CHAPITRE II
NOTIONS FONDAMENTALES SUR LES
PLASMAS
Ce deuxième chapitre sera consacré à
la présentation de quelques notions fondamentales sur la physique des
plasmas et à la définition des caractéristiques
importantes comme la température électronique, la longueur de
Debye [17,18].
2.1 INTRODUCTION:
Les plasmas, qui sont des gaz ionisés, se trouvent au
coeur du fonctionnement d'ITER. Ces gaz qui évoluent en interaction
permanente avec les champs électrique et magnétique, sont
présents partout dans l'univers visible ainsi que dans notre vie
quotidienne et ils manifestent des comportements extrêmement
variés selon les milieux où on les observe. Leur étude a
permis de dégager des lois et des concepts généraux qui
constituent aujourd'hui une spécialité de la physique à
part entière, autour de laquelle s'est développée une
communauté de physiciens des plasmas qui possèdent des
connaissances et des problématiques communes.
Les questions liées à la fusion
magnétique participent à cet ensemble, les observations
expérimentales dans les machines qui ont précédé
ITER (comme le français Tore Supra à Cadarache et
l'européen JET en Angleterre) ayant induit de nombreux progrès
théoriques en physique des plasmas, et toutes les avancées
théoriques dans ce domaine ayant aidé aux progrès de ces
machines.
2.1.1 Définition :
Un plasma est un système statistique formé de
particules chargées et de particules neutres. Avec cette
définition, on comprend que 99% de l'univers est constitué de
plasmas. Sur terre, on peut en créer expérimentalement dans les
laboratoires en ionisant un gaz, par apport de l'énergie afin d'arracher
des électrons aux atomes (ou aux molécules) de gaz et ainsi
obtenir un système d'ions, d'électrons et d'atomes neutres (ou de
molécules).
On dit également parfois que l'état plasma est
le quatrième état de la matière. En effet
considérons un corps à l'état solide. En le chauffant, ce
corps devient tout d'abord liquide, puis se vaporise et passe à
l'état gazeux, et enfin les atomes du gaz s'ionisent et on obtient
l'état plasma.
Chapitre II Notions fondamentales sur les plasmas
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Fig. 2.1 Evolution de l'état de la
matière
L'énergie apportée au milieu gazeux afin de
produire l'allumage du plasma, est sous forme électrique. Elle se
caractérise par une augmentation brutale et importante de la
conductivité du gaz. Cette énergie assure ensuite le maintien de
l'ionisation des atomes et molécules de gaz, qui se recombinent
rapidement à l'intérieur du plasma et sur les parois.
2.2 COMPORTEMENT DU PLASMA :
Au temps des pionniers, alors que la physique des plasmas
était encore une science jeune, il était difficile de
prévoir que des instabilités variées et des
phénomènes de turbulence allaient se révéler
capables de briser de quantités de façons le confinement qu'on
voulait imposer au plasma et compliquer ainsi la tâche des physiciens.
Aux échelles les plus grandes, les plus faciles
à décrire, le plasma se comporte de façon assez similaire
aux gaz ordinaires, à l'exception, bien sûr, de sa réaction
aux champs électromagnétiques. Mais il est également
l'objet de mécanismes plus fins, qui prennent naissance à
très petite échelle et dont on n'a su mener l'étude
à bien qu'assez récemment, grâce en particulier à la
simulation numérique. Celle-ci est en effet aujourd'hui une
réalité familière mais elle n'a atteint la puissance de
calcul suffisante qu'au cours de ces dernières années.
Chapitre II Notions fondamentales sur les plasmas
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A ces échelles, contrairement à ce qu'on
connaît avec les gaz habituels, le comportement collectif du plasma n'est
pas déterminé par les collisions entre particules, et les notions
habituelles telles que température et pression deviennent insuffisantes
pour décrire l'évolution du milieu.
