4. Effets des incendies sur la minéralisation de
l'azote dans le sol 4.1. Incubation anaérobie
Le Tableau 11 et la Figure 9
présentent les quantités de N-NH4 +
minéralisées après 1, 2, 3 et 4 semaines. La
quantité de N minéralisée après la première
semaine d'incubation variait de 24,36 mg/kg soit 1,71 % de N total (site IV)
à 49,65 mg/kg soit 1,05% de N total (site I). Concernant les sites
témoins correspondants, N-NH4 + variait de 9,94 mg/kg (0,72 % de N
total) sous le site III à 21,89 mg/kg (0,75 % de N total) sous le site
I. À la fin de la période d'incubation (4 semaines) la
quantité de N-NH4+ minéralisé avait
augmenté considérablement dans l'ensemble des sites variant de
36,73 mg/kg (2,58 % de N total) sous le site IV à 118,21 mg/kg (2,50 %
de N total) sous le site I. C'est une évolution qui a été
également observée au niveau des sites témoins avec les
quantités de N-NH4+ sous les mêmes sites se situant
entre 18,99 mg/kg et 61,83 mg/kg soit respectivement 1,73 % et 2,12 % de N
total.
La variabilité à l'intérieur des sites
était faible (site IV) à importante (site II), avec les
écarts-types allant de 4,53 mg/kg (soit 14,64% de variation) à
29,28 mg/kg (soit 77% de variation) respectivement sous ces sites
(Tableau 11). Le feu semble avoir eu d'effets
71
importants sur cette variabilité telle montrée
par l'augmentation des écarts-types dans l'ensemble des sites
d'étude. Sauf pour la première semaine, l'effet du site sur les
quantités de N-NH4+ était hautement (p < 0,01)
à très hautement significatif (p < 0,001) le long de la
période d'incubation (Annexe 2.1). Cela était
attendu, même pour les sites caractérisés par la même
espèce dominante, et il est attribué au fait que la
minéralisation de N dans le sol est régie par différents
facteurs variant d'un site à l'autre, y compris
72
Tableau 11 : Les résultats
(minéralisation nette de N-NH4 +) de l'incubation anaérobie
après les 1ère, 2ème, 3ème et
4ème semaines.
Sites
|
Ntot
(mgkg-1)
|
1ère Semaine
|
2ème Semaine
|
3ème Semaine
|
4ème Semaine
|
Nmin1 (mgkg-1)
|
Nmin1/Ntot
(%)
|
Nmin2 (mgkg-1)
|
Nmin2/Ntot
(%)
|
Nmin3 (mgkg-1)
|
Nmin3/Ntot
(%)
|
Nmin4 (mgkg-1)
|
Nmin4/Ntot
(%)
|
I
|
4737,58 #177; 1760,16
|
49,65 #177; 26,51 a
|
1,05
|
81,76 #177; 25,78 a
|
1,73
|
105,05 #177; 13,54 b
|
2,22
|
118,21 #177; 29,60 b
|
2,50
|
|
(2921,40 #177; 1026,06)
|
(21,89 #177; 8,55 a)
|
(0,75)
|
(44,75 #177; 3,52 c)
|
(1,53)
|
(53,25 #177; 25,09 b)
|
(1,82)
|
(61,83 #177; 34,73 a)
|
(2,12)
|
II
|
1467,17 #177; 422,52
|
37,47 #177; 24,91 a
|
2,55
|
37,94 #177; 29,28 a
|
2,59
|
47,37 #177; 26,73 a
|
3,23
|
50,21 #177; 22,15 a
|
3,42
|
|
(1982,10 #177; 1195,03)
|
(21,79 #177; 15,64 a)
|
(1,10)
|
(31,17 #177; 10,40 bc)
|
(1,57)
|
(43,31 #177; 11,11 ab)
|
(2,18)
|
(42,19 #177; 12,41 a)
|
(2,13)
|
III
|
