalisation des anglophones au Cameroun, Le Messager opère
une construction médiatique remontant à l'histoire de la
réunification entre francophones et anglophones au Cameroun, pour
arriver à la discrimination dans les corporations professionnelles.
Argument 1 : la réunification du Cameroun est le
résultat d'un coup de force d'Ahidjo selon Enow Meyomesse dont les
propos ont été publiés « ...dimanche 20 mai 1972,
les camerounais ne découvrent dans les bureaux de vote que deux types de
bulletins : ceux portant la mention 'oui' et ceux portant la mention 'yes'. Il
n'y en a guère portant la mention 'non'. Résultat, les
camerounais ont démontré leur maturité politique en
approuvant à une majorité écrasante de 99% de 'ouiÇ
l'abolition du fédéralisme au Cameroun et le passage à
l'Etat unitaire... »79
Argument 2 : CRTV, les anglophones dénoncent la
discrimination faite autour de la prorogation de l'âge des départs
à la retraite accordée aux francophones80.
Argument 3 : Les avocats anglophones du Common Law
exigent le retour au fédéralisme « nous avons
observé avec amertume le manque de protection des droits des
minorités, je veux dire de la minorité anglophone au Cameroun et
la culture bi-juridique du Cameroun. Ce n'est pas un secret, la vie
socioculturelle, administrative, éducative anglo-saxonne a
été et est complètement érodé et
remplacé systématiquement par le français et
l'héritage du droit civil de la majorité francophone...
»81.
- Le dialogue autour de la « question anglophone
» :
Cameroon Tribune et The Post en ce qui
concerne la « question anglophone » évoquent
l'éventualité d'un dialogue sur la question comme
thèse.
? The Post sur la question de l'ouverture au dialogue
donne la parole à des leaders d'opinion et utilise leurs propos comme
arguments :
79Le Messager, N°4329, du vendredi 22
mai 2015, Pages 5-7 80Idem, N°4332, du mercredi 27 mai 2015,
Page 3
81Idem, N°4321, du lundi 11 mai 2015, Page 3
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La médiatisation de la « question anglophone »
dans les journaux camerounais pendant la célébration du
cinquantenaire de la réunification du Cameroun.
Argument 1 : Il faut dialoguer avant que ce
problème ne dégénère, parce qu'il n'existe pas de
petits problèmes « First of all there is no small problem. This
is one of the main causes of the Anglophone problem for not being solved
because it is more often than no considered a small problem. For a conflict to
be resolved, you need to identify the magnitude of the problem and treat it
before it escalates. »82
Argument 2 : Il faut dialoguer parce que les
anglophones ont une place de choix au Cameroun, mais certains parmi eux
préfèrent jouer le second rôle: « ...The
Anglophone problem is the Anglophone... the anglophones ought to have their
place but they opt to play second fiddle...»83
Argument 3: Pour ouvrir le débat sur la question
il faut que les groupes irrédentistes deviennent des partis politiques :
«...Government is always ready to listen to all Cameroonians,
irrespective of their political, cultural or linguistic backgrounds, but can
only do so, if the demands of such groups or individuals do not undermine the
unity, national cohesion and peace that reign in the country...
»84
Argument 4 : Il faut le dialogue sur la «question
Anglophone» parce que les revendications persistent depuis cinquante ans :
« ...Anglophones cannot be so resolute in their demands for over 50
years if there was no problem, and even if Government is convinced that there
is no Anglophone problem, the fact that the Anglophones perceive a problem,
makes their cause a problem... »85
? Cameroon Tribune le quotidien bilingue a également
pour thèse le dialogue autour de la question Anglophone. Ses arguments
sont les suivants :
Argument 1 : Il n'y a pas de sujet tabou au Cameroun
« ...le Pr Jacques Fame Ndongo a expliqué à tous les
participants, en anglais qu'il n'y a pas de sujet tabou et que dans ce temple
de réflexion, il y a lieu de débattre, en insistant sur les
faits, sur ce qui a été l'histoire, réelle, de notre
pays... »86
82Nsoh C, Interview, The Post, N°1502,
du lundi 3 février 2014, Page 5
83Halle N, Interview, The Post , N°1506,
du vendredi 21 février 2014, Page 5
84Yang P, Interview, The Post, N°1506,
du vendredi 21 février 2014, Page 7
85Pondi J.E, Interview, The Post,
N°1506, du lundi 24 février 2014 page 6
86Ndongo J.F, Interview, Cameroon Tribune,
N°10531, du mardi 18 février 2014 page 3
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La médiatisation de la « question anglophone »
dans les journaux camerounais pendant la célébration du
cinquantenaire de la réunification du Cameroun.
