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La multipropriété des joueurs de football professionnel

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par Marco RENNELLA
Amos Sport Business School - Master Business in Sport 2015
  

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PARTIE 2 :

L'étude, les résultats et leur portée

28

1. Résultats empiriques et retour sur les hypothèses

De par les entretiens réalisés, un retour sera fait sur les hypothèses relatives à la problématique formulées précédemment. Un point de comparaison entre deux clubs sera tout d'abord fait afin de bien comprendre l'impact de la tierce propriété d'un point de vue financier. Puis, un retour sur les trois hypothèses sera également réalisé.

1.1. Présentation des meilleures ventes et achats de joueurs de deux clubs professionnels

> Olympique Lyonnais

RENTABILITE DES PLUS GROS TRANSFERTS DE L'OL

RENTABILITE

Joueur

Achat

Vente

Montant

%

Michaël Essien

11,8

38

26,3

223%

Karim Benzema

0

35

35

-

Mahamadou Diarra

6

28

22

367%

Florent Malouda

4

20

16

400%

Michel bastos

18

4

-14

-78%

Lisandro Lopez

24

7,2

-16,8

-70%

Yoann Gourcuff

22

0

-22

-100%

TOTAL

 
 

46,45

 

29

La stratégie de l'OL, consiste vraiment de miser sur la formation, ainsi le club souhaite former des joueurs de les faire jouer afin qu'ils puissent se montrer aux yeux de l'Europe.

Le but étant de les revendre le plus cher possible aux cadors européens à l'instar de Karim Benzema, vendu au Real Madrid pour 35 millions d'euros, alors qu'il n'avait rien coûté au club mis à part les frais de formation.

C'est à partir de 2007 que le virage stratégique pris par l'Olympique Lyonnais s'est réellement dessiné. La première étape vers l'acquisition d'actifs tangibles a donc consisté à reprendre en main le centre de formation assimilé à « l'usine de production » du club.

Ainsi 4,6 M d'euros ont été investis dans le bâtiment inauguré en novembre 2008, permettant d'accueillir dans les meilleurs conditions les jeunes joueurs destinés à intégrer l'équipe professionnelle.

Les années suivantes ont permis de développer ce modèle de formation en l'étendant au niveau international grâce à la signature de partenariats avec des clubs étrangers au Liban ou en Chine par exemple.

Reconnaissance de la qualité de la stratégie mise en place, le club a donc été en 2012-2013, 2ème meilleur centre de formation de jeunes joueurs au monde arrivant juste derrière le FC Barcelone et devant le Real Madrid ou le Bayern Munich.

C'est pourquoi, l'Olympique Lyonnais peut compter sur un effectif donc plus de 70% de la valeur est constituée par des joueurs du « cru ». Ce chiffre est d'ailleurs en augmentation : il n'était que de 46% en juin 2012 e de 38% en juin 2011.

De plus, la construction du Grand Stade est au coeur de la réorientation stratégique du club. En France à l'exception de l'AJ Auxerre et de l'AC Ajaccio, les clubs sont locataires de leurs stades grâce à la « concession d'occupation privative du domaine public » qui permet d'occuper de façon temporaire une parcelle du domaine publique moyennant le paiement d'une redevance. Ainsi les clubs n'exploitent qu'une vingtaine de jours par an, un outil dont ils ont en revanche, la charge des dépenses de fonctionnement.

Face à ce constat, c'est en septembre 2007 que les dirigeants lyonnais, annoncent le deuxième axe de la nouvelle politique d'investissement du club. En effet, calquée sur le modèle anglais, ils prévoient la construction du projet « OL Land » un stade au coeur d'un lieu de vie afin d'y développer au maximum des activités étrangères au football (hôtels, restaurants, centre de loisirs etc).

L'acquisition permettra donc au club de diversifier ses sources de revenus, en bénéficiant d'une part, des recettes liées à l'organisation de spectacles (concerts ou autres manifestations sportives) et d'autre part, de bénéficier de sources de revenus quasi indépendantes des résultats sportifs. Ils n'auront donc pas besoin d'être omniprésent sur le marché des transferts, et n'auront surtout pas l'obligation de vendre leurs meilleurs joueurs chaque année.

> FC Porto

RENTABILITE DES PLUS GROS TRANSFERTS DU FC PORTO

 
 
 
 

ACHAT

 

VENTE

Rentabilité Porto

 

Pourcentage Pourcentage

 
 
 
 
 
 

Joueur

 

Total

Porto

Total

Porto

Total

%

 

FC Porto

TPO

 
 
 
 
 
 

Falcao

95%

5%

5,5

5,2

45

42,8

37,5

718,18%

James Rodriguez

55%

45%

7,5

4,1

45

24,8

20,6

500,00%

Moutinho

85%

15%

11

9,4

25

21,3

11,9

127,27%

Hulk

66%

34%

11

7,3

60

39,6

32,3

445,45%

Otamendi

100%

0%

4

4,0

12

12,0

8,0

200,00%

Mangala

57%

43%

7,5

4,3

53

30,1

25,8

604,79%

Fernandinho

80%

20%

0,7

0,6

15

12,0

11,4

2042,86%

TOTAL

 
 
 
 
 
 

147,62

 

30

La stratégie de Porto soumet le club à une très forte dépendance au marché des transferts, ils doivent vendre chaque année des joueurs afin rééquilibrer son résultat financier.

Le club a enregistré une rentrée de recettes de 74,016 M€ lors de la saison 2012-2013 seulement en vendant des joueurs, cette source de revenus a complètement fondu lors de la saison 2013-2014 pour atteindre la somme de 22,397 M€. Un écart supérieur à 50 M€ explique complètement les chamboulements financiers du club. Le FC Porto est dans l'obligation de vendre ses éléments pour équilibrer ses comptes car le club possède une masse salariale qui représente près de 70% de ses revenus opérationnels.

Ainsi, alors que le club avait cédé des joueurs tels que James Rodriguez Joao Moutinho ou encore Hulk lors de l'année 2012-2013, le marché a été plus calme la saison suivante avec comme plus grosse vente, celle du défenseur Otamendi au FC Valence. De plus, malgré de belles sommes perçues en apparence, le FC Porto a déduit des transferts réalisés, les sommes dues aux fonds d'investissement qui possèdent une partie des droits du joueur.

31

Du fait de ses résultats déficitaires le FC Porto a été contraint de lever des fonds. Une augmentation du capital de l'entreprise de 37,5 Millions d'euros réalisée par une souscription privée du club d'à peu près 7 millions d'actions en octobre 2014, le but étant de rassurer les partenaires financiers.

Sa stratégie est donc basée sur la revente de joueurs, pour cela le club achète de jeunes joueurs avec l'aide des tierces parties, assez peu cher. Le but étant de revendre les joueurs après une, deux, voire trois années passées au club afin de faire une plus-value. C'est une stratégie totalement différente de l'Olympique Lyonnais car, eux au contraire de l'OL, ses résultats sportifs sont en adéquation avec ses résultats financiers. Si plusieurs joueurs achetés quelques millions d'euros, n'arrivent pas à s'imposer après plusieurs saisons, le club se retrouve dans l'embarras car ils ne pourront pas les vendre et son résultat financier risque d'être mauvais. C'est plutôt une stratégie assez aléatoire qui demande une grosse recherche de jeunes joueurs prometteurs, d'où la collaboration avec les fonds d'investissement. Afin de percevoir une plus-value, encore faut-il posséder les droits économiques de ses propres joueurs, mais de ce côté Porto n'est pas stupide et possède la plupart du temps au moins 50% des droits économiques de ses joueurs.

Beaucoup de clubs portugais ont ce modèle de stratégie car ils sont un peu à l'image des clubs Sud-Américains en manque d'argent et n'ont pas le choix que d'avoir recours à des fonds privés. Cependant, cette stratégie est gagnant-gagnant sur le court terme, car sans les TPO, le FC Porto ne pourrait pas s'offrir de jeunes joueurs talentueux et donc ne ferait pas de plus-value. Même si lors de la revente, la totalité de l'indemnité de transfert ne lui revient pas, ils sont quand même gagnants car par rapport à ce qu'ils avaient investis, il récupère la somme qui correspond à son investissement. Il faut toutefois réalisé ce genre de transfert plusieurs fois chaque année, c'est pour cela que cette stratégie est assez aléatoire.

En France, l'AS Monaco tend vers cette stratégie, rien d'étonnant quand on voit le nombre de joueurs arrivés dans ce club grâce au « super agent » Jorge Mendes. Il fait de Monaco un FC Porto français en transférant de jeunes joueurs qu'il pourra revendre très cher quelques années plus tard.

En tout cas, si l'interdiction se maintient, beaucoup de présidents portugais vont être amenés à revoir la globalité de leur stratégie économique, financière et sportive. Le tout dans une conjoncture très défavorable et marquée par la crise bancaire.

32

1.2. Retour sur l'hypothèse 1 : Les clubs achètent des jeunes joueurs talentueux sans pour autant risquer leur argent

Suite aux nombreux cas de transferts des joueurs de football professionnel et au manque de recherche dans ce domaine, la problématique principale de ce travail consistait pour rappel à s'interroger sur l'impact des fonds d'investissement dans le football et notamment des clubs professionnels. La première hypothèse liée à cette problématique qui fut formulée était d'établir s'il était pertinent pour les clubs d'acheter des joueurs en utilisant des tierces parties afin de ne pas dépenser leur propre argent. Au regard des informations collectées par le biais des entretiens d'experts ou avec des personnes qui connaissent le sujet, cette hypothèse semble validée.

En effet, d'un point de vue juridique, il est difficile d'interdire cette pratique auprès des investisseurs. De plus, les clubs qui utilisent ces investisseurs ne veulent pas s'en séparer car cela leur permet de trouver des solutions financières pour l'achat de certains joueurs. Aujourd'hui toutes les opérations qui font intervenir un tiers investisseur dans des opérations de transfert de joueurs de football sont nommées sans distinction « third-party ownership » (en abrégé TPO). Cette qualification est impropre car il n'est évidemment pas question de s'approprier un joueur ou une partie du joueur : il va sans dire que la personne d'un joueur et sa force de travail ne sont pas dans le commerce.

Cette domination est également trompeuse en ce qu`elle n'explique pas comment un tiers investisseur peut se trouver intéressé au transfert d'un joueur de football.

Selon la FIFA, dont le règlement reconnaît à contrario la validité des contrats de TPO dès lors qu'ils ne confèrent pas au tiers investisseur une influence sur la politique sportive du club. « Le concept de propriété des droits économiques des joueurs par des tiers correspond aux situations dans lesquelles une tierce partie investit dans les droits économiques d'un joueur professionnel afin de potentiellement percevoir une partie de la valeur de tout futur transfert du joueur ».

La TPO est étroitement liée au marché des transferts, or les transferts trouvent leur fondement juridique dans le chapitre IV du Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs établi par la FIFA intitulé « Stabilité contractuelle entre professionnels et clubs ». Ce règlement est au coeur du système des transferts.

L'article 13 pose le principe que « Un contrat entre un joueur professionnel et un club peut prendre fin uniquement à son échéance ou d'un accord commun ». Un contrat de joueur professionnel qui n'est pas à échéance ne peut donc prendre fin que d'un accord commun entre le club et le joueur.

L'article 17 du règlement FIFA prévoit que le non-respect de cette règle est sanctionné au plan sportif et financier et que ces sanctions ne visent pas seulement le joueur qui aurait rompu son contrat sans juste cause, mais aussi le nouveau club qui l'engagera.

Ainsi, le règlement FIFA confère de façon universelle à chaque club ayant engagé un joueur de football par un contrat écrit, un droit exclusif de faire jouer ce joueur sous ses couleurs pendant toute la durée de son contrat et donc d'empêcher sa mutation vers un autre club sous peine de sanctions sportives et financières.

Chaque club détenant le droit de s'opposer à la rupture anticipée du contrat qui le lie à ses joueurs, détient de facto le droit de négocier auprès d'autres clubs le prix de son accord pour libérer ses joueurs. Il est par voie de conséquence titulaire d'une créance future qui représente l'indemnité de transfert latente qu'il peut négocier sur chacun de ses joueurs dont le contrat n'est pas terminé.

33

Si le mécanisme de stabilité n'existait pas et que les joueurs étaient libres de muter d'un club à l'autre à chaque fin de saison, alors les clubs ne seraient plus en mesure de justifier d'une créance future au titre de leur transfert.

C'est donc bien le mécanisme de stabilité contractuelle imposée par le Règlement FIFA qui constitue le fondement juridique de la créance future de transfert que détiennent tous les clubs à raison de chacun de leurs joueurs professionnels.

Dès lors que les clubs professionnels peuvent justifier d'une créance future au titre d'un transfert de chacun de leurs joueurs sous contrat, on peut concevoir que cette créance de transfert future soit financiarisée.

Certes cette créance n'est pas certaine, sa réalisation dépend en effet d'une part de l'accord du joueur pour être transféré et d'autre part de l'accord du club acquéreur pour engager le joueur et payer l'indemnité de transfert à son ancien club. Il s'agit donc d'une créance future ou éventuelle.

Mais elle n'en a pas moins d'existence puisqu'elle est suffisamment identifiable et qu'elle fait l'objet d'une protection par le règlement FIFA qui s'impose à tous les clubs et joueurs professionnels et qui est assorti de sanctions financières et sportives.

De nombreux juristes européens, notamment français, considèrent que la créance de transfert n'existe que parce que le joueur est lié à son club par un contrat de travail à durée déterminée. Ils en déduisent que la créance de transfert correspond en réalité au montant de l'indemnité que le joueur doit régler à son employeur en cas de rupture abusive (« sans juste cause ») son contrat de travail. La créance de transfert trouverait donc sa cause dans la rupture du contrat par le joueur, ce qui la rendrait inaccessible car on ne peut pas céder à un tiers une créance indemnitaire qui n'existe qu'en cas de faute de son co-contractant.

Cette analyse « travailliste » du mécanisme des transferts me paraît erronée en ce sens qu'elle ne fait pas la distinction entre l'indemnité de rupture que le club peut revendiquer si le joueur rompt son contrat sans juste cause et le prix que le club accepte de recevoir en contrepartie d'une résiliation amiable du contrat du joueur.

Or ce sont deux choses tout à fait différentes. La rupture génère une créance indemnitaire alors que la résiliation amiable a un prix qui est celui du mutuus dissensus.

C'est le prix du « mutuus dissensus » qui constitue la créance de transfert, et non pas l'indemnité de rupture du contrat de travail. Les contrats de TPO n'ont donc pas pour objet une créance indemnitaire mais une créance liée au prix que le club peut négocier auprès d'autres clubs pour consentir à la résiliation amiable du contrat de ses joueurs.

C'est la combinaison d'un contrat de travail à durée déterminée (obligatoire selon le Règlement FIFA) et d'une licence sportive qui génère dans le patrimoine du club des créances de transfert qu'on appelle les droits économiques. La notion de droits économiques a d'ailleurs été clairement définie par plusieurs sentences rendues par le Tribunal Arbitral du Sport4.

Dès lors que les droits économiques sont traités comme une créance qui existe dans le patrimoine d'un club, il n'y a pas d'obstacle juridique à ce que cette créance soit commercialisée comme n'importe quel actif. En effet, une créance est bien réelle. C'est un actif qui peut être donné en garantie ou qui peut être cédé.

De plus, la FIFA a une influence uniquement sur des membres de la FIFA, à savoir les clubs, les fédérations, les joueurs mais en aucun cas, elle peut interdire quoi que ce soit aux sociétés d'investissement.

