DE L'ETUDE
Si la santé et la mortalité dépendent en
partie de l'environnement naturel ou de son aménagement par l'homme, il
faut néanmoins noter que les individus aussi par leurs comportements et
habitudes de vie, peuventfavoriser ou empêcher la survenue des maladies.
Cependant, ces comportements sont eux-mêmes en partie
déterminés par les attitudes souvent induites par
l'héritageculturel, les conditions de vie et les politiques conduites au
niveau local ou national. Ce chapitre présente, en rapport avec le
thème de l'étude, le contexte dans lequel l'étude a
été menée. Il s'agira du contexte scientifique et du
contexte physique du district de santé de Guéré.
1.1. CONTEXTES SCIENTIFIQUE ET SOCIAL DE
L'ETUDE
L'évolution de la politique sanitaire du Cameroun a
été marquée par quatre moments importants à
savoir :
· La période coloniale où
l'apogée de la stratégie d'Eugène Jamot avait pour
caractéristique (i) l'exercice d'une médecine mobile
initiée par le Docteur Eugène Jamot dans le Cameroun Oriental,
(ii) la gratuité des soins médicaux aux administrateurs
coloniaux, militaires, religieux et accessoirement aux colonisés ; (iii)
l'extension (après la 1ère guerre mondiale) du réseau
sanitaire vers les zones rurales ; (iv) la formation médicale (Dakar) et
para médicale (Ayos) ; (v) la mise sur pied des programmes verticaux
mobiles de lutte contre les endémies locales (trypanosomiase,
paludisme).
· La période postindépendance ou phase
des expérimentations axée sur la santé communautaire avait
pour objectif général: « expérimenter des
approches de santé communautaire, susceptibles d'assurer aux populations
des soins de santé techniquement valables et en harmonie avec leurs
réalités locales ».
· La période post Alma Ata basée sur
les Soins de Santé Primaires adopté de 1982,
caractérisée par la mise en oeuvre des Soins de Santé
Primaires, avait comme objectif général : « amener d'ici
à l'an 2000, tous les peuples à un niveau de santé, leur
permettant de mener une vie socialement et économiquement productive
».
· La politique actuelle se situe dans le cadre d'une
approche de la région africaine qui tient compte des similitudes des
systèmes sanitaires globalement en déclin. Elle tient compte des
recommandations issues de certaines rencontres importantes organisées
par les Etats africains au cours desquelles des stratégies
concertées ont été développées. Parmi ces
rencontres, Il convient de citer ici la conférence de Lusaka (1985), la
conférence interrégionale de l'OMS à Harare (Août
1987), le sommet des Chefs d'États de l'OUA (Juillet 1987) et la
conférence de Bamako (septembre 1987). Au Cameroun, les réformes
élaborées et rendues publiques en 1989 ont été
officiellement adoptées en 1992 par la Déclaration de Politique
Sectorielle de Santé et, en 1993, par la Déclaration de mise en
oeuvre de la « Réorientation des Soins de Santé Primaires
». Dans ce concept, les principes suivants constituent les
éléments de base : · la participation de la
communauté dans le but de son auto responsabilisation vis-à-vis
de ses problèmes de santé ;
· la mise en évidence du lien étroit
entre le développement et la santé ;
· le respect des Droits de l'Homme, comme celui
d'être informé et celui de l'intégrité de l'individu
y compris son libre arbitre. Dans le cadre de ces réformes, le centre de
santé est appelé à jouer le rôle
d'intermédiaire entre la communauté et les services de
santé ; c'est aussi dans les centres de santé que sont
dispensés les soins intégrés, continus et globaux. Ces
réformes reposent sur :
· le financement des activités des Soins de
Santé Primaires (SSP) par le biais des contributions communautaires et
non communautaires ;
· le succès de la mise en oeuvre des SSP par
la supervision et le Système National d'Informations Sanitaires ;
· le développement de la participation
communautaire par la mise sur pied et le fonctionnement des structures de
dialogue et de gestion. La mise en oeuvre de ces politiques a conduit à
l'élaboration du document des stratégies sectorielles de la
santé qui a été adopté en octobre 2001.
Dans ce document, le Gouvernement compte à l'horizon
2010,
- réduire de 1/3 au moins la charge morbide globale et
la mortalité des groupes de populations les plus vulnérables,
- mettre en place, à une heure de marche et pour 90 %
de la population, une formation sanitaire délivrant le Paquet Minimum
d'Activités (PMA) et
- pratiquer une gestion efficace et efficiente des ressources
dans 90 % des formations sanitaires et services de santé publics et
privés à différents niveaux de la pyramide.
