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Finitude et destinée humaines chez Maurice Blondel

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par Christophe MABOUNGOU
Université Pierre Mendès-France - Master II 2011
  

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2.3.2.2. Du rapport action-volonté : un mot ?

Le besoin de l'homme, c'est de s'égaler soi-même, en sorte que rien de ce qu'il est ne demeure étranger ou contraire à son vouloir, et rien de ce qu'il veut ne demeure inaccessible ou refusé à son être. Agir, c'est chercher cet accord du connaître, du vouloir, et de l'être, et contribuer à le produire ou à le compromettre. Dès lors, l'action apparaît comme le double mouvement qui porte l'être au terme où il tend comme à une perfection nouvelle, et qui réintègre la cause finale dans la cause efficiente150(*). Que dire alors et comment préciser ce rapport qui lie ou qui détermine l'action à la volonté ou la volonté par l'action151(*) ?

Dans sa contribution au colloque sur le Centenaire de Blondel, Pierre Livet s'attache à montrer la spécificité de la philosophie de l'action chez Blondel par rapport à la théorie de l'action telle qu'elle se déploie dans l'univers de la philosophie analytique : « La philosophie de l'action de Blondel est aux antipodes de la théorie de l'action des Anscombe, Von Wrigt et Davidson. La première traite des relations entre le pur agir divin et les actions transitives humaines, la seconde étudie les catégories pertinentes pour interpréter les comportements comme des actions[...] l'objectif poursuivi étant de montrer, outre la réelle communauté des problèmes, que la différence tient à. une dissociation entre point de vue en première personne et le point de vue en troisième personne ».152(*) Qu'est-ce à dire ?

En fait, la philosophie de l'action de Blondel suppose une distinction entre point de vue en première personne (c'est-à-dire de l'agent qui pose l'acte sur la base du "je veux") et le point de vue en troisième personne (c'est la position de celui qui interprète l'acte). Or pour lui, il n'est jamais question de l'interprétation ou de l'identification de l'action (vue de l'extérieur). Il s'agit chaque fois de se placer du point de vue l'agent mais qui suscite la coopération des autres.

Dans la thèse de 1893, cette distinction se justifie doublement : D'abord, par la méthode utilisée : pour parler de l'action, il faut expérimenter l'action. Le faire en première personne sans jamais sortir de ce point de vue. Ensuite selon les perspectives ouvertes en conclusion : l'action se dépasse vers l'extérieur, vers les autres (famille, patrie, humanité) : «L'action volontaire est donc le ciment qui édifie la cité humaine, c'est la fonction sociale par excellence. L'action est destinée à la société, et nous ne tenons les uns aux autres que par l'action »153(*) Mais, souligne l'auteur, il s'agit là d'une expansion, non d'un changement de point de vue. Quand enfin, on saisit à la fois l'ouverture de l'action sur l'infini et son incapacité à s'égaler au vouloir originel dont elle procède, on replace l'action dans le vouloir divin, et Dieu est ainsi tout à la fois troisième personne puisque transcendant et première personne puisqu'immanent à notre agir.

Par ailleurs, Blondel distingue de façon toute classique les motifs (ce qui oriente vers l'action de manière signifiante) et les mobiles (les forces et les causes qui poussent à l'action). Néanmoins il les entrelace intimement de sorte que les motifs doivent devenir des mobiles, et les mobiles na valent que s'ils préparent un motif : «Un motif n'est pas un motif sans mobile. Mais un mobile, non plus, n'est pas un mobile sans motif [...]. Les mobiles ne valent que par le motif qu'ils préparent et se proposent. Mais le motif lui-même n'est plus, s'il ne devient à son tour un mobile. »154(*) Toutefois, il sied de relever tout de même que Blondel n'analyse jamais l'action comme un raisonnement pratique (selon le syllogisme d'Aristote). Et il ne conçoit pas l'intention comme un plan , mais plutôt comme une volonté ? Il commence par définir l'action comme "un système" de mouvements voulus ou spontanés, un ébranlement de l'organisme, un emploi déterminé de forces vives, en vue d'un plaisir ou d'un intérêt, sous l'influence d'un besoin, d'une idée ou d'un rêve"155(*)Blondel parlera ensuite de décision, mais il envisagera les alternatives non pas comme un arbre des possibles, mais bien comme des forces en conflits. Il insistera, en fin de compte, sur l'unité de l'action comme synthèse de forces orientées.Il met au centre de l'action le concept de volonté conçu d'une manière dynamique. En posant donc le concept de volonté comme primitif et central , dans l'articulation de l'action, il n'hésite pas à parler, au sein de notre vouloir, de conflit de volontés, comme s'il y avait des volontés subalternes, qui s'opposent à notre volonté principale. De plus, il soutient qu'il suffit de vouloir et d'engager une décision pour qu'aussitôt cela suscite une foule de volontés opposées, et que l'action devra (et pourra) se manifester comme action justement en triomphant de ce système de « puissances récalcitrantes »156(*).

