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Pret-a-porter Made in France : quels facteurs pourraient amplifier la dynamique des relocalisations ?

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par Alyona CHARLES
Burgundy School of Business - Executive ESC 2015
  

Disponible en mode multipage

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PRET-A-PORTER

MADE IN FRANCE

Quels facteurs pourraient

Amplifier la dynamique

des relocalisations ?

Alyona CHARLES

MEMOIREEXECUTIVE ESC 2015-2016

REMERCIEMENTS 

Je tiens à exprimer toute ma reconnaissance a` mon Directeur de mémoire Monsieur Alain StefanCieslewicz. Je le remercie pour sa grande disponibilité et ses précieux conseils.

J'aimerais également témoignermon respect et ma gratitude envers Alexandre Asselineau, Directeur Knowledge& Transfer et Directeur Executive Education de la BurgundySchool of Business.

Je voudrais remercier aussi particulièrement tous les professionnels qui ont accepté de me rencontrer et de répondre a` mes questions durant mes recherches.

Je remercie enfin très spécialement mon mari Yves, qui a toujours été là pour moi, pour son soutien inconditionnel et ses encouragements.

RESUMÉ

Aujourd'hui le Made In France occupe de plus en plus le devant de la scène, stigmatisant une volonté des consom'acteurs à consommer plus éthique, plus responsable et plus durable. Le présent travail de recherche a pour vocation de répondre à la question : « Prêt-à-porter Made In France : Quels facteurs pourraient amplifier la dynamique de relocalisation ? »

Hypothèse de travail : S'il est possible de faire connaître et commercialiser des produits de prêt-à-porter Made In France, au même prix et dans les mêmes délais de mise sur le marché que des produits fabriqués à l'étranger, alors le prêt-à-porter Made In Francesera compétitif, et,de ce fait, susceptible d'encouragercette dynamique de relocalisation pour une part significative de l'industrie de l'habillement prêt-à-porter en France.

SOMMAIRE 

REMERCIEMENTS 2

RESUMÉ 4

SOMMAIRE 5

INTRODUCTION 6

A. LE PÉRIMÈTRE DU SUJET : « L'HABILLEMENT MADE IN FRANCE » 6

B. MES MOTIVATIONS 6

C. PROBLÉMATIQUE 7

D. MÉTHODOLOGIE ET ÉNONCÉ DU PLAN 7

PARTIE I REVUE DE LITTÉRATURE 9

A. CONTEXTE : HISTOIRE ET TENDANCE DE L'HABILLEMENT « MADE IN FRANCE » (CONSTATS/FAITS) 9

1. UN APERÇU HISTORIQUE DE L'ÉPOPÉE D'UNE INDUSTRIE AUX RACINES ANCIENNES 9

2. QUELQUES DÉFINITIONS ET DESCRIPTION DE LA CHAÎNE DE VALEUR DE LA FILIÈRE 11

3. LES PIONNIERS DU MOUVEMENT MIF DANS LE PRÊT-À-PORTER 16

B. POURQUOI EXISTE-T-IL CETTE TENDANCE DU MIF ? 19

1. UN CONTEXTE FAVORABLE POUR LES RELOCALISATIONS 19

2. OFFRE : LES MODÈLES CLASSIQUES DE LA CHAINE DE VALEUR 35

3. DEMANDE : LA SATISFACTION DES ATTENTES CLIENTS 39

C. INVENTAIRE DES LEVIERS FAVORABLES AU MIF (EXTERNES ET INTERNES) 44

PARTIE II ETUDE EMPIRIQUE 45

A. ANALYSE COMPARATIVE : COMMENT AMPLIFIER LE MOUVEMENT DU MIF ? 45

1. LE SUCCÈS DU MODÈLE ZARA UN EXEMPLE SOURCE D'INSPIRATION 45

2. COMPARAISON AVEC LES LEVIERS D'ACTION LISTÉS EN PREMIÈRE PARTIE 50

3. TRANSPOSITION DES LEVIERS D'ACTION ZARA AU MIF 51

4. SYNTHÈSE DES LEVIERS D'ACTIONS ISSUS DE L'ANALYSE COMPARATIVE & SWOT 63

B. ANALYSE QUALITATIVE : L'AVIS DES EXPERTS 64

1. LISTE DE NOS INTERVIEWS D'EXPERTS 64

2. MÉTHODE : MOTRICITÉ ET SENSIBILITÉ DES LEVIERS D'ACTION (D'APRÈS MICHEL GODET, 2001) 64

3. RÉSULTATS DE L'ENQUÊTE 65

4. REGROUPEMENTS ET ANALYSE DES RÉSULTATS 66

CONCLUSION GENERALE 70

GLOSSAIRE / LISTE DES ACRONYMES, SIGLES ET ABREVIATIONS 71

BIBLIOGRAPHIE : 73

A. OUVRAGES & LIVRES 73

B. ARTICLES 74

C. INTERNET 75

INTRODUCTION

A. Le périmètre du sujet : « l'habillement Made in France »

« Made in France » Je m'intéresse à la création de valeur en France et donc au moyen de rapprocher autant que possible la production de son lieu de consommation (relocaliser), afin d'optimiser le cycle de vie du produit vis-à-vis d'un consommateur de plus en plus exigeant (fast& custom fashion, qualité premium). Mais également dans un esprit responsable et durable afin d'essayer de favoriser l'emploi local tout en préservant l'environnement et en réduisant l'empreinte carbone. (Un jeans est par exemple un désastre écologique qui nécessite à lui seul des centaines de litres d'eau, des pesticides, des colorants, de puissants détergents et des milliers de kilomètres de transport).

Je me limite de facto au périmètre de « l'habillement »,prêt-à-porter et de la mode (exclusion du secteur textile de production et autres destinations, en particulier tous les autres usages domestiques ou techniques).

A. B. Mes motivations

En tant qu'étudiantej'ambitionne de faire carrière dans le monde de l'habillement/mode qui me passionne. Réaliser mon mémoire de master sur ce sujet me semble un excellent tremplin pour mieux comprendre la filière et l'approcher. In fine, j'espère faire suffisamment de rencontres pour y découvrir des opportunités professionnelles pertinentes.

En tant que consomm'actrice je me sens écoresponsable et surtout, je préfèrerais trouver sur les étals davantage de choix de qualité au prix juste. Plutôt que des produits de masse « jetables », de piètre qualité, fabriqués par des enfants au Bangladesh (qui meurent sous les décombres de Dacca). Ou bien encore, des produits de « luxe » inaccessibles ne garantissant pas un niveau de qualité que j'estime en rapport avec leur prix.

En tant que citoyennedans ce contexte de crise / récession économique, oeuvrer pour favoriser lacréation d'emplois me semble un combat passionnant, essentiel pour tenter de préserver notre modèle social et ralentir la paupérisation des classes moyennes. L'entreprise agit par définition, elle me semble un levier privilégié pour faire évoluer la société dans un contexte morose de changement de paradigme de nos modèles économiques.

Précision importante :Il ne s'agit pas de promouvoir le protectionnisme économique ou le patriotisme forcené mais de mettre à l'honneur le savoir-faire français et oeuvrer pour l'enrichir encore. Tenter de protéger et créer des emplois plus proches de chez nous, conforme avec les attentes ressenties des consommateurs et la Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE). Suivre l'idée positive et apolitique selon laquelle un business raisonnable et intelligent profite à tous (à l'entreprise, aux consommateurs, à l'environnement, aux citoyens, ...).

En fin de compte notre écosystème est complexe et interagit constamment, l'ambition de ce mémoire est d'explorer des solutions qui puissent être en mesure de faire converger la promotion et le renforcement du savoir-faire français, l'engagement citoyen, la préservation / protection de l'environnement et l'investissement dans la vie locale avec un modèle de développement économiquement soutenable dans le domaine du prêt-à-porter.

C. Problématique

Face aux lames de fonds des délocalisations, la question médiatique du Made in France interpelle : existe-t-il réellement une opportunité sérieuse pour un nouveau canal au sein de la filière susceptible de justifier de relocaliser partiellement une industrie particulièrement mise à mal dans nos pays industrialisés au cours des 50 dernières années ?

S'agit-il d'un épiphénomène ? D'une « mode du Made in France » pour doux rêveurs ? Ou alorsd'uneopportunité inédite de changement de l'industrie en profondeur ?


· Quels sont les modèles dominants de la compétition mondiale (chaine de valeur) ?


· Existe-t-il, ou bien peut-on éveiller une clientèle significative ?


· Quel est son potentiel et sur quelles attentes se fonde-t-elle ?


· Si tel est le cas, est-il possible de répondre de façon concurrentielle ? Par quel(s) moyen(s) ?

En somme, comment les nouveaux modèles managériaux, l'innovation raisonnée, l'intra-logistique 4.0, les systèmes ERP/PLM, le Green Supply Chainet les circuits courts, entre-autres, peuvent-ils contribuer à l'émergence d'un nouveau modèle du « made-in-France » ?

Ce mémoire a donc pour vocation de répondre à la question :

« Prêt-à-porter Made In France : Quels facteurs pourraient amplifier la dynamique de relocalisation ? »

D. Méthodologie et énoncé du plan

La première partie a pour objectif de nous permettre de mieux comprendre le phénomène du MIF et de formuler des hypothèses sur les facteurs susceptibles d'être les plus influents sur son évolution.

La seconde partie tentera de vérifier empiriquement ces hypothèses par une analyse comparative de l'existant (inspiration cas ZARA), étoffée par une étude qualitative auprès des précurseurs experts du Made-In-France (interviews téléphoniques + salon MIF Expo).

Pour ce faire, nous allons constater la dynamique du phénomène après l'avoir resituée dans son contexte historique et défini le cadre général de l'industrie.

Ensuite, nous analyserons l'écosystème afin de déterminer les origines favorables puis les facteurs susceptibles d'influencer ce phénomène du point de vue de l'offre et de la demande. L'analyse se fera donc dans un premier temps sous le prisme de l'environnement (social, environnemental, politico-légal, économique et technologique). Puis nous chercherons à expliquer les mécanismes stratégiques de l'offre afin d'en déduire les facteurs clés de succès. Ensuite nous tenterons de comprendre la demande afin de découvrir les sources d'avantages concurrentiels pour le Made-In-France. Nous fournirons en synthèse de cette première partie une cartographie des facteurs externes et internes qui nous semblent les plus influents.

Dans un second temps nous allons d'abord nous inspirer de la success story de l'Espagnol ZARA dont les productions sont majoritairement domestiques puis Européennes. En effet, nous pensons que cet exemple est source d'inspirations transposables en France et peut-être optimisé car la maîtrise du temps (« Time to market ») est LE facteur clé, à fortiori, dans le domaine de la mode. A partir de cet exemple, nous tenterons de confirmer nos hypothèses et d'isoler les leviers du succès pour le Made in France. S'agissant d'une étude prospective, la dernière partie reposera sur une enquête qualitative auprès d'experts pionniers du Made in France rencontrés lors d'un salon thématique à Paris en Novembre 2016.

Partie IRevue de Littérature

Afin de mieux comprendre pourquoi il existe une tendance naissante à la relocalisation du prêt-à-porter Made in France, nous allons étudier le contexte de cette industrie. Pour ce faire, nous constateronsdans un premier temps, la dynamique des pionniers du Made in France, après un bref aperçu historique et quelques définitions permettant de délimiter le sujet.

Dans un second temps, afin de découvrir les racines de cette tendance, nous ferons l'inventaire des éléments de contexte favorables aux relocalisations, puis nous observerons en détail les modèles dominants de la chaîne de valeurqui structurent actuellement cette industrie afin de déceler les brèches favorables au MIF. Puis, nous tenterons d'analyser les mécanismes de la demande pour comprendre comment le Made in France peut impacter la décision d'achat.Enfin nous dresserons un tableau des leviers qui nous semblent favorables au Made In France.

A. Contexte : Histoire et tendance de l'habillement « Made in France » (Constats/Faits)

1. Un aperçu historique de l'épopée d'une industrie aux racines anciennes

« Un peuple qui oublie son passé se condamne à le revivre. » Winston Churchill

a) Une industrie à l'avant-garde des révolutions industrielles

L'industrie de l'habillement compte parmi les plus vielles du monde. Elle a pris son essor pendant la première révolution industrielle en Angleterre grâce à la machine à vapeur qui a permis de passer d'une société artisanale à une société commerciale et industrielle. A l'instar du novateur « Bon Marché » d'Aristide Boucicaut qui préfigurait le commerce moderne, ou de la VAD inventée par la Redoute en 1922, cette industrie des temps modernes a subi une succession de bouleversements profonds à l'avant-garde des grandes tendances mondiales du commerce et de l'industrie. En effet, la filière s'est en permanence renouvelée, modernisée par touches successives au fil du temps. D'ailleurs, la seconde révolution industrielle correspond à la maitrise de l'électricité pour la production en masse. Il est intéressant de constater que bon nombre de manufactures textiles du début du 20ème siècle étaient équipées de turbines à eau pour produire leur propre électricité.

A l'aube de la première guerre mondiale cette filière caracole en tête parmi les fleurons de nos industries manufacturières.L'apogée du secteur en termes d'emploi se situeau début des années 60 (environ 1 million d'emplois en France, 15% de la production manufacturière). Les marchés de l'industrie de l'habillement étaient en forte expansion suite à la conjonction de phénomènes démographiques (baby-boom), économiques (la croissance moyenne à 5,4% des « Trente Glorieuses ») et politiques (l'ouverture au Marché commun en 1958). Mais aussi l'urbanisation : en 1968, 60 % de la population vit désormais en ville. Cette conjonction induit de nouveaux modes de vie où le vêtement joue un rôle de plus en plus important(Michèle Ruffat, CNRS IHTP).

a) b) De la compétitivité vers la division internationale du travail

Dans le même temps que la demande croît, s'esquisse une mutation profonde de l'industrie. Les barrières aux nouveaux entrants sont alors encore modérées et l'aubaine attire nécessairement les convoitises. La compétition fait rage. Avec la mécanisation, la productivité par individu est ainsi en permanence multipliée, améliorée sans cesse par l'abondance énergétique et les progrès techniques. Voici la 3ème révolution industrielle qui s'annonce avec l'automatisation et les microprocesseurs. Il faut donc investir toujours plus pour préserver la compétitivité. La filière est très verticale (séquencée en successions d'étapes) et donc propice à son intégration. Les firmes ont ainsi progressivement élargi l'étendue de leur contrôle à la chaine de valeur globale pour maximiser leurs marges. Peu à peu, les entreprises grossissent et s'internationalisent, les petits disparaissent, ou sont absorbés. La productivité progresse déjà plus vite que la demande, ainsi la concentration devient un pilier de la réussite d'une industrie plébiscitée devenue de plus en plus capitalistique (productivité), et qui deviendra de fait de moins en moins manufacturière.

Cependant, la confection notamment est difficilement mécanisable, et la main d'oeuvre pèse lourd dans la masse salariale. De ce fait, les industriels sont attirés par les pays dont la main d'oeuvre est bon marché. On assiste alors à une division internationale du travail.

« Le textile et l'habillement sont devenues des industries différentes. La filature, le tissage et l'ennoblissement sont capitalistique, tandis que la confection de vêtement demeure intensive en main-d'oeuvre ... Les clients et les fournisseurs ne se trouvent plus sur le même territoire : les distributeurs d'habillement ont internationalisé leurs approvisionnements et les confectionneurs se transforment en donneurs d'ordres en externalisant leur production »1(*)

c) La mondialisation et la déconstruction généralisée vers l'usine du monde

« Dans cette industrie, les premières délocalisations depuis la France ont été effectuées dès les années 1960 en direction des pays d'Afrique du Nord (Maroc et Tunisie). Les exemples sont nombreux comme en témoigne la présence abondante d'entreprises de prêt-à-porter (Lacoste, Petit Bateau, Promod, etc.), et de marques de lingerie (Aubade, Chantelle, Princesse Tam Tam, etc.), installées en Tunisie ou au Maroc »2(*).

En 1974, suite au premier choc pétrolier, la croissance du PIB et la demande marquent le pas avec un effet ciseau sur l'emploi. Malgré de solides avances concurrentielles et « l'accord multifibres (AMF-GATT) » (suivi en 1995 jusqu'en 2005-2008 par un accord de l'OMC) la compétitivité, l'hyper-concentration de la distribution et les politiques de libéralisation des échanges mondiaux inscrits dans cette dynamique, ont progressivement provoqués des délocalisations de plus en plus brutales et la suppression de plusieurs centaines de milliers d'emplois en France (le secteur en comptait 764 000 en 70, 350 000 en 95, pour moins de 60 000 aujourd'hui).

Peu à peu donc, les délocalisations de la production se sont opérées au profit de clusters d'ateliers spécialisés notamment en Asie et particulièrement en Chine (plus des ¾ des importations de l'UE en 2012 provenaient du quatuor Chine-Inde-Bangladesh-Pakistan). « La Chine a créé plus de 9 millions d'emplois industriels entre 1992 et 2010 suivie par le Mexique et le Brésil »2.

Plus récemment encore, après les pays émergeants, ce sont les pays les plus pauvres du monde comme l'Ethiopie qui captent une part du marché productif. Et ce, bien entendu pour des raisons de coûts de la main d'oeuvre (une couturière éthiopienne coûte 20 euros quand une chinoise en coûte 200 et une européenne 2000 par mois). Mais il semblerait aussi, pour des raisons de délais...

« Les pays producteurs s'inscrivent dans un cycle historique de spécialisation-déspécialisation, en fonction de leurs avantages concurrentiels. Il convient de distinguer les pays qui ne possèdent qu'une activité embryonnaire de transformation des fibres (le coton), de ceux qui ne produisent de manière substantielle que du textile ou des vêtements. D'autre offrent une filière qui peut être dans une phase de croissance, de maturité ou de déclin. Enfin, il existe des pays dans lesquels la fabrication a disparu et dominent les activités de conception, de marketing, de logistique et de distribution »3(*) .

2. Quelques définitions et description de la chaîne de valeur de la filière

a) Repères contextuels (Définitions textile, habillement, grande conso...)

L'industrie de l'habillement vise toute la confection (prêt-à-porter ou sur mesure), en toutes matières (cuir, tissu, étoffes à maille, etc.), de tous vêtements (dessus/dessous, hommes/femmes/enfants, travail/ville/loisirs) et accessoires (INSEE).

L'industrie textile englobe l'ensemble des activités de conception, de fabrication et commercialisation des textiles et donc, entre autres, celle de l'habillement.Cette industrie comptede très nombreux métiers tout au long d'une chaîne de valeur composée des fabricants de tissus, de produits finis et de distributeurs, qui transforment des matières premières fibreuses en des produits semi-ouvrés ou entièrement manufacturés.Les fabricants de fibres naturelles et synthétiques interviennent en amont, et donc en dehors de cette chaîne.

Les produits textiles sont pour l'essentiel des biens de consommation. Les vêtements de prêt-à-porter représentent une partie importante de ce secteur.

