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Les zones a defendre: d'un mouvement de contestation sociale à un nouveau courant de pensée politique

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par Antoine Vieu
Université de Bordeaux - Master 2 2016
  

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L'opposition à la volonté universaliste du municipalisme libertaire

Pour Janet Biehl, le municipalisme libertaire se définit comme « le programme qui veut recréer et élargir le champ politique démocratique comme champ d'autogestion de la communauté »1. Murray Bookchin précise qu'il doit être le cadre d'une « société libératrice, enracinée dans l'éthique non hiérarchique d'une unité des diversités, de l'auto-éducation et autogestion, de la complémentarité de l'entraide »2. Il ajoute que l'autogestion doit exister dans les domaines économique, éthique et politique. L'autonomie des communes ou municipalités apparait comme un élément clé pour éviter la naissance d'un corps supérieur arbitraire. Les zadistes partagent ces idées d'autogestion et d'autonomie lorsqu'ils détaillent l'alternative au système qu'ils entendent mettre en place. Leur objectif est de s'organiser dans sans aucune délégation. Sur ces trois sujets, la pensée zadiste se retrouve dans municipalisme libertaire.

Murray Bookchin envisage une démocratie libertaire reposant sur deux éléments interdépendants : une structure qui peut être une ville, un quartier, une place ou encore un parc et d'une conscience qui leur donne l'impression d'appartenir à une communauté. Cette notion de communauté est « le point de départ »3 du municipalisme libertaire. La communauté est composée d'individus concentrés dans un « espace public » où la vie privée « s'efface » derrière la vie publique. Murray Bookchin parle de « commune ». Etant donné l'enjeu de constituer une société écologiquement saine et égalitaire, ces communes sont géographiquement limitées. Elles sont autonomes et permettent à chaque citoyen qui les constitue de prendre part directement au processus de décision en participant aux assemblées de citoyens. Ces dernières se réunissent à intervalle régulier, l'ordre du jour est défini à l'avance et le vote se fait à la majorité. Murray Bookchin ne rejette pas l'idée de décision prise au consensus mais il estime que le consensus ne peut fonctionner que dans un petit groupe dans lequel les individus se connaissent. Lorsqu'ils décrivent les assemblées générales du mouvement4, le Collectif Mauvaise Troupe reviennent sur l'importance de ces lieux ouverts d'expression pour les habitants de la Zad. Les zadistes mêlent l'utilisation d'outils d'éducations populaire à des modes de fonctionnements plus spontanés pour permettre à tout individu de pouvoir s'exprimer librement. Concernant le consensus, ils arrivent au même

1 BIEHL Janet, Le municipalisme libertaire ..., Op.cit., p.73.

2 BOOKCHIN Murray, Pour un municipalisme libertaire..., Op.cit., p.11.

3 BIEHL Janet, Le municipalisme libertaire ..., Op.cit., p.73.

4 COLLECTIF MAUVAISE TROUPE, Contrées..., Op.cit., p.188

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constat que Murray Bookchin quant à sa difficulté à fonctionner dès lors qu'il s'agit d'un groupe important d'individu.

Murray Bookchin ne prévoit pas une multitude de communes vivant en autarcie. Pour Janet Biehl, la mondialisation rend impossible une « recomposition locale du pouvoir politique en de micro entités »1 car les relations économiques et politiques sont trop interdépendantes. De plus l'autonomie des communes pourrait conduire certaines à adopter des principes inégalitaires ou néfastes pour les hommes. Murray Bookchin reconnait la nécessité d'une forme d' « organisation inter municipale » sous la forme du confédéralisme. Cette forme conduit à la formation d'une grande entité formée de plus petites entités. Mais ces dernières gardent leur identité, leur souveraineté et leur liberté en se confédérant. Il n'y a pas de processus de délégation. S'il peut y avoir des mandats, ceux-ci seront obligatoirement impératifs. Les zadistes ne sont pas aussi catégoriques en ce qui concerne l'impossibilité d'une recomposition locale du politique et ils n'abordent pas la question d'une quelconque confédération.

