3. Le transnational, une barrière au nationalisme
?
Le nationalisme, doctrine qui différencie les individus
sur la base de leur nationalité, semble s'être renforcé
avec l'arrivée de la mondialisation. En effet, si la bipolarisation
favorisait une cohésion à l'intérieur de chaque bloc
(Est-Ouest), la fin du conflit central a libéré les ambitions de
pays jusqu'alors soumis à un des deux grands. Leur volonté
d'échapper aux contraintes qu'ils s'étaient imposés en
temps de crise serait responsable de la multiplication des conflits locaux
selon S. P. Huntington6 pour qui les ruptures dans le système
international entraîneraient des réactions de repli sur soi
identitaires. Face aux changements socio-économiques, l'identité
serait alors ressentie comme le seul fondement inflexible d'un groupe affirmant
sa place dans un monde en mouvement. Ces dynamiques entraineraient une
radicalisation et réactiveraient des peurs fantasmagoriques. De part et
d'autre de la Méditerranée surgiraient des dynamiques visant
à construire l'Autre comme ennemi.
Selon S.P. Huntington, la première perception
négative que les pays du Nord construisent à propos des pays du
Sud est le « sentiment populaire ». La crise économique, les
changements de repères dus aux transformations mondiales et ce qu'ils
induisent en termes de questionnement, voire de remise en cause du
modèle d'intégration, ainsi que de la présence dans les
pays du Nord d'une importante population d'origine immigrée sont autant
d'éléments qui poussent l'opinion publique à une lecture
« culturelle » des difficultés liées à
l'immigration aujourd'hui. Ces lectures fantasmagoriques sont reprises et
entretenues par un discours politique, qui forme le deuxième registre de
perception négative. En se proclamant défenseur des idées
nationales, le Front National s'est ainsi saisi de la question de l'immigration
depuis 1976, ce qui, selon S. P. Huntington, pourrait diviser l'humanité
tout entière car « les grandes causes de division de
l'humanité et les principales sources de conflits seront culturelles.
Les Etats nations continueront à jouer leur premier rôle dans les
affaires internationales, mais les principaux conflits politiques mondiaux
mettront aux prises des nations et des groupes appartenant à des
civilisations
6 Samuel Philips Huntington, « The Clash of
Civilizations », Foreign affairs, 1993
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différentes. Le choc des civilisations dominera la
politique mondiale. Les lignes de fractures entre civilisations seront les
lignes de front de l'avenir »7.
Comment contrer cet inexorable glissement du monde vers le
repli identitaire ? Les relations internationales, renvoyant aux rapports entre
les États-nation reconnus comme souverains par la communauté
internationale, ne semblent être d'aucun secours dans la pacification du
monde puisqu'elles excluent tout un pan de celui-ci. Elles font résider
l'Autre au-delà des frontières alors que la situation
géopolitique et économique mondial nous pousse actuellement
à constater qu'il est partout présent dans la
société qui l'héberge. Une solution pour éviter ce
danger, si l'on en croit Daniel Tremblay8, serait le transnational
et les rapports qui en découlent. L'expression « relations
transnationales » renvoie aux « interactions
transfrontalières qui se produisent sur une base régulière
entre des acteurs dont au moins un n'est pas un État ou n'agit pas au
nom d'un État »9. Selon cette thèse, la
cohabitation des acteurs mondiaux ne devrait pas se limiter à une
observation passagère, mais aboutir à des rencontres
régulières permettant de créer un partenariat, une
coopération continue. Ces relations, tissées entre les acteurs de
la scène internationale, en échappant au contrôle des
États, seraient alors susceptibles d'échapper à leur
influence et ainsi de supporter des projets porteurs d'un impact plus
spécifique et fonctionnel.
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