Attention, les frontières et statistiques sont parfois floues dans la mesure où certains industriels de l'habillement intègrent une grande partie de la filière textile lorsque dans le même temps certains se « limitent » à la commercialisation.

La filière textile recouvre ainsi la préparation et la fabrication des fibres naturelles (laine, coton, soie, lin, jute...) et artificielles (synthétiques ou cellulosiques), la filature, le tissage et la fabrication d'étoffes a` maille ainsi que de certains articles a` maille tricotés en forme (chaussettes, chandails). Elle regroupe également la réalisation d'articles pour la maison (linge de maison, tapis et moquettes) et l'ennoblissement qui apporte la touche finale à ces différents produits en aval ou en amont de la filière.

Ce secteur fabrique donc essentiellementdes produits intermédiaires tels que des tissus pour l'habillement, l'ameublement, des textiles a` usage industriel et médical mais aussi quelques produits semi-finis ou finis.

« Les industries du textile et de l'habillement sont imbriquées mais alors que les vêtements sont entièrement faits de textile, moins de la moitié de la production textile est transformée en vêtements... L'industrie de l'habillement, souvent dénommée confection,fabrique un produit fini, le vêtement, exclusivement à partir des tissus que lui fournissent les entreprises textiles. Toutefois en France, la fabrication des articles chaussants, pull-overs et articles similaires (bonneterie) relèvent de l'industrie textile, bien qu'il s'agisse aussi de vêtements ; les autres articles en mailles (sous-vêtements) étant classés depuis 1993 avec l'habillement. Aussi pour définir avec précision le champ de ces industries, il convient de se référer aux nomenclatures de produits établies au niveau national et international »4(*).

Si l'habillement semble une division du textile, l'habillement peut à l'inverse intégrer verticalement la partie du secteur textile qui constitue son « sourcing » principal, et qui lui-même source chez les producteurs de fibres naturelles ou synthétiques. Les frontières semblent discutables et malléables...

b) Made In France (Définition communautaire)

Aux termes de l'article 24 du Code des douanes communautaires "Une marchandise dans la production de laquelle sont intervenus deux ou plusieurs pays, est originaire du pays où a eu lieu la dernière transformation ou ouvraison substantielle, économiquement justifiée, effectuée dans une entreprise équipée à cet effet et ayant abouti à la fabrication d'un produit nouveau ou représentant un stade de fabrication important."Cette définition laisse une grande part de subjectivité et de liberté dans l'évaluation de l'origine du produit. La Commission Européenne semble très « permissive » et limite la répression des fraudes par les douanes domestiques. Cette situation peu claire est sans doute à l'origine de la création de multiples labels « Made In France » qui s'appuient aussi sur des interprétations différentes.

c) La relocalisation (Définition)

La relocalisation se définit au sens strict et au sens large. Au sens strict, c'est le retour dans le pays d'origine d'unités productives, d'assemblage ou de montage, antérieurement délocalisées sous diverses formes dans les pays à faibles coûts salariaux. Au sens large, la relocalisation peut se définir comme le ralentissement du processus de délocalisation vers les pays à bas salaires, c'est-à-dire la remise en cause des choix de délocalisation ou la non-délocalisation dans les secteurs sensibles à la compétition par les coûts (Mouhoud E.M., 2011).

d) Schéma de la chaîne de valeur selon Michael Porter et représentation interne de la filière

Figure 1 : Schéma de la chaîne de valeur selon Michael Porter et représentation de la filière

La figure 1 représente la chaîne de valeur générique de la filière textile-habillement et décompose ses flux organisationnels. En haut à gauche se trouve le schéma de la chaîne de valeur selon M. Porter. Chacune des couleurs des activités support (horizontales en-dessous) et principales (verticales au-dessus) permettent de retrouver sur le diagramme des flux des activités correspondantes.

Comme nous l'avons évoqué précédemment, la filière est très verticale et plus ou moins intégrée chez les uns et les autres. Certaines entreprises n'intègrent donc qu'un nombre limité de ces étapes génériques. Ainsi, les bulles bleues sont externalisables tandis que les rouges font partie du coeur de métier minimal sine qua non de toutes entreprises. Les bulles blanches quant à elles, sont nécessairement externes à l'entreprise.

Les flux physiques et les processus sont matérialisés par des flèches noires tandis que les flux du système d'information sont matérialisés par des flèches bleues.

Les étoiles symbolisent des ressources considérées comme clés par des entreprises leaders sur le secteur.

e) Structure concurrentielle de l'industrie (Forces de Porter)

(1) Concurrents directs :

Le secteur du prêt-à-porter est mature et plutôt concentré. Fortement concurrentiel, il comporte de nombreux acteurs « dominants » de taille importante.Le groupe Inditex (ZARA-Espagne) est N° 1sur le marché de détail en EuropedevantH&M (Suède) et se partagent tous deux de l'ordre de 20% du marché chacun. Suivent Primark (Irlande), PVH et M&S. Ces trois derniers se partagent chacun plus de 10% du marché. De l'ordre de 70% du marché européen est donc entre les mains de 5 groupes.

La concurrence intra-sectorielle est féroce pour maintenir ou consolider ses parts de marché, notamment via une pression sur les prix de vente et le renouvellement fréquent des saisons.

Note sectorielle de cette force : 10/10

(2) Entrants potentiels :

La menace de nouveaux entrants est faible car les barrières à l'entrée sont nombreuses : marché très saturé en faible croissance, notoriété des grands groupes élevée (barrière commerciale), investissements lourds (barrière financière), largeur et fraicheur de gamme, saisonnalité, ...

Note sectorielle de cette force : 1/10

(3) Fournisseurs :

Faible pouvoir de négociation des fournisseurs, les fournisseurs sont généralement des entreprises de PEDqui sont contraintes d'accepter les prix imposés par les Grandes Enseignes, d'autant plus contraints que le groupe est puissant. Néanmoins ce choix stratégique est lié au coût de la main d'oeuvre et impose des coûts cachés et des délais importants.

Note sectorielle de cette force : 8/10

(4) Clients et distributeurs :

Les clients sont des individus isolés, de telle sorte qu'ils ont peu de pouvoir de négociation. Néanmoins, la pression concurrentielle est telle qu'indirectement, les consommateurs tirent les prix vers le bas. S'il s'agit parfois de vente directe sans intermédiaire (ZARA), l'industrie est majoritairement structurée avec un réseau de détail qui a tendance à multiplier les prix par 2.

Note sectorielle de cette force : 10/10

(5) Produits substituts :

Le cycle de vie du produit « habillement » semble durablement mature et peu évolutif. La menace de voir fleurir un nouveau type de produit d'habillement apparaît assez abstraite.

Note sectorielle de cette force : 0/10

(6) Etat :

Le marché est globalisé et uniformisé. Les réglementations sur le libre échange sont permissives.

Note sectorielle de cette force : 2/10

(7) Diagramme & Analyse

Figure 2 : Forces de Porter

Les principales forces sont intenses, donc le degré de liberté et la marge de manoeuvre des entreprises en présence sont faibles. L'enjeu pour le MIF est de taille. Dans ce mémoire nous allons précisément découvrir et déterminer les éléments stratégiques qui permettraient de maitriser les facteurs clés de succès pour amplifier le phénomène du MIF, et notamment, réorganiser la supply chain et le réseau de distribution afin de mieux répondre aux attentes des clients que les concurrents pour s'en différencier.

3. Les pionniers du mouvement MIF dans le prêt-à-porter

a) Un mouvement qui fait parler de plus en plus de lui

De nos jours, nous entendons parler de plus en plus souvent de production et consommation locale. Depuis 2012, une chronique quotidienne intitulée "Made in France" dans l'émission "Midi en France" est diffusée sur France 3 et TV5 Monde.  En 2014, Canal+ a diffusé "Made in France, l'année où j'ai vécu 100% Français ", documentaire dans lequel Benjamin Carle, journaliste de 25 ans, a décidé de vivre pendant 1 an 100% Made in France". Il a également écrit un livre sorti en 2015 intitulé "Mon année Made in France".

D'ailleurs, la base de données Factiva a recensé près de 3 000 articles de presse qui s'en sont fait l'écho en 2013, alors que seule une centaine le faisait dix ans plus tôt. Soit 30 fois plus !

Graphique 1 : Citations de l'expression « Made in France » dans la presse française entre 1997 et 2013

Dans ce contexte, il est intéressant de voir fleurir des initiatives telles que l'entreprise « 1083 » (dans la Drôme), qui relocalise la fabrication (à plus de 85% en France) de jeans et de chaussures à moins de 1083 km de chez nous. Cette initiative n'est pas isolée. Des marques comme Tricolore, Tuff's, Plus de Pulls et Remade in France, fabriquent des vêtements 100% Made in France à base de coton et de laine recyclés à partir de vêtements usagés.

Nous pouvons également citer pêle-mêle quelques exemples : Storks (polos, t-shirts, chaussettes Alsaciennes), Version Française (Polos et chemises sur mesure à Châlon/Saône), French Appeal (Jeans sexy à Paris), La Révolution Textile, Galucebo ou encore les costumes Smuggler, chers à l'ex-ministre de l'économie...

A titre d'illustration justement, Arnaud Montebourg,ancien Ministre de l'Économie, du Redressement productif et du Numérique, a fait du MIF son cheval de bataille. Il a mené une campagne politico-médiatique très remarquée sur le sujet. Après avoir prôné la démondialisation, le ministre a tenu des discours volontaristes sur la nécessité de consommer du « Made in France » et sur les réussites innovantes françaises. « Une ambition de redynamisation du tissu industriel qu'il a tenté d' insuffler à la tête de son ministère du redressement productif. L'ancien avocat a d'abord réalisé un travail de communication à destination des consommateurs, en posant en marinière à la une du Parisien Magazine, où il exprimait la volonté de mettre en place des rayons de produits français dans les supermarchés, puis en réalisant une vidéo sur le « génie » industriel français, en écrivant un livre intitulé « La Bataille du « Made in France », etc. Enfin Monsieur Montebourg a annoncé la mise en place de trente-quatre plans destinés à relancer l' industrie française, en la positionnant sur des secteurs innovants5(*) ».

b) Une filière qui s'organise et se développe

Au-delà des opérations de communication et des ambitions politiques des un ou des autres, ces projets laissent-ilsvraiment augurer un nouveau souffle pour l'habillement « Made in France » ?

Comme évoqué dans le chapitre précédant, l'industrie de l'habillement est en permanente évolution. Elle a suivi le rythme des révolutions industrielles qui se sont succédées à un rythme de plus en plus rapproché. Elle a fait évoluer continuellement son organisation pour accroitre sa productivité ; de la production manufacturière de masse du début du 20ème siècle jusqu'à la première vague d'automatisation et le premier choc pétrolier des années 70 qui ont déclenchés les séries de délocalisations de production dans des pays à bas coût de main d'oeuvre. Chaque évolution trouvant ses limites, désormais, la quatrième révolution industrielle est en marche. Après les grandes vagues de délocalisations, la tendance aujourd'hui semble s'inverser et les initiatives de relocalisations se multiplient.

C'est ainsi que fleurissent et s'étoffent peu à peu des salons qui témoignent concrètement de cette dynamique des marchés. Spécifiquement, la 5ème édition de MIF Expo a eu lieu en Novembre dernier Porte de Versailles à Paris. MIF Expo réunit chaque année de plus en plus d'exposants et de visiteurs (450 et 55 000 respectivement). Ce salon fait la promotion des savoir-faire d'entreprises de toutes tailles et de tous secteurs qui ont fait le choix du Made in France. De son côté, Première Vision (réunion de tisseurs Lyonnais depuis 1973), qui organise depuis 1984 à Paris Nord Villepinte l'événement mondial des professionnels de la filière mode, a repris à sa charge en 2014 le salon Made In France Première Vision. Le groupe ouvrira en avril 2017, la 15e`me édition de ce salon des savoir-faire français de la filière. Il présentera la cartographie complète de l'industrie mode et textile hexagonale aux créateurs et aux directeurs de collections en quête de solutions textiles et matières, de techniques de fabrication et de confection, ou encore de services production, pour le vêtement et les accessoires de mode haut de gamme.

Le graphique ci-après représente l'intérêt pour le Made in France vis-à-vis de la dynamique de cette industrie, en comparant la fréquentation du salon MIF Expo à son nombre d'exposants. Nous observons que l'évolution de l'un par rapport à l'autre est colinéaire et que le nombre d'exposants et de visiteurs a été multiplié par cinq en cinq ans.

Graphique 2 : Evolution de la fréquentation du salon MIF Expo

B. Pourquoi existe-t-il cette tendance du MIF ?

À l'origine de cette tendance, un écosystème en mutation

1. Un contexte favorable pour les relocalisations

a) Le contexte social

Les Français se montrent particulièrement pessimistes vis-à-vis de la situation économique du pays. En 2014, seul 21% de la population pense que son niveau de vie a progressé depuis 10 ans et 96% pense que le niveau de vie de l'ensemble des Français a baissé sur cette période (source CREDOC). De plus, 34% du revenu des ménages est aujourd'hui consacré aux dépenses dites « contraintes » (logement, téléphone, internet, énergie).

Ainsi, la récession, qui touche tous les pays d'Europe, pousse les consommateurs non seulement à réduire leurs dépenses mais aussi à favoriser in fine le MIF. En effet, les délocalisations massives dès les années 1970 et l'automatisation de la production (1 million d'emplois perdus entre 1960-2010 dans le secteur textile-habillement) contribuentà la perception par le grand public de l'augmentation du chômage. Dans la conscience collective, les délocalisations ont toujours été associées à la quête de main d'oeuvre bon marché et à l'affaiblissement durable du bassin d'emploi local. Elles sont donc, dans les esprits, synonymes de chômage et de paupérisation des classes moyennes. Dans unélan de solidarité avec les salariés et les entreprises les plus exposées à la compétition mondiale, la majorité des Français portent un regard critique sur la mondialisation.

Graphique 3 : La perception de la mondialisation aux yeux des individus

La tendance baissière et/ou atone du pouvoir d'achat est largement ressentiecomme une conséquence de la mondialisation et ce sentiment est partagé par un grand nombre de nos compatriotes depuis de nombreuses années.

Graphique 4 : L'évolution du pouvoir d'achat en France

D'autres indicateurs composites comme l'indice de progrès véritable (IPV) ou indice de bien-être durable (IBED) vont au-delà de la seule considération économique du PIB. Ils y additionnent les bénéfices non-marchand des activités humaines et y retranchent les consommations de ressources et les dégradations sur l'environnement. Ces indices convergent avec les constats sur le pouvoir d'achat faits ci-dessus : ils décrochent globalement de la croissance du PIB à la même période.

Concrètement, les chiffres de la consommation vont dans le sens de cette perception collective. Nous pouvons constater, dans l'habillement en particulier, que la consommation des ménages baisse franchement depuis la fin des années 80, avec des origines qui semblent se situer dès le milieu des années 70.

Graphique 5 : Consommation finale effective Industrie de l'habillement par ménage base 2010

Ces tendances accréditent dans la conscience collective l'intérêt de relocaliser. Le MIF apparaît en effet pour la majorité silencieuse comme un remède à ces dégradations, un remède susceptible d'inverser la tendance sur les emplois et le pouvoir d'achat. Ainsi dans les faits, une personne sur deux en 2014 déclare privilégier les produits MIF et globalement, près de deux tiers privilégient des produits industriels fabriqués en Europe.

Graphique 6 : Quel produit industriel privilégiez-vous ?

De fait, dans ce contexte de crise, faire des économies et acheter plus intelligemment devient une nécessité pour de plus en plus de ménages. Ainsi, ces derniersréduisent la quantité des produits achetés, ou, le plus souvent, leur qualité en achetant des produits low-cost « type asiatique » réputés pour avoir une durée de vie limitée. Dans ce dernier cas, ces produits doivent très vite être remplacés. De ce fait le coût de revient global à moyen/long terme vis-à-vis d'un produit de meilleure qualité fabriqué en France est défavorable pour ces consommateurs. Là encore le MIF semble en mesure d'apporter une réponse crédible en ce qui concerne la qualité.

Graphique 7 : Comparaison de la qualité des produits fabriqués hors d'Europe et en France

Au-delà du désir de réaliser des économies et d'acheter des produits de qualité, les consommateurs accordent de plus en plus d'importance à l'impact social, éthique et environnemental de leurs achats. Le scandale en avril 2013 de Dacca, la capitale du Bangladesh, illustre l'impact des délocalisations en termes de condition de travail. En effet l'effondrement du Rana Plaza qui abritait plusieurs ateliers de confection travaillant pour de grandes marques internationales de vêtements, a provoqué la mort de 1138 ouvriers et blessé plus de 2000 autres.

Depuis, leFashionRevolution Day6(*)est célébré, chaque année à la date anniversaire de la tragédie dans plus de 70 pays. L'initiative #whomademyclothes, ("Qui a fabriqué mes vêtements") a ainsi pour but de souligner le coût de la mode et les dysfonctionnements de l'industrie. La créatrice de mode militante Carry Somers souhaite ainsi inciter les marques de vêtements à avoir une approche plus éthique, transparente et plus durable.

b) Le contexte environnemental

D'après les sondages7(*), les européens jugent que l'impact environnemental fait partie des deux facteurs les plus influents sur leur qualité de vie, et ce, très logiquement après les facteurs économiques, mais de manière plus surprenante, devant les facteurs sociaux.

Graphique 8 : Dans quelle mesure les facteurs suivants influencent-ils votre qualité de vie ?

Donc, pour s'adapter à cette tendance environnementale, les entreprises doivent proposer des produits conciliants avec l'environnement à chaque étape de leur conception et de leur fabrication, et ce, quand bien même elles ne partageraient pas ces considérations avec la même conviction.Aujourd'hui, promouvoir le comportement responsable et éthique est devenu néanmoins la norme plutôt qu'une initiative isolée de certains militants. Le scandale dit du « DieselGate » illustre l'importance de l'impact que peuvent revêtir les considérations environnementales y compris auprès des firmes les plus puissantes, en faisant subir à Volkswagen des pertes considérables évaluées à ce jour à 15 milliards de dollars.

(1) L'épuisement des ressources

Ces exigences sont d'abord liées aux ressources qui se raréfient exponentiellement. Aujourd'hui, l'humanité consomme au moins 30% de ressources de plus que ce qui est renouvelé naturellement par la Terre. Pire, il ne s'agit là que d'une moyenne : si chaque être humain consommait comme un occidental, il faudrait de cinq à huit planètes pour subvenir aux besoins de la population mondiale. Pour prévenir la raréfaction des matières premières (même renouvelables), l'Institut Robert-Schuman propose d'utiliser le principe des 4 « R » : Réduire, Remplacer, Réutiliser, Recycler.

L'exemple d'utilisation de l'eau : « ...il faut 25m3 d'eau pour produire les 250 gr de coton nécessaires à la fabrication d'un tee-shirt8(*) ».Dans les PED il n'existe pas de réglementation pour réduire l'utilisation d'eau par les industries et donc il n'y a pas de moyens pour contrôler la quantité consommée et observer l'impact sur l'environnement.