La plupart de ces phénomènes sont maintenant
analysés et compris en détail. Ces progrès ont d'ailleurs
reposé sur les apports croisés entre ces différentes
communautés de chercheurs, tant pour les connaissances que pour les
techniques de modélisation.
2.3 TAUX D'IONISATION :
Les particules chargées jouent un rôle fondamental :
ce sont les électrons à énergie suffisante qui dissocient
et ionisent les atomes ou molécules de gaz, pour former des radicaux et
des ions. Un plasma est donc un ensemble de particules chargées et de
particules neutres, qui bougent aléatoirement dans toutes les
directions, et qui est globalement neutre.
On dit parfois qu'un plasma est un gaz ionisé et l'on
définit alors le taux d'ionisation du plasma á par la relation
:
á = (2.1)
Où représentent la densité
électronique et, la densité de neutres.
Ce taux peut varier dans de grandes proportions, de
10-6 à 10-3 pour les plasmas faiblement
ionisés et de 10-2 à 1 pour les plasmas fortement
ionisés.
Le comportement d'un plasma est totalement différent de
celui d'un gaz (neutre) de par la nature des constituants : des particules
chargées pour un plasma, des particules neutres pour un gaz.
Gaz
|
Plasma
|
Dans un gaz les collisions binaires dominent.
|
Une particule chargée interagit avec
|
Les interactions entre les particules sont des
|
beaucoup d'autre, du fait des interactions
|
interactions à courte portée (forces de Van der
|
coulombiennes. En effet, la force de
|
Waals), qui dérivent d'un potentiel en 1/r7
|
coulomb dérive d'un potentiel en 1/r,
|
La portée p de ces interactions est très
|
ainsi la portée des interactions est très
|
inférieure à la distance moyenne d entre
|
supérieure à la distance moyenne d entre
|
particules
|
particules
|
p«d
|
p»d
les effets collectifs dominent
|
Chapitre II Notions fondamentales sur les plasmas
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2.4 TEMPERATURE ELECTRONIQUE :
Dans l'étude des plasmas, on utilise constamment la
notion de température électronique, de température ionique
ou de température de neutres. Il est donc indispensable de
connaître la signification physique de ces termes [17].
Avant d'aborder le cas du plasma, on considère celui
d'un gaz à l'équilibre thermodynamique : les particules
constituantes s'agitent dans toutes les directions et la distribution la plus
probable des vitesses est la distribution maxwellienne. Pour simplifier, on
traite d'abord le cas où les particules bougent dans une seule
direction. La distribution maxwellienne à une seule dimension
s'écrit :
(2.2)
Avec : énergie cinétique des particules de
vitesse
n? f ( u )
du
: Constante de Boltzmann
m 1
2 ? B
k T
: représente le nombre de particules par m3
ayant une vitesse comprise
entre et .
Sur la fonction de distribution, on constate que la valeur
moyenne de la vitesse est nulle, ce qui traduit en fait que les particules
n'ont pas de vitesse dirigée.
La densité, ou nombre de particules par m3,
est obtenue en intégrant la fonction de distribution sur toutes les
vitesses possible :
A ? n ( ) 2
??
?
(2.3)
?
?
La constante A est reliée à la densité n par
la relation suivante :
(2.4)
La largeur de la fonction de distribution est liée au
paramètre T, que nous appelons la température. Pour comprendre la
signification exacte de T, on peut estimer l'énergie cinétique
moyenne des particules avec une telle distribution :
(2.5)
??
Emoy
J
?
?
? ?
J
(u)du
f
?
?
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Chapitre II Notions fondamentales sur les plasmas
On obtient alors la valeur de en fonction de T
(2.6)
Ainsi l'énergie cinétique moyenne est égale
à (dans un problème unidimensionnel).
On définit alors la vitesse (d'agitation) thermique vth
par :
(2.7)
Dans le cas général d'un problème
tridimensionnel, la distribution maxwellienne s'écrit :
(2.8)
Avec
L'énergie cinétique moyenne est alors égale
à .
