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Représentations sociales et itinéraires thérapeutiques de la malnutrition chez les enfants de moins de cinq ans dans le district de santé de guéré (région de l?extrême-nord Cameroun)

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par Nicodeme VOUDINA
UCAC Yaounde - Master en santé publique - nutrition 2010
  

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DE L'ETUDE

Si la santé et la mortalité dépendent en partie de l'environnement naturel ou de son aménagement par l'homme, il faut néanmoins noter que les individus aussi par leurs comportements et habitudes de vie, peuventfavoriser ou empêcher la survenue des maladies. Cependant, ces comportements sont eux-mêmes en partie déterminés par les attitudes souvent induites par l'héritageculturel, les conditions de vie et les politiques conduites au niveau local ou national. Ce chapitre présente, en rapport avec le thème de l'étude, le contexte dans lequel l'étude a été menée. Il s'agira du contexte scientifique et du contexte physique du district de santé de Guéré.

1.1. CONTEXTES SCIENTIFIQUE ET SOCIAL DE L'ETUDE

L'évolution de la politique sanitaire du Cameroun a été marquée par quatre moments importants à savoir :


· La période coloniale où l'apogée de la stratégie d'Eugène Jamot avait pour caractéristique (i) l'exercice d'une médecine mobile initiée par le Docteur Eugène Jamot dans le Cameroun Oriental, (ii) la gratuité des soins médicaux aux administrateurs coloniaux, militaires, religieux et accessoirement aux colonisés ; (iii) l'extension (après la 1ère guerre mondiale) du réseau sanitaire vers les zones rurales ; (iv) la formation médicale (Dakar) et para médicale (Ayos) ; (v) la mise sur pied des programmes verticaux mobiles de lutte contre les endémies locales (trypanosomiase, paludisme).


· La période postindépendance ou phase des expérimentations axée sur la santé communautaire avait pour objectif général: « expérimenter des approches de santé communautaire, susceptibles d'assurer aux populations des soins de santé techniquement valables et en harmonie avec leurs réalités locales ».


· La période post Alma Ata basée sur les Soins de Santé Primaires adopté de 1982, caractérisée par la mise en oeuvre des Soins de Santé Primaires, avait comme objectif général : « amener d'ici à l'an 2000, tous les peuples à un niveau de santé, leur permettant de mener une vie socialement et économiquement productive ».


· La politique actuelle se situe dans le cadre d'une approche de la région africaine qui tient compte des similitudes des systèmes sanitaires globalement en déclin. Elle tient compte des recommandations issues de certaines rencontres importantes organisées par les Etats africains au cours desquelles des stratégies concertées ont été développées. Parmi ces rencontres, Il convient de citer ici la conférence de Lusaka (1985), la conférence interrégionale de l'OMS à Harare (Août 1987), le sommet des Chefs d'États de l'OUA (Juillet 1987) et la conférence de Bamako (septembre 1987). Au Cameroun, les réformes élaborées et rendues publiques en 1989 ont été officiellement adoptées en 1992 par la Déclaration de Politique Sectorielle de Santé et, en 1993, par la Déclaration de mise en oeuvre de la « Réorientation des Soins de Santé Primaires ». Dans ce concept, les principes suivants constituent les éléments de base :
· la participation de la communauté dans le but de son auto responsabilisation vis-à-vis de ses problèmes de santé ;


· la mise en évidence du lien étroit entre le développement et la santé ;


· le respect des Droits de l'Homme, comme celui d'être informé et celui de l'intégrité de l'individu y compris son libre arbitre. Dans le cadre de ces réformes, le centre de santé est appelé à jouer le rôle d'intermédiaire entre la communauté et les services de santé ; c'est aussi dans les centres de santé que sont dispensés les soins intégrés, continus et globaux. Ces réformes reposent sur :


· le financement des activités des Soins de Santé Primaires (SSP) par le biais des contributions communautaires et non communautaires ;


· le succès de la mise en oeuvre des SSP par la supervision et le Système National d'Informations Sanitaires ;


· le développement de la participation communautaire par la mise sur pied et le fonctionnement des structures de dialogue et de gestion. La mise en oeuvre de ces politiques a conduit à l'élaboration du document des stratégies sectorielles de la santé qui a été adopté en octobre 2001.

Dans ce document, le Gouvernement compte à l'horizon 2010,

- réduire de 1/3 au moins la charge morbide globale et la mortalité des groupes de populations les plus vulnérables,

- mettre en place, à une heure de marche et pour 90 % de la population, une formation sanitaire délivrant le Paquet Minimum d'Activités (PMA) et

- pratiquer une gestion efficace et efficiente des ressources dans 90 % des formations sanitaires et services de santé publics et privés à différents niveaux de la pyramide.

