Pour bon nombre de biens, il peut être très
utile d'aborder la proposition d'inscription comme un processus comprenant au
moins deux étapes, se situant un certain temps après
l'établissement d'une Liste indicative.
La première étape consiste à :
· déterminer la valeur universelle exceptionnelle
virtuelle du bien ;
· s'assurer au moyen d'une analyse comparative que cette
appréciation est justifiée ;
· faire en sorte que le bien fasse l'objet de mesures de
protection, de conservation et de gestion appropriées.
79 Essessé, A. (2008), Op. Cit. ; 32
80 UNESCO / ICCROM / ICOMOS / UICN, Établir une
proposition d'inscription au patrimoine mondial, Deuxième Edition,
2011 ; p 10
30
Lors de la première étape, il convient en
principe de constituer l'équipe responsable et de mener à bien
toutes les tâches (requises). Une fois cette étape achevée,
il est alors possible d'entreprendre la rédaction du dossier de
proposition d'inscription81.
Selon les propos recueillis dans un entretien
réalisé avec M. Ernest NAHIMANA82, le processus
d'inscription du site de la faille de Nyakazu et des chutes de Karera est
déjà amorcé. En premier lieu, un inventaire de tous biens
culturels, naturels et mixtes du patrimoine national burundais a
été fait. Deuxièmement, une liste indicative des biens
susceptibles d'être inscrits a été déposée
auprès de l'UNESCO en 2007. De cette liste, les chutes de la Karera et
la faille de Nyakazu ont été préférées comme
étant le site ayant plus de chances d'être inscrit sur la liste du
patrimoine mondial. Troisièmement, une étude sur la justification
de la valeur universelle exceptionnelle du site a été en 2008
avec l'appui d'un expert du Centre du Patrimoine Mondial (Amélie
ESSESE). Quatrièmement, en 2009, avec l'appui du Fond du Patrimoine
Mondial, un plan d'aménagement et de gestion du site a été
réalisé. Ces deux derniers documents doivent être
finalisés et complétés. Toujours, est-il qu'il manque un
statut juridique de ce site. Ainsi, il faut prendre des mesures
règlementaires pour améliorer sa gestion.
Réaffirmant que le processus d'inscription des biens
sur la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO est devenu plus complexe
qu'auparavant, c'est aussi un long processus qui prend beaucoup de temps.
Néanmoins, en analogie avec d'autres biens qui ont été
inscrits endéans deux ans ou cinq ans en moyenne, M. NAHIMANA a
été d'accord que le processus d'inscription de la faille de
Nyakazu et des chutes de Karera a duré longtemps que ce qu'il
fallait.
81 UNESCO / ICCROM / ICOMOS / UICN, Établir une
proposition d'inscription au patrimoine mondial, Deuxième Edition,
2011 ; p 58
82 Entretien avec Monsieur Ernest NAHIMANA, Chef de service
Musée, Sites historiques et Monuments au Ministère de la
Jeunesse, Sports et Culture (Burundi) le 28 août 2014
31
B. Les motifs internes et externes de la
lenteur
Pour M. NAHIMANA83, la lenteur dans l'inscription
du site de la faille de Nyakazu et des chutes de Karera s'explique pour
quelques raisons. D'abord, le Burundi ne s'est pas intéressé a
faire inscrire ses biens sur la liste du patrimoine mondial dès
après son adhésion à la Convention concernant la
protection du patrimoine mondial, culturel et naturel le 19 mai 1982. C'est une
entreprise assez récente et le Burundi ne dispose pas d'experts
très qualifiés dans l'élaboration des dossiers de
proposition d'inscription d'un bien. Les seuls qui sont au Ministère de
la Jeunesse, Sports et Culture ont reçu une formation
accélérée et ont besoin d'un coup de main des experts
externes surtout ceux de l'UNESCO pour la confection d'un tel dossier. Un autre
hic concerne le budget qui n'est pas assez suffisant pour mener toutes les
tâches nécessaires à cette fin.