Argument 2 : Le dialogue républicain est ouvert
avec les partis politiques. Les membres du SCNC doivent créer un parti
politique pour qu'il y ait dialogue avec eux « ...à l'exception
de Njoh Litumbe dont la thèse demeure qu'il n'y a pas eu mariage entre
les deux Cameroun. En répondant à une question sur un
éventuel dialogue avec le SCNC, le PM a été clair : qu'il
crée un parti politique et dans ce cadre, comme tous les partis
légalisés, dialogue avec les pouvoirs publics... »
En clair après analyse de la mise en page, il ressort
que : la « question anglophone » occupe en général les
pages 3 et 5 du quotidien Le Messager, la page 5 de The Post
et la page 3 de Cameroon Tribune c'est-à-dire ici que nous
oscillons entre l'information politique majeure et le fait de
société. Dans la titraille, chaque journal en fonction de sa
ligne éditoriale et de ses interactions se démarque : le
cinquantenaire de la réunification est utilisé par Le
Messager comme prétexte de l'information. Cameroon Tribune
opère une forme de cadrage centré sur le cinquantenaire pour
se focaliser sur la célébration qui a court sans poser le
problème anglophone et The Post utilise le rouge pour mettre en
exergue certains mots dans sa titraille. La différence entre la
titraille des « Unes » et celle des pages internes permet aux
journaux de rester objectifs dans le traitement de l'information. En ce qui
concerne les illustrations, leur utilisation abusive permet de distraire le
lecteur et le plonger dans les festivités du cinquantenaire. Ne pas
l'utiliser permet aux lecteurs de rester lucide pendant ces
cérémonies et de poser le problème de la
réunification du Cameroun. Diverses techniques sont utilisées
notamment la technique de l'image implicite, une image valant plus de mille
mots, elle permet de faire passer une information de manière subtile.
Chaque journal choisit un genre journalistique particulier pour parler de la
« question anglophone » : Cameroon Tribune choisit
l'éditorial de sa Directrice de publication, pour ne prendre aucun
risque de blesser les sensibilités, The Post choisit
l'interview et Le Messager les énoncés
dérivés tels que le billet d'humeur pour ne pas s'attirer les
foudres du régime. Le Messager, Cameroon tribune et
The Post utilisent respectivement les champs lexicaux suivants :
Mémoire-division, compromis-union, problème-unité, ce qui
témoigne de l'idée générale véhiculée
par ces différents journaux sur la « question anglophone ».
Le Messager souhaite mettre en exergue les divisions inhérentes
à un passé dont les camerounais refusent de se souvenir. Les
angles de traitement qu'il utilise sont le travestissement de l'histoire du
Cameroun et la marginalisation des anglophones. Ses figures de styles sont la
prétérition et l'euphémisme. Cameroon Tribune
appelle à l'union sacrée et à rechercher le compromis
et utilise comme angle de traitement le dialogue permanent et The Post
recherche l'unité tout en rappelant qu'il existe un problème
à
66
La médiatisation de la « question anglophone »
dans les journaux camerounais pendant la célébration du
cinquantenaire de la réunification du Cameroun.
la base qu'il ne faudrait pas occulter. Les angles de
traitement utilisés par ce journal anglophone sont : l'oubli volontaire
de la question anglophone et l'anglophone comme problème pour les
anglophones. The Post et Cameroon Tribune utilisent comme
figures de style la personnification et la répétition même
si les effets recherchés ne sont pas semblables.
The Post est le seul de ces trois journaux à
ne pas hésiter à titrer sur la « question anglophone »
avant, pendant et après le cinquantenaire de la réunification.
Le Messager commence par y faire allusion sans aller en profondeur
pendant les festivités marquant cet évènement. Mais
après l'évènement en parle sans complexe. Par contre les
journalistes de Cameroon Tribune évitent même avec
précaution d'écrire les mots « marginalisation » et
« question anglophone » pendant toute la durée du
cinquantenaire. Après l'évènement c'est la Directrice de
publication en personne qui prend sur elle la responsabilité de
mentionner ces mots et de refermer directement la page puisque le journal ne
reviendra plus sur la « question anglophone » par la suite.
CHAPITRE IV :
ANALYSE QUANTITATIVE DE LA « QUESTION ANGLOPHONE
»
67
La médiatisation de la « question anglophone »
dans les journaux camerounais pendant la célébration du
cinquantenaire de la réunification du Cameroun.
68
La médiatisation de la « question anglophone »
dans les journaux camerounais pendant la célébration du
cinquantenaire de la réunification du Cameroun.
Selon Laurence Bardin 87 , l'analyse de contenu
comme l'enquête sociologique comprend trois étapes majeures : la
préanalyse, l'exploitation du matériel, le traitement des
résultats, l'inférence et l'interprétation. L'étape
de la préanalyse qui a pour mission : le choix des documents à
soumettre à l'analyse, la formulation des hypothèses et des
objectifs et l'élaboration des hypothèses, des objectifs et des
indicateurs sur lesquels s'appuiera l'interprétation ayant
déjà été réalisée plus haut dans
notre travail, nous allons passer directement à la seconde phase qui
consiste en l'exploitation du matériel. D'ailleurs pour obtenir des
données quantitatives dans notre recherche, nous avons utilisé le
guide d'entretien. Le logiciel de traitement de données « Sphinx
plus 2 » nous a été utile dans le traitement des
données recueillies sur le terrain. Il nous a permis de construire des
tableaux pour l'interprétation de nos résultats.
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