Le résultat général est que l'énergie
cinétique moyenne est égale à par degré de
liberté.
On constate ainsi que T et sont liées.
Dans un plasma, les particules constituantes sont les
électrons, les ions et les atomes (ou molécules) de gaz et on
distingue généralement plusieurs températures [19]. Dans
les décharges à basse pression (<10-1 torr) qui
nous intéressent les électrons ne sont presque jamais en
équilibre thermodynamique avec les ions et les atomes (ou
molécules) du gaz, beaucoup plus lourds.
En effet, ces décharges sont alimentées par une
source d'énergie électrique et la puissance appliquée
chauffe essentiellement les électrons, beaucoup plus mobiles que les
ions, qui eux échangent de l'énergie avec les atomes (ou
molécules) de gaz. Les ions et les électrons ont donc des
températures Ti et Te différentes, avec Te
beaucoup plus élevée que Ti , qui est sensiblement égale
à celle des neutres (300 K) [les ions et les électrons sont
à l'équilibre thermodynamique (Ti =Te ) uniquement
dans les plasmas de fusion et les plasmas interstellaires, et parfois dans les
torches à plasma, dits plasmas thermiques].
Chapitre II Notions fondamentales sur les plasmas
En physique des plasmas, on exprime très
fréquemment les températures en unités
d'énergie.
Pour convertir un électron-volt en Kelvin, on utilise, par
convention, la valeur de (plutôt
que ). Ainsi le facteur de conversion est égal à
:
1 eV= 11600 K
Quand on parle, par exemple, d'une température
électronique de 2eV, ceci signifie que
=2 eV et que = 3 eV (dans un problème 3D). Typiquement, la
température
électronique d'un plasma basse pression est comprise entre
2 et 5eV.
? ?
D
k T
B e
fl e
2.5 LONGUEUR DE DEBYE :
Nous avons rappelé précédemment que, dans
un plasma, les interactions collectives
dominent. Mais les forces s'exerçant entre les particules
chargées du plasma ne dérivent pas
strictement du potentiel coulombien. En effet, on montre que la
répartition de potentiel autour
d'une charge q0 dans un plasma est donnée par :
(2.9)
Avec : la longueur de Debye
L'expression de est la suivante :
(2.10)
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Avec : température électronique,
: densité électronique,
: constante de Boltzmann.
On peut interpréter ce potentiel de la manière
suivante : la particule de charge q0 perturbe le plasma globalement neutre. Des
particules de charges opposées à q0 sont alors attirées
vers la charge et forment un écran autour de celle-ci, de façon
à assurer l'équilibre du plasma. Ainsi sur une épaisseur
de quelques XD autour de la charge q0 (sphère de Debye),
l'électro neutralité n'est plus respectée. Elle l'est par
contre à l'extérieur de cette sphère, ou les effets
collectifs dominent.
Chapitre II Notions fondamentales sur les plasmas
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Une première conséquence de ce potentiel «
écranté » est que les dimensions d'une enceinte à
plasma doivent être bien plus grande que la longueur de Debye XD .Ceci
est toujours vérifié dans les plasmas denses de laboratoire, pour
lesquels XD est de l'ordre du millimètre.
Par exemple, pour un plasma de densité 1010
cm-3 et de température électronique 3eV, la longueur
de Debye est égale à 130 ìm.
2.6 LA GAINE :
Les plasmas de décharge sont par définition
créer dans des enceintes fermées. Les parois du réacteur
représentent donc des surfaces, qui sont en contact avec le milieu
plasma .Il
existe entre le plasma, milieu globalement neutre ( ), et les
parois, une distribution
de charges et de potentiel représenté dans le
schéma suivant.
Fig. 2.2 Présentation de la gaine
à l'intérieur d'une paroi de réacteur
On observe une région chargée positivement, que
l'on appelle gaine. Elle permet d'assurer la continuité du potentiel
électrique et de la densité.
