Pret-a-porter Made in France : quels facteurs pourraient amplifier la dynamique des relocalisations ?( Télécharger le fichier original )par Alyona CHARLES Burgundy School of Business - Executive ESC 2015 |
B. Pourquoi existe-t-il cette tendance du MIF ?À l'origine de cette tendance, un écosystème en mutation 1. Un contexte favorable pour les relocalisationsa) Le contexte socialLes Français se montrent particulièrement pessimistes vis-à-vis de la situation économique du pays. En 2014, seul 21% de la population pense que son niveau de vie a progressé depuis 10 ans et 96% pense que le niveau de vie de l'ensemble des Français a baissé sur cette période (source CREDOC). De plus, 34% du revenu des ménages est aujourd'hui consacré aux dépenses dites « contraintes » (logement, téléphone, internet, énergie). Ainsi, la récession, qui touche tous les pays d'Europe, pousse les consommateurs non seulement à réduire leurs dépenses mais aussi à favoriser in fine le MIF. En effet, les délocalisations massives dès les années 1970 et l'automatisation de la production (1 million d'emplois perdus entre 1960-2010 dans le secteur textile-habillement) contribuentà la perception par le grand public de l'augmentation du chômage. Dans la conscience collective, les délocalisations ont toujours été associées à la quête de main d'oeuvre bon marché et à l'affaiblissement durable du bassin d'emploi local. Elles sont donc, dans les esprits, synonymes de chômage et de paupérisation des classes moyennes. Dans unélan de solidarité avec les salariés et les entreprises les plus exposées à la compétition mondiale, la majorité des Français portent un regard critique sur la mondialisation. Graphique 3 : La perception de la mondialisation aux yeux des individus La tendance baissière et/ou atone du pouvoir d'achat est largement ressentiecomme une conséquence de la mondialisation et ce sentiment est partagé par un grand nombre de nos compatriotes depuis de nombreuses années. Graphique 4 : L'évolution du pouvoir d'achat en France D'autres indicateurs composites comme l'indice de progrès véritable (IPV) ou indice de bien-être durable (IBED) vont au-delà de la seule considération économique du PIB. Ils y additionnent les bénéfices non-marchand des activités humaines et y retranchent les consommations de ressources et les dégradations sur l'environnement. Ces indices convergent avec les constats sur le pouvoir d'achat faits ci-dessus : ils décrochent globalement de la croissance du PIB à la même période. Concrètement, les chiffres de la consommation vont dans le sens de cette perception collective. Nous pouvons constater, dans l'habillement en particulier, que la consommation des ménages baisse franchement depuis la fin des années 80, avec des origines qui semblent se situer dès le milieu des années 70. Graphique 5 : Consommation finale effective Industrie de l'habillement par ménage base 2010 Ces tendances accréditent dans la conscience collective l'intérêt de relocaliser. Le MIF apparaît en effet pour la majorité silencieuse comme un remède à ces dégradations, un remède susceptible d'inverser la tendance sur les emplois et le pouvoir d'achat. Ainsi dans les faits, une personne sur deux en 2014 déclare privilégier les produits MIF et globalement, près de deux tiers privilégient des produits industriels fabriqués en Europe. Graphique 6 : Quel produit industriel privilégiez-vous ? De fait, dans ce contexte de crise, faire des économies et acheter plus intelligemment devient une nécessité pour de plus en plus de ménages. Ainsi, ces derniersréduisent la quantité des produits achetés, ou, le plus souvent, leur qualité en achetant des produits low-cost « type asiatique » réputés pour avoir une durée de vie limitée. Dans ce dernier cas, ces produits doivent très vite être remplacés. De ce fait le coût de revient global à moyen/long terme vis-à-vis d'un produit de meilleure qualité fabriqué en France est défavorable pour ces consommateurs. Là encore le MIF semble en mesure d'apporter une réponse crédible en ce qui concerne la qualité. Graphique 7 : Comparaison de la qualité des produits fabriqués hors d'Europe et en France Au-delà du désir de réaliser des économies et d'acheter des produits de qualité, les consommateurs accordent de plus en plus d'importance à l'impact social, éthique et environnemental de leurs achats. Le scandale en avril 2013 de Dacca, la capitale du Bangladesh, illustre l'impact des délocalisations en termes de condition de travail. En effet l'effondrement du Rana Plaza qui abritait plusieurs ateliers de confection travaillant pour de grandes marques internationales de vêtements, a provoqué la mort de 1138 ouvriers et blessé plus de 2000 autres. Depuis, leFashionRevolution Day6(*)est célébré, chaque année à la date anniversaire de la tragédie dans plus de 70 pays. L'initiative #whomademyclothes, ("Qui a fabriqué mes vêtements") a ainsi pour but de souligner le coût de la mode et les dysfonctionnements de l'industrie. La créatrice de mode militante Carry Somers souhaite ainsi inciter les marques de vêtements à avoir une approche plus éthique, transparente et plus durable. * 6 http://fashionrevolution.org/country/france/, visitée le 07/11/2016 |
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