Pour atteindre ces objectifs, les autorités ont développé un ensemble de huit programmes à travers lesquels elles mènent des actions spécifiques pour améliorer sensiblement la santé des Camerounais. Il s'agit de :

- la lutte contre la maladie ;

- la santé de la reproduction ;

- la promotion de la santé ;

- les médicaments et consommables médicaux essentiels ;

- le processus gestionnaire ;

- l'amélioration de l'offre de la santé ;

- le financement du secteur de la santé et

- le développement institutionnel.

Le programme « Lutte contre la Maladie » est axé sur

- la lutte contre les grandes endémies de santé publique que sont le paludisme, première cause de mortalité et de morbidité pour lequel un programme spécifique a été élaboré, la lèpre, l'onchocercose, la cécité, la trypanosomiase humaine africaine, le ver de guinée, la schistosomiase,

- la lutte contre certaines maladies chroniques constituant un problème de santé publique au nombre desquels l'hypertension artérielle, le diabète, l'épilepsie, la drépanocytose, les cancers, l'asthme, les affections rhumatismales, la surdité,

- la lutte contre les épidémies, notamment le choléra, la rougeole, la méningite cérébro-spinale, et la prise en charge des urgences dues aux catastrophes et accidents et (iv) la lutte contre la tuberculose et les IST/SIDA pour lesquelles un programme spécifique a été adopté en septembre 2000.

Le programme « Santé de la Reproduction » met l'accent sur

- la santé de la mère, de l'adolescent et de la personne âgée,

- le programme élargi de vaccination (PEV) axé sur la protection des enfants de 0 à 11 mois et de 1 à 5 ans contre des maladies évitables par la vaccination telles que la diphtérie, la coqueluche, le tétanos, la variole, l'hépatite, la fièvre jaune, la poliomyélite, la rougeole, etc.,

- la promotion de la prise en charge intégrée des maladies de l'enfant (PCIME) notamment les maladies diarrhéiques, les infections respiratoires aiguës, le paludisme, la rougeole et les carences nutritionnelles chez les enfants de moins de 5 ans.

- Le programme « Promotion de la Santé » concerne surtout

- l'information, l'éducation et la communication de santé, éléments nécessaires pour amener les populations à adopter des comportements et styles de vie favorables à leur santé,

- l'alimentation et la nutrition nécessaires pour réduire l'incidence des malnutritions protéino-énergétiques, de l'anémie et de la carence en vitamine A chez les enfants de moins de 5 ans, les adolescents, les femmes enceintes et celles qui allaitent et

- la santé mentale et le comportement humain.

- Le programme « Médicaments Réactifs et Dispositifs Médicaux Essentiels » a pour but de développer des stratégies permettant de rendre disponibles dans toutes les structures sanitaires les médicaments essentiels, de préférence sous leur forme générique, les réactifs ainsi que les dispositifs médicaux essentiels de qualité, et d'en faciliter l'accès aux populations.

- Le programme « Processus Gestionnaire », porte sur l'amélioration de la gestion financière du secteur de la santé, des infrastructures et équipements, des ressources humaines, du système d'information sanitaire, en vue d'améliorer l'offre des soins et services de la santé. Le programme « Amélioration de l'Offre des Soins et Services » porte sur le développement des ressources humaines et des infrastructures et équipements, la réforme hospitalière et sur la définition et des protocoles et normes des soins.

Ces différentes actions permettront de

- rendre disponibles des ressources humaines tant sur le plan qualitatif que quantitatif pour la mise en oeuvre de la politique sanitaire nationale,

- contribuer à l'amélioration de l'offre des services en matière de santé pour toutes les couches de la population camerounaise et

- contribuer à l'amélioration de la qualité des soins et de la prise en charge des malades dans le réseau hospitalier.

- Le programme « Financement de la Santé » consiste à

- mettre en place un système tarifaire par protocole de soins, permettant d'assurer l'accessibilité sur le plan financier de toutes les couches de la population, en particulier des plus pauvres, aux soins de santé,

- d'augmenter le financement public de la santé et sa liquidité et d'encourager la promotion du partage du risque maladie dans le financement de la santé par l'intermédiaire notamment de la création par les communautés d'une mutuelle de santé au niveau de chaque district de santé. Le programme « Développement Institutionnel », axé sur le renforcement des capacités institutionnelles et le développement du partenariat, vise à définir le rôle des différents acteurs qui interviennent dans le système de santé et de recentrer le rôle de coordination que doit jouer le Ministère de la Santé Publique pour le succès de la mise en oeuvre de la stratégie.

