Chapitre I
Le Grand cartulaire de l'évêché de
Laon : aspects codicologiques et paléographiques
De nos jours, le livre médiéval est
étudié comme un véritable objet archéologique, un
objet d'étude à part entière, indépendant de la
pensée et du texte dont il est le support. En effet, s'intéresser
à la genèse d'un manuscrit, aux modalités ayant
amené à sa confection, ainsi qu'aux divers constituants qui
composent le codex, permet souvent de mieux appréhender le
contexte qui l'entoure, un manuscrit s'apparentant à un précieux
témoin matériel de la période qui l'a vu naître.
Dès lors, l'analyse codicologique du Grand cartulaire
de l'évêché de Laon - couplée à une analyse
comparative des spécificités paléographiques
présentes dans le cartulaire - nous permettra de révéler
et d'interpréter les conditions de la production originelle du
manuscrit, l'archéologie du livre permettant de constater des faits
matériels et ainsi de vérifier des indices que des yeux
non-avertis ne sauraient voir, l'histoire achevant ce processus en tentant de
proposer une explication de ces faits et de ces indices, ce qui sera le cas
dans la seconde partie de notre étude.
C'est donc après avoir étudié les
différentes composantes de la composition matérielle du
cartulaire que nous tenterons d'en dégager une structure interne,
à l'aide notamment des indices codicologiques et paléographiques
repérés au fil de l'analyse.
* *
*
56
Composition matérielle
Le G 2 est un registre in-folio composé d'une
table des matières, formée de quatre feuillets de parchemin, puis
d'une succession de 16 cahiers* - bien que la reliure moderne constitue un
frein quant à l'identification certaine de certains de ces cahiers -
regroupant 118 feuillets* sur lesquels sont transcrites 276 chartes, dont
certaines en double voire en triple exemplaires. Dans ces 276 chartes, 242 sont
rédigées en latin, tandis que les 34 restantes le sont en
français.
État général du
cartulaire
La reliure du cartulaire, en matière boisée, est
une conception moderne, l'état des feuillets situés au
début et à la fin du codex laissant indiquer qu'une
telle reliure était inexistante auparavant, ou en tout cas ne
protégeait pas assez le document. En effet, le tout premier feuillet est
fendu de manière verticale dans sa moitié, puis les trois autres
feuillets complétant la table des matières sont endommagés
de l'ordre d'1/8e du document à chaque coin inférieur,
tandis que les cinq suivants - contenant les premiers actes du cartulaire -
n'apparaissent que faiblement endommagés, avec notamment un trou qui
s'estompe peu à peu au fil des feuillets (f° 5 à 9). Du
reste, tout au long du cartulaire, les feuillets apparaissent dans leur
intégralité et dans un bon état de conservation, mis
à part deux d'entre eux, dont une partie a été
amputée, peut-être pour récupérer des bouts de
parchemin vierge (f° 76 et 94). Les trois derniers feuillets du cartulaire
(f° 115 à 118), quant à eux connaissent une
détérioration importante (encre effacée, noirceurs, pages
fendues, trous...).
L'agencement des cahiers
Si la délimitation de certains cahiers se fait
aisément, grâce notamment à la présence de
réclames*, d'autres en revanche ne bénéficient pas d'un
tel système de repérage et la reliure moderne représente
parfois un frein quant à une délimitation nette et précise
d'un cahier. Néanmoins, l'observation minutieuse et patiente des indices
matériels d'agencement des cahiers m'a amené à
l'établissement d'un tableau récapitulatif, qui m'est possible de
certifier de manière quasi-certaine (cf tableau ci-dessous).