L'exemple du cycle de vie d'un jeans :Le jeans est l'un des vêtements les plus vendu au monde (90Million/an en France). C'est environ 600 grammes de coton et quelques rivets et boutons en métal qui peuvent parcourir une fois et demi le tour de la Terre avant d'arriver en France. Pour la culture intensive du coton, comme en Ouzbékistan, les champs sont irrigués et aspergés d'engrais et de pesticides. Ensuite, les balles peuvent être filées en Turquie, à grand renfort d'électricité fossile (97%).Pour la teinture, comme en Bulgarie, de grandes quantités d'eau et de substances chimiques sont rejetées sans épuration. La toile peut ensuite être tissée à Taïwan et enfin, le jeans sera assemblé, sans grand respect pour le travail des ouvriers, puis décoloré ou usé au moyen de produits chimiques et d'énergie en Tunisie. Particulièrement gourmand en eau et énergie pour son entretien, il terminera sa vie le plus souvent incinéré.C'est donc de l'ordre d'un kilo de coton richement ennobli qui est détruit en France par an et par personne en provenance des jeans uniquement.

Figure 3 : Le Jeans à travers le Monde selon l'ADEME

(2) Coût du transport et de l'énergie.

Aujourd'hui, le prix du pétrole est extrêmement volatile et spéculatif, sans lien direct avec la raréfaction de cette ressource. Il parait indiscutable qu'il faut beaucoup moins d'énergie pour transporter les matières premières et les marchandises localement plutôt que de faire plusieurs tours du monde en bateau ou en avion. Même si les gains effectués grâce à la main d'oeuvre à bas coût couvrent encore les surcoûts de transport,l'écart se réduit avec la baisse de compétitivité relative des pays asiatiques.

Surtout, le surcoût du transport ne s'analyse pas uniquement par le coût unitaire. Il faut également intégrer la fréquence et le mode de transport utilisé. En effet, dans l'industrie de l'habillement d'aujourd'hui, on observe une tendance forte à multiplier considérablement le nombre de collections par an et à s'adapter le plus possible à la demande. Or cette dernière n'est pas constante, mais très fluctuante en fonction de facteurs multiples comme la mode ou la météo.

Pour proposer des produits au plus juste des attentes en quasi temps réel, le producteur doit produire de plus petites sérieset maîtriser sa chaine de valeur avec une plus grande réactivité (la logistique en particulier). Dans ce cas, il va de faitmultiplier les transports et les réassorts au plus juste, ce qui impose un nombre de rotations plus important et le recours plus fréquent à l'avion qui est un mode de transport beaucoup plus onéreux et plus polluant.

(3) Impact écologique globaldu transport de fret

Les échanges sur les marchés internationaux ont augmenté de 30 fois environ depuis 1950 et devraient encore selon l'OCDE être quadruplés d'ici 2050. L'International Transport Forum (ITF) estime que le fret international est aujourd'hui à l'origine de 30 % des émissions de CO2 générées par la combustion du carburant utilisé pour le transport et globalement de plus de 7 % des émissions mondiales. D'après l'organisation des pays de l'OCDE dédiée au transport, "l'impact à long terme du commerce mondial sur les émissions de CO2 a été largement ignoré9(*)".

Selon l'agence internationale de l'énergie, les transports sont le deuxième émetteur mondial de CO2 avec plus de 6.600 millions de tonnes en 200710(*)

Les exemples précédents illustrent la position privilégiée du MIF pour répondre avantageusement aux attentes environnementales. En effet, au-delà de la proximitéqui permet de réduire les transports et leurs impacts (consommation d'énergie, émissions de CO2), le MIF permet également de contrôler les moyens utilisés tout au long du processus de fabrication pour s'assurer de leur conformité aux exigences légales sur l'impact environnemental. En outre, de plus en plus d'entrepreneurs devancent les exigences légales en mettant au point les procédés innovants plus respectueux de l'environnement. C'est le cas, par exemple, du recyclage de vêtements usagés (laine, jeans) qui permet de réintroduire la fibre ainsi récupérée dans le cycle de production de vêtements neufs.

c) Le contexte politico-légal

(1) Environnement - RSE

Les obligations créées par les législateurs peuvent,elles aussi, favoriser le retour du MIF. C'est le cas des lois environnementales, comme nous l'avons évoqué précédemment.« En 1972 est adopté le 1er Programme d'action pour l'environnement. Depuis lors, de très nombreux actes communautaires ont été adoptés (80% de la législation française en matière d'environnement est d'origine communautaire) ... Enfin, le traité de Lisbonne ajoute un nouvel objectif à la politique de l'Union dans le domaine de l'environnement avec la "promotion, sur le plan international, de mesures destinées à faire face aux problèmes régionaux ou planétaires de l'environnement, et en particulier la lutte contre le changement climatique" (article 191 du Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne (TFUE))11(*) ».

Par ailleurs, depuis 2010, le Grenelle 2 de l'environnement impose aux grandes entreprises une publication transparente dans leurs rapports de gestion en matière sociale, environnementale et sociétale. Ces publications doivent être vérifiées par un organisme tiers accrédité. De même, la norme ISO 26000 définit la RSE pour la rendre applicable à tout type d'organisation. Si son application reste volontaire à ce jour, les entreprises qui l'appliquent peuvent obtenir les labels Afnor, Lucie, ou B-corp.

Ainsi, dans une étude publiée en 2016 par France Stratégie, la RSE améliorerait de 13% la performance économique des entreprises (étude réalisée auprès de 8500 entreprises de plus de 10 salariés). Au-delà de la performance discutable de la RSE, les règlementations nationales s'appliquant à toutes les entreprises, notamment le code du travail et les accords de branches. Elles assurent indiscutablement aux salariés des conditions de travail favorables au MIF en réponse aux excès des multinationales dans les pays à bas coûts. Cet avantage comparatif est de plus en plus perçu et apprécié du consommateur final.

(2) Libéralisation douanière et protectionnisme

Le Traité Transatlantique de Libre Echange entre l'UE et l'Amérique du Nord pourrait avoir des impacts importants sur le MIF. Son objectif est de libéraliser le plus possible le commerce entre les deux côtés de l'Atlantique. Il ambitionne aussi d'uniformiser les normes, en réduisant les droits de douane et les « barrières réglementaires », c'est-à-dire les différences de réglementations qui empêchent l'Europe et les Etats-Unis de s'échanger tous leurs produits et services, et qui génèrent des coûts supplémentaires.

De nombreuses critiques ont émergées de l'opinion public dues à l'opacité des négociations et la mainmise des lobbys industriels et financiers sur ce dernier qui pourrait porter atteinte à la souveraineté des peuples en stigmatisant une mondialisation galopante inquiétante.Ces traités apparaissent pour ses détracteurs comme une menace pour nos démocraties, susceptible d'affaiblir nos normes sociales et environnementales.Face au chômage et au risque du déclassement, les Européens ont tendance à se tourner vers leur Etat-nation traditionnel, plutôt que vers l'Europe. La tendance serait donc aux "protectionnismes sans frontières".

Dans le même ordre d'idée,François Fillon, candidat à la présidence de la république, propose dans son programme une hausse de 2% du taux de TVA au profit de l'allègement de la fiscalité des entreprises françaises et de la baisse significative des cotisations sociales pesant sur le travail. Cette hausse pénaliserait mécaniquement les produits d'importation face au MIF.

(3) Politique d'aides publiques

Les politiques publiques en direction des entreprises espèrent des « effets de fixation sur le territoire » en favorisant l'investissement, l'innovation, le soutien à la formation... Au-delà de la simplification et la stabilisation de l'environnement réglementaire, administratif et fiscal, voici quelques unes des aides en vigueur, inscrites dans le pacte pour la croissance, la compétitivité et l'emploi, susceptibles de renforcer le retour ou le maintien du MIF.

Le Crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (ou CICE), 20 milliards d'euros par an.Ce crédit d'impôt est équivalent à 4% de la masse salariale de l'entreprise (hors salaires supérieurs à 2,5 fois le SMIC). Les entreprises doivent utiliser le CICE pour investir, embaucher ou conquérir de nouveaux marchés et ne doivent pas l'utiliser pour augmenter les salaires des dirigeants ou les dividendes des actionnaires.

Le Crédit d'Impôt Recherche (CIR), est une incitation et un soutien à l'innovation par une réduction d'impôt calculée sur la base des dépenses de R&D engagées par les entreprises. Il est déductible de l'impôt sur le revenu ou sur les sociétés dû par les entreprises au titre de l'année où les dépenses ont été engagées (5,6 milliards d'euros en 2013).

La Banque publique d'investissement (BPI), vise un accès amélioré à des financements performants et de proximité avec une nouvelle garantie publique permettant d'apporter plus de 500 M€ de trésorerie aux PME et l'établissement d'un plan d'action pour lutter contre l'allongement des délais de paiement.

L'Aide à la réindustrialisation, gérée par le ministère chargé de l'industrie en partenariat avec le CGET est un dispositif de soutien à l'investissement qui s'adresse aux entreprises dont le projet d'investissement industriel contribue par son ampleur et son potentiel économique à la réindustrialisation de la France et à la création d'emplois. Ce dispositif a permis d'accompagner 95 projets depuis son lancement en juillet 2010.

Soutien à l'investissement industriel productif. Les investissements industriels réalisés entre le 15 avril 2015 et le 15 avril 2017 peuvent bénéficier d'un amortissement supplémentaire exceptionnel de 40 % du prix de revient de l'investissement. Cet amortissement serait réparti sur la durée normale d'utilisation des biens concernés.

d) Le contexte économique

(1) Déficit commercial chronique& dette publique

Le solde commercial de la France est négatif depuis 2004, cela signifie qu'elle importe plus de marchandises et services qu'elle n'en exporte. En 2014, la France abandonnait 58,4Mds€ de déficit commercial, soit en valeur, l'équivalent de 2,5% de son PIB.Les importations pour l'industrie du textile-habillement en France sont estimée à 16 milliards d'euros 2015, leurs contributions au déficit serait donc de l'ordre de1/3 du déficit commercial global de la France !

Graphique 9 : Exportations, importations et solde commercial depuis 2005

Par ailleurs, le paiement des seuls intérêts de la dette a coûté à la France 46,1Mds€ en 2014. En première approche la somme de la dette publique et du déficit commercial diminuent d'autant la capacité de la France à investir, faire croître son PIB ou encore de créer des emplois. Qui plus est, les politiques de relance de la consommation vers des produits dont l'essentiel est importé, semblent amplifier ce phénomène. La faible croissance quant à elle, qui est le seul moyen, avec la création monétaire et l'impôt, de continuer à vivre à crédit, ne nous permet pas de cultiver l'espoir de pouvoir rembourser une dette accumulée depuis 40 ans (qui avoisine 100% du PIB). Cette conjoncture pèse de plus en plus lourd et incite un grand nombre de citoyens à souhaiter réduire le déficit commercial par les relocalisations.

Graphique 10 : Evolution du déficit public en France depuis 1959

(2) Dilatation des marges et globalisation

La concurrence mondiale est devenueasymétrique et source d'inégalitésde part et d'autre. En effet,comme nous l'avons vu précédemment, dans leur recherche de compétitivité, les entreprises,de plus en plus multinationales, ont procédé à des délocalisations vers des pays dont le principal avantage compétitif est la faiblesse ou l'inexistence de leurs normes sociales et environnementales. Ce faisant, ces derniers sont maintenus dans une précarité relative, et par ailleurs, les emplois à bas salaire délocalisés ne sont pas systématiquement compensés par les mécanismes de rééquilibrage au niveau macro-économique local.

Ceci s'explique par la dilatation des marges, le « nomadisme » international autorisé par la globalisation, ainsi que par la financiarisation du capital au niveau mondial. En effet, le plus souvent, les gains de production obtenusdans le pays à bas coûts ne sont pas répercutés sur le prix du produit final réimporté dans le pays d'origine : un jeans fabriqué en Ethiopie ou en Tunisie par exemple,sera vendu en France comme s'il avait été fabriqué dans l'Hexagone (prix de vente similaire pour 1083 ou Tuff vs Levi's ou Diesel).

Graphique 11 : Baisse de la production domestique vs. augmentation des marges

De plus, une partie non négligeable de ces compagnies ne sont ni patriotes ni nationales. Elles profitent largement des effets d'aubaine pour transférer/maintenir une part significative de leurs marges là où la fiscalité est la plus accueillante (détournement des profits avec les prix de transfert, Cf. Google Tax). L'exemple ci-dessous (Figure 4) représentela contribution à l'économie française de la vente d'une chemise fabriquée en France vis-à-vis d'une chemise fabriquée à l'étranger dont les 2/3 de la valeur échappe à l'économie locale.

Figure 4 : Comparaison de la contribution d'une chemise à l'économie française en fonction de sa provenance

Enfin, la valeur ainsi réintégrée est préférentiellement redistribuée le plus souvent à un capital diffus dans le monde entier. Cet actionnariat avide et opportuniste est très éloigné d'un modèle patriarcal plus éthique inscrit dans le temps long, modèle largement dominant en Allemagne par exemple. La conjonction de ces phénomènes pourrait pour partie être un déterminant du déficit commercial précité. Là encore, ce contexte renforce naturellement les appétences pour le MIF.

(3) Les coûts cachés

Les coûts cachés ne sont pas toujours anticipés par l'entreprise, mais ils peuvent impacter considérablement la rentabilité de la structure délocalisée. Une mauvaise estimation des coûts et des risques liés aux délocalisations peut conduire in fine à la relocalisation, ce qui se produit de plus en plus fréquemment aujourd'hui dans diverses industries. 

La main d'oeuvre bon marché :L'undes arguments synonymesd'attractivité salariale de la main d'oeuvre dans les PED est la protection et les charges sociales faibles ou inexistantes. La contrepartie est la quasi absence de formations. Ces qualifications insuffisantes entrainent l'augmentation des contrôles de qualité ainsi que des efforts permanentsde formations qui imposent tous deux des coûts supplémentaires.

Le Turn over des salariés :Les ouvriers des PED sont très sensibles aux variations des salaires et peuvent facilement quitter une entreprise pour une autre, qui propose un salaire même quelques centimes plus élevé. Cette volatilité des ouvriers entraine également une perte de qualification considérable pour l'entreprise.

Selon le cabinet de conseil ATKearney, les coûts cachés, liés à la délocalisation, peuvent représenter de 15% à 60% du total des gains de l'entreprise délocalisée. Ainsi,lorsque les coûts cachés dépassent les économies liées aux avantages comparatifs,alors la délocalisation devient difficilement justifiable.

(4) Perte de compétitivité du sourcing asiatique

De plus, nous assistons au début de la fin de l'eldorado Chinois et la naissance d'un concurrent. Dans le contexte où le coût de la main d'oeuvre chinoise a augmenté, bénéficiant ces dernières années de son statut d'atelier du monde de prédilection pour les industries occidentales, nous avons vu que les donneurs d'ordres Européens recherchent aujourd'hui de nouvelles alternatives auprès des pays les plus pauvres comme en Afrique.

D'une certaine manière il semble que l'industrie occidentale a contribué à l'augmentation du niveau de vie des Chinois. Une certaine forme de rééquilibrage de la richesse qui leur ferait implicitement perdre en compétitivité. « Cette situation incite d'ailleurs bon nombre de confectionneurs Chinois à délocaliser leur production de vêtements bas-moyen de gamme vers des pays moins chers comme le Cambodge »12(*).

Ainsi, si les délocalisations vers les pays les plus pauvres ont probablement encore de beaux jours devant elles, le système montre d'ores et déjà ses limites. En dehors de toutes considérations sociales et environnementales, bien entendu, cette course effrénée au moins cher du moins cher est mécaniquement plafonnée par des facteurs comme la qualité mais aussi, on le voit bien, le moins cher ne peut pas l'être durablement !

De plus, il faut considérer le fait que le transport maritime par conteneurs impose des délais longs de plus d'un mois (47 jours via Suez), une autre limite du système est mise en perspective : celle du cycle de vie du produit et du juste à temps. Le « Time to market » devient de plus en plus court.Certaines enseignes font aujourd'hui jusqu'à 10 collections par an.

e) Le contexte technologique

Depuis la première révolution industrielle, l'industrie textile est très mécanisée. En effet, la filature, le tissage ou encore l'ennoblissement ou la teinture sont des industries de volume propice à l'automatisation. Seule la confection demeure aujourd'hui encore très gourmande en main d'oeuvre. Ce qui explique probablement pourquoi les technologies en amont de la confection se sont banalisées et ont été délocalisées au plus près de la main d'oeuvre quiconfectionne, et ce, malgré la faible intensité propre en main d'oeuvre de la filière amont. En effet,puisque les coûts et délais du transport ne sont pas neutres, pourquoi continuer à fabriquer du tissu en France, même de manière automatisée, s'il est ensuite envoyé en Chine, au Bengladesh ou en Ethiopie pour être découpé et assemblé ? Il n'y a donc pas de barrière technologique qui semble résister à la globalisation.

Paradoxalement, ce contexte favorable aux délocalisations, malgré la haute technicité, redevient peu à peu favorable aux relocalisations dans un écosystème dont les équilibres évoluent. En effet, parmi les contreparties des délocalisations, il y a la multiplication des intermédiaires chargés de la coordination, de la distribution et de la commercialisation qui captent l'essentiel de la valeur. Car en effet, dans le prêt-à-porter globalisé, moins de 10% du prix de vente final est consacré à la fabrication. De ce fait, les technologies de coordinations et de distribution deviennent un élément clé de la compétitivité.

(1) Internet et les circuits courts de distribution

Dans le cas des jeans « traditionnels » de grandes marques, moins de8% du prix final TTC concerne en général la fabrication. La distribution jusqu'au client semble l'inducteur de coût principal. De son côté, 1083 s'est contenté de réduire la part dela distribution de 28% en court-circuitant le réseau de distribution habituelvia le web. Donc en économisant sur la distribution et probablement en étant moins gourmand ! Ainsi il peut consacrer une part plus importante de la valeur pour rémunérer des entreprises et des emplois productifsen France.

Figure 5 : Comparaison du businness model (Structure des coûts) entre 1083 et un Jeans de marque

De là, nous pouvons pressentir que les nouvelles technologies de production en flux tirés, internet, l'automatisation/robotisation, et globalement la supply chain dans son ensemble, puissent être un axe essentiel de la problématique de la relocalisation en France. Travailler sur cet axe devrait permettre de réduire les délais, la distance et les intermédiaires entre le client et le lieu de production, ainsi que la complexité de la coordination entre tous les intermédiaires associés aux coûts des stocks.