Pour atteindre ces objectifs, les autorités ont
développé un ensemble de huit programmes à travers
lesquels elles mènent des actions spécifiques pour
améliorer sensiblement la santé des Camerounais. Il s'agit
de :
- la lutte contre la maladie ;
- la santé de la reproduction ;
- la promotion de la santé ;
- les médicaments et consommables médicaux
essentiels ;
- le processus gestionnaire ;
- l'amélioration de l'offre de la
santé ;
- le financement du secteur de la santé et
- le développement institutionnel.
Le programme « Lutte contre la Maladie » est
axé sur
- la lutte contre les grandes endémies de santé
publique que sont le paludisme, première cause de mortalité et de
morbidité pour lequel un programme spécifique a
été élaboré, la lèpre, l'onchocercose, la
cécité, la trypanosomiase humaine africaine, le ver de
guinée, la schistosomiase,
- la lutte contre certaines maladies chroniques constituant un
problème de santé publique au nombre desquels l'hypertension
artérielle, le diabète, l'épilepsie, la
drépanocytose, les cancers, l'asthme, les affections rhumatismales, la
surdité,
- la lutte contre les épidémies, notamment le
choléra, la rougeole, la méningite cérébro-spinale,
et la prise en charge des urgences dues aux catastrophes et accidents et (iv)
la lutte contre la tuberculose et les IST/SIDA pour lesquelles un programme
spécifique a été adopté en septembre 2000.
Le programme « Santé de la Reproduction » met
l'accent sur
- la santé de la mère, de l'adolescent et de la
personne âgée,
- le programme élargi de vaccination (PEV) axé
sur la protection des enfants de 0 à 11 mois et de 1 à 5 ans
contre des maladies évitables par la vaccination telles que la
diphtérie, la coqueluche, le tétanos, la variole,
l'hépatite, la fièvre jaune, la poliomyélite, la rougeole,
etc.,
- la promotion de la prise en charge intégrée
des maladies de l'enfant (PCIME) notamment les maladies diarrhéiques,
les infections respiratoires aiguës, le paludisme, la rougeole et les
carences nutritionnelles chez les enfants de moins de 5 ans.
- Le programme « Promotion de la Santé »
concerne surtout
- l'information, l'éducation et la communication de
santé, éléments nécessaires pour amener les
populations à adopter des comportements et styles de vie favorables
à leur santé,
- l'alimentation et la nutrition nécessaires pour
réduire l'incidence des malnutritions
protéino-énergétiques, de l'anémie et de la carence
en vitamine A chez les enfants de moins de 5 ans, les adolescents, les femmes
enceintes et celles qui allaitent et
- la santé mentale et le comportement humain.
- Le programme « Médicaments Réactifs et
Dispositifs Médicaux Essentiels » a pour but de développer
des stratégies permettant de rendre disponibles dans toutes les
structures sanitaires les médicaments essentiels, de
préférence sous leur forme générique, les
réactifs ainsi que les dispositifs médicaux essentiels de
qualité, et d'en faciliter l'accès aux populations.
- Le programme « Processus Gestionnaire », porte sur
l'amélioration de la gestion financière du secteur de la
santé, des infrastructures et équipements, des ressources
humaines, du système d'information sanitaire, en vue d'améliorer
l'offre des soins et services de la santé. Le programme «
Amélioration de l'Offre des Soins et Services » porte sur le
développement des ressources humaines et des infrastructures et
équipements, la réforme hospitalière et sur la
définition et des protocoles et normes des soins.
Ces différentes actions permettront de
- rendre disponibles des ressources humaines tant sur le plan
qualitatif que quantitatif pour la mise en oeuvre de la politique sanitaire
nationale,
- contribuer à l'amélioration de l'offre des
services en matière de santé pour toutes les couches de la
population camerounaise et
- contribuer à l'amélioration de la
qualité des soins et de la prise en charge des malades dans le
réseau hospitalier.
- Le programme « Financement de la Santé »
consiste à
- mettre en place un système tarifaire par protocole de
soins, permettant d'assurer l'accessibilité sur le plan financier de
toutes les couches de la population, en particulier des plus pauvres, aux soins
de santé,
- d'augmenter le financement public de la santé et sa
liquidité et d'encourager la promotion du partage du risque maladie dans
le financement de la santé par l'intermédiaire notamment de la
création par les communautés d'une mutuelle de santé au
niveau de chaque district de santé. Le programme «
Développement Institutionnel », axé sur le renforcement des
capacités institutionnelles et le développement du partenariat,
vise à définir le rôle des différents acteurs qui
interviennent dans le système de santé et de recentrer le
rôle de coordination que doit jouer le Ministère de la
Santé Publique pour le succès de la mise en oeuvre de la
stratégie.