57
Cahier
|
Type de cahier
|
Actes
|
Feuillets
|
|
|
|
|
1
|
Quaternion*
|
1 à 10
|
I à VIII
|
2
|
Quaternion
|
10 (suite) à 28
|
IX à XVI
|
3
|
Quaternion
|
28 (suite) à 59
|
XVII à XXIV
|
4
|
Quaternion
|
60 à 93
|
XXV à XXXII
|
5
|
Quaternion
|
93 (suite) à 115
|
XXXIII à XL
|
6
|
Quaternion
|
115 (suite) à 135
|
XLI à XLVIII
|
7
|
Quaternion
|
135 (suite) à 158
|
XLIX à LVI
|
8
|
Quaternion
|
158 (suite) à 179
|
LVII à LXIIII
|
9
|
Binion*
|
179 (suite) à 188
|
LXV à LXVIII
|
10
|
Binion
|
189 à 194
|
LXIX à LXXII
|
11
|
Binion
|
195 à 207
|
LXXIII à LXXVI
|
12
|
Binion
|
207 (suite) à 212
|
LXXVII à LXXX
|
13
|
Quinion*
|
213 à 228
|
LXXXI à LXXXIII + Excroissance 88 à
94 (foliotation contemporaine en chiffre arabe)
|
14
|
Quaternion
|
229 à 237
|
LXXXIIII à LXLI
|
15
|
Quaternion
|
237 (suite) à 255
|
LXLII à IC
|
16
|
Quaternion
|
255 (suite) à fin
|
C à CVII
|
Tableau 1 : Tableau synthétique de la
répartition des actes présents dans le cartulaire par
feuillets et par cahiers
Dès lors, on remarque que la composition des cahiers
(cf annexe n°1) apporte un indice quant aux différentes
phases d'élaboration du cartulaire. En effet, il est possible de noter
une continuité entre les neuf premiers cahiers, assemblés en
quaternions jusqu'au neuvième cahier, un binion, comme pour marquer
l'arrêt d'une phase de compilation, le reste des informations à
compiler ne nécessitant certainement pas l'élaboration d'un
nouveau quaternion.
Puis, la succession de trois binions est un possible
révélateur de phases de compilation occasionnelles
répondant à un intérêt circonstanciel.
Néanmoins, il est important de préciser la discontinuité
entre le cahier 10 et les deux suivant, du fait que le dernier acte retranscrit
à la fin du cahier 10 n'empiète pas sur le cahier suivant,
contrairement aux cahiers 11 et 12, où l'acte 207 marque une certaine
forme d'articulation entre les deux cahiers.
58
Vient ensuite le cas du cahier 13, véritable exception
au sein du cartulaire du fait de sa composition en quinion. Or, cette
composition particulière n'est pas la seule caractéristique qui
distingue ce cahier : la foliotation, l'épaisseur du parchemin - plus
fin -, la mise en page et le type d'écriture sont effectivement autant
de facteurs qui le singularisent du reste du manuscrit. Mais une analyse plus
approfondie sera effectuée dans le chapitre suivant.
Ce qui nous amène à l'observation des trois
derniers cahiers du cartulaire, marqués par une continuité
matérielle - ce sont tous trois des quaternions, comme les neuf premiers
cahiers - et séquentielle - les actes pivots se prolongent d'un cahier
à l'autre. De ce fait, il nous est possible d'aboutir aux mêmes
conclusions que pour l'agencement des neuf premiers cahiers : les cahiers 14
à 16 sont le support d'une nouvelle phase de compilation,
linéaire et homogène.
Foliotation
Il existe tout d'abord une foliotation moderne en chiffres
arabes, numérotant le cartulaire de manière continue du premier
feuillet, en partant de la table des matières, jusqu'au dernier feuillet
du manuscrit, et ce au recto de chaque feuillet. Ainsi, c'est cette
numérotation qui nous permet d'affirmer le nombre total de feuillets
présents au sein du cartulaire, table des matières comprise.
Dans le même temps, il existe une numérotation en
chiffres romains, contemporaine du manuscrit et à l'encre rouge des
feuillets I à LXX (f° 5 à 74 en numérotation moderne)
- hors table des matières, qui ne dispose pas de numérotation en
chiffre romain, ce qui nous amènera dans le chapitre suivant à
nous interroger sur son appartenance initiale ou non au cartulaire -, puis
à l'encre noire des feuillets LXXI à CVIII (f° 75 à
118).
Néanmoins, une anomalie s'insère dans la
numérotation des feuillets au sein du cahier 13, pour lequel une
numérotation en chiffres arabes, potentiellement contemporaine à
la phase de rédaction, poursuit la numérotation
précédente en chiffre romains, mais entre en décalage avec
le feuillet qui marque le retour de la numérotation en chiffres romains,
et ne correspond pas à l'ordonnancement séquentiel des autres
feuillets (cf annexe n°1). Clairement, cette discontinuité
apparaît entre les feuillets LXXXIII (f° 87) et LXXXIV (f° 95),
et concerne un ensemble de 7 feuillets, c'est-à-dire qu'il existe une
béance numérique des feuillets 88 à 94.
Or, nous le verrons par la suite, ce cahier apparaît
comme le plus récent, du fait qu'il contient les seules chartes
datées de 1320, date extrême du cartulaire. Qu'en est-il alors ?