(2) L'exemple d'Amazon

Pour illustrer notre propos, nous pouvons nous appuyer sur l'exemple d'Amazon Prime Now H+1 qui interpelle. En effet, depuis juillet 2016 (depuis fin 2014 à New York), l'américain menace directement le circuit de distribution alimentaire « traditionnel » en livrant aux Parisiens des produits frais en moins d'une heure pour 6 euros (gratuitement en moins de 2 heures) ! En tout état de cause, cet exemple emblématiquedémontre que rien n'est plus constant que le changement,en particulier, grâce à la technologie. Cette dernière apporte en permanence de nouvelles solutions dans la compétition mondiale dictée par une supposée tyrannie de l'impatience du consommateur. Et, par là même, cet exemple illustre combienles modèles traditionnels doivent être repensés et ajustés en permanence aux contextes des nouvelles technologies susceptibles de redistribuer les cartes rapidement.D'ailleurs les chiffres démontrent que si le commerce traditionnel affiche une croissance atone (+1,1% en 2014), le e-commerce, lui, affiche une croissance à deux chiffres en France (+11,5% en 2014, +14,3% en 201513(*)).

(3) Intégration des « high-tech »

Volontairement, je n'approfondiraipas les domaines médiatiques des « high-tech » : impression 3d, smart-textiles, fibretronique connectésou autres applications médicales. Il faudrait raisonnablement analyser chaque application en détail pour espérer en avoir une vision suffisamment objective etpouvoir en mesurer l'impact sur le MIF. De plus, leur couverture dans les tabloïds est le plus souvent irrationnelle et inversement proportionnelle à la réalité des marchés. Nous pouvons facilement comprendre que l'enjeu de la presse est de faire sensation en offrant une vision souvent optimiste pour vendre du papier, cependant, il y a objectivement peu de chance de découvrir un véritable secret industriel à potentiel à la une de son quotidien préféré.

Ces effets d'annonce me semblent assez hypothétiques (généralement au stade de la recherche fondamentale) et leurs applications concrètes demeurent incertaines et/ou lointaines (pour mémoire :la technologie internet s'est par exemple diffusée lentement pour devenir banale et universelle). Ils ne pourraient le cas échéant ne concerner dans un premier temps que des niches spécialisées relativement circonscrites (marchés fragmentés en différentiation à moyen terme). Or le prêt-à-porter est un marché de volume sur le prix très inertiel et néophobe.

Néanmoins, le contexte technologique pourrait également représenter à moyen-long terme un facteur en devenir favorable aux relocalisations. Il permet de faire évoluer peu à peu les règles de la compétitivité en explorant de nouveaux débouchés ou business model innovants comme c'est le cas par exemple avec le recyclage de vêtements usagés.

f) Synthèse de l'analyse PESTEL

Figure 6 : Analyse PESTE(L)

2. Offre : Les modèles classiques de la chaîne de valeur

Dans cette partie, nous découvrirons l'organisation de la proposition de valeur pour les clients. Nous analyserons les forces et les fragilités des modèles actuels des chaînes de valeur et les limites du principe de délocalisation qui n'est peut-être pas la seule réponse possible aux attentes du marché.

Après ce panorama complet de l'environnement favorable au MIF, il semble en effet essentield'observer les modèles des entreprises dominantes, afin de découvrir leurs forces et leurs faiblesses. En effet, ces dernières sont leterreau fertile en opportunités pour le Made in France.

a) La domination par les coûts

Rappelons que le coeur de notre sujet concerne le prêt-à-porter MIF. L'Europe est le plus grand marché de l'habillement mondial. Il s'agit d'un marché mature global aux modes uniformisées ou l'offre est surabondante et donc la pression concurrentielle maximale.

C'est donc une industrie de volume guidée par une stratégie de domination par les coûts ou les possibilités de différentiation sont limitées dans un segment donné. En effet,plus la part de marché est importante, plus le volume de la production augmente. Ce qui entraîne une baisse des coûts par économies d'échelle et effets d'expérience. Donc, plus les volumes augmentent, plus les investissements deviennent rentables.

Ainsi l'entreprise de prêt-à-porter qui souhaiteperdurer dans cet environnementtrès convoité et dominés par des marques puissantes, en préservant à la fois sa compétitivité et la rentabilité de ses capitaux investis, semble ne pas avoir d'autre choix que de mettre en place une stratégie offensive de conquête visant à maximiser ses parts de marché,le tout, si possible, à l'échelle mondiale.

b) « Make or buy »

Les entreprises basent de ce fait la structure de leur chaîne de valeur sur une décision stratégique organisationnelle appelée « make or buy ». Celles qui délocalisent leur production sont en grande majorité orientée vers le « buy ». Autrement dit, il s'agitpour elles d'une stratégie d'externalisation des activités principales de production et/ou de distribution. L'objectif de cette stratégie est de réduire les capitaux engagésdans l'outil productif en se concentrant sur les activités jugées prioritairestelles que le marketing, la R&D, ...

En effet, une activité de production est très consommatrice en capitaux propres (usines, machines, ...).Ces capitaux peuvent être transférés de manière concentrée pour conquérir des marchés, et ce, d'autant plus que l'augmentation de chiffre d'affaires impose l'augmentation du besoin financier de l'exploitation (BFR). Ce besoin en capital s'additionnerait àdes investissements supplémentaires en capacité de production. Or, ces besoins financiers sont mécaniquement limités lorsque la production est sous-traitée et permettent davantage de croissance pour un investissement similaire (c'est le sous-traitant qui investit dans l'outil de production).

Le fait que la fabrication d'un jeans de marque traditionnel représente moins de 8% du prix de vente final, illustre parfaitement le fait que la production est devenue pour ces entreprises une activité annexe, du même ordre de grandeur que le transport (4%).

Les contreparties de cette stratégie que nous développerons plus loin sont : la perte de maîtrise du processus de production, les risques liés aux sous-traitants étrangers (qualité, compétence de la main d'oeuvre, infrastructures, distance géographique, etc.), l'empilage des marges, l'uniformisation de la mode, les coûts de transport et frais de coordination... Parfois même, les bénéficiaires des choix d'externalisation, comme l'entreprise chinoise Fang Brothers (spécialiste pour de grands donneurs d'ordres), rachètent des marques de vêtements pour compléter leur intégration verticale.

c) Les différentes variantes de chaînes de valeurs traditionnelles

Il existe différentes variantes de cette stratégie impactant la structure de chaîne de valeur : avec ou sans distribution, avec une partie de production, sans production, ... Nous observons qu'il n'existe pas de règle universelle pour ce choix stratégique.

(1) Sans production ni distribution de détail

Certaines marques ont choisi de se concentrer sur la création, le marketing et la logistique, en externalisant toute leur production (produits complètement en négoce) et en passant par des tiers pour la distribution. Ralph Lauren, Tommy Hilfiger, Nike, Adidas.

(2) Sans production, avec distribution de détail

Le géant Suédois H&M sous-traite toute sa fabrication en Europe et en Asie (80%), mais il a intégré dans sa chaîne de valeur ses propres points de distribution.

(3) Une partie de production, sans distribution.

La marque Italienne United Colours of Benetton a choisi de maîtriser sa production, sans s'engager dans la distribution. Pour cette tâche elle choisit des détaillants exclusifs.

(4) Toute la chaîne

ZARA a fait le choix d'intégration verticale pour être plus réactif et flexible que ses concurrents. 80% des collections sont fabriquées en Europe dont60% en Espagne. Elle contrôle toutes les phases de sa chaîne : de la teinture des tissus, jusqu'à la distribution. L'intégration verticale permet à ZARA de s'adapter à la demande du client en maîtrisant parfaitement le temps14(*).

d) Stratégie de sourcing

En matière de délocalisation, la stratégie de sourcing est un levier très important. Il faut préciser qu'il existe 2 grands types d'externalisation : le sourcing proche de type communautaire ou avoisinant, et le sourcing lointain... Ce levier permet de mieux maîtriser les coûts d'approvisionnement, mais aussi de dynamiser l'offre(délais) et de fidéliser les consommateurs.

Le prix de revient reflète en effet tous les coûts induits par le bassin de sourcing. Ce prix comprend bien entendu le prix d'achat payé au fournisseur qui dépend en grande partie du coût de la main d'oeuvre. Mais il faut aussi comptabiliser les coûts indirects d'acquisition que sont les frais dits annexes ou frais d'approche qui ne sont pas toujours imputables à un produit donné. Ils comprennent non seulement les droits de douanes, les frais de transports, de relivraisons (du port à l'entreposage), mais aussi d'éventuelles pénalités (surestaries de délais de chargement-déchargement...).

(1) Sourcing lointain

Le coût de la main d'oeuvre en bassin lointain est généralement plus faible et plus attractif. Il en résulte une marge brute nettement plus intéressante. Cependant le fait que les salaires en Chine augmentent, et qu'elle-même commence à délocaliser, relativise cet avantage. De plus, le sourcing lointain conduit de facto à des délais d'approvisionnement plus longs, ce qui implique des commandes précoces. Cela nécessite également de s'engager sur des volumes importants fondés sur des prévisions de ventes qui comportent toujours un aléa quant à la certitude de les écouler entièrement (soldes) ou du risque de rupture de stocks. Le sourcing lointain comporte donc des contraintes de rigidité liées aux engagements de volumes qui entraînent une moindre réactivité/flexibilité en cours de saison. Il est enfin exposé à plus d'aléas opérationnels, monétaires voire géopolitiques.

(2) Sourcing proche

Un sourcing proche (Europe, Méditerranée) permet par contre de s'approvisionner plus rapidement et plus régulièrement. Cela permet une plus grande souplesse de réapprovisionnement et de réduire le risque de rupture ou de surstock. En contrepartie, la main d'oeuvre dans les pays sous-traitants comme Europe de l'Est ou Maghreb est plus chère qu'au Bangladesh, par exemple. S'approvisionner plus souvent signifie aussi des transports plus fréquents, ce qui peut représenter un coût à ne pas négliger bien que la distance soit plus faible. Le prix à payer pour la souplesse de ce choix stratégique semble globalement caractérisé par des marges brutes unitaires plus faibles. Mais du fait que le plus souvent les échanges sont faits en Euro, les risques de changes sont minimisés.

e) Le rôle-clef de planification économique

Comme nous venons de le voir, il existe une interdépendance forte entre le lieu géographique de production et de sourcing et la planification des ventes. Le multi-sourcing (qui consiste à s'approvisionner auprès de plusieurs fournisseurs) permet en partie de répondre à des besoins de sécurisation ou de souplesse des approvisionnements vis-à-vis d'une saisonnalité toujours plus complexe. Ainsi, un produit très pérenne (reconduit d'une saison/année sur l'autre dans le meilleur des cas) pourra avantageusement faire l'objet d'un sourcing lointain. C'est le cas des produits peu sensibles aux modes dit « de fond de catalogue » qui ne présentent que peu d'incertitude en termes de prévisions de vente(comme par exemple des sous-vêtements masculins). En revanche, pour un produit sujet aux tendances, plus saisonnier, voire éphémère, un sourcing proche est à privilégier. C'est notamment ici que le Made In France peut (re)-trouver tout son intérêt. La proximité permet une supplychain plus rapide et plus efficiente en apportant de la nouveauté aux clients. L'offre devient plus attractive, capable de réagir à un comportement imprévu des consommateurs ou même encore de la météo.

f) L'importance de la coordination drivée par le SI

Maitriser la chaîne de valeur c'est également maîtriser l'interconnexion et la synchronisation de tous ses maillons, en particulier lorsqu'ils sont nombreux. La coordination des acteurs de la chaîne est susceptible de consommer une grande partie de la valeur produite et de ralentir les délais. C'est un poste de charge de plus en plus conséquent, souvent sous-estimé et difficilement imputable à un produit en particulier. Souvenons-nous que seuls 12% de la valeur est consacrée à la production et au transport !

Nous avons déjà symbolisé la complexité des flux d'informations dans la chaîne de valeur générique de la filière(Figure 1). L'objectif ici n'est pas d'entrer dans le détail de chaque ramification, mais bien de mettre en perspective la nature de plus en plus complexe et raffinée des systèmes d'informations. Il semble reposer sur ces derniers une part croissante de la création de valeur et ils sont devenus peu à peu essentiels à la survie de chaque entreprise. En effet, ces systèmes permettent de coordonner finement les différents acteurs dans les délais les plus brefs, ainsi que de s'adapter en permanence au rythme effréné des évolutions dictées par le marché, et ce tant au niveau des produits que des procédés.

En effet, la mode est de plus dynamique et impose son rythme. Aujourd'hui, les marques produisent jusqu'à 10 collections par an et les modèles de production évoluent rapidement. La longueur des séries et les stocks sont limités au plus juste, en volume comme dans le temps. La multiplication des intermédiaires de natures très différentes complexifie davantage encore le système et alourdit les coûts.

Une entreprise moderne, qu'elle délocalise ou non, se doit donc d'intégrer un système d'information riche et transversal. Il doit permettre de nourrir les données de bout en bout,afin degarantir compétitivité, réactivité et flexibilité, et ce, dans des conditions ou le facteur temps et les signaux faibles sont essentiels à la préservation de son avantage concurrentiel.

Ainsi la parfaite maîtrise des SI et de la coordination des différents acteurs est devenue un facteur clé de succès (FCS) prépondérant pour les marques de prêt-à-porter. La diversité des stratégies employées à ce jour, que nous avons évoquées ci-dessus, démontre qu'il n'existe pas de « recette universelle » pour préserver et renforcer son avantage concurrentiel. Néanmoins, le modèle « hybride tout intégré » de ZARA démontre une efficacité particulièrement redoutable. Il nous suggère que l'intégration verticale, le sourcing proche et le contrôle avancé à toutes les phases sont des outils décisifs pour la réactivité à la demande alors que le sourcing lointain et l'hétérogénéité des intermédiaires devrait être limités au strict minimum. Sous cet angle, il semble donc exister un argument considérable qui milite pour les relocalisations en France du prêt-à-porter. Pour confirmer ces hypothèses, nous explorerons en détails dans la prochaine partie ce modèle qui pourrait peut-être nous conduire vers une opportunité sérieuse pour un canal significatif de vêtements relocalisés en France ?

3. Demande : La satisfaction des attentes clients

Quels que soient les modèles d'organisations et les stratégies retenues par les entreprises, il est souhaitable de garder à l'esprit que toute activité économique n'a de raison d'être que dans la satisfaction de son client. En effet, une entreprise qui perd ses clients ne survit pas plus qu'une entreprise qui perd sa rentabilité !

La mode est par définition toujours en mouvement : elle représente les goûts du moment qui dépendent de phénomènes imprévisibles et irrationnels comme la tendance imposée par certains leaders d'opinions ou encore même parfois la météo. Cette incertitude permanente et exigeante impose aux acteurs réactivité, agilité et une maîtrise extrêmement fine de la chaine de valeur (e.g. distribution, production, chaîne logistique transcontinentale, risques de change). Dans ce contexte, le risque de stock invendu est majeur. L'expérience client est donc essentielle (valeur perçue/confort/bien-être/accessibilité/satisfaction d'égo/effet de meute) avec un vêtement qui au-delà de la fonction d'utilité, est devenu essentiellement un marqueur social d'apparat et de démarcation.

Comprendre ses clients, c'est comprendre leurs comportements d'achat. Comprendre ce qui les pousse à agir ! Cette compréhension est la source d'avantage concurrentiel. Elle doit permettre de construire une proposition de valeur attractive permettant de convaincre et de fidéliser. En un mot, de satisfaire les attentes de ses clients.

Or la nature humaine est complexe, versatile et duale, partagée sans cesse entre son profit immédiat et l'anticipation raisonnable d'un avenir incertain et par nature effrayant. En effet, c'est pour préserver sa famille et son bétail du froid et des prédateurs que le paysan construit une ferme. Et c'est aussi dans l'espoir de la récolte aux beaux jours qu'il sème et qu'il investit une partie du fruit de son travail passé. Mais s'il envisage l'avenir et tente de le prévoir ou de l'influencer, c'est avant tout pour nourrir sa famille ici et maintenant !

L'homme moderne n'échappe pas à ces mécanismes contradictoires entre l'avenir et le présent, entre la satisfaction du besoin ou de l'envie immédiate vis-à-vis de l'anticipation raisonnable et raisonnée de l'avenir.Ainsi, après la seconde guerre mondiale, l'élévation du niveau de la vie donna une part plus grande dans les budgets à la consommation discrétionnaire. Les vêtements furent alors choisis selon d'autres critères qu'en milieu rural. Ces critères n'étaient plus seulement qualitatifs mais sont devenus de plus en plus subjectifs et sensibles. Ils dépassaient désormais, pour le plus grand nombre, le primitif « besoin d'avoir qui protège » afin de satisfaire une nécessité. Brusquement, ils s'étaient déplacés en masse vers « le besoin d'être et de paraître qui distingue de ses semblables » et qui symbolise la place que l'on occupe dans la société (ou que l'on revendique) (Dominique Jacomet, « Mode, Textile et Mondialisation »).

Ce sont donc les mêmes mécanismes qui sont à l'oeuvre dans le domaine du prêt-à-porter, entre nos achats spontanés de T-shirts « sexy » à 5 euros, confectionnés par une éthiopienne mineure, et « l'investissement » dans une chemise sur mesure « Made in France ». Dès lors, le prix bas serait plutôt synonyme d'un bénéfice à court terme alors que la qualité représenterait plutôt un bénéfice et une expérience de qualité attendus à long terme.

a) La « qualité française »

Selon l'IFOP (Institut Français d'Opinion Publique), pour 95% des consommateurs, acheter des produits fabriqués localement, représente un acte citoyen qui contribue au profit de l'industrie et de l'économie nationale. Comme nous l'avons vu, l'achat devient un acte social, qui sauve ou même crée des emplois en France. Plus encore, malgré le contexte économique morose, en 2014, 61% des consommateurs français déclarent être prêts à dépenser au minimum 5% plus cher pour acquérir un produit d'origine française. Ils n'étaient que 39% à le penser en 1997. Ainsi, selon ces déclarations d'intention, lorsqu'il est question de choisir un produit, les consommateurs représentatifs de la population françaisedisentprivilégier la « qualité française » (valeur perçue) plus encore qu'auparavantau prix ou à la quantité. Le Prix n'est donc pas le seul critère. Les clients s'interrogent de plus en plus sur la provenance d'un produit acheté, d'où viennent les matières premières, quelles sont les conditions de fabrication et de travail des ouvriers (respect des normes sociales)15(*).

Graphique 12 : La hausse du consentement à payer plus le MIF depuis 1997

Mais dans les faits combien sont-ils vraiment à passer à l'acte ? Il existe en effet, un rapport complexe entre le prix, la qualité et la valeur perçue par le client.

b) Comprendre la valeur perçue

Dans le langage courant, la qualité tend à désigner ce qui rend quelque chose supérieure à la moyenne. En ce sens elle s'apparente à la valeur perçue.Mais pour certains, la qualité première d'un article peut-être celle d'être de bon marché... Ainsi, la qualité est un mot-valise qui conduit àl'évaluation du produit par le client en fonction d'un certain nombre de critères de jugement plus ou moins objectifs et personnels. Ces critères d'attractivité concernent en premier lieu les attributs du vêtement (utilité, mode, matière, style, finition, coupe, origine, compétitivité,proximité, prix ...) mais également la relation client avec l'entreprise, ou encore l'image de la marque et sa réputation.