Ainsi, à ce niveau d'analyse, on peut dire que pour Blondel tout est volonté, y compris la volonté de ne pas vouloir (le nolle), comme il le démontre assez souvent. Cette démonstration met en jeu une sorte de privilège d'essence de la volonté. Car il n'est pas de position (fut-il nihiliste) qui ne soit vouloir. Or l'idée de volonté oppositive ne relève pas de cette analyse d'essence, mais de la description des nécessités d'une dynamique de l'action. Aussi toute décision doit-elle affronter ou s'affronter aux puissances qui se révèlent en conflit157(*) avec elle par cette décision même. Ces puissances, dans la mesure où elles entrent ainsi en conflit, jouent le rôle de volontés. Mais on peut aussi soutenir que chez Blondel, la volonté dominante doit au fond s'anticiper elle-même quand elle suscite ses antagonismes, grâce à la dynamique de l'action qui la caractérise et lui permet de procéder à un choix, à une coopération. Aussi nous faut-il revisiter l'un des lieux de déploiement et de coopération de l'action et de la volonté.

* 150 Maurice Blondel, l'Action, p.467.

* 151 Dans l'analyse du vouloir, mieux de la volonté, il nous semble que Paul Ricoeur ne partage pas sinon ne souscrit pas au point de vue de Blondel. Cela est très suggestif dans ces propos: «Ce souci d'arrêt au stade du moi explique sans doute que nous ne fassions aucun usage de la notion de l'action telle que Maurice Blondel l'a mise en oeuvre depuis 1893.[...] La notion si large et si précise d'action nous parait avoir son sens plein au niveau d'une poétique ou mieux d'une pneumatologie de la volonté, telle qu'on la trouve chez Pascal, chez Dostoïevski, chez Bergson et chez Gabriel Marcel. À ce plan règnent des notions essentiellement unitives, par delà la diversité des actes et en particulier par delà la dualité du connaître et de l'agir dont nous avons dû respecter la divergence de visée et d'objet. L'action est une de ces notions unitives. Mais peut être Maurice Blondel sous -estime-t-il les difficultés de cette méthode d'immanence, en particulier celles qui procèdent de l'accident de la faute [...] Peut être après tout l'oeuvre de Maurice Blondel est-elle non seulement une méthode d'immanence, mais une méthode d'innocence. J'ai parfois l'impression qu'à travers les détours de l'Eidétique, de l'Empirique et de la Poétique de la volonté, est recherchée une assurance onéreuse qui est tout de suite donnée au maître d'Aix... ». Paul RICOEUR, Philosophie de la volonté. I. Le volontaire et l'involontaire, Paris, Aubier (1950), 1988, p. 33-34.

* 152 Pierre LIVET, « Philosophie de l'action et théorie de l'action » in M.-J. Coutagne (éd.), L'Action. Une dialectique du salut. Colloque du centenaire d'Aix-en-Provence, Mars 1993, Paris, Beauchesne, 1994, p. 83. On consultera avec intérêt aussi Jean-Luc PETIT, L'Action dans la philosophie analytique, Paris, PUF, 1991.

* 153 Maurice BLONDEL, L'Action, p.251.

* 154 Ibid., p.106-107

* 155 L'Action, t. I., p. 61.

* 156 Blondel parle ici de passions comme : «cette action qui sort de nous contre notre vouloir, comme si elle était volontaire, cette action déraisonnable dont on se fait une raison nouvelle, c'est à proprement parler la passion». Cf; l'Action, p.176.

* 157 Blondel semble affronter ici le fameux problème de l'acrasie d'Aristote. On peut agir pour une raison alors que ce n'est pas notre meilleure raison. Blondel le transpose lorsqu'il estime que nous ne faisons toujours pas ce que nous voulons. On voit là une réappropriation du conflit interne tel qu'il est énoncé chez Saint Paul. aux Romains (Rm 7, 15).

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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote