1.4. Législation autour des TPO
A l'heure où je vous parle, je ne saurais vous dire si
cette pratique va être réellement interdite par la FIFA car les
ligues espagnoles et portugaises ont porté plainte contre cette
interdiction.
En effet la tierce-propriété d'un joueur (TPO,
«third-party ownership») a été condamnée par la
FIFA depuis le mois de mai dernier. Le communiqué qui a
été publié le 19 décembre 2014 après la
réunion du comité exécutif indiquait que l'interdiction
entrerait en vigueur le 1er mai 2015.
La prohibition de la TPO devrait toutefois s'opérer de
manière graduelle puisque les accords actuels iront jusqu'à leur
expiration contractuelle. De plus, «les nouveaux accords signés
entre le 1er janvier et le 30 avril 2015» seront limités
à une durée d'un an maximum.
Sepp Blatter, le président de la FIFA, avait
déclaré le 26 septembre dernier vouloir mettre un terme à
la tierce-propriété.
Cependant, la Liga BBVA (ligue espagnole) a
décidé de porter plainte contre cette décision devant les
juridictions européennes. Le patron de la Liga Javier Tebas, estime que
cette décision de la FIFA va à l'encontre du droit communautaire
européen, notamment en matière de libre circulation des capitaux.
La LFP espagnole pense aussi que cette interdiction est contraire aux
règlementations de certains États, notamment au Brésil et
en Argentine, deux pays au sein desquels la tierce propriété est
couramment exercée.
Pour réengager les discussions à ce sujet, la
Liga s'appuie sur des rapports émis par la FIFA et faites par le CDES de
Limoges et le CIES de Neuchâtel, qui ne préconisait pas
l'interdiction des TPO.
Pour les dirigeants du football espagnol, l'autorisation de la
tierce propriété est indispensable pour maintenir le niveau de
compétitivité de nombreux clubs professionnels du pays. Par
exemple l'Atletico Madrid n'aurait jamais pu remporter le championnat 2014 tout
en accédant à la finale de la Ligues des Champions sans avoir
recours au TPO pour enrôler des joueurs se situant au-dessus de sa
capacité d'investissements.
Les dirigeants espagnols n'hésitent pas à
réfuter certains arguments exprimés par la FIFA permettant de
justifier l'interdiction de la pratique de la tierce propriété.
Ils dénoncent l'augmentation des risques de conflits
d'intérêts au sein du football mondial.
En effet, la possibilité pour un actionnaire d'investir
dans plusieurs clubs ou encore le non encadrement des prêts de joueurs
constitue des menaces beaucoup plus dangereuses pour l'intégrité
des compétitions au sein de la LFP espagnol.
En outre, la Liga met en pleine lumière la
dérégulation émise par la FIFA concernant la profession
d'agent, qui selon elle, est contradictoire avec la mesure prise au sujet des
TPO.
De plus, le fonds d'investissement Doyen Sports a
décidé également de porter cette interdiction devant la
justice européenne. Ce dernier estime que cette décision viole
plusieurs directives du droit européen.
Alors que l'UEFA est attaquée sur le terrain de la
justice concernant la mise en place du fair-play financier, la FIFA devrait
connaître le même sort au sujet de l'interdiction de la tierce
propriété dans le football mondial. Grand acteur du secteur, la
société d'investissements Doyen Sports a décidé de
saisir les tribunaux européens afin de casser cette interdiction
prononcée par la FIFA en raison d'une violation de plusieurs directives
européennes.
Selon les avocats du fonds, l'interdiction du système
rentre en contradiction avec la liberté d'investissements et de
circulation des capitaux au sein de l'Union Européenne.
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Pour faire plier la FIFA au sein de l'Union Européenne,
Doyen Sports s'est entouré des meilleurs avocats du secteur. Ainsi
l'avocat Maître Jean-Louis Dupont, spécialiste du droit du sport
et à l'origine de l'arrêt Bosman, travaille sur ce dossier. Doyen
Sports compte sur ses compétences pour obtenir gain de cause au sein
d'un combat qui s'annonce long et tortueux. En attendant la réponse de
la justice belge, Doyen Sports s'est félicité de la
décision de l'Autorité de la Concurrence espagnole : « cette
décision de la CNMC reprend un bon nombre d'arguments que nous avons
utilisés dans la défense de notre modèle de TPO.
L'importance et la rigueur de l'impartialité du rapport de la CNMC
aideront sans doute toutes les institutions à formuler leur
positionnement sur le TPO ». La FIFA et l'UEFA peuvent commencer à
préparer une éventuelle contre-attaque.