4 Voir notamment CAD 2004/A/662 RCD MALLORCA, SAD c. Club Atlético Lanus et CAS 2004/A/635 RCD Espanyol de Barcelona SAD v/ Club Atlético Sarsfield

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En termes économiques cette pratique est totalement conforme aux législations, et les clubs qui utilisent les TPO se portent plutôt bien sur la scène européenne. En effet, les clubs portugais comme le FC Porto, Benfica ou encore Braga, les clubs espagnols comme le FC Séville et l'Atletico Madrid ont gagné quelques titres et non des moindres ces dernières années. Pour rappel, le FC Séville vainqueur à deux reprises de l'Europa League (2014 et 2015) et l'Atletico Madrid vainqueur du championnat espagnol en 2014 devant les deux « ogres » de ce championnat qui sont le Real Madrid et le FC Barcelone réussissent à bousculer les cadors européens. Le FC Porto, un des premiers clubs en Europe à utiliser à outrance cette pratique avait gagné en 2004 la Ligues des Champions, ainsi que l'Europa League en 2003 et 2011, sans parler du championnat du Portugal, remporté à de nombreuses reprises. Le Benfica Lisbonne, quant à lui malheureux finaliste à deux reprises (2013 et 2014) lors de l'Europa League ne serait peut être jamais arrivé deux fois en finale sans l'aide de fonds d'investissement. On s'aperçoit tout de même qu'avoir recours aux TPO permet tout d'abord de posséder des joueurs de qualité sans pour autant dépenser des sommes astronomiques. Shervine Nafissi-Azar, doctorant en droit et auteur d'une thèse sur ce sujet annonce : « L'intérêt pour le club est de pouvoir rester compétitif. Attirer notamment des joueurs qu'il ne pourrait pas obtenir sans cette forme de financement, tout en limitant les risques financiers. »

Il est vrai que pour un club, acheter un jeune joueur prometteur, peut être un risque. Déjà, si le joueur change de pays, voir de continent, il y a un temps d'adaptation plus ou moins long pour le joueur, parfois le joueur peut être très bon dans son pays d'origine mais perd tous ses moyens en arrivant en Europe. De plus, le risque de grosses blessures et de ne plus jamais retrouver son niveau n'est pas négligeable. Ces deux facteurs sont les risques que prend un club lorsqu'il engage un jeune joueur étranger. De nombreux clubs ont connu des « flops », des génies lorsqu'ils jouent dans leur pays et ne donnent plus rien dans leur club en Europe. Cela est assez risqué de prendre des joueurs d'Amérique du Sud car souvent ils coûtent assez cher et en plus, le risque qu'ils ne s'imposent pas en Europe est bien présent. Le moyen afin d'attirer ces joueurs là qui peuvent être de véritable atouts tout en ne mettant pas en péril le côté financier du club est de faire appel aux TPO.

« Faire appel » est un bien grand mot car « en Amérique latine, sans doute presque 100% des contrats sont liés à des tiers», assène le chercheur Raffaele Poli, directeur de l'Observatoire du football du Centre international d'étude du sport (CIES), à Neuchâtel.

Donc pas besoin de faire appel, en Amérique du Sud, le joueur et le tiers sont déjà liés d'autant plus si le joueur est prometteur. Bien souvent, les TPO peuvent prendre en charge la totalité ou la quasi totalité du premier transfert vers l'Europe dans un club de « seconde zone », par exemple le FC Porto et ensuite réalise une réelle plus-value lorsque celui-ci est acheté par un gros club européen.

Dans ces cas là, les clubs de « seconde zone » comme le FC Porto ou l'Atletico Madrid bénéficient gratuitement ou à moindre coût des très bons jeunes joueurs pendant un, deux voire trois ans, cela permet à ces clubs d'être compétitifs et de gagner quelques titres. Le fait de gagner des titres et de figurer sur le devant de la scène attire d'autres jeunes joueurs et l'histoire se répète sans cesse.

35

1.3. Retour hypothèse 2 : les TPO représentent une menace pour les clubs et pour le football en général

Comme la première hypothèse, les conclusions que l'on peut tirer de cette deuxième hypothèse semblent également positives.

Cette hypothèse formulait que les TPO représentent une menace pour les clubs et pour le football en général. Interrogés à ce sujet, les spécialistes sont plutôt d'accord, cependant il y a certaines personnes qui ne voient pas en quoi ce serait une menace. Les différentes personnes rencontrées sont contre les TPO mais ne sont pas pour une interdiction pure et dure. Nous verrons donc en quoi cela est néfaste pour les clubs et le football puis nous mettrons en avant les arguments des personnes qui ne voient pas de mal face à cette pratique.

En premier lieu, la plupart des personnes interviewées ne sont pas « fans » des TPO car elles pensent que cela est néfaste pour le bien du football comme l'explique Raffaele Poli : « Pour moi c'est très néfaste car il amène une dimension spéculative, en gros cela institutionnalise le conflit d'intérêt dans un milieu déjà assez fermé ».

Les TPO représentent une menace pour les clubs de football dans le sens où le club peut devenir dépendant des fonds d'investissement. Il est vrai que finalement, le club perd petit à petit les droits économiques sur ses joueurs comme le dit Shervine Nafissi-Azar :

« Un club peut devenir otage des fonds (tous comme les joueurs). À force d'être aidé par des sociétés, vous perdez vos droits sur les joueurs du club. Ainsi quand ils partent, vous ne toucherez par exemple que 30% de l'indemnité contre 70% pour la société ».

Ainsi, le club peut avoir des très bons joueurs mais ne profitera quasiment pas de sa valeur financière. Nous l'avons vu auparavant lors de la comparaison entre Lyon et le FC Porto. On a pu voir que le FC Porto vendait beaucoup de joueurs chers mais que la totalité de l'argent ne rentrait dans ses caisses. De plus, l'autre menace pour les clubs est la perte du contrôle sur le domaine sportif car ce seront les fonds d'investissement qui décideront quand et où les joueurs seront transférés dans le but de générer la plus grosse plus-value. Dans ces cas-là, le joueur subit également les conséquences des tierces parties, car son envie était peut-être de rester dans ce club jusqu'à la fin de son contrat, chose qui ne pourra jamais faire car sinon il serait gratuit et donc pas de plus-value pour la société qui détient ses droits.

La deuxième menace de cette pratique, est que pour générer souvent des plus-values sur les joueurs, il faut que ces derniers soient transférés le plus de fois possible tout au long de sa carrière. Il y a même des joueurs qui sont transférés chaque année. L'exemple le plus frappant et le plus récent est celui de l'attaquant Colombien Radamel Falcao. En effet, ce joueur est passé par le FC Porto, l'Atletico Madrid, Monaco, Manchester United et enfin Chelsea, le tout en l'espace de 5 ans. Finalement peu étonnant lorsqu'on sait que ses droits économiques sont détenus en partie par Doyen Sports et que son agent n'est autre que Jorge Mendes. D'un point de vue juridique, cette situation va à l'encontre de la notion de stabilité contractuelle, une notion que prévoyait pourtant l'arrêt Bosman, en instaurant des indemnités de départ.

Jorge Mendes, l'agent notamment de Cristiano Ronaldo et José Mourinho a poussé le système de TPO au stade industriel. Il réalise 70% des transferts du FC Porto et il possède un demi-milliard d'euros d'actifs à crampons. L'été dernier, l'agent portugais a transféré James Rodriguez au Real Madrid. Une mauvaise nouvelle pour Angel Di Maria, poussé sur le banc par l'arrivée d'un concurrent direct. Heureusement, l'agent de Di Maria, Jorge

36

Mendes, l'a vendu à Manchester United. Où il entrait en concurrence directe avec Nani, que son agent...Jorge Mendes a donc transféré au Sporting Portugal.

Au contraire des agents à l'ancienne, Jorge Mendes n'est pas un découvreur de talent. Les bons joueurs, il les prend, il a ainsi « volé » Cristiano Ronaldo à Julio Veiga, José Mourinho à Jorge Baideck, Nani à Ana Almeida. Il les prend parce qu'il a compris une chose : le joueur choisira toujours l'agent qui lui propose le meilleur club et le meilleur contrat. Grâce à ses relations et à son organisation, il arrive toujours à satisfaire son joueur. Avec Mendes, il y a toujours une solution, même si vous n'avez pas d'argent. En effet, le fonds d'investissement Doyen Sports est là pour investir à votre place. Il est vraiment créatif. Sa société Gestifute travaille avec une demi-douzaine de fonds d'investissement et une douzaine de clubs (Porto, Benfica, Sporting au Portugal, Valence, Deportivo la Corogne, Atletico Madrid et Real Madrid en Espagne, Manchester United et Chelsea en Angleterre et Monaco en France).

Jorge Mendes conseille donc à des fonds d'investissement de miser sur des joueurs dont il est l'agent et qu'il place dan des clubs devenus totalement dépendants de ces montages économico-sportifs.

