3.1.2. Justification de la praxéologie interdiscursive
La présente méthode telle qu'initiée par
Kambaji wa Kambaji permet de saisir la pratique sociale à la
lumière des discours produits par les locuteurs. Dans le cas
d'espèce, il conviendra d'analyser des discours produits dans la
chefferie de Ngweshe en rapport avec la famille en déséquilibre,
en mutation et en contact avec son environnement. Quelle a été la
pertinence des discours produits au sein de la chefferie en rapport avec les
systèmes susdits, ceux qui ont produit les discours face aux
phénomènes multiples qui ont bouleversé le système
familial et environnemental, ont-ils fait montre d'adéquation entre les
discours produits, la réalité sur le terrain et les solutions
réelles souhaitées localement ? La praxéologie
interdiscursive nous permettra d'examiner la capacité des auditeurs
d'appréhender et de comprendre les discours consommés, la
sincérité des discours des locuteurs. Bref, il conviendra
d'examiner l'adéquation communicationnelle, praxéologique des
locuteurs par rapport aux auditeurs et au phénomène
évoqué localement. Cette méthode facilitera de passer en
revue tous les aspects discursifs sous leurs diverses formes.
Cependant, étant donné que nous étudions
des systèmes en transformation tels que la famille et l'environnement,
nous serons porté, par moment, d'en démontrer certaines
mutations intervenues en leur sein. Ces dernières peuvent
paraître sous forme des tensions internes ou externes à la
famille, à l'environnement ou encore sous forme de contradiction par
rapport à l'idéal préféré, ou encore sous
forme des perspectives d'avenir de changement envisagé et/ou
envisageable ou préféré.
Du fait de leur caractère dynamique et jamais
statique, la famille et l'environnement, dans leur étude, exigent ainsi
une approche configurationnelle bien que nous leur appliquions la voie
praxéo-interdiscursive à travers la triple dialectique
quadripolaire dont nous examinons ci-après les démarches et les
principes.
1°. Démarche
théorique
A. Principe directeur: l'intersubjectivité
symbolique ou l'intersubjectivité praxéologique qui repose
sur :
a) La triple dialectique du langage, de
l'expérience et de la conscience
b) Quadripolaire car basé sur :
- Le locuteur/émetteur (celui qui
parle) : il s'agit des organisations, des personnes qui, ayant
constaté le déséquilibre au sein des familles et de
l'environnement, se sont fixé comme objectif de résorber le
déséquilibre à travers des actions et des discours. Ce
sont, principalement des ONG internationales, onusiennes, nationales et
locales, des Eglises et d'autres personnes de bonne volonté ;
- L'auditeur/récepteur (celui à
qui l'on parle) : ce sont les familles de Ngweshe et donc toute la
population de la chefferie. Nous estimons, ici, que toute personne humaine, et
même dans le cadre de ce travail, s'identifie à une
famille ;
- La société-histoire (c'est le
milieu où se produit le discours) : il s'agit, ici, de la chefferie
de Ngweshe en territoire de Walungu dans la province du Sud-Kivu en
République Démocratique du Congo à l'ère de la
mondialisation et de la modernité ;
- Le savant ou le scientifique : c'est
le chercheur sociologue fondamentaliste, familiariste-environnementaliste et
orienté vers le développement.
B. Principes dérivés
La double exigence socio-langagière du sujet
historique : il faut parvenir à cerner la motivation du
locuteur, saisir chaque fois qu'un individu parle s'il parle à son nom
ou à celui de sa totalité. En d'autres termes, parvenir à
pénétrer les différents discours issus de divers
intervenants (hommes d'Eglises, politiques, agents de développement...)
et comprendre chaque fois que ces personnes prenaient la parole si l'objectif
primordial était de subvenir à leurs propres besoins ou si
l'objectif était orienté vers les besoins réels de la
population.