Malgré l'interdiction du principe de TPO
ordonnée par la FIFA et appliquée depuis mai 2015, les fonds
d'investissement spécialisés dans l'acquisition de droits des
joueurs ne semblent pas pour autant avoir abandonné leurs
activités au sein du football européen. Ces derniers ont tout
simplement réorganisé leurs activités afin de se mettre en
conformité avec les nouveaux règlements de la FIFA.
En effet, Doyen Sports est intervenu aux côtés du
FC Porto pour financer l'acquisition de Gianelli Imbula en provenance de l'OM
contre un investissement de 20 Millions d'euros. Au lieu de céder une
partie des droits du joueur au fonds d'investissement pour financer le
transfert, le FC Porto aurait eu directement recours à un emprunt
auprès de son partenaire. Une facilité de paiement obtenue
à des conditions financières particulières qui obligerait
le FC Porto à vendre rapidement son joueur sous peine de connaître
un trou budgétaire.
Si l'interdiction du TPO permet mécaniquement
d'empêcher les fonds d'investissement d'obtenir une partie des droits des
joueurs, elle n'enraye pas complètement leurs activités au sein
du football mondial. Néanmoins, les gros acteurs comme Doyens Sports
tentent tout de même de combattre cette décision devant la justice
afin d'éviter la mise en place de règlements plus contraignants
qui empêcheraient à terme les fonds d'investissements de
développer toute activité dans le secteur footballistique.
Une telle prohibition appellerait certainement l'attention des
instances européennes. Or, le juge européen, tout comme la
commission européenne, envisage la relation contractuelle entre club et
joueur de football sous deux angles :
- Le droit du joueur de football de circuler librement dans
l'Union Européenne.
- Le droit de la concurrence qui s'applique aux clubs de
football comme à n'importe quel acteur économique.
Cependant, les décisions Bosman (voir 1.1.2) et Bernard
fixent très clairement des limites aux règles qui portent
atteinte aux libertés fondamentales prévues par le
Traité.
Les atteintes portées aux principes fondamentaux
prévus par les Traités de l'Union Européenne ne sont
considérées comme acceptables que si elles poursuivent un but
légitime, d'intérêt général, et qu'elles sont
proportionnées à l'objectif poursuivi par les acteurs
économiques (principe de proportionnalité)2.
2 Dans l'Union Européenne le principe de
proportionnalité dispose que la Communauté Européenne (CE)
ne doit pas, dans l'exercice de ses compétences, faire plus que ce qu'il
est nécessaire pour atteindre ses objectifs.
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Il n'est pas certain que le but poursuivi par la FIFA (ou
l'UEFA) en regard de la prohibition des contrats TPO soit
considéré comme légitime par les instances
européennes. Pour cela, il faut démontrer que les contrats TPO
sont de nature à porter atteinte à l'équité des
compétitions. Cette démonstration reste à faire.
Concernant le droit français, l'article 221 du
Règlement Administratif de la Ligue de Football Professionnel
prévoit que les clubs professionnels ne peuvent céder des droits
résultant d'une opération de transfert qu'à un autre club
à l'exclusion de toute autre personne physique ou morale :
« Un club ne peut conclure avec des personnes morales,
à l'exception d'un autre club, ou physiques, une convention dont l'objet
entraîne directement ou indirectement, au bénéfice de
telles personnes, une cession ou une acquisition totale ou partielle des droits
patrimoniaux résultant de la fixation des diverses indemnités
auxquelles il peut prétendre lors de la mutation d'un ou plusieurs de
ses joueurs. La violation du premier alinéa du présent article
est passible d'une amende au moins égale au montant des sommes
indûment versées, infligée au club en infraction et de
sanctions disciplinaires à l'encontre de ses dirigeants. Elle peut
également entraîner la limitation d'homologation des nouveaux
contrats durant une ou plusieurs. La direction nationale du contrôle de
gestion est compétente pour connaître des violations de la
règle fixée au premier alinéa du présent article.
»
On remarquera que ce texte reconnaît l'existence, dans
les actifs des clubs de droits patrimoniaux résultant de la fixation des
indemnités liés aux mutations de joueurs (ce qui recouvre les
indemnités de transfert, mais aussi également les
indemnités de formation et la contribution de solidarité). Le
règlement de la LFP valide ainsi la notion de droits économiques.
Il est par ailleurs important de souligner que la prohibition ne vise que la
cession ou l'acquisition des droits. Elle n'empêche pas les clubs
français de donner des garanties sur ces droits. Les juridictions
françaises ont d'ailleurs validé de telles garanties
données par un club à une banque.
L'interdiction de la tierce propriété pourrait
néanmoins connaître de nombreux rebondissements au cours des
prochains mois.
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