En effet, l'OMD 1 consiste à réduire l'extrême pauvreté et la faim, en affirmant le lien fondamental qui les unit. La faim est souvent une conséquence et une cause de la pauvreté. Dans toutes les régions du monde, en l'absence de politiques alimentaires, les pauvres ont tendance à avoir de moins bons régimes alimentaires que les riches. La malnutrition est un véritable carcan qui enserre l'humanité, empêchant de nombreux individus, voire des sociétésentières, de réaliser pleinement leur potentiel (UNICEF, 2008). Chez les enfants en particulier, ceux qui sont dénutris ont une moindre résistance à l'infection et risquent plus de succomber à des maladies courantes de l'enfance comme la diarrhée et les infections respiratoires. Les survivants peuvent être pris dans un engrenage de maladies à répétition et deproblèmes de croissance qui s'accompagnent souvent d'atteintes irréversibles au développement cognitif et social. Pour les générations actuelles et futures, une bonne alimentation est la pierre angulaire de la survie, de la santé et du développement. Si leur alimentation est suffisante, les femmes courent moins de risques pendant la grossesse et l'accouchement, et leurs enfants peuvent avoir un meilleur développement physique et mental. Bien nourris, les enfants auront une meilleure scolarité, une meilleure santé. Une foisadultes, ils donneront à leurs propres enfants un meilleur départ dans la vie. Une bonne nutrition a également d'importantes retombées sur l'économie. Lorsque les populations sont bien nourries, la productivité individuelle est en hausse, les dépenses de santé sont en baisse etla production économique s'accroît.

Selon l'UNICEF (2006), 28 % des enfants présentent une insuffisance pondérale en Afrique subsaharienne. L'Afrique subsaharienne arrive en deuxième position après l'Asie du Sud en ce qui concerne le pourcentage d'enfants accusant des retards de croissance (41% en Afrique de l'Est et Australe et 35 % en Afrique de l'Ouest et Centrale). Pour la proportion d'enfants souffrant de cachexie (le poids des enfants est faible pour leur taille, ce qui dénote une dénutrition aiguë qui apparaît souvent dans les situations d'urgence), l'Asie du Sud est suivie par l'Afrique de l'Ouest et Centrale (10 %), le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord (8 %) et l'Afrique de l'Est et Australe (7 %). Toutefois, certains progrès ont été réalisés : la proportion d'enfants présentant une insuffisance pondérale dans les pays en développement a été ramenée de 33 % à 28 % entre 1990 et 2004. Pendant cette période, la baisse la plus forte a été enregistrée dans la région de l'Asie de l'Est et du Pacifique, où le pourcentage a été ramené de 25 % à 15 %. Mais il n'y a pas eu de grands changements en Afrique subsaharienne, où le taux d'insuffisance pondérale est resté pratiquement le même de 1990 à 2004 (UNICEF, 2006). En effet, cette absence de progrès conjuguant ses effets avec l'accroissement démographique augmente le nombre total d'enfants présentant une insuffisance pondérale. Le Taux Annuel Moyen de Régression (TAMR4) dans le monde est de 1,7 % en 2006. Si rien n'est fait, l'UNICEF estime que 50 millions d'enfants qui auraient pu bénéficier d'une alimentation suffisante d'ici à 2015 seront lésés et leur vie sera en danger.

L'Afrique de l'Ouest et Centrale (TAMR de 1,6 %) et l'Asie du Sud (1,7 %) ont progressé, mais pas suffisamment pour atteindre la seconde cible de l'OMD 1 (UNICEF, 2006).

Chaque année au Cameroun, au moins 45 000 enfants succombent de la malnutrition, selon le Fonds des Nations Unies pour l'enfance. Pourtant, le Cameroun est un pays relativement stable de l'Afrique subsaharienne. Selon l'UNICEF, il est difficile de donner une voix à cette « urgence silencieuse », éclipsée par les conflits et les crises qui touchent les populations réfugiées dans les autres pays de la région. Pour Garnier (2009) : « L'urgence camerounaise n'est pas très médiatisée. Mais elle pourrait s'aggraver si on ne poursuit pas nos efforts, surtout auprès des moins de 3 ans ». Il ressort en effet des trois Enquêtes Démographiques et de Santé réalisées par le Cameroun que les proportions d'enfants malnutris, saisies à travers les mesures anthropométriques, sont élevées par rapport à la moyenne de l'Afrique de l'Ouest et du Centre, soit 17% en ce qui concerne l'insuffisance pondérale modérée (UNICEF, 2006). Selon l'enquête MICS de 2006, les niveaux de malnutrition sont restés assez élevés chez les enfants de moins de cinq ans au Cameroun : 30,4% souffrent d'un retard de croissance modéré, 19,3% souffrent d'une insuffisance pondérale modérée et 6,1% d'une émaciation modérée. Ces proportions sont nettement supérieures à celles que l'on s'attend à trouver dans une population en bonne santé et bien nourrie (respectivement 2,3% et 0,1% pour les insuffisances pondérales modérées et sévères). Les moyennes globales calculées pour les régions, voire pour chaque pays masquent généralement des disparités. Un pays à faible taux moyen d'insuffisance pondérale peut conserver d'importantes poches de dénutrition dans une région donnée ou parmi certains sous-groupes de la population.