Qu'est-ce que cela peut nous apprendre sur les logiques de rédaction
ayant régi la cartularisation ? Ceci nous amène-t-il à
concevoir la cartularisation comme autant d'étapes de rédactions
indépendantes les unes des autres, c'est-à-dire comme un
projet
59
toujours dynamique valorisant l'accumulation quantitative
plutôt que l'ordonnancement qualitatif ?
Dimensions et mises en page
Si l'on se réfère aux dimensions globales du G
2, celui-ci mesure 304 mm de hauteur pour une largeur équivalente
à 205 mm. C'est ainsi que ce manuscrit a été
qualifié de « Grand » cartulaire de
l'évêché de Laon, en comparaison au « Petit »
cartulaire de l'évêché de Laon qui, lui, ne mesure que 260
x 180 mm. Or, la question de la taille d'un manuscrit peut apparaître
comme primordiale dans l'étude de son insertion au sein d'un mode de
pensées et de représentations. En effet, il serait possible
d'imaginer, dans une société où le coût des
matières premières pour un objet d'un tel acabit demeure
relativement élevé, que la confection d'un manuscrit de cette
sorte, matériellement plus imposant que le premier, transcrive une
expansion symbolique de la capacité d'action du commanditaire.
Néanmoins, cette interprétation reste hypothétique et
cette représentation symbolique liée à la taille du
cartulaire n'a peut-être jamais été envisagée par
l'institution épiscopale.
Quoi qu'il en soit, un autre élément
métrique du cartulaire mérite une attention toute
particulière : la mise en page des feuillets. En effet, la mise en page,
si elle évolue tout au long du manuscrit, est révélatrice
de phases de rédaction successives, car la réglure est
généralement un travail préliminaire à celui de la
copie.
Or, pour ce faire, nous avons répertoriés dans
un tableau synthétique les différentes dimensions des
réglures et mises en page présentes au sein du cartulaire selon
le modèle présenté ci-dessous :
60
Intercolonne
Marge de tête
|
Colonne
|
|
Colonne
|
|
|
|
Marge de
petit fond
|
|
|
Interligne
|
|
Marge de
gouttière
|
Hauteur de page
|
|
|
|
Marge de pied
|
|
|
|
|
|
61
Feuillets
|
Marge
|
Marge
|
Marge
|
Hauteur
|
Colonnes
|
Intercolonne
|
Interligne
|
Nombre
|
de tête
|
de pied
|
de
gouttière
|
de page
|
de lignes
|
|
(en mm)
|
(en mm)
|
(en mm)
|
(en mm)
|
(en mm)
|
(en mm)
|
(en mm)
|
|
I r° - LXIV v°
|
23
|
52,5
|
34 à 40
|
225
|
69
|
12,5
|
5
|
42
|
LXV r°
- LXVII v°
|
idem
|
35
|
idem
|
245
|
idem
|
idem
|
idem
|
40 - 42
|
LXVIII r°-v°
|
20
|
52
|
35
|
235
|
152,5
|
0
|
0
|
40
|
LXIX r° - LXX v°
|
14
|
55
|
40
|
232
|
69
|
13
|
5
|
40
|
LXXI r°-v°
|
16
|
55
|
38,5
|
230
|
148
|
0
|
idem
|
40
|
LXXII
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
8
|
LXXIII r°
- LXXX r°
|
15
|
55
|
42,5
|
227
|
70
|
12,5
|
5
|
39-40
|
LXXXI r°
- LXXXIII v°
|
23
|
50
|
35
|
230
|
69
|
13
|
5
|
39
|
84 r° - 94 v°
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
23-32
|
LXXXIV r°
- CVII v°
|
25
|
52,5
|
41
|
223
|
69
|
13
|
5
|
38-39
|
Tableau 2 : Tableau récapitulatif des
dimensions des différentes mises en page du
cartulaire
Ainsi, ce tableau récapitulatif des différentes
dimensions de mise en page visibles dans le cartulaire révèle la
discontinuité matérielle, matrice d'une discontinuité
intellectuelle, c'est-à-dire que le choix d'une disposition implique des
répercussions quant à la réception d'une transcription.
Par exemple, la création préalable d'une mise en page nette et
précise donnera nécessairement plus de crédit à une
information, contrairement à une transcription à main
levée, sans points d'ancrage. Dès lors, tout ceci nous
amène à réfléchir sur l'importance du paratextuel
dans le processus d'écriture, l'écrit apparaissant comme un
procédé quasi-ritualisé, avec tous ses principes
organisateurs qui tendent à crédibiliser l'information.