En effet, l'OMD 1 consiste à réduire
l'extrême pauvreté et la faim, en affirmant le lien fondamental
qui les unit. La faim est souvent une conséquence et une cause de la
pauvreté. Dans toutes les régions du monde, en l'absence de
politiques alimentaires, les pauvres ont tendance à avoir de moins bons
régimes alimentaires que les riches. La malnutrition est un
véritable carcan qui enserre l'humanité, empêchant de
nombreux individus, voire des sociétésentières, de
réaliser pleinement leur potentiel (UNICEF, 2008). Chez les enfants en
particulier, ceux qui sont dénutris ont une moindre résistance
à l'infection et risquent plus de succomber à des maladies
courantes de l'enfance comme la diarrhée et les infections
respiratoires. Les survivants peuvent être pris dans un engrenage de
maladies à répétition et deproblèmes de croissance
qui s'accompagnent souvent d'atteintes irréversibles au
développement cognitif et social. Pour les générations
actuelles et futures, une bonne alimentation est la pierre angulaire de la
survie, de la santé et du développement. Si leur alimentation est
suffisante, les femmes courent moins de risques pendant la grossesse et
l'accouchement, et leurs enfants peuvent avoir un meilleur développement
physique et mental. Bien nourris, les enfants auront une meilleure
scolarité, une meilleure santé. Une foisadultes, ils donneront
à leurs propres enfants un meilleur départ dans la vie. Une bonne
nutrition a également d'importantes retombées sur
l'économie. Lorsque les populations sont bien nourries, la
productivité individuelle est en hausse, les dépenses de
santé sont en baisse etla production économique
s'accroît.
Selon l'UNICEF (2006), 28 % des enfants présentent une
insuffisance pondérale en Afrique subsaharienne. L'Afrique subsaharienne
arrive en deuxième position après l'Asie du Sud en ce qui
concerne le pourcentage d'enfants accusant des retards de croissance (41% en
Afrique de l'Est et Australe et 35 % en Afrique de l'Ouest et Centrale). Pour
la proportion d'enfants souffrant de cachexie (le poids des enfants est faible
pour leur taille, ce qui dénote une dénutrition aiguë qui
apparaît souvent dans les situations d'urgence), l'Asie du Sud est suivie
par l'Afrique de l'Ouest et Centrale (10 %), le Moyen-Orient et l'Afrique du
Nord (8 %) et l'Afrique de l'Est et Australe (7 %). Toutefois, certains
progrès ont été réalisés : la proportion
d'enfants présentant une insuffisance pondérale dans les pays en
développement a été ramenée de 33 % à 28 %
entre 1990 et 2004. Pendant cette période, la baisse la plus forte a
été enregistrée dans la région de l'Asie de l'Est
et du Pacifique, où le pourcentage a été ramené de
25 % à 15 %. Mais il n'y a pas eu de grands changements en Afrique
subsaharienne, où le taux d'insuffisance pondérale est
resté pratiquement le même de 1990 à 2004 (UNICEF, 2006).
En effet, cette absence de progrès conjuguant ses effets avec
l'accroissement démographique augmente le nombre total d'enfants
présentant une insuffisance pondérale. Le Taux Annuel Moyen de
Régression (TAMR4) dans le monde est de 1,7 % en 2006. Si rien n'est
fait, l'UNICEF estime que 50 millions d'enfants qui auraient pu
bénéficier d'une alimentation suffisante d'ici à 2015
seront lésés et leur vie sera en danger.
L'Afrique de l'Ouest et Centrale (TAMR de 1,6 %) et l'Asie du
Sud (1,7 %) ont progressé, mais pas suffisamment pour atteindre la
seconde cible de l'OMD 1 (UNICEF, 2006).
Chaque année au Cameroun, au moins 45 000 enfants
succombent de la malnutrition, selon le Fonds des Nations Unies pour l'enfance.