2375,10 #177; 363,31
|
48,35 #177; 21,20 a
|
2,04
|
53,25 #177; 19,07 a
|
2,24
|
63,42 #177; 23,07 ab
|
2,67
|
75,97 #177; 29,47 ab
|
3,20
|
|
(1376,31 #177; 105,38)
|
(9,94 #177; 2,66 a)
|
(0,72)
|
(12,04 #177; 5,33 a)
|
(0,87)
|
(15,12 #177; 7,43 a)
|
(1,10)
|
(21,98 #177; 4,31 a)
|
(1,60)
|
IV
|
1421,00 #177; 42,65
|
24,36 #177; 11,77 a
|
1,71
|
26,18 #177; 4,53 a
|
1,84
|
30,94 #177; 4,53 a
|
2,18
|
36,73 #177; 7,73 a
|
2,58
|
|
(1094,80 #177; 447,87)
|
(16,80 #177; 9,08 a)
|
(1,53)
|
(13,35 #177; 6,95 ab)
|
(1,22)
|
(17,41 #177; 6,55 ab)
|
(1,59)
|
(18,99 #177; 9,48 a)
|
(1,73)
|
NB : x #177; écart type ; Les valeurs
entre parenthèses représentent les données des sites
témoins correspondant à chacun des sites incendiés alors
que les valeurs désignées par la même lettre ne sont pas
significativement différents les uns des autres parmi les quatre sites
selon le test de Tukey-HSD.
Evolution de la minéralisation nette de
N
140
120
100
80
(Nmin) (mgkg-1)
60
40
20
0
Semaine
S1
|
S2
|
S3
|
S4
|
S1
|
S2
|
S3
|
S4
|
S1
|
S2
|
S3
|
S4
|
S1
|
S2 S3
|
S4
|
|
|
Site I
|
|
|
|
Site II
|
|
|
|
Site III
|
|
|
Site IV
|
|
Non incendié Incendié
73
Figure 9 : La comparaison entre les
quantités de N-NH4+ libérées sous les sites
incendiés et sous les sites non incendiés (témoins) durant
les quatre semaines d'incubation.
74
l'activité microbienne, la quantité
(concentration) des composés organiques et la qualité
(facilité d'utilisation et l'accessibilité par des
microorganismes).
Vers la fin des quatre semaines d'incubation, les taux de
minéralisation semblaient baisser comme le montre la faible augmentation
de la semaine 3 à la semaine 4, le site II
montrant même une diminution, de quantités de
N-NH4+ minéralisées à la semaine 4 par rapport
à la semaine 3 sous le site témoin, Ce phénomène
est fréquent dans ces genres d'expériences où la
diminution de vitesse de minéralisation de N est liée souvent
à l'épuisement des ressources. Ainsi, l'on pourrait juger que les
quatre semaines d'incubation étaient suffisantes pour
l'expérience.
Les quantités de NH4+ libérées
sous l'ensemble des sites incendiés étaient largement
supérieures à celles des sites témoins. Cela ressort
d'ailleurs des tests d'analyse de la variance, où l'on a observé
des différences hautement significatives (p < 0,01) dans les 2
premières semaines à très hautement significatives (p <
0,001) dans les deux dernières semaines, entre les quantités de
N-NH4+ libérées sous les sites brûlés et
celles des sites témoins (Annexe 2.1.2). Ceci
était probablement dû à l'augmentation des taux
d'ammonification, ce qui implique l'accélération de processus de
minéralisation suite au passage des feux. Ce phénomène a
été reporté par plusieurs auteurs à savoir DeBano
et al. (1979), Kovacic et al. (1986), Klopatek et al.