Comme le révélait le Guardian, l'agent portugais a lancé avec Peter Kenyon (ancien directeur marketing de Manchester United et Chelsea) la société Quality Sport Investments à Jersey. Un paradis fiscal où l'identité des investisseurs ne peut pas être connue et les taxes à payer sont quasi nulles. Le but est d'acheter une partie des droits économiques de jeunes joueurs pour réaliser des plus-values à la vente. Sa société vise 15 investisseurs prêts à mettre un minimum d'un million d'euros chacun. En retour, Jorge Mendes et son associé promettent 10 % de profit annuel dans les 3 à 5 ans. En Espagne, au Portugal et en Turquie, l'achat d'une partie des droits de joueurs est autorisé, laissant le champ libre à Quality Sport Investments. Mais Jorge Mendes n'est pas actionnaire d'un seul fonds d'investissement, il a réalisé le transfert plutôt surprenant du jeune Bernardo Silva, passé de Benfica à Monaco pour la somme de 15,75 Millions d'euros. Arrivé en prêt mi-août 2014 sur la pointe des pieds en provenance de l'équipe réserve lisboète, le milieu offensif a réalisé une première partie de saison satisfaisante (16 matchs en L1, 2 buts). Mais de là à ce que l'ASM explose sa tirelire pour un joueur qui n'est même pas international à l'époque alors que le président de L'AS Monaco a largement réduit la voilure depuis l'été dernier, il y a un pas qu'elle a donc franchi en dépensant plus que les 19 autres clubs de L1 réunis lors du dernier mercato hivernal. En réalité, Benfica n'a pas touché l'intégralité de cette somme colossale. Géré par l'agent portugais Jorge Mendes, qui a ses entrées Principauté où il avait déjà casé Falcao, James Rodriguez, Ricardo Carvalho, Fabinho, Wallace et Moutinho, Bernado Silva appartenait aussi en grande partie au fonds d'investissement Meriton Capital Limited. Cette entité dans laquelle Jorge Mendes serait encore actionnaire avec Peter Lim, homme d'affaires singapourien et propriétaire du Valence FC, ainsi que Peter Kenyon déjà associé avec l'agent dans un autre fonds, il est étroitement liée à Benfica, actuellement en grande difficulté financière. Le deal entre Monaco, Benfica et Meriton était apparemment ficelé depuis l'été dernier, avec une option d'achat surévaluée à 30 Millions d'euros pour mieux faire passer la pilule à 15,75 millions d'euros. Ce genre de transfert permet aussi d'effacer la TPO des joueurs, leur tierce propriété, dans un lieu plutôt accueillant sur le plan fiscal pour les étrangers. D'après le site américain ESPN, Jorge Mendes serait la deuxième personne la plus influente derrière Michel Platini, cela semble assez démesuré d'avoir un agent de football aussi influent5.

5 http://www.espnfc.com/blog/espn-fc-united-blog/68/post/2523404/platini-mendes-scudamore-rummenigge-messi-most-influential

37

C'est là où vient la troisième menace : les conflits d'intérêts. Tout d'abord, le premier conflit d'intérêt que Michel Platini met en avant est celui où plusieurs joueurs appartenant au même fonds d'investissement se rencontrent lors d'un match, comment alors être sûr que l'issue de la rencontre n'est pas arrangée ? Et cela peut être très dangereux pour le football car serait mis à mal le concept d'incertitude du résultat, et c'est ceci qui rend un match si attractif.

De plus, il y a également des conflits d'intérêts en interne car bien souvent les actionnaires des clubs ont des parts dans des fonds d'investissement tout comme certains agents. Alors difficile d'imaginer un joueur appartenant à un fonds d'investissement dont le principal actionnaire est le président du club ne pas être titulaire. En effet, il obligerait alors à l'entraîneur de le faire joueur pour que son joueur ait le plus de chance de prendre de la valeur et être revendu plus cher afin que la plus-value soit la plus intéressante pour l'actionnaire, quitte à laisser un meilleur joueur sur le banc. Pareil, si un agent possède un joueur, que ce joueur est détenu par le fonds d'investissement de son agent et que son entraîneur a pour agent le même que lui, alors le joueur aura beaucoup plus de chance de jouer tout cela à cause de relation. Cela crée forcément une mauvaise ambiance au sein du groupe et au sein du vestiaire. Donc, on peut vraiment se poser la question si l'équipe est faite toujours dans l'optique d'être la plus compétitive possible ou dans le but de rendre heureuses les personnes proches et influentes du club. Avec les TPO, le doute est permis mais pas que « avec » finalement.

Comme annoncée au début de cette sous-partie, certaines personnes pensent finalement que les TPO sont une bonne chose pour le football et ne sont en aucun cas une menace pour les clubs. Il est vrai que peu de personnes pensent comme cela mais il en existe tout de même et je tenais à comprendre leur point de vue afin de l'expliquer au mieux. En effet, on a beaucoup parlé de conflits d'intérêts que représenteraient les TPO, notamment sur le truquage de match si plusieurs joueurs appartenaient au même fonds d'investissement. Mais, il est vrai que ce la est exactement pareil si plusieurs joueurs appartiennent au même agent. Ils pourront alors aussi s'arranger sur l'issue de la rencontre. Ce qu'il faut se dire c'est que les joueurs sont avant tout des compétiteurs et ne pensent pas à cela lorsqu'ils entrent sur le terrain, s'il y a des matchs arrangés et tout le monde le sait, l'arrangement se fait d'abord entre dirigeant, cela est très rare que les joueurs prennent l'initiative parce que tel joueur est dans le camp adverse. Il y a peu de chance, soyons franc pour que les TPO influencent le résultat d'un match, car ce ne sont pas vraiment leur but, mais il est tout de même possible et cela doit aussi être pris en compte.

Deuxièmement, nous avons dit que les joueurs étaient transférés à la chaîne et que chaque année ils peuvent changer de club afin de satisfaire le fonds d'investissement. Il est vrai de dire cela, mais sans parler de TPO les agents n'ont-ils pas intérêts à transférer le plus souvent possible leurs joueurs afin de prendre à chaque transaction une commission de 10%. C'est un peu la même idée qu'avec les fonds d'investissement, les agents ont tout intérêt à transférer leur joueur le plus souvent possible, ce qui peut nuire à la carrière du joueur tout comme les TPO. D'ailleurs on parle souvent que ce joueur est détenu à 30% par tel fonds d'investissement mais l'agent lorsqu'il prend une commission de 10% sur une transaction d'un club A vers un club B, c'est un petit peu comme si l'agent possédait 10% de la valeur économique du joueur même si cela n'est pas contractuel, cela revient au même. Enfin, la copropriété des joueurs a existé depuis longtemps en Italie, lorsque deux clubs se partageaient un joueur, c'est uniquement dans un but de plus-value à la revente que les clubs se mettaient d'accord. Cette pratique a d'ailleurs été interdite l'année dernière.

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Tout cela pour dire, que les TPO confirment un problème qui existe déjà comme l'explique Raffaele Poli : « Les tierces parties institutionnalisent, consacrent, un système qui est déjà existant. Le problème, c'est le fonctionnement du système de transfert et puis ces pratiques là viennent renforcer un problème qui existe déjà. »

Il est vrai que les TPO sont une menace pour les clubs et le football mais même en les supprimant et en réussissant à les radier, chose qui semble impossible, les conflits d'intérêts seront toujours présents. C'est pour cela que si l'on veut résoudre la question, il faudra alors réfléchir plus généralement aux systèmes de transfert et à la répartition des recettes entre les clubs.

Nous donnerons un peu plus tard, quelques solutions envisageables afin de réguler cette pratique des tierces parties mais également le système des transferts dans son ensemble.

En outre, les spécialistes ayant fait des études sur ce sujet sont nombreux à être contre cette pratique dans le football, cependant tous pensent qu'une interdiction comme l'a fait la FIFA n'est pas le meilleur choix, raconte Jean-François Brocard, chercheur au CDES de Limoges et auteur d'une étude sur les TPO pour la FIFA :

« Nous ce qu'on avait dit c'est que si vous cherchez à faire sortir les tierces parties par la porte elles vont rentrer par la fenêtre mais dans tous les cas ce n'était pas un dispositif qui était intéressant pour le football en général à notre avis, donc il faut trouver autre chose. »

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1.4. Retour hypothèse 3 : La seule façon pour les plus petits clubs de rivaliser avec les gros clubs européens

Si les deux premières hypothèses élaborées ont été plutôt validées au regard des informations recueillies au cours des entretiens, les conclusions en ce qui concerne la troisième hypothèse de ce travail ne semblent pas aussi tranchées.