Il s'agit, ici, de relever le non dit dans ce qui a
été dit, constituer un répertoire, un corpus tant
expérimental que d'archives (le verbal - gestuel et l'écrit). Ces
deux corpus nous feront le relevé de tous les discours tels qu'ils ont
été prononcés. Nous en relèverons le contenu et de
là leur sens formel et intellectuel, leur exactitude, leur
fausseté, leur pertinence, leur incitation ou leur démotivation
à l'action, de l'un ou de l'autre discours.
La transmutation créatrice de l'énergie
conscientielle concentrée : tout discours dispose d'une
capacité d'incitation à l'action tant sur l'individu que sur la
communauté. Un discours peut créer de l'énergie au sein
des consciences des auditeurs et les amener à agir tous ensemble. De
cette manière, une population habituée à consommer des
discours immatérialisés ou immatérialisables finit par se
révolter contre ceux qui les ont entretenus. Dans le cas
d'espèce, en ce moment où les hommes politiques ont promis monts
et merveilles, où les Eglises ont développé divers
discours disconcordants, les uns paradisiaques, les autres apocalyptiques, il
faut parvenir à saisir l'état de conscience de la population de
Ngweshe par rapport à ces discours, produire un discours
cohérent, incitatif au changement qualitatif et quantitatif dans une
voie rationnelle et rationalisés.
L'unité et lutte des contraires
socio-langagiers : dans tout discours, il y a toujours chez les
auditeurs une contradiction d'intérêt selon les classes. C'est par
exemple lorsque le chef de collectivité s'adresse à ses
administrés, son discours peut contenir des éléments
incongrus profitant plus à lui-même qu'à toute la
population. Cependant, ce discours sera fort acclamé par son entourage
car cet entourage se retrouve valablement dans les intérêts du
chef.
2° Démarche
appliquée
Elle comprend deux opérations fondamentales :
- Opération d'identification-thématisation
et classement
L'identification consistera à constituer, d'abord le
corpus expérimental, c'est-à-dire tout ce qui se dit dans la
société. Dans ce cas sous examen, il s'agit de répertorier
ce qui se dit à Ngweshe au sujet de la famille et de son environnement
ainsi que tous ceux qui tiennent ces discours. Ensuite, il faudra constituer un
corpus d'archives. Ce sont des documents écrits par rapports au sujet
(des colloques, séminaires, projets, journaux...).
Quant à la thématisation, il conviendra
regrouper les discours en des thèmes et répertorier les mots
ayant une plus grande fréquence dans tous les discours recensés
en rapport avec la famille et son environnement.
Enfin, à travers le classement, il faudra
catégoriser les discours, en évaluer et en apprécier
objectivement le contenu, en déterminer ceux qui sont archémiques
(faux) ou généléxémiques (vrais).
Ainsi, on pourra, au terme d'une analyse
interprétative, savoir si :
1) Les discours sont archémiques, c'est-à-dire
qu'ils violent la réalité sociale et n'ont aucune consistance
à promouvoir l'élan progressif familial ;
2) Les discours sont
généléxémiques, c'est-à-dire qu'ils sont
cohérents, justes et capables d'assurer le développement de la
communauté et la sauvegarde de l'environnement ;
Les discours sont pakaviléxémiques,
c'est-à-dire des discours de genre à tromper les gens, à
les endormir, les anéantir psychologiquement ;
- Opération de restitution et
thématisation
Ces opérations consisteront à restituer à
chacune des unités son sens, son contenu pragmatique, ce qui se dit, ce
qui se fait réellement. Ces opérations se constituent en quatre
temps :
v Premier temps : analyse du point de vue
archémique : analyse structurelle, logique, fonctionnelle et
pragmatique.
v Deuxième temps : analyse du point de vue
généléxémique ; analyse structurelle, logique,
fonctionnelle et pragmatique.
v Troisième temps : analyse interactionnelle et
interprétation praxéologique : il s'agit de confronter les
précédentes analyses aux réalités du milieu, donner
à chaque thème son sens.
v Quatrième temps : il consiste en
l'établissement des équations symboliques.
C'est sous cette vision que seront analysés les aspects
liés à la dynamique familiale et environnementale au sein de la
chefferie de Ngweshe sous une approche configurationnelle.
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