Pourtant, le Cameroun est un pays relativement stable de l'Afrique
subsaharienne. Selon l'UNICEF, il est difficile de donner une voix à
cette « urgence silencieuse », éclipsée par les
conflits et les crises qui touchent les populations réfugiées
dans les autres pays de la région. Pour Garnier (2009) : «
L'urgence camerounaise n'est pas très médiatisée. Mais
elle pourrait s'aggraver si on ne poursuit pas nos efforts, surtout
auprès des moins de 3 ans ». Il ressort en effet des trois
Enquêtes Démographiques et de Santé réalisées
par le Cameroun que les proportions d'enfants malnutris, saisies à
travers les mesures anthropométriques, sont élevées par
rapport à la moyenne de l'Afrique de l'Ouest et du Centre, soit 17% en
ce qui concerne l'insuffisance pondérale modérée (UNICEF,
2006). Selon l'enquête MICS de 2006, les niveaux de malnutrition sont
restés assez élevés chez les enfants de moins de cinq ans
au Cameroun : 30,4% souffrent d'un retard de croissance modéré,
19,3% souffrent d'une insuffisance pondérale modérée et
6,1% d'une émaciation modérée. Ces proportions sont
nettement supérieures à celles que l'on s'attend à trouver
dans une population en bonne santé et bien nourrie (respectivement 2,3%
et 0,1% pour les insuffisances pondérales modérées et
sévères). Les moyennes globales calculées pour les
régions, voire pour chaque pays masquent généralement des
disparités. Un pays à faible taux moyen d'insuffisance
pondérale peut conserver d'importantes poches de dénutrition dans
une région donnée ou parmi certains sous-groupes de la
population.
Malgré une production alimentaire assez importante au
Cameroun, l'état nutritionnel des populations en général
et celui des groupes vulnérables en particulier, ces derniers
composés particulièrement des femmes enceintes et allaitantes et
des enfants d'âge préscolaire, s'est dégradé au
cours de la dernière décennie. Cette situation s'explique par la
crise économique qui a secoué le pays et la survenue du VIH/ SIDA
(MINSANTE/UNICEF, 2007). Selon la même source, les principales carences
nutritionnelles observées au Cameroun sont :
· l'apport insuffisant en aliments, sources
d'énergie et de protéines ;
· la carence en vitamine A ;
· l'anémie par carence en fer ;
· la carence en iode.
L'Enquête Nationale sur la Vitamine A et l'Anémie
réalisée en 2000, montre que 40% des enfants de moins de cinq ans
souffrent de carence en vitamine A. Par ailleurs, 57% des enfants de 1 à
5 ans et 53% des femmes enceintes sont anémiques. Les problèmes
nutritionnels sont à l'origine de milliers de décès de
jeunes enfants et de femmes, d'une réduction drastique du potentiel
intellectuel et d'énormes pertes économiques. Ils
représentent un véritable frein pour le développement du
pays et compromettent les efforts de lutte contre la pauvreté.
Selon les Nouvelles et Analyses Humanitaire (IRIN,
2001) un service du Bureau de la Coordination des Affaires Humanitaires des
Nations Unies,
«55 000 enfants de moins
de cinq ans des régions du nord du Cameroun et de l'Extrême-Nord
souffrent de malnutrition aiguë sévère, Ceci correspond
à environ 70 pour cent des enfants de moins de cinq ans
sévèrement malnutris»
Parmi lesquels se trouvent les
enfants du district de santé de Guéré qui constituent
notre principale population d'étude.Selon l'UNICEF(2006)
«Dans le Nord du Cameroun, la malnutrition aiguë
globale (GAM - insuffisance de poids par rapport à la taille), dont le
taux s'élève à 12,6 pour cent, touche 115 000 enfants de
moins de cinq ans. Près de 40 pour cent des enfants (environ 350 000)
souffrent de malnutrition chronique. Selon l'Organisation mondiale de la
santé, le taux de GAM est « grave » lorsqu'il se
situe entre 10 et 14,9 pour cent ; il faut alors avoir recours à
l'alimentation complémentaire ; lorsqu'il atteint 15 pour cent ou
plus, il s'agit d'une urgence».
Le rapport annuel d'activités du programme d'assistance
nutritionnelle dans la région de l'Extrême-Nord nous renseigne
qu'au Cameroun, 30,4% des enfants de moins de 5 ans souffraient d'un retard de
croissance en 2006 soit 875 000 enfants.Cette situation est
aggravée par le risque sanitaire qui réside dans
l'insalubrité du cadre de vie et où les eaux de surface
constituent la principale source d'eau de boisson avec tous les risques de
transmission de maladies d'origine hydrique. Les effets conjugués de ces
sources decontamination expliqueraient le deuxième rang qu'occupent les
gastro entérites dans les principales causes de morbidité que
déclarent les responsables des centres de santé.
Dans le district de santé de Guéré comme
l'illustrent les cas de Viri et de Djougoumta, la malnutrition chez les enfants
de moins de 5 ans est la troisième cause de morbidité et de
mortalité après le paludisme, les infections respiratoires
(Codas, 2011). Les diagrammes ci-dessous extraits des statistiques du district
de santé de Guéréen sont une parfaite illustration.
Graphique 1: Taux de morbidité et de
mortalité infantile enregistrés au Centre de santé de
Goboen 2011
Source : district de santé de
Guéré (année 2011)
Graphique 2: Taux de morbidité et de
mortalité infantile enregistrés au Centre de santé de
Djougoumta en 2011
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