Concernant l'économie, le municipalisme libertaire envisage une économie gérée par les citoyens de la communauté. La propriété est placée sous le contrôle général des citoyens. Ainsi, ils seraient tous « propriétaires collectivement des ressources économiques de leur communauté »2.

Sur les moyens d'actions pour parvenir au municipalisme libertaire, Murray Bookchin envisage certaines méthodes rejetées par les zadistes. La première est la volonté de participer aux campagnes électorales. Janet Biehl précise que cette participation doit se faire non en vue d'acquérir un siège mais comme un moyen d'éducation populaire au municipalisme libertaire3. Le candidat n'est plus l'individu mais l'idéologie. Il s'agit de profiter des de la campagne municipale comme d'une fenêtre de publicité pour présenter le l'idée d'une démocratie libertaire. Mais il ne faut pas se concentrer sur le succès électoral et éviter toute participation au pouvoir exécutif qui conduirait à l'institutionnalisation du mouvement et donc à sa métamorphose. Les zadistes critiquent la participation à des élections car elle revient à cautionner un système à combattre. Pour Janet Biehl, participer à une élection municipale « dans une optique municipaliste libertaire » revient à lutter contre l'Etat.

1 Ibid., p.109.

2 Ibid., p. 132

3 Ibid., p. 92.

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Un autre point de désaccord en les zadistes et la théorie de Murray Bookchin concerne l'utilisation des technologies. Dans le cadre du municipalisme libertaire, la technologie doit permettre d'accomplir à la place de l'Homme le travail qui l'aliène. Un des aspects principaux du socialisme libertaire pour Murray Bookchin est « l'abolition de l'usine par une technologie écologique et par le travail créatif »1. Il s'agit de réorienter la technologie à des fins de solidarités et de coopérations. Pour Janet Biehl, l'agriculture industrialisée est ainsi « souhaitable »2 et n'est nullement incompatible avec l'agriculture biologique. Les zadistes s'opposent à l'industrialisation de l'agriculture qui faciliterait la marchandisation de la nature. S'ils ne rejettent pas les nouvelles technologies en soit, ils se montrent méfiant vis-à-vis du mythe du progrès et la recherche perpétuelle de l'efficacité maximum3.

Enfin, une technique commune de lutte envisagée par Murray Bookchin et les zadistes concernent l'autodéfense. Le municipalisme libertaire envisage la formation d'un « milice »4 pour se protéger des attaques du système capitaliste. Les zadistes reconnaissent la nécessité de constituer une force pour en dernier recours « faire primer le bien commun sur l'intérêt privé »5. Mais la milice du municipalisme libertaire doit à terme remplacer l'armée et la police. Elle doit constituer une institution démocratique avec des officiers élus sous contrôle des assemblées de citoyens. Même en tant qu'institution démocratique, les zadistes n'envisagent pas la reconstitution d'une armée ou d'une police.

Finalement, les zads pourraient constituer un type de commune correspondant à celles imaginées par Murray Bookchin dans le cadre du municipalisme libertaire. Mais la pensée zadiste n'envisage pas un système politique à grande échelle. Elle ne constitue pas ce que Murray Bookchin qualifie de « théorie sociale ». Dans le texte Rencontre sur la Commune, les auteurs précisent que l'idée du slogan « zad partout » ne repose pas sur l'exportation du modèle type de Notre-Dame-des-Landes sur tout le territoire. Il s'agit d'exporter l'idée de communisation. Ils estiment de plus que la Commune n'est pas une « idéologie en ce qu'elle n'est pas un absolu universelle, mais une réalité pluriverselle, un archipel de mondes irréductibles et singuliers qu'il nous appartient de relier ». La zad, comme la commune, n'a pas une vocation universelle et c'est pour cette raison qu'elle ne peut être considérée comme une idéologie contrairement au municipalisme libertaire.

1 BOOKCHIN Murray, Pour un municipalisme libertaire..., Op.cit., p.29.

2 BIEHL Janet, Le municipalisme libertaire ..., Op.cit., p.73

3 COLLECTIF MAUVAISE TROUPE, Contrées..., Op.cit., p.17.

4 BIEHL Janet, Le municipalisme libertaire ..., Op.cit., p.137.

5 ZADIST, « De la zad aux communaux, Op.cit..

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