D'ailleurs, selon la norme ISO 9000, la qualité est l'aptitude d'un produit ou d'un service à satisfaire les exigences. Cette définition confirme le lien direct entre la qualité (ou valeur perçue) et la satisfaction des attentes clients.Il conviendrait donc de pouvoir lister et pondérer chacun des critères évalués par le client pour être en mesure de concevoir une offre optimale.

Cependant, il existe pour chacun d'entre nous une subtile grille d'évaluation plus ou moins complexe, consciente et évolutive, dans laquelle chacun des critères possède une importance qui nous est propre. Par exemple, les attentes éthiques à long terme (client responsable, consomm'acteur de MIF) ne sont, bien entendu, qu'une des composantes de cette grille d'évaluation qui sera plus ou moins (ou pas) importante suivant la sensibilité et la culture de l'individu ou encore les normes sociales.

c) Les critères d'évaluations les plus influents

Néanmoins, si comme nous l'avons vu, les critères qui permettent d'évaluer la qualité d'un produit sont très variables d'un individu à l'autre, il est fort probable qu'ils soient très similaires sur un même segment de marché (adressant donc une même famille de clients). D'ailleurs, selon l'étude du CREDOC sur l'attachement des français au MIF, les critères (déclarés) qui influencent le plus leurs achats sont basés à 70% sur la qualité et le prix. Les trois autres critères les plus cités sont les services, l'origine du produit et la marque. Les autres critères représentent moins de 1% des réponses.

Graphique 13 : Critères Influants lesachats de produits industriels (total des réponses égales à 200 - en%)

Cette étude indiqueque le rapport qualité/prix est de loin le plus influent. Or,à« qualité » égale, le rapport qualité/prix d'un produit fabriqué en France serait défavorable dès lors que son prix serait supérieur à un produit équivalent fabriqué à l'étranger. Dit autrement, selon nos estimations,le rapport qualité/prix est approximativement inversement proportionnel au prix (graphique 14).

Graphique 14 : Evolution de la qualité/prix selon le prix à qualité stable (évolution Q/P en fonction de P en %)

Bien que le contexte soit favorable (qualité perçue meilleure), le retour du MIF reste à ce jour encore à la marge. C'est donc qu'il existe une grande différence entre les intentions et les actes. Nous en déduisons que malgré le consentement déclaré àpayer plus cher, la réalité tend à démontrer que l'arbitrage s'effectue infine sur le prix qui tire la qualité/prix Made in France vers le bas en faveur des produits importés.

d) Hypothèse

De ce fait, nous formulons l'hypothèse que s'il est possible de vendre à « qualités/attributs » similaires, des produits de prêt-à-porter MIF au même prix que les produits délocalisés, le MIF sera compétitif. Il devrait être privilégié par la majorité des consommateurs français et amplifier ainsi le phénomène Made in France dans la mesure où le pays de fabrication représente plus de 10% dans sa décision d'achat et que,comme nous l'avons vu sur le Graphique 7, la qualité est perçue meilleure à 60% ou équivalente à 33% pour le MIF. Finalement, la principale difficulté semble donc être de concevoir une offre MIF compétitive et donc d'agir sur les leviers qui permettent de réorganiser la chaîne et les inducteurs de coûts, afin de proposer une offre plus attractive.

e) Lien avec le marketing mix (pull vs push)

Le prix et la valeur perçue (qualité/prix) semblent être les facteurs les plus influents. Cependant, il existe un troisième facteur lui aussitrès influent mais aussi très sensible et interdépendant des deux premiers. Il est lié à la perception et l'existence mêmede l'offre pour le client. En effet, il ne suffit pas de savoir-faire en France aujuste prix et avec la bonne qualité, pour atteindre les volumes suffisants, faut-il encore le faire savoir pour être connu, reconnu et présent dans les linéaires.

Enfin, il existe une attente implicite fondamentale du marché. Comme nous l'avons vu précédemment, le « Time to market » et globalement la maîtrise du temps semblent avoir pris une dimension prépondérante du point de vue du consommateur, ce qui pousse les marques à proposer de deux à dix collections par an. Il paraît clair en effet qu'un produit aussi sensible à la mode que le prêt-à-porter ne peut plusêtre mis sur le marché tardivement au risque de venir grossir le rayon des invendus.

Les 4 facteurs que nous venons d'isoler correspondent auxévolutions modernes du marketing mix. Ce dernier désigne la politique de décisions opérationnelles relatives aux volets clés de la commercialisation d'un produit. En effet, ces nouvelles approches sont centrées sur les besoins des clients, ce qui correspond davantage au contexte économique actuel plus difficile et plus concurrentiel sur un marché mature et saturé. Préalablement, les quatre politiques du marketing mix traditionnel (Product, Price, Place, Promotion - règle des 4P - McCarthy/Kotler 1960) étaient principalement orientée du point de vue de l'offre produit (Push). Ainsi, apparue dans les années 90, la méthode des 4C par Robert F. Lauterborn, se concentre désormais sur les besoins du Client (Customer, Costs, Convenience, Communication).

Figure 7 : Évolution du marketing mix 4P -> 4C

Tableau 1 : Correspondance des paramètres externes les plus inluants vis-a-vis du marketing mix

C. Inventaire des leviers favorables au MIF(externes et internes)

Comme nous venons de le voir, le prix, la qualité, la parfaite maîtrisedu marketing et de la communicationainsi que le « Time to market », semblentêtre les facteurs les plus influents du point de vue de la demande (externe) pour amplifier le mouvement MIF.Il n'y a d'ailleurs rien de vraiment original ou spécifique au prêt-à-porter MIF.Tout produit doit pouvoir répondre à ces facteurs qui sont davantage des barrières à l'entrée que des facteurs clés de succès vecteur de différentiation vis-à-vis des concurrents. Aujourd'hui, la qualité française ne semble pas être discutée, les axes de travail consisteraientdonc plutôt selon nous à améliorer le prix, la communication et, bien entendu,d'être au moins aussi rapide que les concurrents.

Du point de vue interne, c'est à dire peu visible du point de vue du client, il y a les facteurs influents l'organisation interne de la chaîne des coûts. Au cours de cette première partie,nous avons découvert naturellement certainsleviers d'action,susceptibles d'être mis en place ou renforcés par des entreprises françaises afin d'amplifier le MIF (voir Tableau 2ci-après).

Dans la seconde partie nous tenterons de confirmer ces hypothèses par une analyse qui doit permettre de confirmer et de hiérarchiser l'articulation des leviers entre eux dont voici un inventaire synthétique.

Tableau 2 : Leviers d'action pour amplifier la tendance MIF

 Partie IIEtude Empirique

A. Analyse comparative : Comment amplifier le mouvement du MIF ?

Dans la première partie nous avons découvert l'existence et la dynamique actuelle d'une tendance à la relocalisation de la production de prêt-à-porter qui retrouve un nouveau souffle en France. Nous avons observé que cette reprise du Made in France trouve sa source dans un contextefavorable(appétence) dont nous avons dressé le portrait. Ensuite, nous nous sommes aperçus que les entreprises françaises qui souhaiteraient participer à l'amplification de ce phénomène doivent trouver et investir simultanément sur des facteurs clé de succèsinternes et externes à l'entreprise (l'offre et la demande). Au final, nous avons émis l'hypothèse qu'un consommateur devrait majoritairement privilégier un produit français si ses attributs (qualité/prix/délais) sont identiques.Enfin, nous avons dressé un inventaire de leviers d'actions qui nous semblaient pertinents pour amplifier le phénomène MIF.

Dans la seconde partie, nous allons confronter empiriquement ces hypothèses avec une analyse comparative de l'existant en nous inspirant de la success-story de ZARA qui nous permettra de vérifier que les leviers employés par la marque seraient transposables au MIF. Cette analyse sera étoffée par une étude qualitative auprès des précurseurs experts du Made In France (interviews téléphoniques + salon MIF Expo) qui nous permettra de conduire undiagnostic des impacts croisés de ces facteursafin d'en évaluer la sensibilité et la motricité. Nous dresserons enfin une matricepermettant d'évaluer le degré d'impact de chaque variable susceptible d'amplifier le mouvement du MIF.

1. Le succès du modèle ZARA un exemple source d'inspiration

Dans ce chapitre nous allons voir, en quoi le modèle du géant du « fastfashion » ZARA peut être une source d'inspiration pour les producteurs français.

a) Position concurrentielle et désamorçage du prétexte au dumping social :

ZARA est devenu le marchand de mode le plus rapide d'Europe. En copiant la haute couture dès le premier défilé dans le monde, la marque impose un rythme effréné pour distancier ses concurrents. De ce fait, alors que toute l'industrie textile cède aux sirènes du dumping social lointain, ZARA fabrique 60%16(*) de ses collections à proximité de son siège ou des centres logistiques en Espagne pour raccourcir les délais et mieux contrôler/distribuer ses productions.

Avec 20 Md€ de CA,ZARA affiche des résultats nets en croissance à 2 chiffres.Inditex est devenu, devant Gap et H&M, le plus grandgroupede prêt-à-porter mondial.En première approche, ce modèle désarme l'argument des délocalisations systématiques au profit des PED qui pratiquentle dumping social.Car en effet, la production sous-traitée du produit ne représente qu'une faible partdu prix de vente final.Cela relativise l'impactde la part main d'oeuvre essentiellement liée à la confection.De ce fait,les relocalisations MIF à une échelle de grande consommationsemblent tout à fait envisageables, dans la mesure où les règlementations et les coûts salariaux entre la France et l'Espagne sont voisins.

b) Clé du modèle :agilité interne + « J-15 » = « La dernière mode au meilleur prix » :

ZARA a donc choisi la production locale et le sourcing proche comme nous l'avons évoqué dans la première partie. Elle sous-traite le reste de ses productions chez des fabricants européens ou méditerranéens et seulement 35% en Asie ou en Inde. Cette stratégie donne à ZARAun avantageconcurrentiel de taille enmatière de flexibilité et deréactivité par rapport à ses concurrents, et lui permet de mieux maitriser ses délais et ses coûts. Les usines en Espagne n'appartiennent pas nécessairement à ZARA, mais sont des sous-traitants exclusifs.

Afin d'obtenir une performance économique supérieure à ses concurrents dans cette industrie saturée et peu attractive, ZARA a donc mis en place une stratégie unique : « La dernière mode au meilleur prix ». Pour ce faire, toute la chaîne est verticalement intégréeet ce jusqu'à la distribution de détail (hors filature et tissage) pour optimiser les délais et rompre avec les saisons traditionnelles.ZARA dispose d'une grande agilité interne et maitrise ses coûts. La marque ne s'appuie pas seulement sur ses produits phares, elle encourage plutôt les clients à acheter plus souvent et préfère une rotation des stocks plus rapide pour éviter les soldes. ZARA choisi de maîtriser et d'optimiser entre-elles toutes les opérations de la chaine des coûts pour être plus performante globalement, plutôt que réduire les coûtsunitaires à tout prix par une politique de costing traditionnel et des externalisationsmultifournisseurs complexes qui implique coordination et fuite des marges.Avec son modèle « J-15 » entre le design et le rayon,ZARA limite les soldes et encaisse 85% du prix total sur ses vêtements en détail, tandis que la moyenne de l'industrie est de 60% à 70%.Ce modèle à contre-courant se montre doncplus performant que les organisations classiques.

Ainsi, malgré la crise profonde en Espagne, la performance de ZARA est florissante. Le groupe Inditex est le leader mondial dans le prêt-à-porter.Un tel modèlelaisse imaginer qu'il est envisageable de s'inspirer des facteurs clés de succès de la marque pour produire « Made in France », même en sous-traitant une partie de la production dès lorsqu'une majeure partie de la valeurest ajoutée dans l'Hexagone17(*).

c) Les règles internes de la Supply Chain de ZARA suivant nos leviers d'action pressentis :

(1) Produire en petites séries. (Agilité /marketing de la rareté)

Plutôt que viser les traditionnelles économies d'échelle liées au grandes séries, ZARA préfère la production et la distribution en petites séries. La production en petites séries permet de s'adapter finement à la demande et crée la sensation d'exclusivité. Le client doit prendre une décision assez rapidement, car le lendemain le produit qu'il désire risque de ne plus être disponible (marketing de la rareté améliorant la qualité perçue).Ainsi il vient plus souvent pour voir les nouvelles collections, ce qui crée une circulation importante dans le magasin et multiplie les revenus.Parfois même, pour plus de flexibilité, des espaces entiers de magasins sont laissés vides, prêts à recevoir une collection qui n'existe pas encore.

(2) Circuits-court

La marque dispose en propre de son réseau de 6340 magasins ce qui permet de s'affranchir des intermédiaires et d'avoir une relation interactive privilégiée avec le client finaltout en limitant les délais.Avec cette organisation intégrée en circuit-court, ZARA contrôle toute la chaine de valeur, des flux physiques à ceux de l'informationavec une grande rapidité d'exécution(Figure1). Ainsi elle peut offrir à ses clients des produits de qualité qui suivent (voire devancent) la mode dont elle s'inspire, mais qui peine à être aussi réactive.Les livraisons dans les magasins de détail sont à cycles réguliers, planifiés et rapprochés de sorte que les clients fidèles visitent régulièrement et plus souvent ses boutiques. Cela permet aussi de simplifier les procédures administratives telles que les commandes. De plus, plutôt que de tenter de réduire au maximum ses coûts de transport, la marque joue la carte du temps et préfère expédier des rack complets pré-étiquetés etprêts à être mis en rayon.Enfin, ZARA ne fait aucune publicité, en s'appuyant plutôt sur l'intérêt permanent du client, le bouche à oreille et des implantations stratégiques premium bien achalandées.

(3) Centraliser le design et le développent des produits. (« Time to market »)

Traditionnellement, pour développer de nouveaux produits dans l'habillement, les ressources internes et externes de l'entreprise sont impliquées. Les fournisseurs échangent les échantillons avec les acheteurs à de multiples reprises.ZARA place ses équipes de design au coeur du processus de production afin de faciliter la communicationet les prises de décisions rapides (Figure1). L'élimination de cette division externe réduit considérablement le « Time to market ». De plus les designers sont directement connectésaux clients via le SI et à proximité immédiate du marketing et des chasseurs/copieurs de tendances. Il n'y a pas de fausses économies sur le design, parmi l'ensemble des prototypes, seul 1 modèle sur 4 est retenu in fine afin d'avoir le choix du modèle le plus optimal et pertinent tant pour les clients que pour la production, et ce, en fonction de l'engouement du consommateur en temps réel.L'objectif principal est de réduire au maximum les temps de conception conformément à son modèle « J-15 ».

Figure 8 : Modèle « J-15 » de ZARA

(4) Utiliser une organisation en « ilots» (Ecoconception/Lean).

Chaque nouvelle équipe qui travaille sur le développement d'un nouveau produit a, à sa disposition, les designers, les planificateurs des ventes, d'approvisionnement et de production (lean management). L'enjeu de cette organisation est de réduire les pertes et les coûts « du puits à la roue », en créant une grande variété de produits similaires adaptée à la chaine de fabrication. Grâce à une telle organisation, ZARA a considérablement rationalisé ses moyens et la communication interne. Elleobtient ainsi en production des effets d'échelle comparables aux grandes séries grâce aux similitudes des produits traités par ilots cohérents.

(5) Automatisation de la production et de la Supply Chain

L'automatisation augmente la vitesse, la précision des opérations et diminue les coûts de main d'oeuvre. Chez Zara elle est considérée comme un FCS essentiel, car elle joue le rôle clé dans la compétition basée sur le facteur temps. Inditex possède 11 usines à proximité de La Corogne. Dans l'une d'entre-elles par exemple,ZARA stocke des montagnes de toutes sortes de tissus blancs, prêts à être teints en fonction de la demande. Dans une autre,les tissus y sont découpés sous vide au laser de façon automatiséed'après les patrons dessinés quelques heures plus tôt par les stylistes en DAO (dessinassisté par ordinateur). Une fois sur cintre, et équipésde puces antivol RFID (radio frequency identification), les vêtements sont automatiquement dirigés via des tunnels de distribution en sous-sol vers une gigantesque plateforme logistique automatisée ou sont traités 3 millions de pièces par jour.Les paquets, identifiés par leur code-barres, sont guidés automatiquement sur des tapis roulants, la main humaine n'intervient qu'au déchargement et à l'ouverture des cartons.

(6) Système d'Information et contrôle rigoureux de la planification.

ZARA à implémenté comme nous pouvions le pressentir dans la première partie un système d'information agile, complètement orienté vers la satisfaction du client. Sur la base d'une communication transversale, ce système permet aux équipes auto-organisées en ilots de travailler de manière immersive et coordonnéedans l'organisation globale,tout en étant conduit par les feedbacks des clients et des valeurs de confiance et d'ouverture. Les managers des magasinsZARA peuvent passer commande jusqu'à 2 fois par semaine. Les expéditions sont préparées et livrées en moins de 24 heures (en Europe) et les produits sont mis en rayons le jour même de leur livraison. Tout chez ZARA procède à un rythme stable, ce qui permet de réduire le temps d'attente sur chaque étape du processus. En outre, le système centralise les besoins clients collectés chaque soir auprès de tous les managers.Au-delà, il se nourrit des données collectées à chaque étapepour une amélioration continue des processus et une conception plus finement adaptée aux attentes. Le système va jusqu'à analyser les données météorologiques poury adapter la conception, la production et les livraisons.

(7) Garder une part de production en interne. (Intégration verticale)

ZARA fabrique environ 50% des vêtements en interne, avec seulement un quart de production externalisée en Asie. ZARA s'éloigne de plus en plus du modèle du sourcing lointain, en investissant dans la fabrication locale. Délibérément, ZARA garde une part d'externalisation proche pour être en mesure de répondre rapidement aux demandes imprévues, plutôt que de chercher à maximiser la production de ses usines. La marque pense que cette stratégie de production en interne/sourcing proche permet d'augmenter la flexibilité globale de l'entreprise et ses résultats semblent probants.

d) Principaux Avantages Concurrentiels Apparents de ZARA :

- création centralisée agile et rapide, en lien direct avec les clients et la production (12 collections/an tirées par la demande, Lead time de 15j).

- limitation des risques de surstocks/soldesgrâce à une politique de séries limitées (marketing de la rareté)

- livraison rapide de ses magasins depuis l'usine à La Corogne, grâce à son système de production locale centralisée hyper automatisé et un circuit court contrôlé (intégration verticale jusqu'au retail) l'enseigne limite ainsi les intermédiaires, réduisant les stocks incompressibles, BFR, et les délais.

- frais marketing divisé par 10 en capitalisant sur des implantations stratégiques réputées et une image de marque forte, aucune pub.

- parfaite optimisation des flux d'information IT interconnectés d'un bout à l'autre de la chaîne (Conception, Production, Logistique, CRM (Customer Relationship Management) = des collections qui collent à la demande)

Au final, vu par le consommateur, le prix est une conséquence invisible de cette organisation de même que la valeur perçue, le mode de communication ou encore le « Time to market ». Il s'agit des leviers externes qui ne sont pas directement actionnés par l'entreprise mais plutôt la conséquence de son organisation.