Cette hypothèse formulait que la tierce propriété est la seule façon pour les petits clubs de rivaliser avec les plus gros clubs européens. Les différentes personnes rencontrées ne sont pas tout à fait d'accord avec cette hypothèse, cependant elles sont bien conscientes que cela reste une façon pour certains de clubs de briller sur la scène européenne.

En effet, même si la pratique des TPO est la façon la plus simple, la plus facile et la plus rapide d'essayer de se mettre à la hauteur de certains grands clubs, elle est loin d'être la seule façon. Il existe et existera toujours des manières plus ou moins illicites afin de contourner certaines règles. On le voit d'ailleurs depuis le 1er Mai et l'interdiction des TPO, des solutions de remplacement qui se sont mises en place. Les enjeux économiques se chiffrent en milliards et l'ingénierie financière gardera toujours une longueur d'avance sur les organisations sportives. Pour contourner les TPO, les fonds d'investissement prennent des participations dans des clubs qui détiennent eux les joueurs. On observe aussi une nouvelle forme de contournement dénommée « Bridge Transfer ». Un fonds d'investissement se porte acquéreur d'un club aux moyens financiers limités. Ce dernier achète les joueurs prometteurs au club A. En faisant office de pont, il enverra les sportifs du club A vers l'équipe C au travers d'un prêt payant. Sportivement et économiquement, les trois équipes en sortent gagnantes. Cette pratique se fait déjà à petite échelle mais risque de prendre de l'ampleur. Sommairement, la société d'investissement achète un club peu attractif plutôt que d'investir directement sur le joueur. Via ce club, la société achète des joueurs à fort potentiel et les transfère par le biais de prêts payants à des clubs plus huppés, auquel le niveau du joueur correspond réellement. Ainsi, la société d'investissement peut s'amuser à balader son joueur de club en club, en recevant des indemnités liées aux prêts afin d'obtenir un retour sur l'investissement initial. En outre, cette solution offre une protection pour la société par le biais des réglementations FIFA. Notamment si le joueur décide de résilier unilatéralement son contrat, le club pourra demander des indemnités en dommages et intérêts.

Il y également les investisseurs tiers qui au lieu d'acheter des parts de joueurs, prêtent de l'argent à un club afin qu'il puisse financer un transfert, en échange d'intérêts et de certaines garanties, par exemple lors de la revente de ce même joueur ou même sur les droits TV du club si le joueur perd de la valeur. Il n'est alors plus question de propriété. Mais ces « options » ont clairement une influence sur la carrière d'un joueur, il n'est alors plus totalement libre de ses choix. Cela revient exactement au même que les TPO, sauf que c'est une façon de contourner son interdiction.

C'est ce que fait d'ailleurs le fonds d'investissement FairPlay Capital, un fonds luxembourgeois fondé par avocat et agent FFF français Anthony Costard.

Le principe de ce fonds est de prêter de l'argent pour l'achat d'un joueur, miser sur une plus-value, et sécuriser l'opération en gageant la somme engagée sur les résultats financiers du club. «On vit dans un marché où la demande de financement est importante mais où l'offre est rare. Les banques ont peur du foot», reprend Anthony Costard. « Le fonds est en place, il est créé, contrôlé, la réglementation est respectée, il n'y a aucun souci», promet Anthony Costard, qui fait remarquer que FairPlay Capital a d'ailleurs reçu l'agrément du Comité de

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Surveillance du Secteur Financier, l'équivalent luxembourgeois de l'AMF (Autorité des Marchés Financiers).

Il est vrai que son offre reste viable juridiquement mais elle ressemble énormément à la tierce propriété, qui rappelons-le permet à des sociétés privées de posséder en leur nom les droits sportifs sur un joueur. Pratique interdite en France et en Angleterre depuis plusieurs années et qui a été interdite par la FIFA depuis le 1er Mai dernier, cependant la prohibition va s'établir de manière graduelle puisque les accords iront jusqu'à leur expiration contractuelle. De plus, les nouveaux accords signés entre le 1er janvier et le 30 avril 2015 seront limités à une durée d'un an maximum.

FairPlay Capital lui a anticipé cela et adosse une valeur, un titre, à un joueur. Ce n'est pas de la tierce propriété, mais par ricochet ça en est un petit peu. « Ça m'étonnerait que la LFP accepte ce genre de chose», explique Christophe Lepetit, économiste du sport au CDES de Limoges

Vu comme ça, Fair-Play Capital devrait en effet beaucoup plaire aux clubs français. «On ne vise que des joueurs qui ont un potentiel de plus-value. On ne va pas financer des joueurs à 30 millions, seulement entre 1 et 3, voire 5. La cible prioritaire, ce sont des clubs sains sur lesquels on peut prendre des sûretés, qui évoluent dans des championnats exportateurs», détaille Anthony Costard.

D'ailleurs, c'est la nouvelle stratégie de Doyen Sport, le fonds d'investissement le plus répandu en Europe vient d'aider le FC Porto a acheter Giannelli Imbula qui jouait à l'Olympique de Marseille la saison dernière. Même s'il est encore un peu tôt pour le dire, il est assez simple de comprendre que Doyen Sports n'a pas pu acheter des parts d'Imbula car la transaction s'est faite après le 1er Mai 2015, jour de l'interdiction de cette pratique. Il est facile de comprendre que le fonds d'investissement a prêté de l'argent au FC Porto, on parle de la moitié du transfert (soit 10 Millions d'euros) car le transfert a été de 20 Millions d'euros pour une durée de 5 ans avec une clause libératoire de 50 Millions d'euros. Et cela serait peu étonnant si Giannelli Imbula serait transféré dans un an ou deux vers un grand club européen pour cette somme de 50 millions d'euros. L'avenir nous le dira...

Ce qu'il se fait souvent en Angleterre pour contourner cette loi, c'est qu'on utilise les agents pour payer les commissions qui déguisent en fait les pourcentages des droits économiques sur les transferts. Une autre manière de contourner la loi est d'acquérir des parts dans des clubs puis signer un pack d'actionnaire en secret bien évidemment sans que la ligue n'ait recours à la justice sportive. Tout cela reste caché et nous ne le savons même pas et ce sont même les actionnaires des clubs eux-mêmes qui achètent ces parts en question afin de gagner plus d'argent sur la revente de joueurs. D'un point de vue juridique, rien n'empêche cela.

Heureusement, il n'y a pas que des choses cachées et malsaines comme outil pour les clubs qui n'ont pas énormément de moyen mais qui veulent des joueurs de qualité. Il y a aussi ce que l'on appelle la formation. Il est vrai qu'il faut être beaucoup plus patient qu'avec la tierce propriété ou autre mais cela peut rapporter également une grosse plus-value. Nous avons vu précédemment l'exemple de notre club français le plus prolifique sur la formation, l'olympique lyonnais. Ils vendent assez régulièrement des joueurs entre 20 et 40 millions d'euros des joueurs issus du centre de formation, où les coûts de formation s'élèvent à quelques dizaines de milliers d'euros. En France, l'Olympique et le PSG sont les deux clubs

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qui sortent des joueurs. En Allemagne, ils ont également réussi à sortir de très bons joueurs grâce à leur formation. On a pu voir il y a quelques années une finale de Ligues des Champions 100% allemande entre le Bayern Munich et le Borussia Dortmund (finale Ligues des Champions 2013) remportée par le Bayern Munich. De plus, cela a été bénéfique également pour la « Nationalmannshaft », l'équipe nationale allemande, victorieuse de la dernière Coupe du Monde au Brésil, l'été dernier. Les clubs portugais qui utilisent régulièrement les TPO, ont anticipé son interdiction en ouvrant des académies un peu partout dans le monde. Cela tend à se développer, plusieurs clubs le font ou veulent le faire. La contrainte majeure est de former des joueurs de nationalités différentes, cela ne fera pas profiter la sélection nationale, mais seulement le club qui investit.

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2. Cas concret et préconisations éventuelles

Afin d'élargir la portée de cette étude et suite au retour sur les hypothèses élaborées, un cas d'étude sera traité sur les transferts de Mangala pour bien comprendre cette pratique et comment elle fonctionne, nous verrons ensuite les préconisations que nous proposons avant de montrer les limites de ce travail.