C'est pourquoi, mise à part le feuillet LXXII qui ne
correspond qu'à la retranscription sauvage que d'un seul acte - l'acte
194 -, il semble utile de s'interroger sur l'insertion primitive ou non du
cahier 13, support des feuillets LXXXI à 94, car même si les trois
premiers feuillets du cahiers disposent d'une mise en page relativement
régulière, les feuillets suivants, quant à eux, sont
caractérisés par leur absence d'organisation structurelle. A
contrario, les fluctuations de réglure tout au long du cartulaire
est un possible révélateur des différente phases
d'élaboration du manuscrit, à rapprocher notamment des
évolutions paléographiques qu'il est possible de repérer.
Or, tous ces éléments sont autant d'indices quant à
l'identification et la démarcation d'une structure interne au Grand
cartulaire de l'évêché de Laon.
62
Structure interne
Etat des lieux
Les dates les plus extrêmes qu'il est possible de
repérer lors de l'identification des phases d'écriture nous
permet d'affirmer que l'entreprise d'élaboration de ce cartulaire a
débuté lors du dernier quart du XIIIe siècle,
pour s'achever dans le premier quart du XIVe. Ce codex est
donc le fruit d'un processus de près de 50 ans de sélection et de
recopiage des actes, dont le plus ancien date de 1125 et le plus récent
de 1320, soit un éventail chronologique de presque deux
siècles.
Toutefois, il reste difficile de définir et de
repérer l'ordre suivi dans le cartulaire - si tant est qu'il y en est
un. En effet, la discontinuité chronologique et géographique des
actes ne nous laisse pas à penser à un type de classement de cet
ordre. Néanmoins, il nous est possible de distinguer quelques
unités cohérentes au sein du codex, unités
d'ordre thématique (notamment lorsqu'il est question de la vente d'un ou
de plusieurs biens) ou patronymique (succession d'actes concernant un individu,
une institution). Dès lors, ces unités, bien que ne formant pas
de réels « dossiers » distincts de l'ensemble du corpus
textuel, peuvent s'apparenter à une volonté du scribe de
constituer des ensembles cohérents, enchâssés dans la
discontinuité apparente des chartes entre elles.
De ce fait, l'une des principales étapes de notre
étude serait alors de tenter de mettre à jour les logiques
d'ordonnancement présentes dans le cartulaire et de conjecturer sur les
procédés d'agencement ayant mené à la
cartularisation. Néanmoins, en l'absence de documents certifiant ou non
de telles hypothèses, celles-ci ne sauraient avoir valeur
d'irréfutabilité.
Hypothèses d'agencement
Comme nous venons de le montrer, l'établissement de
dossiers au sein du cartulaire n'est pas clairement mis en évidence, ces
derniers - lorsqu'ils existent - étant insérés dans le
corps du texte, sans réelle démarcation codicologique. Mais cela
signifie-t-il que la cartularisation ait pu être le fruit d'un
ordonnancement anarchique des actes entre eux ? La présence de la table
des matières, symbole d'une certaine rationalité intellectuelle,
nous amènerait à penser que non. Toutefois, le rôle de
cette table des matières dans le processus de cartularisation demeure
relativement flou. En effet, fut-elle rédigée puis
complétée avant les phases de rédaction, en tant que
dispositif préalable à une rédaction ordonnée et
rationalisée, ou le fut-elle au contraire a posteriori,
considérée alors comme un simple outil de repérage des
actes au fur et à mesure de leur
63
transcription ? Une tentative de réponse sera
apportée au chapitre suivant.
L'une des premières hypothèses qu'il nous est
possible de lever serait que la cartularisation aurait été
conditionnée par le chartrier. Dans cette perspective, le cartulaire
serait à percevoir avant tout comme un registre archivistique
destiné à rendre compte des fonds présents dans le
chartrier. Or, s'il en était ainsi, pourquoi certains actes du G1 n'ont
pas trouvé leur place au sein du G2, tandis que d'autres oui ? Il nous
est donc permis d'affirmer que la cartularisation ne s'assimile pas à
une compilation exhaustive des actes du chartrier. Mais cela annihile-t-il
l'hypothèse d'un réagencement partiel des archives
épiscopales, auquel le cartulaire serait associé dans une
perspective complémentaire de référencement archivistique
?