2. Comparaisonavec les leviers d'action listés en première partie

En comparant les avantages concurrentiels de ZARA avec la liste des facteurs susceptibles d'être un levier d'action favorable au MIF, tel que nous l'avons envisagé dans la première partie, nous nous apercevons que nos hypothèses semblent se confirmer pour la grande majorité de ces leviers.

Tableau 3 : Comparaison des leviers d'action listés en première partie avec les avantages concurrentiels de ZARA

Délibérément, ZARA étant Espagnol (et non MIF) nous avons répondu par la négative en ce qui concerne la valeur perçue même si les produits sont globalement appréciés.

De même, pour la communication qui est plutôt minimale pour la marque. Cependant le fait de s'appuyer sur le réseau de ses propres vitrines est une forme de communication inspirante en soi.

Comme pressenti, les tissus High Tech sont un levier pas ou peu exploité par le groupe.

Enfin, la contrepartie du modèle « J-15 » implique des transports plus fréquents même si la distance parcourue est plus faible qu'un sourcing lointain. Au final, il est probable que quantitativement (en tonne x km transportés) le bilan soit néanmoins plus favorable que pour ses concurrents dans la mesure où on évite le transport par bateau et que la distribution par voie routièrerestesimilaire (hors avion). En effet c'est surtout la variété et la rotation des produits qui change, pas la quantité transportée (si on suppose que les camions sont aussi pleins que pour des produits d'importation lointaine). Pourtant, on ne peut pas qualifier de « green » la logistique de ZARA dans la mesure où la production n'est pas réalisée au plus près du consommateur. Au surplus, le « fastfashion » n'est pas un modèle vertueux d'écoconception, dans la mesure où il tend au renouvellement plus fréquent des gardes robes.

3. Transposition des leviersd'action ZARA au MIF

Comme évoqué précédemment, le prix, la valeur perçue, la communication ainsi que le « Time to market » sont des leviers externes qui dérivent plus ou moins directement de l'organisation interne de la chaîne de valeur et des coûts de l'entreprise.

Nous supposerons dans un premier temps qu'un projet d'entreprise MIF qui s'inspirerait du modèle ZARA pourrait réunir les conditions suffisantes pour pratiquer une politique de prix et une réactivité au marché similaire, tout en bénéficiant d'une valeur perçue meilleure, puisque ses produits seraient fabriqués majoritairement en France. Concernant la communication et la distribution, il faudrait probablement trouver une alternative au modèle ZARA, car il est possiblequ'il soit très difficile de constituer rapidement un patrimoine aussi important que son réseau des magasins de distribution à partir de zéro. Pour ce faire, nous étudierons plus loin les leviers permis par les groupements et les réseaux d'entreprises coopératives, qui semblent pouvoir apporter des solutions tant du point de vue du réseau de distribution, que de la communication.Enfin, nous évoquerons la question des Labels faisant la promotion du MIF, car ils nous semblent être un levier important en termes de communication.

(1) Produire en petites séries. (Agilité /marketing de la rareté)

Armancio Ortega, le fondateur du Groupe Inditex, a bien compris la grande volatilité de la mode et les attentes de ses clients. C'est pourquoi l'organisationde ZARA n'est pas seulement ou uniquement flexible, elle est globalement réactive et rapidement reconfigurable. L'agilité de la production qui est une des caractéristiques du Lean Manufacturing, permet à une entreprise de s'adapter rapidement à son environnement. Cette agilité permet de faire évoluer en permanence une large gamme de produits en fonction de la demande (pull). La durée du cycle de vie des produits est un des principaux facteurs déterminants l'organisation et la définition des moyens de production de cette entreprise.Au final, la réduction des délais de mise sur le marché (réactivité) et les petites séries (flexibilité) minimisent les stocks et maximisent leur rotation (faible taux d'échec, moins de gaspillages et de soldes).

L'Agilité est donc la combinaison indissociable de ces deux facteurs, réactivité et flexibilité. En effet, une entreprise réactive aux nouvelles tendances, qui peutconcevoir rapidement de nouveaux produits de qualité, peut échouer facilement si elle n'a pas la capacité d'adapter rapidement son outil de production,pourle produire dans les délais et quantités nécessaires.De même, est également destinée à l'échec, une entreprise flexible, à la pointe des technologies (Smart Factories, Logistique 4.0, CAO, MES/OPC, GPAO,ERP, ...)qui ne suit pas les besoins fortement volatiles de ses clients (CRM, PLM, Météo,...).

Ainsi,laFlexibilitépermet les économies d'échelle malgré les petites séries et la « personnalisation ».C'est une organisation des flux à dominante physique rapidement reconfigurable. Tandis que la Réactivité correspond davantageà l'optimisation et la réaction en temps réel aux flux d'informations,collectéesd'un bout à l'autre de la chaîne et en particulier auprès du client. Ces deux capacités semblent tout à fait transposables à toutes les entreprises françaises qui s'en donneraient les moyens (financiers, humains et matériels).

Néanmoins, le marketing de la rareté,cher à ZARA, est plus discutable. En particulier s'il est envisagé dans un esprit de consommation pure. Il est prudent de se rappeler que le risque de raréfaction des ressources est au coeur des préoccupationsdes Français. Ilimpacte donc la valeur perçue. Allonger la durée d'usage grâce à une qualité plus durable, réparable,recyclable, semble une alternative ne nuisant pas à la sensation d'exclusivité produite par les petites séries. C'est d'ailleurs une des valeurs fondamentales de la marque 1083. Et donc, une capacité accessible etcompatible avec le MIF, démontrée parune entreprise française.

(2) Circuits-court

Les circuits courts sont des circuits de distribution (et de commercialisation de détail) dans lesquels intervient au maximum un intermédiaire entre le producteur et le consommateur. D'origines agricoles (voir définition officielle ci-après), ils investissent désormais d'autres domaines d'activité, en particulier face aux enjeux de développement durable.

Définition du ministère de l'Agriculture : « est considéré comme circuit-court un mode de commercialisation des produits agricoles qui s'exerce soit par la ventedirecte du producteur au consommateur, soit par la venteindirecte, à condition qu'il n'y ait qu'unseulintermédiaire entre l'exploitant et le consommateur18(*)».

Rapprocher l'offre de la demande,en limitant les intermédiaires est séduisant. C'est un des enseignements majeurs du modèle ZARA (mais aussi de 1083 et de beaucoup d'autres). Celalui permet rapidité, parfaite maîtrise de l'ensemble de la chaine de valeur et de faire des économies substantielles sur les coûts (et les marges des intermédiaires).In fine,les circuits courts permettent de proposer un produit à prix compétitif sur le marché, endonnant plus « d'oxygène » au producteur/fabricant. Cependant, il y a un obstacle : à notre connaissance, il n'existe a priori pas (ou peu) de fabricants français en mesure de disposer de l'assiette financière nécessaire pour constituer rapidement un tel réseau (ou empire) de boutiques !

Néanmoins, dans l'exemple de ZARA, il n'y a pas de notion géographique entre le producteur et le consommateur comme dans les relocalisations(lorsque le producteur se rapproche physiquement du consommateur, indépendamment du nombre d'intermédiaires).La géographie est d'ailleurs une des faiblesses du modèle deZARA qui multiplie le nombre et la fréquence des transportset le recours à l'avion pour obtenir sa légendaire agilité. Cette source de coûts pour la marque devient donc un avantage concurrentiel inspirant et favorable pour le MIF, en permettant d'envisager l'usage des circuits courts relocalisés. De tels circuits courts relocalisés seraient en effet moins onéreux et potentiellement plus rapides.

Ainsi, ce mode de commercialisation semble applicable au MIF.La vente directe, « du fabricant au consommateur », peut être effectuée enVPC,VAD ou e-commerce. De plus, il existe à la marge,des salons/marchés où les fabricants présentent et vendent leurs produits au grand public(Cf. marques rencontrées au salon MIF Expo, qui utilisent toutes le e-commerce dont la croissance est fulgurante, et qui vendent en parallèle sur les salons à des fins essentiellement marketing).La principalelimite de la vente directe est qu'elle suppose des moyens marketing et communication importants et souvent proportionnels à l'ampleur du marché visé.

Alternativement, il y a la possibilité du modèle indirect avec un seul intermédiaire.

Un réseau de « détaillants multimarques » qui va vendre, et surtout, faire connaître les produits en réduisant le budget communication. Ce sont par exemple des boutiques dédiées ou non aux produits « Made in France », des grands magasins, ou encore la GSA/GSS.Bien entendu, ces intermédiaires prennent une marge conséquente. Cette option estd'ailleurs souvent privilégiée dans les secteurs du low-cost ou du luxe (en raison des marges). Mais ils représentent un moyen de donner de la visibilité à la marque à moindre frais.C'est à dire qu'il est envisageable d'utiliser ce mode de distribution, à marge faible ou nulle, en complément « marketing » d'un autre réseau de distribution comme internet. Une stratégie à évaluer et comparer, surtout du point de vue de la perte de contrôle et de contact direct avec le client. Pour garder le contact il reste possible « d'incentiver » les managers/vendeurs des magasins intermédiaires. Néanmoins il est plus compliqué d'imposer un standard administratif etd'envoyer des racks de vêtements pré-étiquetés chez des distributeurs différents aux organisations hétéroclites.

Il existe enfin une autre possibilité : la distribution au détail via un groupement ou un réseau coopératif. L'exemple de coopérative des opticiens Krys (CA 750M€),dont les fabrications bénéficient du Label Origine France Garantie,est une bonne illustration.Nous aborderons dans un paragraphe particulier les avantages pour les fabricants, comme les achats groupés ou la mutualisation de moyens supports.

(3) Centraliser le design et le développent des produits. (« Time to market »)

La collaboration des divisions entre elles et leur proximité est l'un des facteurs clé de la réactivité chez ZARA. Il permet de réduire les réunions et le cycle de prise de décision. Pour réussir le modèle « J-15 » en effet,l'échange d'informations doit être prompt et efficace.Par exemple, il n'y a que deux jours entre le design et la coupe automatique ou entre l'entrée au centre logistique et la mise en rayon. Il fallait donc de fait limiter le plus possible les externalisations à la confection gourmande en main d'oeuvre pour les produits de fond de catalogue (Les produits les plus techniques / mode sont confectionnés en interne). De même, il fallait intégrer le plus possible les phases en amont (teinture à la demande) et en aval (vente au client final) pour en avoir le contrôle temporel et la maîtrise des coûts(Cf. Intégration verticale).

Cet équilibre subtil entre l'organisation, les technologies et l'être humain, orienté vers le client tend à bouleverser les modèles managériaux traditionnels. Il semble être le fruit d'une pure décision stratégique managériale et un modèle tout à fait transférable au Made In France.

Ainsi, en nous inspirant de ZARA, plutôt que de travailler par silos rigides isolésou divisions par métiers tels que le studio de design, l'administration des ventes, la logistique ou encore les acheteurs, le travail pourrait facilement être organisé par ilots, dans de grands open-spaces flexibles, où il suffirait de se retourner pour s'asseoir à une table de réunion. Les équipes seraient regroupées autour du design et développement produit, en un pôle d'activité dédié pour un seul type de client (type de produits, géographie, ...). Ce serait un peu comme une agglomération de micro entreprises, avec chacune son commercial, son designer, son acheteur, son directeurtechnique,...

C'est d'ailleurs pour tendre vers le « J-15 »que l'organisation en ilots deZARA s'est centrée autour du design et du développement du produit. Le produit est ainsi conçu non seulement en fonction des clients en temps réel,mais sa conception intègre à la source, tout le processus d'approvisionnement, de fabrication et de livraison, jusqu'à la mise en rayon. Les allers-retours avec les fournisseurs sont dès lors extrêmement limités. Cette organisation évite de plus les compétitions internes contre-productives entre services au profit de la réussite globale de l'entreprise. En effet, chacun est jugé sur sa contribution collaborative à un projet dans son ensemble plutôt que sur ses indicateurs de performance individuelou encore ceux de sa division. Lacollaboration efficiente des équipes est donc le coeur de l'organisation et l'un des facteurs clé permettant la réactivité et donc le « Time to market ».

(4) Utiliser une organisation en « ilots » (Ecoconception/Lean).

Comme nous l'avons vu, l'une des forces de ZARA,essentielle à son agilité,est d'obtenir une grande variété de produits similaires sur une même chaine de fabrication, afin de bénéficier,malgré de relatives petites séries, des effets d'échelle et d'expérience propres aux grandes séries.Dès le début de la chaine, le groupe retarde par exemple jusqu'au dernier moment la personnalisation qui commence avec la teinture ou l'impression, et ce jusqu'à la découpe laser automatisée(en lien direct avec le design)qui rend le processus irréversible.

En parallèle de cette agilité, son système de production organisé par ilots cohérents s'inspire du Toyota Production System (Lean Management) qui repose sur l'élimination des gaspillages dans les processus de production (MUDA : par exemple trop de stock, trop de déchets, réduction des temps d'attente ou de changement de série, déplacements inutiles ou sous-utilisations de compétences ...). La pensée Lean vise à augmenter la capacité de production, en réduisant les coûts et le temps de cycle. Elles`appuie sur la compréhension des besoins des clients (flux tirés) et vise perpétuellement la perfection, en améliorant la qualité et en éliminant les gaspillages.

Dans ce contexte, Inditexambitionne de maximiser l'interaction et l'efficacité homme-machines-environnement. En ce sens le groupe s'approche du concept Allemand d'industrie 4.0, lui-même en partie lié au concept d'écoconception, qui, dans sa définition première, se focalise sur une approche conduisant à l'amélioration continue et environnementale d'un produit tout au long de la chaîne de valeur.

Là encore, le système de production de ZARA est inspirant et semble transposable au MIF dans la mesureoù il correspond essentiellement à une nouvelle façon d'organiser ses moyens de production (en lien permanent avec ses équipes projet notamment). L'objectif transposable au MIF serait donc la mise en place d'usines de production textile dites « intelligentes » capables d'une plus grande adaptabilité dans la production en France et d'une allocation plus efficace des ressources. En effet, les « smart factories » sont caractérisées par une interconnexion des machines et des systèmes au sein des sites de production mais aussi entre eux et l'extérieur (clients, partenaires, autres sites de productions). Comme pressenti dans la première partie, le système d'information fusionnant avec les systèmes cyber-physiques et l'internet des objets devient une clé de voute de l'édifice qui semble transposable et accessible au MIF.

« L'usine du futur » représente également une réponse aux problématiques actuelles de la gestion de l'énergie et des ressources. Avec ce système d'information organisé selon un réseau de communication et d'échange instantané et permanent, l'organisation devient capable de rendre cette gestion plus efficace en coordonnant les besoins et disponibilités de chaque élément du système de la façon la plus efficiente possible, en densifiant leur exploitation, alimentant par-là de nouveaux gains de productivité dans un cercle vertueux.

D'autre part, la vision de l'écoconception a évolué avec le temps. Elle exige une réflexion légèrement différente suivant que son approche soit purement produit, service ou système. Selon l'AFNOR en 2004, « L'écoconception consiste à intégrer l'environnement dès la conception d'un produit ou service, et lors de toutes les étapes de son cycle de vie ».Selon cette définition,il s'agissait plutôt d'une démarche d'amélioration continue, portée par une volonté établie au plus haut niveau, puis, mise en oeuvre au sein « d'équipes projets transversales » (achats, bureau d'études, design, marketing, ...). Ces équipessont censéesintégrer les aspects environnementaux au même titre que les aspects plus classiquement considérés (économiques, technologies, attentes clients, ...).

Cette dimension « environnementale » reste néanmoins à vérifier chez ZARA, dont le modèle fast-fashion inspire par nature davantage un monde de consommation qu'un monde de sobriété envers les ressources. C'est donc à priori une source de différentiation pour le MIF. En effet, l'écoconception, par son approche de réduction des impacts, peut conduire à des économies significatives favorables au MIF en limitant, par exemple, le coût des transports ou en favorisant la prévention à la source (utilisation de moins de Matières Premières), le recours à des matériaux issus du recyclage (recyclage jeans 1083) ...

En ce sens, depuis 2004 la vision de l'AFNOR a largement évolué. En 2013, la Norme NFX 30-264définissait l'écoconception comme : « Intégration systématique des aspects environnementaux dès la conception et le développement de produits (biens et services, systèmes) avec pour objectif la réduction des impacts environnementaux négatifs tout au long de leur cycle de vie à service rendu équivalent ou supérieur. Cette approche dès l'amont d'un processus de conception vise à trouver le meilleur équilibre entre les exigences, environnementales, sociales, techniques et économiques dans la conception et le développement de produits ».

Créatrice d'innovation, l'écoconception permet donc aux entreprises de diminuer les impacts tout au long de son cycle de vie (de l'extraction des matières premières jusqu'à la fin de vie). Elle conduit à s'interroger notamment sur le choix de matières et de leur capacité de renouvellement, sur les impacts des procédés de fabrication (délavage / eau) mais aussi l'amélioration continue, des transports (rotation et fraicheur des stocks), de l'usage ou encore de la fin de vie (collecte/recyclage)... Mais cet objectif réduction des impacts environnementaux devrait être précédé par une réflexion sur l'utilité et l'usage du produit en lui-même afin de l'adapter au mieux à l'utilisateur et à ses besoins (utilité du fast-fashion qui lasse ?).

(5) Automatisation de la production et de la Supply Chain

Comme nous l'avons vu précédemment, l'automatisation est un facteur déterminant de premier ordre pour le succès du modèle ZARA. Elle permet non seulement d'économiser sur les coûts de main d'oeuvre en ce qui concerne les taches pénibles et répétitives (Moins cher et plus précis/stable qu'une chinoise ou une éthiopienne, c'est un automate ou un robot !). Maisl'automatisation permet aussi et surtout, de compacter les délais afin de répondre plus vite que les concurrents aux attentes du marché (« Time to market »). C'est un aspect fondamental du Lean : quantifier la valeur du produit du point de vue du client pour produire seulement ce que le client a commandé. Là encore il s'agit d'organiser la production en considérant que le temps est, au-delà du prix, une barrière à l'entrée exigée implicitement par le client. Barrière qui permet de se différencier et de distancer ses concurrents. Il s'agit donc encore essentiellement d'une vision stratégique totalement compatible et transférable au MIF.

Lorsque l'on parle d'automatisation de la production, on pense immédiatement aux machines qui fabriquent, mais de plus en plus, comme le suggère le modèle du Groupe Inditex, il s'agit d'automatiser autant que faire se peuttoutes les phases amont et aval de la confection à proprement parler. Cette phase reste d'ailleurs encore aujourd'hui difficilement automatisable (il n'existe pas encore de robot couturier). De fait, ce sont tous les autres flux qu'il s'agit d'automatiser(Conception, Approvisionnement, Fabrication, Conditionnement, Préparation, Expédition). Pour, comme dans le Lean, créer un flux continu qui réduise la taille des lots et les encours (WIP).