La différence de potentiel dans la gaine repousse les
électrons les moins énergétiques et attirent les ions de
manière à égaler les flux globaux d'ions et
d'électrons aux parois. Ainsi le coeur du plasma reste globalement
neutre (Fig.2.2).
Chapitre II Notions fondamentales sur les plasmas
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Chapitre II Notions fondamentales sur les plasmas
Cette zone découle du fait de la différence de
mobilité entre les électrons et les ions. Cette différence
de mobilité entraîne une perte initiale des électrons plus
grande que celle des ions au niveau de la paroi. Ainsi le plasma se charge
à un potentiel plus élevé que les parois (le potentiel
plasma), créant ainsi une zone chargée aux abords des parois
qu'on nommera la gaine.
o Le potentiel plasma Vp
Un plasma de laboratoire est un milieu qui est à un
potentiel positif Vp par rapport à la masse, qui est en
général l'enceinte du réacteur. En effet, les
électrons, dont la mobilité est beaucoup plus
élevée que celle des ions, ont tendance à partir sur les
parois. C'est pour maintenir l'équilibre du plasma que le potentiel
plasma Vp est supérieur au potentiel des parois du
réacteur.
Dans le cas où la paroi est isolée
électriquement, elle se charge à un potentiel négatif par
rapport au plasma, potentiel que l'on appelle le potentiel flottant. La
différence entre le potentiel flottant et le potentiel plasma est telle
que les flux d'électrons et d'ions s'égalisent.
o Le potentiel flottant Vf
Le potentiel flottant Vf est le potentiel que prend un corps
isolé dans le plasma. Il correspond à l'égalité du
flux d'ions positifs et du flux d'électrons collectés par la
sonde. Ce potentiel est inférieur au potentiel plasma Vp pour
attirer les ions et repousser les électrons de plus forte
mobilité.
En effet, l'enceinte du réacteur est
généralement reliée à la terre et sert de
référence des potentiels (V=0), tandis que le milieu plasma est
un potentiel positif Vp par rapport à cette
référence, appelé potentiel plasma. Vp est
toujours positif par rapport au potentiel des parois, car cela permet de
confiner la majorité des électrons à l'intérieur du
réacteur.
Si le potentiel électrique était constant dans
le réacteur, les électrons, étant beaucoup plus rapides
que les ions, auraient tendance à quitter le plasma pour s'accumuler sur
les parois. Puis rapidement, des ions sont attirés et une fine
région de charge d'espace positive se forme devant ces parois.
Dans cette gaine la densité d'électrons chute
beaucoup plus vite que la densité d'ions (positifs). Il s'en suit un
gradient de potentiel entre le plasma et les parois, qui agit comme un puits de
confinement pour les électrons ( et les ions négatifs ) et seuls
les électrons ayant une énergie cinétique
supérieure à eVp pourront quitter le plasma et
atteindre les parois.
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La gaine permet donc de conserver l'état plasma en
maintenant des électrons dans le réacteur, mais elle assure aussi
des flux égaux d'ions et d'électrons sur les parois.
2.7 CONCLUSION :
Des paramètres fondamentaux de physique des plasmas
ont été définis, comme la température
électronique, la longueur de Debye.
Des notions sur des plasmas dits chauds (par opposition aux
plasmas froids); plasmas presque totalement ionisés avec des
densités et des températures très élevées;
sont données. Ce type de plasmas crées par l'homme sont produits
essentiellement dans des tokamaks, puissante machine de confinement
magnétique où des réactions de fusion nucléaire
peuvent être obtenues. Nous avons parlé brièvement du
comportement imprévisible du plasma en soulignant la grosse tâche
à mettre en oeuvre par des physiciens pour arriver à la fusion
contrôlée qui serait une nouvelle méthode de production
d'énergie.
Des notions propres aux plasmas de décharge ont
été également présentées, comme le potentiel
plasma, le potentiel flottant et les gaines de charge espace.
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