2.1. Cas d'étude : Les transferts d'Éliaquim Mangala

Ce contexte de convoitise permanente autour des joueurs, ce manque de contrôle finissent par transformer les footballeurs en produits financiers. Les fans qui paient leur billet ou leur abonnement à une chaîne sportive, ne savent peut-être pas qu'ils financent parfois d'obscurs fonds d'investissement qui détiennent des joueurs dans des équipes rivales et qui pourraient bien truquer les matchs. Ils ne se doutent pas non plus qu'ils enrichissent certains agents qui contournent les lois.

Les transferts de l'international français Eliaquim Mangala, du Standard de Liège vers le FC Porto et du FC Porto vers Manchester City est un cas d'école en ce qui concerne les TPO. Ce défenseur de Manchester City a une particularité : il était au coeur lorsqu'il jouait à Porto d'un incroyable montage financier. Jusqu'à la fin de la saison 2011, il joue au Standard de Liège en 1ère division Belge, il enchaîne les bonnes performances, il marque même le but de la victoire de la coupe de Belgique, sa côte monte en flèche. A l'été 2011, le Standard de Liège flaire la bonne affaire, le club décide de vendre son joueur au club du FC Porto. Le club portugais du FC Porto achète le défenseur 6,5 Millions d'euros et annonce dans la foulée que s'il le revende un jour, ce ne sera jamais en dessous de 50 Millions d'euros. Huit fois plus, une belle plus-value potentielle pour Porto. Le club portugais, côté en bourse vise la Ligue des Champions, la plus prestigieuse et la plus lucrative des compétitions européennes, seulement le 6 décembre 2011, le FC Porto est éliminé dès la phase de poule. Ils peuvent donc dire adieu aux recettes supplémentaires au guichet, adieu aux 22 Millions d'euros promis au vainqueur de la compétition. Le lendemain le cours de l'action du FC Porto dégringole. Le club a besoin d'argent frais, très vite, alors trois semaines plus tard, le FC Porto annonce revendre un tiers des droits économiques d'Eliaquim Mangala, pour 2,647 Millions d'euros, ce qui fait remonter l'action et qui revient à son niveau initial, c'est le soulagement pour les actionnaires. Le nouveau propriétaire d'un tiers de la valeur marchande d'Eliaquim Mangala est le groupe Doyen qui est spécialiste dans l'extraction d'uranium, de charbon et d'or. Un tiers de la valeur de ce jeune footballeur appartient désormais à ce groupe minier. Cela montre réellement l'évolution du football.

Le joueur sait-il à qui il appartient ? Il s'agit tout de même de son corps, de sa tête et de ses jambes.

« Non, je n'ai pas été au courant, je l'ai appris par la presse un matin sur le net, j'ai vu ce qui s'était passé, mais on ne m'a pas avisé avant, ni quoi que ce soit » .répond Eliaquim Mangala lorsqu'on lui pose la question de savoir s'il était au courant.

« On est des produits financiers, un club c'est comme une usine en fait, et les joueurs ce sont les produits de l'usine qui rapportent à cette entreprise en l'occurrence le FC Porto, mais pour chaque club c'est la même chose. Chaque joueur a une valeur marchande qui peut augmenter et qui peut descendre en fonction des prestations, mais tout à fait nous sommes des produits, il faut être réaliste ». Ajoute le jeune joueur français.

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Il y a encore plus surprenant dans ce business des entreprises propriétaires de joueurs. Parfois les fonds d'investissement permettent de rémunérer des agents qui n'ont plus le droit d'exercer. Reprenons notre cas d'étude concernant Éliaquim Mangala au FC Porto. On a vu que Porto avait revendu 30% de la valeur de Mangala au fonds d'investissement Doyen Sports, mais on apprend aussi que 10% de la valeur du joueur soit 650 000 euros a été cédé gratuitement à une autre entreprise qui s'appelle Robi Plus. Le joueur est-il au courant ?

« Non du tout » répond Eliaquim Mangala.

La chose étrange est que cette société Robi Plus est une un société « Boîte aux lettres », domicilié au Royaume-Uni dont on connaît pas vraiment le propriétaire, mais avec tout de même un nom d'administrateur celui de Mr Maurizio Delmenico qui travaille avec Luciano D'Onofrio. Luciano D'Onofrio n'est pas n'importe qui dans le football, il a été l'agent de Zidane, de Desailly, de Dugarry ou de Deschamps. Le problème est que Luciano D'Onofrio a été condamné à maintes reprises par la justice française. La dernière fois remonte en 2008, dans le cadre de l'affaire des comptes de l'OM, il écope de deux ans de prison dont 6 mois ferme.

Pour favoriser le transfert d'un de ses joueurs, Luciano D'Onofrio est notamment accusé d'avoir versé 150 000 euros de rétro commission à Rolland Courbis, alors entraîneur de Marseille. Or, le règlement de l'instance suprême du football, la FIFA est extrêmement claire : « Pour être agent de football, il faut être de réputation parfaite, c'est à dire n'avoir été condamné à aucune peine pour délits financiers ou crimes de sang ».

D'après ce règlement, Luciano D'Onofrio n'a plus le droit d'être agent de joueur, alors Mr D'Onofrio aurait organisé le transfert d'Eliaquim Mangala au FC Porto, mais comme il n'a plus le droit d'être agent de joueur, il ne peut légalement pas toucher de commission, il aurait trouvé une solution :

Négocier 10% des droits économiques du joueur auprès du club soit, 650 000 euros, une part du gâteau qu'il aurait soigneusement caché dans une société « boîte aux lettres » en Angleterre.

Tout cela a permis lors du transfert du joueur vers Manchester City à ce que les investisseurs tiers bénéficient d'une réelle plus-value. En effet, Éliaquim Mangala reste le défenseur le plus cher de l'histoire, et Manchester City a dû débourser 53 Millions d'euros en 2014 pour s'attacher les services du jeune joueur français. Les TPO étant interdit en Angleterre, le club a donc racheté les droits économiques de Mangala au FC Porto ainsi qu'aux sociétés d'investissement. Ainsi, 33% de la somme est allé à Doyen Sports, soit 17,5 Millions d'euros. On se rappelle bien évidemment que cette même société avait déboursé 2,647 Millions d'euros deux ans plus tôt et a donc réalisé une plus-value de 15 Millions d'euros. Les 10% détenus par la société Robi Plus, sont passés de 650 000 euros à 5,3 Millions d'euros, soit 4,7 Millions d'euros de bénéfice pour cette société qui appartient à cet agent interdit d'exercer. Et enfin le reste pour le club du FC Porto, c'est à dire 30 Millions d'euros. Les gains sont plutôt élevés surtout pour des sociétés comme celles-ci qui n'ont rien à voir avec le football et dont personne ne sait ce qu'ils vont faire avec cet argent. De plus, cette pratique permet de faire travailler des agents malhonnêtes qui en principe n'auraient pas dû toucher cette commission de 5,3 Millions d'euros.

Nous pouvons remarquer, qu'il y a toujours moyen de transgresser les lois avec les fonds d'investissement car on ne sait pas vraiment qui se cache derrière, et que la FIFA qui n'a aucune influence dessus, dans le sens où ils sont extérieurs au football professionnel, ne peut pas faire des enquêtes poussées pour découvrir certaines fraudes.

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2.2. Rentabilité sur les transferts des joueurs de football

Sur le fond, la tierce propriété existe depuis des décennies. Il n'était pas rare qu'un président de club prenne à sa charge une partie d'un transfert. Mais la crise financière de 2008 a mis à nu les déséquilibres économiques de nombre de clubs, notamment dans le sud de l'Europe. Les crédits bancaires sont devenus difficiles à obtenir et les TPO se sont imposés comme une alternative de financement. La pratique a fini par s'industrialiser.

Les investisseurs tiers sont aujour-d'hui des sociétés ou des fonds basés à Gibraltar, à Jersey ou à Malte aux mains d'actionnaires invisibles. Désormais, les parts de joueurs s'échangent, ou font des « aller-retour » jusqu'à plusieurs fois par saison. Des transactions s'opèrent parfois quelques jours avant l'officialisation d'un transfert... Bref, la spéculation a gagné le football de haut niveau.

En 2013, un rapport de KPMG faisait la lumière sur l'ampleur du phénomène. Au Portugal, un joueur sur six serait partiellement en mains d'investisseurs tiers. Dans les ligues d'Europe de l'Est, ce sont 40 à 50% des joueurs qui seraient touchés. Et globalement, en Europe, la valeur des joueurs sous contrat avec différents propriétaires dépasserait le milliard d'euros, selon le cabinet d'audit.