En effet, au-delà de la plateforme logistique automatisée et alimentée automatiquement via des tunnels sous-terrain (intra-logistique), il faut tenter d'automatiser tous les processus répétitifs et leur ordonnancement / coordination, y compris ceux qui sont immatérielscomme le traitement des commandes, la planification des approvisionnements et des fabrications (teinture, impressions, découpe, étiquetage, colisage, ...).

Par ailleurs, l'un des enjeux des usines intelligentes est la flexibilité. C'est un défimajeur pour l'automatisation qui doit devenir elle aussi « intelligente », car elle suittraditionnellement une logiquerigide, séquencée en succession d'actions répétitives sur un ilot dédié et isolé. Mais cette façon basique de programmer les machines provient d'une vision Taylorisée de l'industrie qui est aujourd'hui dépassée.Or l'intelligenceest décrite comme une faculté d'adaptation (apprentissage pour s'adapter à l'environnement ou au contraire, faculté de modifier l'environnement pour l'adapter à ses propres besoins).

L'automatisation « intelligente » devient donc une façon de programmer les machines suivant une logique qui s'enrichit des paramètres extérieurs comme pourrait l'être par exemple la taille ou le coloris d'un T-shirt. Pour devenir « intelligente » cette recette(taille et couleur) doit être disponible sur le réseau et ordonnée par lui en fonction de la commande client, de la conception du design, ... Elle implique également d'autres actions sur toute la chaine à d'autres étapes comme lasélection de la matière première, la taille des cartons, codes à barres, étiquettes RFID, la gestion des stocks, la préparation de commande, ...En somme l'automatisation « intelligente » crée du lien sur toute la chaîne.

Ainsi, avec dessites de production composés d'objets intelligents (IoT), communicants et liés dans un réseau lui-même relié à l'extérieur, l'agilité de la production peut être accrue. Le consommateur final de même que les différents partenaires peuvent prendre une place dans le processus, permettant la personnalisation des produits et la modification de leurs caractéristiques en fonction des demandes ou des difficultés. Il devient donc possible de proposer une production à la fois à grande échelle et personnalisée avec une réactivité instantanée ou presque.

Nous l'avons vu, une des clés de la pensée Lean est le « juste-à-temps » qui permet de limiter les stocks gourmands en BFR.Un des leviers d'amélioration de la compétitivité de l'hyper automatisation « intelligente » est donc, là encore, la convergence et l'interconnexion directe au système d'information.Cette organisation génère un flux d'information permanenttrèssupérieur à celui généré par des modes de productions traditionnels. De plus, ces informations doivent être échangées le plus rapidement possible avec les acteurs logistiques extérieurs au lieu de production (approvisionnement, confections sous-traitée, livraisons). Le système RFIDde bout en boutpeut servir non seulement à tracer les produits sur toute la chaîne de production, mais encore servir d'antivol et d'étiquetage de caisse à son arrivée dans le magasin. Cette ressource (SI&U4.0) essentiellement immatérielle n'est pas spécifique à ZARA et peut-être améliorée en France par nature (la technologie et les outils progressent chaque jour).

(6) Système d'Information et contrôle rigoureux de la planification.

Comme nous venons de le découvrir, l'Industrie 4.0 correspond en quelque sorte à la numérisation de l'usinemais aussi de son environnement afin de fluidifier et densifier les échanges et l'exploitation des informations,avec l'objectif de raccourcir les délais. À travers le recours aux systèmes cyber-physiques(CPS) des automates intelligents et de l'internet des objets,c'est-à-dire aux réseaux immatériels servant à contrôler des objets physiques, l'usine intelligente se caractérise par une communication continue et instantanée entre les différents outils et postes de travail intégrés tout au long des chaînes de production et logistique. L'utilisation de capteurs communicants apporte à l'outil de production une capacité d'autodiagnostic et permet ainsi son contrôle à distance tout comme sa meilleure intégration dans le système productif global. De tout temps, disposer d'un ensemble d'informations peu accessibles et les exploiter a toujours été source d'avantage concurrentiel. Ainsi, le coeur de ce système moderneest bien l'information et les mécanismes qui organisent sa collecte, son archivage, mais aussi et surtout, son traitement et sa transmission interactive.

Ce système d'information résulte de l'assemblage de briques technologiques aujourd'hui assez répandues dans l'entreprise et pour l'essentiel disponibles sur étagères que ce soit au niveau des logiciels ou des machines. Le principal enjeu à relever est de coordonner entre elles ces briques encore trop souvent isolées. Ce défi des technologies de l'information semble à la hauteur des compétences disponibles en France et devrait pouvoir être mis en oeuvre dans le cadre d'un projet de réindustrialisation du prêt-à-porter Made In France.

Parmi les briques technologiques à coordonner ensemble, nous proposons ci-après un inventaire non-exhaustif qui permet de se faire une idée de cet enjeu.

CRM : Customer relationship management, ou gestion des relations avec les clients, est l'ensemble des outils informatiques et techniques destinés à capter, traiter, analyser les informations relatives aux clients et aux prospects, dans le but de les fidéliser en leur offrant le meilleur produit/service.

PLM : Product lifecycle management permet la « gestion du cycle de vie des produits ». Il désigne un cadre organisationnel et un ensemble de concepts, méthodes et outils logiciels dont le but est de créer et de maintenir les produits industriels tout au long de leur cycle de vie, depuis l'établissement du cahier des charges du produit et des services associés jusqu'à la fin de vie, en passant par le maintien en conditions opérationnelles.

CAO : La Conception Assistée par Ordinateur comprend l'ensemble des logiciels et techniques de modélisation géométrique permettant de concevoir, tester virtuellement et réaliser des produits manufacturés et/ou les outils pour les fabriquer. Il ne faut pas confondre CAO et DAO (dessin assisté par ordinateur). Au-delà de l'édition du dessin (souvent 3D), la CAO est outil informatique métier, fonctionnant avec des objets, qui permet ensuite la simulation de comportement de l'objet conçu, l'édition éventuelle d'un plan ou d'un schéma étant automatique et accessoire dans la mesure ou les données peuvent être transmises plus ou moins directement à la machine en vue de sa fabrication.

ERP : Enterprise Resource Planning est un progiciel de gestion plus ou moins intégré selon la spécificité de l'activité de l'entreprise, qui vise une gestion globale, cohérente et simplifiée. Ils trouvent leur origine dans le besoin de la planification et l'emploi des ressources pour la production. Les ERP industriels reposent sur un module central de type GPAO ou MES assurant une couverture plus ou moins étendue des fonctionnalités. Le plus souvent, ils intègrent la gestion commerciale, comptable et paye. Ils sont très dépendants des métiers et leurs appellations/fonctionnalités ne sont pas normalisées et restent flottantes.

GPAO : Gestion de la Production Assistée par Ordinateur. Il s'agit d'un programme de gestion de production permettant de gérer l'ensemble des activités, liées à la production, d'une entreprise industrielle communément incorporée dans les ERP : Gestion des stocks et des achats, des commandes, des produits engendrés par ces commandes, des articles entrant dans la fabrication de ces produits et de leurs nomenclatures-gammes, des ressources par familles. Il permet la création et la gestion du processus de planification et de l'ordonnancement, les expéditions des produits et leur facturation ainsi que le suivi des stocks, des coûts et des temps.

MES/OPC : Un ManufacturingExecution System permet la gestion des processus industriels. Il s'agit d'un système informatique dont les objectifs sont d'abord de collecter en temps réel les données de production de tout ou partie d'une usine ou d'un atelier. OPC (Open Platform Communication) a été conçu pour relier les applications Windows et les matériels et logiciels du contrôle de processus (comme les automates ou les robots). Ces données collectées permettent ensuite de réaliser un certain nombre d'activités d'analyse : traçabilité, contrôle de la qualité, suivi de production, ordonnancement, maintenance préventive et curative. En s'interfaçant / s'intégrant avec un ERP, elles permettent potentiellement d'enrichir les données économiques destinées au contrôle de gestion ou encore à la facturation et la planification.

Ce bref aperçu éclaire l'enjeu de la convergence des briques technologiques afin d'exploiter au mieux l'information le plus souvent existante sous une forme ou sous une autre au niveau de l'entreprise ou publiquement disponible (BigData, Météo, ...), en vue d'un contrôle optimum de la planification et plus globalement du cycle complet de la chaine de valeur.

« L'un des grands défis pour les entreprises est l'optimisation de la chaîne de l'offre (« supply chain ») pour raccourcir le cycle création/ fabrication/ distribution et, par conséquent, les délais de mise à disposition du produit aux consommateurs (« Time to market »)19(*) ».

(7) Garder une part de production en interne. (Intégration verticale)

A la lumière de ce qui vient d'être dit, pour le MIF, cultiver et développer une partie significative de la production interne en France possède entre autres trois atouts majeurs :

- Le contrôle de l'information et des processus qui induit la réduction et la maîtrise des délais (réactivité/flexibilité)

- La réduction des coûts et des marges (intermédiaire, transport, frais de coordination)

- La maîtrise du savoir-faire et l'entretien de la compétence permettent de développer des produits pertinents de qualité maîtrisée répondant aux attentes du marché.

Au surplus, pour vendre du prêt-à-porter Made-In-France il paraît incontournable à un moment ou à un autre de fabriquer en France et de le faire savoir (communication/valeur perçue) ! De plus, la maîtrise des leviers d'actions précédents et leur mise en oeuvre, c'est-à-dire, l'agilité, les circuits-courts, l'écoconception, l'hyper-automatisation, l'usine intelligente et les systèmes d'informations, dépendent fortement de l'intégration verticale de la production.

Un mix équilibré entre la production interne et le sourcing semble néanmoins inévitable pour disposer de produits de fond de catalogue compétitif et pour conserver une certaine souplesse face aux cycles de production et aux coûts de la main d'oeuvre.

Le problème du savoir faire disparu ou vieillissant et non-renouvelé (absence de formations) concernant le coeur de métier (confection, tissage, ...) n'est pas à négliger et milite également pour une réintégration progressive de la production.

Les investissements conséquents nécessaires sont également un point de vigilance particulier à garder à l'esprit dans tout projet de relocalisation. Néanmoins, nous avons vu que les politiques d'aides publiques étaient très favorables à cette dynamique. Dans cette optique, lepartage des risques sur plusieurs entités membres d'un même groupement / fédération semble un levier intéressant que nous allons évoquer ci-après.

(8) Fédération / Groupement et communication (Coopérative, Labels)

L'union fait la force ! Vu l'ampleur des challenges à mener, les besoins financiers mais aussi marketing, il semble à première vue intéressant d'envisager de fédérer les initiatives et de réunir les producteurs, marques et distributeurs français souhaitant développer le MIF au sein d'une coopérative ou réseau / groupement d'entreprise permettant de mettre en commun la distribution, la communication, les achats, la logistique, les RH, les formations, ... Il en existe plusieurs formes connues :

« Une coopérative est une association autonome de personnes (physiques ou morales) volontairement réunies pour satisfaire leurs aspirations et besoins économiques, sociaux et culturels communs au moyen d'une entreprise dont la propriété est collective et où le pouvoir est exercé démocratiquement20(*) ». (CREDIT AGRICOLE, KRISS, E. LECLERC, MACIF,...)

« Un groupement d'intérêt économique (GIE) est un groupement doté de la personnalité morale qui permet à ses membres de mettre en commun certaines de leurs activités afin de développer, améliorer ou accroître les résultats de celles-ci tout en conservant leur individualité. Le groupement peut avoir un objet civil ou commercial21(*) ». (AIRBUS, CB, AG2R, CRISTALINE, ...)

Par ailleurs, comme nous l'avons vu, 60% des Français pensent que les produits fabriqués en France sont « de meilleure qualité » que les autres. Soit deux fois plus qu'il y a quinze ans. A prix identique, le MIF dispose donc d'un avantage concurrentiel à renforcer pour amplifier le phénomène. Au-delà de rapprocher la production du consommateur, le MIF est susceptible d'apporter de la valeur à l'image du produit (éthique et responsable). Pour rendre visible cet avantage, la plupart des marques françaises apposent une mention valorisante qui indique la production française. Une telle valorisation peut constituer un avantage concurrentiel pour le fabriquant, servir de différenciation parmi la diversité des produits homogènes. Ce marquage n'est pas obligatoire. Il est souvent délivré par des associations de professionnels mais certains fabricants inventent de toutes pièces leur propre logo, ce qui crée une certaine illisibilité pour le consommateur. Payant, le Label Origine France Garantie doit apporter une valeur ajoutée aux produits.

(9) Améliorer la compétitivité par la technologie (Tissus High Tech)

La haute Technologie produit semble une fausse bonne idée à court terme.

D'ailleurs, les mille premières entreprises dans le monde qui investissent le plus dans l'innovation, ont dépensé 603 milliards de dollars pour leur R&D en 2011. Le cabinet Booz &Company a identifié une très faible corrélation entre investissements en R&D et les performances.

Dans les faits, même s'il est en croissance et bien représenté en France, le marché des fibres techniques reste à la marge (de l'ordre de 3%). Sur ce marché déjà limité, les textiles innovants fabriqués en France sont eux aussi à la marge. Même avec des croissances à deux chiffres, ils ne représentent donc pas à court terme un gisement d'évolution majeure pour le MIF d'autant plus que la production de fibres techniques est extrêmement gourmande en ressources (MP, énergie et capital). De ce fait, leur exploitation à grande échelle n'est ni souhaitable ni soutenable et ne devrait concerner que les applications où ils sont strictement nécessaires.

Globalement, le marché des textiles techniques représente 6,1 Md€ en France22(*). Sur cette production, seuls 7% sont destinés à l'habillement (430M€). Les textiles techniques destinés à l'habillement ne représentent donc qu'une niche de l'ordre de 3% d'un marché de 15 Md€ en France. Malgré des chroniques enthousiastes, ce marché est très volatile et, in fine, sa croissance moyenne sur les 10 dernières années (2004-2014) s'établit à -3,67%.

Graphique 15 : Taux de croissance annuel moyen des CA par domaine d'application

De plus, il n'existe pas de statistiques fiables pour évaluer la part des textiles vraiment innovants sur le petit marché des textiles techniques (le GoreTex est par exemple utilisé depuis 30 ans, n'est plus vraiment très innovant et conserve par nature des applications limitées).

Une innovation de rupture reste néanmoins possible, observons quelques candidats :

Les cosméto-textiles : par exemple, des shorts amincissants, des ceintures abdominales raffermissantes ou encore des gants antitaches et anti-âge (gants Hand-Filler de Filorga). Comment cela fonctionne-t-il ? Par une action « textile »gainant ou massant, obtenue par un tissage spécifique associée à une action « cosmétique ", où les actifs sont soit micro-encapsulés soit enduits sur le tissu comme le proposent les chaussettes et les gants Spa Adoucissants de Sephora. D'emblée, il nous semble que ces débouchés à usages unique ou limités dans le temps et incompatibles avec le lavage resteront à la marge.

Les « smart »textiles : La startup Cityzen Sciences23(*) a été créée en 2010. Chef de file du consortium Smart Sensing (CA 2013- 4 700€). Grâce à l'important soutien de BPI France, Smart Sensing propose des « vêtements connectés » capables d'effectuer le monitoring d'individus (gamme destinée au monde sportif professionnel et grand public).

Le textile en lui-même, n'est pas innovant, il s'agit de grands communicants chasseurs de prime visant à lever des fonds en intégrant au vêtement des micro-capteurs biométrique communs (utilisés pour les électrocardiogrammes...) pour les relier ensuite à un smartphone.

Les textiles-traités : l'exemple de The Best ShirtEver24(*) (campagne Kickstarter à $119) estséduisant. C'est une chemise en tissu antitache, respirant, imperméable, lavable à la machine. Selon son créateur, le PRI est 200 à 300% supérieur car le traitement doit être effectué très en amont de la filière, au moment du filage du coton naturel et après teinture (ce qui impose des grandes séries ET des variétés de couleur limitée : Peu de flexibilité et de souplesse vis-à-vis de la mode). Innovation discutable : L'innovation est de plus relative puisque les textiles huilés (à base d'huile de lin ou de cire d'abeille-veste de chasse imperméable) ou encore les revêtements polyuréthane hydrofuge sont connus et exploités depuis longtemps. Accessoirement, tous ces traitements ont une tenue dans le temps et une résistance au lavage limitée. Enfin, quid des impacts écologiques (déchets, recyclage) ?

Plus récemment, l'Institut Royal de Technologies de Melbourne (RMIT) a annoncé travailler sur des revêtements à base de nanoparticules métalliques afin de rendre le textile autonettoyant à la lumière. Cet effet d'annonce ne doit pas occulter les travaux antérieurs de 2011 menés par un chercheur Français du GEMTEX de Roubaix en collaboration avec le laboratoire des matériaux céramiques et procédés associés de Maubeuge et Probiogem, le laboratoire de microbiologie de Lille. Les fibres textiles étaient traitées dans un bain chimique, où étaient déposées des nano aiguilles d'oxyde de zinc. Il s'agit de recherches fondamentales qui 5 ans après n'ont pas encore trouvé les débouchésespérés. De plus les nanoparticules sont fortement suspectées d'avoir des impacts négatifs sur l'environnement et la santé.

Quoi qu'il en soit, les surcouts de production imposent donc la vente en direct (hors circuit de détail traditionnel) ou sur des marchés de niche en différenciation. La faible flexibilité des procédés limite la fraicheur et la largeur de gamme (« slow fashion »). Le tableau ci-après illustre avec des chiffres approximatifs combien ce modèle de « textile innovant » semble plutôt difficile à appliquer dans le cadre d'une production « MIF » grande consommation.

Tableau 4 : Evaluation de la marge restante pour une chemise BSE qui serait MIF

4. Synthèse des leviers d'actions issus de l'analyse comparative& SWOT

En synthèse de cette étude comparative, voici la 2ème version mise à jour de notre inventaire des leviers d'actions susceptibles d'être actionnés pour amplifier le phénomène du MIF. L'analyse qualitative ci-après, réalisée auprès de professionnels, devrait permettre de les hiérarchiser en fonction de leur interdépendance croisée (sensibilité/motricité) vis-à-vis du Made In France.