En effet, il est tout à fait probable que
l'élaboration du cartulaire ait été le fruit d'une
volonté de l'institution épiscopale d'accompagner une mise en
ordre partielle des archives, parallèlement au versement d'archives
familiales à caractère privé, selon le modèle des
munimina96. Dès lors, le cartulaire
apparaîtrait comme le résultat d'une synchronisation archivistique
destinée à favoriser la consultation du chartrier. Toutefois, une
telle conjecture connaît certaines limites face aux
spécificités structurelles du cartulaire, à savoir la
double, voire triple, transcription de certains actes. Assurément, la
cartularisation ne semble pas provenir d'un processus de reclassement
archivistique, mais plutôt d'une volonté de compiler des actes
précis, suivant leur emplacement dans le chartrier ou non, à des
fins rationnelles et pragmatiques.
C'est en tout cas la troisième et dernière
hypothèse d'agencement qu'il nous est possible d'avancer - la plus
crédible à vrai dire -, à savoir que le cartulaire se base
sur un classement qui lui est propre, bien qu'il puisse s'appuyer partiellement
sur celui du Petit cartulaire de l'évêché de Laon. Mais
alors, selon quelles logiques les actes ont-ils été
sélectionnés ? Existe-t-il une homogénéité
globale quant aux actes retranscris ou serions-nous en présence d'un
agglomérat de logiques de rédactions, comme le laissent à
supposer les différentes phases d'écriture qu'il est possible de
mettre à jour ?
Identification des phases
d'écriture
Le Grand cartulaire n'est pas le résultat d'une phase
unique de compilation, mais est au contraire le fruit d'une succession de
phases de rédaction (cf annexe n° 4),
échelonnées sur près de 40 ans. En effet, si l'on
répertorie les occurrences chronologiques de chaque cahier, il nous est
possible d'estimer les dates auxquelles ont été
rédigés les
96 BELMON Jérôme, «" In
conscribendis donationibus hic ordo servandus est..." : l'écriture des
actes de la pratique en Languedoc et en Toulousain (IXe-Xe
siècle)», in ZIMMERMANN Michel (dir.), Auctor et auctoritas.
Invention et conformisme dans l'écriture médiévale,
Actes du colloque tenu à l'Université de
Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines, 14-16 juin 1999, Paris, École des
Chartes (« Mémoires et documents de l'École des chartes
» 59), 2001, p. 290
64
actes, une phase d'écriture ne pouvant avoir
débuté en-deçà de la date la plus récente
repérée. Ainsi, lorsqu'on projette les résultats obtenus
dans un tableur de type Excel, il est possible d'obtenir un histogramme en 3D
synthétisant graphiquement les occurrences chronologiques
présentes dans le cartulaire, cahier par cahier97, comme
ci-joint :
Figure 1 : Histogramme répertoriant les
occurrences chronologiques par cahier
97 Cette méthode s'inspire des travaux
présents dans le mémoire de Master 2 de Dany ROLLET : Comprendre
l'organisation et les enjeux d'une manuscrit de gestion par son étude
codicologique et économique. L'exemple du Liber Sancti Trudonis,
rédigé sous l'abbatiat de Guillaume de Ryckel (1249-1272),
mémoire de Master 2, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne,
septembre 2013.
65
Dès lors, il est possible de s'apercevoir que certains
cahiers, par leurs occurrences chronologiques, forment des unités
cohérentes, qui demeurent perceptibles grâce à la
visualisation de certaines ruptures codicologiques. Ainsi, le graphique
ci-dessus met en évidence 4 de ces unités cohérentes :
1° La première s'échelonne du
1er au 7e cahier et se caractérise par un
étalement significatif des occurrences chronologiques tout au long des
cahiers ;
2° La deuxième correspond aux cahiers 8 à
12, marqués par un nombre restreint d'actes - leur format en binion y
est pour beaucoup - et une fourchette chronologique relativement
concentrée ;
3° La troisième, quant à elle, restreinte
au cahier 13, se distingue par la concentration exceptionnelle d'actes datant
de 1320, date la plus récente qu'il est possible de repérer dans
le cartulaire ;
4° La quatrième, enfin, qui conserve une certaine
homogénéité chronologique et qui concerne les trois
derniers cahiers du cartulaire.
Néanmoins, il ne s'agit ici que d'observations d'ordre
codicologique, qui tendront à être confirmées ou
nuancées par l'étude des caractéristiques
paléographiques du cartulaire, dont il sera question dans le chapitre
qui suit. Car, en effet, une identification plus aboutie des phases
d'écriture ne peut se faire qu'en analysant plus en détail les
différentes ruptures paléographiques qu'il est possible de mettre
en évidence tout au long du manuscrit, dont la construction
reflète d'un usage pragmatique et rationalisé de
l'écrit.
66
|