Ces estimations sont contestées. La situation serait bien plus complexe. «Si l'on considère les TPO au sens large, sachant que les agents, directeurs sportifs, entraîneurs, présidents et les joueurs eux-mêmes possèdent des options et des intérêts sur une transaction, on peut affirmer qu'à l'échelle européenne, ce sont bien plus de la moitié des joueurs qui sont concernés.

C'est pour cette raison que, d'après Raffaele Poli, l'éradication totale visée par la FIFA est «illusoire». «S'il ne fallait s'en prendre qu'à des sociétés totalement extérieures au football, ce serait bien plus simple.» Mais l'immense majorité de ces «tiers» est dans le milieu. Et les conflits d'intérêts sont légion.

Sur le site internet de Doyen Sports, on peut voir les joueurs qu'il détient, parmi eux on retrouve Éliaquim Mangala et un autre international français Geoffrey Kondogbia. Tous sont de jeunes joueurs prometteurs. Pour chacun d'entre eux Doyen investirait en moyenne 2,5 Millions d'euros mais une question demeure : combien cela rapporte-t-il d'investir dans les footballeurs ?

Cela n'est peut-être pas très éthique mais très rentable.

Lisandro Lopez avant de signer à Lyon puis au Qatar a généré 37% de retour sur investissement à son fonds de Gibraltar, mais ce n'est rien face à Pepe (147% de rendement), Falcao (164% de retour sur investissement) ou encore James Rodriguez. Dans le milieu du ballon rond, le cas de James Rodriguez est moins connu que celui de son compatriote Falcao ou que celui du brésilien Neymar. Le talent du milieu offensif colombien, récompensé du Prix Puskas du plus beau but de l'année marqué lors de la dernière Coupe du Monde au Brésil, aurait suffit à affoler les recruteurs. Mais amplifiée par le système de tierce propriété et par la surenchère spéculative qui l'accompagne souvent, sa côte a grimpé de façon vertigineuse. James Rodriguez est arrivé au FC Porto à l'été 2010, provenance du club argentin Banfield pour environ 7,5 millions d'euros. A l'époque, 50% des droits appartiennent à un tiers, que Porto rachète jusqu'à la hauteur de 90%. Trois ans plus tard, le joueur s'en va pour Monaco. Son prix a alors déjà été multiplié par six, soit 45 Millions d'euros. Mais son ascension n'est pas encore terminée, un an plus tard le Réal Madrid le fait

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accéder au rang de « Galactique », au même que les Figo, Zidane, Beckham ou Cristiano Ronaldo. Le club espagnol qui a alors remporter sa 10ème Ligue des Champions considère que le gaucher vaut deux fois plus puisqu'il débourse 90 Millions d'euros.

Pour son ou ses propriétaires, la plus-value s'élève à 1000% en seulement 4 ans. Durant cette période, les parts de l'actif James Rodriguez auront changé de mains une petite dizaine de fois, entre le FC Porto et des tiers investisseurs comme la société Gol Football Luxembourg.

Voici un tableau des joueurs qui ont eu une grosse rentabilité lors du Mercato estival de 2013. Certains joueurs n'ont rien à voir avec les fonds d'investissement, notamment Bale par exemple, mais d'autre oui, comme notre français kondogbia, acheté par le FC Séville et Doyen Sports. Ce tableau montre l'énorme rentabilité des joueurs de football, et on comprend mieux pourquoi de plus en plus de fonds d'investissement ont émergé ces dernières années.

Face à de telles performances, des financiers se ruent sur le marché des footballeurs. Le Royal Football Fund avec 150 Millions d'euros d'investissement dans le secteur explique pourquoi c'est un placement sûr : « Notre fond génèrera de hauts revenus grâce à la passion des fans. » Les supporters sont toujours prêts à payer pour leur club favori, c'est donc cela le secret. Mais désormais, lorsqu'on regarde un match entre le FC Porto et le FC Séville, on pourrait voir plusieurs joueurs qui appartiennent au même fonds d'investissement, et dans la réalité ces fonds sont accusés d'influencer les décisions des clubs, pire encore le fait qu'il détiennent des joueurs dans chaque camp, la tentation de truquage de match est grande.

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2.3. Aménagements possibles et régulation de cette pratique

Au-delà de la validation ou non des hypothèses, les entretiens semi-directifs ont également permis d'adopter un certain nombre de préconisations relatives autour des tierces parties mais également autour des transferts des joueurs de football professionnel.

La FIFA a mis fin le 1er Mai 2015 à l'interdiction de l'achat des droits économiques des joueurs de football par des tiers. Cependant, la question que tout le monde se pose est simple : A t-elle le droit d'interdire cela ?

Les ligues espagnole, portugaise et le fonds d'investissement Doyen Sports ont déjà réagi et ont porté plainte contre la FIFA en utilisant la voie juridique « étatique », les instances européennes pour contester cette interdiction.

Nous verrons dans les prochains mois que vont décider les juges concernant ce procès.

En attendant, tous les spécialistes de football ainsi que les personnes ayant réalisé des études pour la FIFA sur les TPO ne sont pas favorables à cette interdiction totale malgré le fait qu'elles pensent que les TPO nuisent aux clubs, aux joueurs et au football en général.

Il est vrai comme nous l'avons vu précédemment, d'autres types de montage permettent déjà de contourner cette prohibition, inutile donc d'interdire cette pratique. Il vaut mieux réguler cette pratique pour qu'elle devienne la plus transparente possible. Même si on le sait tous, il y aura toujours des lacunes mais quelques mesures amélioreraient certainement les choses. Voici la liste de choses que la FIFA pourrait mettre en place dans le Règlement sur le Statut et Transfert des Joueurs afin d'avoir un meilleur contrôle sur ces tierces parties :

- Une liste avec la publication de tous les actionnaires de la société ainsi que l'origine de l'argent dégagé pour l'achat des droits économiques de joueurs

- Une société tierce ne peut pas détenir plus de 49% des droits économiques d'un joueur de football

- Un joueur de football ne peut pas être détenu par plusieurs sociétés d'investissement, soit une société puis le club

- La société qui investit sur des joueurs est obligée d'afficher publiquement les joueurs qu'elle détient ainsi que les pourcentages qu'elle possède pour chacun de ses joueurs

- Un fonds d'investissement ne peut pas posséder des droits économiques sur plus que trois joueurs par équipe

- Le consentement écrit du sportif à ce que ses droits économiques soient partiellement cédés à un fonds d'investissement

Cette solution intermédiaire qui serait de réglementer la pratique des TPO de manière beaucoup plus précise, a l'avantage d'offrir aux instances sportives une alternative dans le cas où une interdiction formelle des TPO serait trop complexe à mettre en oeuvre juridiquement. Cependant, cela ne résoudrait en aucun cas, les problèmes que posent les TPO en matière de droits de la personnalité6.

(Les droits de la personnalité sont l'ensemble des droits fondamentaux que tout être humain possède, et qui sont inséparables de sa personne.)

6 Les droits de personnalité sont l'ensemble des droits fondamentaux que tout être humain possède et qui sont inséparables de sa personne.

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Finalement, le problème des TPO valide un système qui est déjà existant. Le problème de base, c'est le fonctionnement du système de transfert en général qui ne va pas, puis ces pratiques liées à la détention des droits économiques par des tiers viennent renforcer un problème qui existe déjà.

« C'est pour cela qu'il ne faut pas s'attaquer qu'aux problèmes de TPO si on veut résoudre la question, il faut vraiment réfléchir plus généralement aux systèmes de transfert », nous explique Raffaele Poli.

On remarque grâce à une étude du football observatory, dirigé d'ailleurs par Raffaele Poli, que seulement 10% des matchs de joueurs qui jouent dans les 5 grands championnats, le Big-57 aujourd'hui ont été disputés dans un de ces championnats à l'âge de 23 ans. Cela signifie donc que 90% des matchs ont été disputés ailleurs.

Ceci est sûrement dû au niveau tellement élevé de ces championnats, que les jeunes joueurs sont obligés pour la plupart de passer par des clubs où le niveau du championnat est plus faible afin d'être prêts de jouer dans les 5 plus grands championnats.