Tableau 5 : Comparaison des leviers d'actions ZARA/MIF

Figure 9 : Analyse SWOT de la production Made In France

B. Analyse qualitative : L'Avis des experts

1. Liste de nos interviews d'experts

Nous avons interviewé une douzaine d'experts représentatifs du prêt-à-porter Made In France. Nous les avons majoritairement rencontrés sur le Salon MIFEXPO, mais aussi par téléphone :

EricNeri(Président / fabricant de textiles à mailles) - MAILLE VERTE DES VOSGES

http://mvvosges.eu/maille-verte-des-vosges-mvv

Thierry Boutrelle(DG / fabricant de textiles à mailles) - Groupe EMO

http://www.emo.fr

Eric Florin (Bénévole / Fédération indépendante MIF) - FIMIF

http://www.fimif.fr

Jean Jacques Tuffery(Co-fondateur / fabricant de jeans) - TUFF'S

http://www.jeanstuffs.com

Emmanuel Sieger(Président / fabricant polos T-shirts chaussettes) - STORKS

https://storks.fr

ThomazHuriez (Fondateur / fabricant de jeans et chaussures)- 1083

https://www.1083.fr

Théophile Magnon-Pujo(OFG - Co-fondateur French-Touch)-Label ORIGINEFRANCE GARANTIE

http://www.originefrancegarantie.fr

Charles Huet(Entrepreneur Auteur) -Guide des produits MADEIN EMPLOIS

http://www.made-in-emplois.fr

Myriam Underwood(Fondatrice / Vêtements éthiques) -JUSTE

https://www.larevolutiontextile.com

Marie-Laure Mouillon(Fondatrice) -Magasin CHOUETTE FRANCE Dijon

https://www.facebook.com/chouettefrance.fr/

Daniel Forge(Fondateur / Fabricant de prêt-à-porter masculin)-GALUCEBO

http://www.galucebo.com/fr/

Meriem Fradj(DG / Coopérative Laine) -ARDELAINE

http://www.ardelaine.fr

2. Méthode : Motricité et sensibilité des leviers d'action (D'après Michel Godet, 2001)

La méthode qui va suivre s'inspire des travaux en matière de prospective et d'analyse stratégique de Michel Godet (Economiste, professeur au CNAM). Cette dernière a également inspiré Atamer et Calori en 2003 dans Diagnostic et décisions stratégiques.

Dans les chapitres précédents nous avons identifié les variables influant sur l'évolution de l'industrie du prêt-à-porter susceptibles d'amplifier le phénomène du MIF. Les variables identifiées comme pertinentes pour le MIF ont été répertoriées dans le tableau de synthèse précédent avec la réponse OUI. (Tableau5- Pour ne pas influencer les experts sur les tissus High Tech qui semble peu influant, nous avons conservé ce levier pour vérification).

Lors de nos interviews, nous avons interrogé chaque expert sur l'histoire du secteur puis sur les forces et faiblesses susceptibles de le transformer dans le futur. Ensuite, ils ont été interrogés sur leur perception de l'évolution future de chaque variable pertinente afin de se prononcer sur l'influence de chacune d'entre elle sur la dynamique de l'industrie.

Or ces variables pertinentes n'ont pas toutes les mêmes caractéristiques, afin de les hiérarchiser, nous avons eu besoin de les classer suivant deux critères : la sensibilité (dépendance) et la motricité (influence). La motricité désigne le degré d'influence qu'exerce une variable sur l'évolution du système concurrentiel. Ce sont les variables à fortes motricité qui conditionnent la dynamique du système. La sensibilité désigne le degré de dépendance d'une variable vis-à-vis des autres. Elles dérivent de l'évolution du système.

La motricité et la sensibilité sont déduites de l'intensité de leur interrelation. Pour évaluer cette intensité nous avons utilisé un outil simple de la prospective: l'analyse d'impacts croisés sur un tableau à double entrée. Chaque levier ou variable est inscrit à la fois en ligne et en colonne. L'expert donne 1 si l'impact est positif, 0 s'il est neutre et -1 s'il est négatif.Il y avait 12 experts et 12 variables. En fonction des réponses de chacun, nous avons totalisé dans chaque case du tableau la somme des impacts. Ensuite, nous avons réalisé le total en valeur absolue de la somme des impacts par ligne qui donne la motricité, et la sensibilité par colonne.

3. Résultats de l'enquête

Tableau 6 : Analyse d'impacts croisés

Par ce procédé les variables ont été enfin classées en quatre groupes dans une matrice :

Variables autonomes : Ce sont des variables qui ont peu d'influence sur l'évolution du système et sont peu dépendantes des autres variables. En principe on ne tient pas compte de ces variables.

Variables motrices : Ce sont des variables qui influencent fortement l'évolution du système sans être dépendantes de l'évolution d'autres leviers. Elles sont les variables explicatives.

Variables noeuds : Ce sont des variables à la fois très influentes et dépendantes. Elles constituent les noeuds du système car elles ont des répercussions importantes sur les autres leviers qui par effet de retour viendront influencer leurs effets initiaux. Les tendances seront alors amplifiées ou neutralisées. Elles sont les pivots des scénarios.

Variables sensibles : Ce sont des variables dont l'évolution résultent de celles des variables noeuds et motrices. Elles sont les effets principaux de la dynamique d'ensemble.

Figure 10 : Classement des variables par groupes et direction de l'influence

4. Regroupements et analyse des résultats

Nos interviews ont permis d'isoler quatre groupes de variables selon l'avis cumulé de nos experts. Les variables autonomes, sensibles, noeuds et motrices. Le groupe des variables sensibles (sur fond bleu) dépend des variables noeuds (sur fond rouge) qui sont les leviers du système en faveur du MIF. Ce dernier groupe est lui-même dépendant de celui des variables motrices (sur fond bleu) qui sont à la base des évolutions structurantes pour amplifier le phénomène.

En analysant chacun des groupes nous nous apercevons qu'ils sont cohérents par nature de variables. En effet, les variables sensibles sont toutes des leviers d'actions externes qui représentent les barrières à l'entrée(ou conditions sine qua non) du point de vue du client. De même, les variables motrices sont toutes des leviers d'action de nature organisationnelle et enfin les variables noeuds nous apparaissent comme étant des facteurs clés de succès prépondérants,mais composites, résultant des leviers d'organisation précédents.

La logique de cette matrice nous permet donc de mettre en lumière les interdépendances et permet de hiérarchiser le sens de l'action. Ainsi très logiquement le prix est une conséquence de tout le reste, le « Time to market » est une conséquence de l'agilité, elle même conséquence composée de plusieurs facteurs organisationnels comme les circuit-courts ou l'hyper automatisation.

Non-seulement, cette matrice nous permet de consolider nos hypothèses, mais de plus, elle induit l'ordre des actions à mener et les conséquences attendues de chacune d'entre-elles.

a) Variables sensibles / Barrières À l'Entrée (BAE) :

Dans ce groupe nous retrouvons, de la plus motrice à la plus dépendante :

(1) « Time to Market »
(2) La communication
(3) La valeur perçue
(4) Le prix

Comme nous pouvions nous y attendre, le « Time to Market » est LE facteur prépondérant le plus moteur. Plus qu'un facteur clé de succès, c'est une barrière à l'entrée sans laquelle il n'est pas envisageable de prétendre jouer un rôle significatif dans le jeu concurrentiel. Très logiquement c'est la variable sensible la moins dépendante de son groupe. Elle dépend essentiellement de la mise en oeuvre des facteurs clé de succès composites ou variables noeuds qui sont les pivots. La communication est également assez autonome dans le groupe. Même si, bien entendu, elle dépend du « Time to market » qui amplifiera ses effets et sans lequel elle « tombe à l'eau ». La suite nous conduit logiquement vers la valeur perçue. Elle dépend des deux premières à l'intérieur du groupe comme bien entendu de variables pivots (noeuds). In fine le prix apparaît comme la conséquence ultime de toute l'organisation de la supply chain. Ce résultat, plutôt intuitif, est confirmé par nos experts.

b) Variables noeuds / Facteurs Clés de Succès Composites (FCSC) :

Dans ce groupe nous retrouvons, de la plus motrice à la plus dépendante :

(1) L'agilité
(2) La fédération / groupement (+sensible)

L'agilité est la plus motrice de nos deux leviers, avec 52% de sensibilité, elle est néanmoins entre les deux zones (noeuds / motrice). Ce levier apparaît donc comme central pour le Made In France aux yeux de nos experts. Ce résultat est cohérent avec ce que nous avions déduit de l'exemple ZARA qui suggère que la réactivité et la flexibilité sont les éléments clés qui permettent à la marque de répondre aux attentes des clients en fonction de la dernière mode. Ce levier influence directement les variables sensibles qui sont perçues par le client final.Elles-mêmeségalement influencées par le levier Fédération / groupement. Ce dernier est plus sensible encore et un peu moins moteur. Il paraît donc plus difficile ou en tout cas plus long à mettre en place car il est plus dépendant. Il s'agit d'un facteur amplificateur qui peut difficilement exister sans le facteur agilité qui semble un prérequis.

c) Variables motrices / Facteurs Clés de Succès Organisationnels (FSCO) :

Dans ce groupe nous retrouvons de la plus motrice à la moins motrice :

(1) Smart Industrie et Système d'Information
(2) Hyper automatisation
(3) Circuits courts
(4) Ecoconception
(5) Intégration verticale

Nous voici au coeur de notre sujet. Ces cinq variables sont les leviers stratégiques organisationnels qui, selon nous et les experts que nous avons interviewés, peuvent permettre d'accéder et mieux maitriser les facteurs clés de succès composites (agilité puis fédération) pour amplifier le phénomène du Made In France.

Elles sont globalement motrices et peu sensibles. Elles ne dépendent pas d'un autre groupe. Les circuits-courts puis l'écoconception sont dans l'ordre les plus autonomes. L'hyper-automatisation est la variable la plus dépendante de toutes qui ne peut être totalement aboutie sans l'intégration verticale et l'organisation Smart Industrie & SI. Cette dernière est de loin le facteur clé de succès organisationnel le plus moteur.

Néanmoins contrairement aux deux précédents groupes il n'y a pas de logique chronologique évidente bien que les circuits-courts et l'écoconception semblent des prérequis. L'hyper automatisation devient centrale mais les interdépendances deviennent rapidement complexes, ce qui milite en faveur d'une mise en oeuvre de front et un mode de progression par itérations successives.

Cette interdépendance soulève la question épineuse des moyens financiers et de la création de valeur, car en dernière analyse, la question de la faisabilité s'étudie non seulement du point de vue technique mais in fine du point de vue de la rentabilité financière ainsi que des capitaux mobilisables.

d) Variables autonome / sans impacts :

Dans ce groupe nous retrouvons la variable qui n'a pas d'impact pour amplifier le MIF :

Les Tissus High Tech

e) Synthèse des leviers susceptible d'amplifier le phénomène du Made In France par ordre décroissant de sensibilité et croissant de motricité

Tableau 7 : Liste des leviers d'actions ou facteurs favorables à l'amplification du MIF

CONCLUSION GENERALE 

Dans les précédentes parties, nous avons cherché à mieux comprendre le phénomène du Made In France, afin de répondre à la question :« Prêt-à-porter Made In France : Quels facteurs pourraient amplifier la dynamique de relocalisation ? ».

Après avoir resitué le contexte et sa dynamique, nous avons examiné l'environnement, les mécanismes de l'offre et de la demande. Puis, nous avons dressé une liste de leviers possibles, notamment tirés par la demande, que nous avons empiriquement comparés au leader de la fabrication et de la distribution de prêt-à-porter.

En effet, ZARA a mis en place avec succès une organisation que nous devions mieux comprendre, tant elle est capable de produire la dernière mode au meilleur prix sur le modèle agile J-15. Cette compréhension était d'autant plus nécessaire, qu'elle le fait majoritairement dans un pays voisin (l'Espagne) ou à proximité (Portugal, Maroc, ...), ce qui relativise l'argument des pays à bas coûts de MO, et éclaire les similitudes avec le MIF.

En nous inspirant de ce modèle nous avons transposé et optimisé les leviers qui nous semblaient les plus pertinents pour répondre à notre question (en particulier l'agilité). Enfin nous avons confirmé nos hypothèses, consolidées qualitativement auprès d'experts du secteur.

Cette enquête de terrain nous a par ailleurs permis d'établir une cartographie hiérarchisée de chacun de ces facteurs, de les regrouper et d'illustrer leurs interdépendances dans une matrice inspirée de la prospective.

En synthèse, amplifier le phénomène de relocalisation du prêt-à-porter Made In France semble à portée de main et dépend principalement des moyens industriels qui y seront consacrés.

Le noeud de l'enjeu pour relocaliser se situe dans l'agilité, c'est-à-dire le juste à temps imposé par le rythme de la mode (réactivité) et les petites séries pour s'affranchir des ventes soldées et de maximiser les marges (flexibilité). Une éventuelle fédération / regroupement coopératif permettrait d'amplifier le mouvement et donner plus de corps et de puissance afin d'améliorer les effets d'échelle et d'expérience.

Ces deux Facteurs Clés de Succès (agilité et fédération) sont composites. Ils dépendent de Facteurs Clés de Succès Organisationnels. C'est-à-dire de l'organisation de la Supply Chain (Circuits-courts, Intégration verticale, Hyper automatisation,Ecoconception), mais aussi en particulier de la mise en place de moyen de pilotage performant (Smart Industrie & SI).

Ce faisant, il nous semble possible d'enjamber les barrières à l'entrée de ce marché mature hyper concurrentiel, ou l'offre est surabondante et la demande volatile. En effet, le « Time to Market », la communication, la valeur perçue et le prix afin de répondre au mieux aux attentes des consommateurs, pourraient être amplifiés en faveur du MIF. D'autant plus que ces derniers manifestent une appétence de plus en plus prononcée pour le Made in France et que nous semblons évoluer d'une société du marketing de l'offre vers le marketing de la demande.

GLOSSAIRE / LISTE DES ACRONYMES, SIGLES ET ABREVIATIONS

AMF

Accord Multifibres

BAE

Barrière à l'entrée

BCG

Business Consulting Group

BFR

Besoin en Fonds de Roulement

BPI

Banque Publique d'Investissement

CAF

Coûts, Assurance, Fret

CAO

Conception Assistée par Ordinateur

CGET

Commissariat Général á l'Egalité de Territoires

CICE

Crédit d'impôt pour la Compétitivité et l'Emploi

CIR

Crédit d'Impôt Recherche

CPS

Cyber-Physique

CREDOC

Centre de Recherche pour l'Etude et l'Observation des Conditions de Vie

CRM

Customer Relationship Management

DAO

Dessin Assisté par Ordinateur

ERP

Enterprise Resource Planning (progiciel)

FAB

Franco A Bord

FCS

Facteurs Clés de Succès

FCSC

Facteurs Clés de Succès Composite (Noeuds/pivots)

FCSO

Facteurs Clés de Succès Organisationnels

GATT

General Agreement on Tarifs and Trade

GIE

Groupement d'Intérêt Economique

GPAO

Gestion de la Production Assistée par Ordinateur

IBED

Indice de Bien-Etre Durable

IFOP

Institut Français d'Opinion Publique

INSEE

Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques

IoT

Internet des Objets

IPV

Indice de Progrès Véritable

ISO

International Organization for Standardisation

IT

Information Technology

ITF

International Transport Forum

J-15

Jour moins quinze

MES

ManufacturingExecution System

MIF

Made in France

MP

Matière Première

NSP

Ne Sais Pas

OCDE

Organisation de Coopération et de Développement Economique

OFG

Origine France Garantie

OMC

Organisation Mondiale du Commerce

OPC

Open Platform Communication

PED

Pays En Développement

PIB

Produit Intérieur Brut

PLM

Product Lifecycle Management

PME

Petite et Moyenne entreprise

PRI

Prix de Revient Industriel

R&D

Recherche et Développement

RFID

Radio Frequency Identification

RMIT

Royal Melbourne Institute of Technology

RSE

Responsabilité Sociétale des Entreprises

SI

Système d'Information

TFUE

Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne

TTC

Toutes Taxes Comprises

TVA

Taxe sur Valeur Ajoutée

U 4.0

Usine 4.0 / Smart Industrie / Usine du futur

UE

Union Européenne

VAD

Vente À Distance

VPC

Vente Par Correspondance

WIP

Work In Progress

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http://www.les-scop.coop/sites/fr/les-scop/culture-scop/principes-cooperatifs(page consultée le02/01/2017)

* 1 Dominique JACOMET, « Mode, Textile et Mondialisation », p.196-197

* 2Dalila Messaoudi « Le territoire français à l'épreuve de la délocalisation des activités industrielles : le cas du secteurtextile-habillement », p.8

* 3 Dominique Jacomet, « Mode, Textile et Mondialisation », p.75

* 4Dominique JACOMET, « Mode, Textile et Mondialisation », Encadré 0.1 p4 + Cf. nomenclature INSEE Industrie textile, habillement, cuir et chaussure

* 5 http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2014/07/11/arnaud-montebourg-des-paroles-pour-quels-actes_4455655_4355770.html, visitée le 07/11/2016

* 6 http://fashionrevolution.org/country/france/, visitée le 07/11/2016

* 7 « Attitudes des citoyens européens vis-à-vis de l'environnement », Eurobaromètre Spécial 295/Vague 68.2 - TNS Opinion & Social, http://ec.europa.eu/public_opinion/archives/ebs/ebs_295_sum_fr.pdf, visitée le 07/11/2016

* 8 http://www.lemonde.fr/planete/article/2009/02/28/le-monde-de-l-industrie-n-anticipe-pas-assez-la-rarefaction-de-l-eau_1161622_3244.html, visité le 07/11/2016

* 9 http://www.lantenne.com/Les-emissions-de-CO2-du-transport-de-fret-multipliees-par-4-d-ici-2050_a28243.html , visité le 24/08/2016

* 10 http://www.actu-environnement.com/ae/dossiers/logistique-transport-marchandises/impacts-environnementaux-transports-marchandises.php4,visité le 24/08/2016

* 11 Les politiques environnementale et climatique de l'Union européenne, http://www.rpfrance.eu/les-politiques-environnementale-et , visité le 24/08/2016

* 12 Jean François Limantour, Rapport CEDITH, Octobre 2013, p.14

* 13 http://www.zdnet.fr/actualites/chiffres-cles-l-e-commerce-en-france-39381111.htm, visitée le 07/11/2016

* 14 http://www.journaldunet.com/economie/face-a-face/zara-hm/organisation.shtml, visitée le 08/11/2016

* 15 Sondage IFOP « Les français et le Made in France - vague 2 » (31/01/2013)

* 16 https://www.inditex.com/sustainability/suppliers, visitée le 20/12/2016

* 17 http://www.forbes.com/sites/stevedenning/2012/09/20/when-will-us-firms-become-agile-part-2-internal-agility-at-zara/#2f148acb29d6, visitée le 13/11/2016

* 18 http://agriculture.gouv.fr/consommation-manger-local-partout-en-france, visitée le 10/11/2016

* 19 Dominique Jacomet, « Mode, Textile et Mondialisation », p.68

* 20ACI (Alliance Coopérative Internationale) - Manchester, 1995

* 21Bauby P. et al. (2014) Le groupement d'intérêt économique. In : « Management public ». Paris : DUNOD. p.54

* 22 http://www.textilestechniquesenfrance.com/tableau-de-bord-conjoncturel-decembre-2015.html, visitée le 25/10/2016 

* 23 http://www.smartsensing.fr/smart-sensing/, visitée le 25/10/2016

* 24 https://www.kickstarter.com/projects/1932357265/the-best-shirt-ever/description, Source visitée le 29/10/2016






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