A ajouter qu'aujourd'hui, le processus d'inscription des
biens sur la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO est devenu plus complexe
qu'auparavant.
L'analyse détaillée de tous les dossiers
d'inscription des biens inscrits sur la Liste du patrimoine mondial
menée à la fin des années 1990 a
révélé une situation qui aurait pu mettre en péril
la crédibilité de la Convention. Des éléments aussi
essentiels que les limites du bien inscrit étaient souvent inconnus ou
imprécis. Les inscriptions étaient généralement
constituées de quelques pages contenant des données assez
générales. Avec une documentation aussi limitée, la
protection et la gestion mêmes du bien inscrit auraient pu être
compromises84.
Ces points faibles justifiaient un meilleur processus
d'inscription. En 1999, une vérification du caractère complet des
dossiers d'inscription fut entamée. Jusqu'alors, les inscriptions
étaient automatiquement transmises aux Organisations consultatives sans
vérification préalable de leur contenu par le Secrétariat.
En conséquence, un
83 Entretien avec Monsieur Ernest NAHIMANA, Chef de service
Musée, Sites historiques et Monuments au Ministère de la
Jeunesse, Sports et Culture (Burundi) le 28 août 2014
84 UNESCO / ICCROM / ICOMOS / UICN, Établir une
proposition d'inscription au patrimoine mondial, Deuxième Edition,
2011 ; p 2
32
grand nombre de dossiers d'inscription de biens inscrits entre
1978 et 1998 sont globalement insuffisants en termes de
conservation85.
Lorsqu'une version révisée des Orientations est
entrée en vigueur en 2005, le Comité du patrimoine mondial a
avalisé la vérification du caractère complet de chaque
dossier ainsi qu'un nouveau formulaire d'inscription plus
détaillé et annoté. Depuis 1999, l'amélioration
générale de la qualité des informations contenues dans les
dossiers a renforcé de façon significative le processus
d'inscription au patrimoine mondial. Cela a permis en outre de mettre en oeuvre
la Convention de façon encore plus précise, notamment en
développant et en facilitant le suivi de l'état de conservation
des biens inscrits86.
Comparativement au Canal du Midi (France), un bien a
été inscrit sur la Liste en 1996 au terme d'un travail de
préparation qui a duré deux ans (délais relativement
courts). Les principaux facteurs du retard dans le processus d'inscription de
la faille de Nyakazu et des chutes de Karera peuvent être les suivants
:
· un comité de pilotage et un comité
scientifique efficaces n'ont pas été constitués ;
· les experts burundais ne sont pas bien
préparés, sur le plan intellectuel et pratique, et à
même d'établir le dossier ;
· des tensions avec la population environnante du site
n'ont été totalement réglées;
· le budget pour le financement du processus n'est pas
suffisant;
· la bonne documentation de base est toujours en cours
d'élaboration.
En résumé, les études qui ont
été menées jusqu'ici penchent en faveur d'une valeur
universelle exceptionnelle du site de la faille de Nyakazu et des chutes de la
Karera, autrement connu comme le Massif sacré du Nkoma ou Monuments
Naturels de l'Est du Burundi.
85 Idem
86 UNESCO / ICCROM / ICOMOS / UICN, Établir une
proposition d'inscription au patrimoine mondial, Deuxième Edition,
2011 ; p 2
33
La suite devrait permettre de prouver combien l'inscription de
ce site sur la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO serait
bénéfique pour la protection de l'environnement de ces monuments
quoi qu'il reste encore des défis à relever afin de mener
à bien ce projet.
34
2ème Partie : LES DEFIS ET ENJEUX DE
L'INSCRIPTION DE LA FAILLE DE NYAKAZU ET DES CHUTES DE KARERA AU PATRIMOINE
MONDIAL
De grands enjeux en matière de protection de
l'environnement au niveau de la faille de Nykazu et des chutes de la Karera
sont imputables à leur éventuelle inscription sur la liste du
patrimoine mondial (Chapitre 2) ce qui justifie l'urgence de lever tous les
obstacles à ce noble projet (Chapitre 1).