Une fois que l'on sait cela, il serait intéressant de penser à un système à la fois qui comme les compétitions internationales redistribuent les droits TV et non seulement aux clubs participants mais aussi à tous les clubs qui ont contribué au développement des joueurs qui finissent par jouer dans ces grands clubs. En effet, sans le travail de ses clubs formateurs, le joueur n'aurait pas été aussi bon et ne serait pas venu jouer pour l'équipe qui dispute une compétition européenne.

De plus, on s'aperçoit que le système des transferts ne favorise pas les clubs formateurs. « Nous aujourd'hui on remarque que 67% des sommes de transferts restent dans les 5 grands championnats alors que 90% des matchs ont été joués ailleurs »8, nous explique Raffaele Poli.

Nous constatons donc que le système de transfert n'est pas suffisamment redistribué. C'est à ce niveau là qu'il faut agir, c'est à dire avoir une meilleure redistribution des ressources que ce soit par les transferts ou par la redistribution des droits TV des compétitions européennes.

On remarque également qu'il y a de plus en plus d'argent en jeu dans le marché des transferts. Parallèlement, un processus de concentration des dépenses au sommet de la pyramide s'opère, ce qui renforce la domination des équipes les plus riches. La corrélation entre les disponibilités financières et les résultats s'accroît. De plus, la redistribution par le système des transferts est relativement faible. Elle apparaît dans tous les cas bien insuffisante pour compenser la concentration des richesses et des investissements au plus haut niveau.

Dans une optique d'égalité et dans le souci d'améliorer l'équilibre des compétitions, une réflexion visant à réformer le système des transferts dans le sens d'une plus grande solidarité semble donc plus nécessaire que jamais. Une des options serait de faire en sorte que chaque club par où est passé un joueur reçoive de l'argent pour chaque transfert payant intervenant au cours de sa carrière au prorata du nombre de matchs officiels disputés pour le club. Par exemple, si le joueur X débute en tant que professionnel dans le club X et il y joue 75 rencontres officielles avant d'être transféré dans l'équipe Y, en cas de transfert payant

7 Le Big 5 représente les cinq plus grands championnats européens qui sont l'Angleterre, l'Espagne, l'Allemagne, l'Italie et la France

8 http://www.football-observatory.com/IMG/pdf/mr03_fra.pdf

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vers un club Z après 25 matchs officiels avec l'équipe Y, le club X aurait droit à 75% de l'indemnité de transfert. Et ceci même si l'équipe Y avait déjà versé une somme de transfert pour recruter le joueur depuis le club X. (voir schéma ci-après)

Cette réforme permettrait de recentrer le système de transferts vers les objectifs pour lesquels il a été conçu, notamment la stabilité contractuelle, les clubs obtiendraient de l'argent dans un deuxième temps même si un joueur partait à la fin de son contrat tandis qu'ils auraient une plus grande marge de manoeuvre dans les négociations vis-à-vis des joueurs réduisant par ailleurs l'inflation des salaires. De plus, cela favoriserait la formation des joueurs et donc les clubs formateurs seraient mieux rétribués sur le plan économique dans la mesure où ils toucheraient de l'argent lors du deuxième, troisième, voire quatrième transfert d'un joueur, transferts successifs qui sont généralement plus rentables.

La réforme proposée permettrait également de lutter efficacement contre la spéculation et les « tierces parties » dans la mesure où la somme de tout transfert payant doit être répartie sur l'ensemble de la chaîne de clubs ayant contribué au développement sportif des joueurs.

Ce processus encouragerait la formation des jeunes joueurs, ce qui permettrait de moins voir apparaître les TPO et les agents influents au premier plan du football mondial. Du coup, on verrait beaucoup moins d'investissements sur les joueurs mais beaucoup plus sur des clubs et sur des centres de formation parce que cela deviendrait beaucoup plus rentable. Ce serait forcément une très bonne nouvelle pour le football que de voir encore plus de talents sur les terrains, et l'économie du football serait beaucoup plus saine avec on espère plus de suspense car il y aurait moins d'écart entre les clubs. Cela résoudrait non seulement ce problème des TPO mais aussi la spéculation non liée au à la tierce propriété parce que les clubs quelque part sont aussi obligés de spéculer dans la mesure où si le joueur arrive à échéance de ce contrat le club ne touche plus rien à part 5% du transfert mais cela reste insuffisant alors qu'avec un tel système, si le joueur a joué plusieurs matchs avec son club formateur, le club peut se permettre à ce que le joueur arrive à échéance, ainsi ils pourront toucher éventuellement de l'argent et pourquoi pas plus d'argent dans un deuxième temps en gardant le joueur plus longtemps.

Et puis par exemple pour ceux qui veulent finalement privatiser les gains et collectiviser les pertes c'est à dire un investissement sur les meilleurs talents en utilisant les problèmes financiers des clubs, la malhonnêteté de certains dirigeants, ils devraient à ce moment-là aussi trouver des accords sur toute la chaîne des clubs, une règle qui nécessiterait de toute façon de renouveler avec chaque club et cela serait beaucoup moins intéressant pour eux mais rendrait plus juste le système de transfert.

Schéma du nouveau système9 :

Le transfert est de 10 Millions d'euros entre le club A et B en 2014 et le joueur X est de nouveau transféré l'année suivante vers le club C pour 20 millions d'euros. Il n'est pas logique que le club B où le joueur a joué seulement 25 matchs réalise une plus-value de 10 Millions d'euros en un an. Ce serait pourtant le cas aujourd'hui, c'est pour cela que l'on peut dire que même les clubs spéculent.

Avec ce que nous proposons le club B obtiendrait 5 Millions d'euros et le club A 15 Millions d'euros. Avec ce système, on peut se poser la question si le club B vendrait le joueur pour seulement 5 millions alors qu'il l'avait acheté 10 millions il y a un an.

La stabilité contractuelle serait de nouveau mise en oeuvre et les agents ne pourraient plus transférer les joueurs à la chaîne à chaque mercato, car les clubs ne seraient pas d'accord de perdre de l'argent et des joueurs.

L'exemple le plus récent est celui de Di Maria, qui est resté seulement un an a Manchester United en jouant très peu de matchs, on peut penser que Manchester United ne l'aurait pas vendu au PSG s'il avait encaissé seulement 5 millions d'euros, sachant qu'il l'a acheté 75 Millions d'euros il y a un an.

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9 http://www.football-observatory.com/IMG/pdf/mr03_fra.pdf

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2.4. Limites de l'étude et difficultés rencontrées

Si cette étude a permis de présenter une vision assez complète du système de la tierce propriété des joueurs de football, il n'en demeure pas moins que la portée de ce travail aurait pu être étendue.

Tout d'abord, seuls quelques spécialistes, qui s'intéressent à ce sujet ont pu être interrogés. Il a été difficile de réaliser plus d'entretiens, en raison de l'opacité de cette pratique, peu de personnes engagées directement dans cette pratique veulent en parler. À l'image d'Anthony Costard, fondateur d'un fonds d'investissement luxembourgeois « Fairplay Capital » qui après l'avoir eu au téléphone et pris rendez-vous téléphoniquement ne m'a plus jamais répondu. Ainsi seuls, des personnes qui n'ont rien à voir avec ces fonds plus ou moins cachés ont pu être rencontrées.

Il aurait été intéressant d'élargir la portée des entretiens et de viser des agents, des présidents de clubs mais aussi des tierces parties, voire même des joueurs appartenant à des fonds. Un plus grand nombre d'entretiens semi-directifs aurait sans doute permis de recueillir des données supplémentaires et donc d'aller plus loin dans l'analyse réalisée. En effet, chaque partie prenante évolue dans un contexte différent avec des objectifs différents et un panel plus «élargi aurait donc permis détendre les résultats et d `affiner les conclusions.

La portée de l'étude est également limitée par le fait qu'il existe très peu de littérature à propos des tierces parties dans le football et les conséquences que cela impliquent pour les clubs, pour les joueurs, mais également en termes de transferts qui ne font qu'augmenter depuis quelques années. Le cadrage théorique a donc été réalisé par des lectures variées sur des sujets plus globaux comme les transferts des joueurs de football, les agents de joueurs et bien sûr les fonds d'investissement dans le football moderne.

Enfin, il aurait été sans doute intéressant et pertinent de rencontrer un plus grand nombre d'experts sur les sujets des TPO, de la viabilité de cette pratique ou encore sur ces agents influents qui font partis de ce système afin de collecter des renseignements supplémentaires qui auraient encore affiné la portée de l'étude.

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault