Projets culturels transnationaux : enjeux et perspectives( Télécharger le fichier original )par Roxane Garo Université de Cergy Pontoise - Master Développement Culturel 2013 |
B. Le Maroc, carrefour des civilisationsSi proche et pourtant si éloigné, le Maroc base son tourisme sur sa capacité à être assez oriental pour les Occidentaux et assez occidental pour les Orientaux. Dans cette première décennie du XXIème siècle, le Maroc voit s'exprimer contradictoirement revendications sociétales, politique d'une nouvelle classe moyenne et tentation d'un repli identitaire qui, aux élections législatives de 2011, a donné l'avantage au parti conservateur musulman. Le pays fait également tourner deux moteurs de son développement : l'ouverture aux marchés internationaux, grâce notamment aux relations privilégiées que le royaume entretient avec l'Union Européenne et la richesse des savoir-faire ancestraux (agriculture ou artisanat). Le projet culturel « Regardons nous grandir » s'inscrit donc dans ce désir de vouloir créer un lien entre la zone citadine et rurale en désenclavant cette dernière, si tant est qu'un projet culturel soit capable de le faire. 1. Tiznit, une zone rurale à développerLa province de Tiznit, est située au sud du Maroc dans la région de Souss-Massa-Draâ. Sa superficie est de 9 585 et sa population est d'environ 350.00 habitants à majorité berbères, dont la majeure partie est en milieu rural (environ 80%). Cette région compte parmi les plus sous-équipées sur le plan sanitaire. Bien que le nombre de médecins ait augmenté de 18 à 30 entre 1996 à 2000, il reste largement inférieur à la moyenne nationale21. Dans le domaine éducatif, 67.2 % de la population âgée de plus de 10 ans est analphabète. En effet, l'alphabétisation en milieu rural est très faible, 39,4%, alors qu'en milieu urbain, elle presque deux fois supérieure et atteint 74.4 %. Quant à la situation de la femme rurale, elle est particulièrement défavorable puisque plus de neuf femmes rurales sur dix sont analphabètes contre moins de six citadines sur dix. L'ONG Bani et l'association Tamount constatent des difficultés en termes d'accès au soin des populations les plus précaires et notamment des populations villageoises. Cela les a amenés à créer un pensionnat de filles et de garçons afin que ceux-ci aient accès aux études. Cette ONG chapote différents lieux tel qu'un pôle maternité, un centre d'hémodialyse, un pôle maternité accueil prévention. Dans le cadre de leurs actions, les équipes de Bani et de Tamount ont su identifier des besoins. L'apport d'outils de communication en prévention, prenant en compte les difficultés des populations ciblées, leur paraît essentiel. Ces nouveaux outils permettraient de diffuser plus simplement et de façon vulgarisée les informations sanitaires et de santé publique. Pour cela ils souhaitent former leurs propres encadrants à ces supports ludiques, qui rendent acteurs et non plus spectateurs les populations ciblées. Le projet porté par la compagnie française Art dans le jardin vient donc répondre à cette attente en cela qu'il va former les encadrants à de nouvelles technologies de communications. Pour le responsable de l'ONG Bani et également maire de la commune Arbâa Sahel22, ce type d'action culturelle est « indispensable pour le développement d'Arbâa Sahel. Avant de parler d'émancipation féminine il faut déjà se concentrer sur le développement territorial, l'émancipation viendra d'elle-même par la suite ». Si l'enjeu émancipatoire ne semble, à l'inverse de la compagnie théâtrale, pas être placé au centre des intérêts, l'ONG Bani semble se réjouir de ce projet qu'il voit comme une occasion pour la commune de palier à l'écart qui la sépare des villes marocaines et plus généralement des pays 21 Indicateurs et sources de vérification : Site de l'ONG Bani http://www.ongbani.org/tiznit.htm 30 22 Brahim Safini, entretien réalisé par Skype le 30 aout 2014 31 européens. « Il faut que les zones rurales marocaines avancent, sinon bientôt elles disparaitront. La culture et surtout la communication peuvent nous aider à lutter contre l'enclavement ». La culture, qu'elle soit un outil de lutte contre l'enclavement ou pour l'émancipation féminine, semble être porteuse des espoirs des pays qui l'utilisent pour régler un problème économique et social. L'émancipation féminine en est un au Maroc, ce qui pourrait expliquer cet accord direct de la part de l'ONG Bani d'un projet dont les lignes ont été repensées par la compagnie. |
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