(1990), qui ont observé des quantités importantes de
N-NH4+ dans le sol minéral immédiatement après
le passage des incendies sur la surface du sol. Ainsi, les résultats
obtenus corroborent ces observations, particulièrement le cas des sites
I et III qui ont été incendiés tout récemment,
respectivement en octobre et en aout de l'année 2014, Les
quantités de NH4+ sous la partie brûlée de ces
sites étaient environ 2 et 4 fois celles enregistrées sous leurs
témoins correspondants à la fin de la période
d'incubation. Ceci implique que les feux ont favorisé le processus
d'ammonification comme prévu sur le sol minéral. L'observation
des quantités supérieures de N-NH4+ sous les sites
incendiés a été montrée par plusieurs auteurs,
l'attribuant à divers facteurs dont l'évolution favorise
l'activité microbienne.
La Figure 9 ainsi que les tests
supplémentaires de Student des résultats des sites pris
individuellement (à la fin de chaque période d'incubation) ont
montré que le site II présentait le moins de changement
(augmentation) en quantité de N minéralisée sous les sites
incendiés par rapport aux sites témoins. Il y avait une
légère augmentation, mais elle n'était pas statistiquement
significative (Annexe 1.2) tout au long des quatre semaines.
Une explication probable à cela est que le feu n'a pas eu autant
d'impacts sur le sol (surtout
75
la partie minérale) sous ce site puisque ce dernier
était défriché et situé à une altitude
supérieure, donc des conditions plus fraiches ne favorisent pas le
non-lieu du feu sur le site. Aussi, le site a été
échantillonné plus d'un an après avoir connu le feu, donc
une certaine résilience des conditions déterminatrices de
minéralisation.
L'interaction entre le site (indépendamment de l'effet
d'incendie) et l'état du site (incendié/non incendié)
était très hautement significative (p < 0,001 : Annexe
2.1), ce qui était attendue car les différents sites
échantillonnés étaient composés de
différentes espèces dominantes. Ainsi, cette interaction a
montré que les différents sites ont réagi
différemment aux changements des conditions du site après le
passage des feux. Ceci était attendu puisque les différents sites
échantillonnés auraient connu des incendies d'intensités
différentes, conduisant ainsi à des changements variés du
microclimat du sol.
Le processus d'ammonification (minéralisation), comme
d'autres processus biogéochimiques, est influencé par la
qualité de la MO ainsi que par l'acidité du sol. Dans les sols,
ceci se traduit par le rapport C : N. Ainsi, la minéralisation est
étroitement liée à ce paramètre qui influence
l'activité microbienne. Dans la présente étude,
l'observation des quantités élevées de N-NH4+
libérées sous les sites incendiés par rapport aux sites
témoin pourrait être aussi attribuée à
l'évolution de ce paramètre. La MO provenant des incendies est
généralement riche en azote, ce qui contribue à la baisse
de ce paramètre et par conséquent favorise l'activité des
bactéries minéralisatrices. Étant donné que les
rapports C : N pour la plupart des sites échantillonnés
étaient déjà en dessous de la limite citée de 20 -
25 pour les sols minéraux même avant le passage du feu, l'on
pourrait conclure que son évolution n'a pas beaucoup influencée
celle des taux de minéralisation. L'amélioration de la
qualité des résidus qui deviennent moins résistants
à la décomposition après la diminution des niveaux de
lignine et d'autres composés phénoliques pourrait avoir
été un facteur favorisant le processus d'ammonification
après le passage des feux.
L'augmentation du pH du sol après les incendies que
l'on a observé, a été également signalée
comme étant un facteur favorisant la libération de
N-NH4+, mais divers travaux ont montré qu'elle agit plus sur
la nitrification que sur l'ammonification.
Des niveaux élevés de N-NH4+
persistent généralement pendant plusieurs mois voire des
années puis décline à des niveaux pré-incendies en
raison d'augmentation de la nitrification, suivi par le lessivage,
l'immobilisation microbienne, et l'absorption par les plantes (Covington et
Sackett, 1992; Kaye et Hart, 1998). Ainsi, l'augmentation des
taux d'ammonification est un phénomène temporaire qui est
généralement succédé par la nitrification.
76
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