Malgré une production alimentaire assez importante au Cameroun, l'état nutritionnel des populations en général et celui des groupes vulnérables en particulier, ces derniers composés particulièrement des femmes enceintes et allaitantes et des enfants d'âge préscolaire, s'est dégradé au cours de la dernière décennie. Cette situation s'explique par la crise économique qui a secoué le pays et la survenue du VIH/ SIDA (MINSANTE/UNICEF, 2007). Selon la même source, les principales carences nutritionnelles observées au Cameroun sont :

· l'apport insuffisant en aliments, sources d'énergie et de protéines ;

· la carence en vitamine A ;

· l'anémie par carence en fer ;

· la carence en iode.

L'Enquête Nationale sur la Vitamine A et l'Anémie réalisée en 2000, montre que 40% des enfants de moins de cinq ans souffrent de carence en vitamine A. Par ailleurs, 57% des enfants de 1 à 5 ans et 53% des femmes enceintes sont anémiques. Les problèmes nutritionnels sont à l'origine de milliers de décès de jeunes enfants et de femmes, d'une réduction drastique du potentiel intellectuel et d'énormes pertes économiques. Ils représentent un véritable frein pour le développement du pays et compromettent les efforts de lutte contre la pauvreté.

Selon les Nouvelles et Analyses Humanitaire (IRIN, 2001) un service du Bureau de la Coordination des Affaires Humanitaires des Nations Unies,

«55 000 enfants de moins de cinq ans des régions du nord du Cameroun et de l'Extrême-Nord souffrent de malnutrition aiguë sévère, Ceci correspond à environ 70 pour cent des enfants de moins de cinq ans sévèrement malnutris»

Parmi lesquels se trouvent les enfants du district de santé de Guéré qui constituent notre principale population d'étude.Selon l'UNICEF(2006)

«Dans le Nord du Cameroun, la malnutrition aiguë globale (GAM - insuffisance de poids par rapport à la taille), dont le taux s'élève à 12,6 pour cent, touche 115 000 enfants de moins de cinq ans. Près de 40 pour cent des enfants (environ 350 000) souffrent de malnutrition chronique. Selon l'Organisation mondiale de la santé, le taux de GAM est « grave » lorsqu'il se situe entre 10 et 14,9 pour cent ; il faut alors avoir recours à l'alimentation complémentaire ; lorsqu'il atteint 15 pour cent ou plus, il s'agit d'une urgence».

Le rapport annuel d'activités du programme d'assistance nutritionnelle dans la région de l'Extrême-Nord nous renseigne qu'au Cameroun, 30,4% des enfants de moins de 5 ans souffraient d'un retard de croissance en 2006 soit 875 000 enfants.Cette situation est aggravée par le risque sanitaire qui réside dans l'insalubrité du cadre de vie et où les eaux de surface constituent la principale source d'eau de boisson avec tous les risques de transmission de maladies d'origine hydrique. Les effets conjugués de ces sources decontamination expliqueraient le deuxième rang qu'occupent les gastro entérites dans les principales causes de morbidité que déclarent les responsables des centres de santé.

Dans le district de santé de Guéré comme l'illustrent les cas de Viri et de Djougoumta, la malnutrition chez les enfants de moins de 5 ans est la troisième cause de morbidité et de mortalité après le paludisme, les infections respiratoires (Codas, 2011). Les diagrammes ci-dessous extraits des statistiques du district de santé de Guéréen sont une parfaite illustration.

Graphique 1: Taux de morbidité et de mortalité infantile enregistrés au Centre de santé de Goboen 2011

Source : district de santé de Guéré (année 2011)

Graphique 2: Taux de morbidité et de mortalité infantile enregistrés au Centre de santé de Djougoumta en 2011

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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote