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La transparence optimale d'une banque centrale

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par Artan Itsitsa Nzamba
Université Omar Bongo de Libreville-Gabon - Master 2014
  

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1.2.2. Les règles d'objectif

Les règles d'objectif ont pour fondement le respect d'un objectif fixé par les autorités monétaires (Rudebusch et Svensson, 1998 ; Svensson, 2005). La littérature économique distingue deux types de concepts : la variable-objectif et le niveau-objectif anticipé (sur la base des informations pertinentes disponibles) de ladite variable. Une règle d'objectif vise alors à minimiser, dans une fonction de perte, l'écart entre le niveau anticipé de la variable cible et le niveau-objectif de ladite variable (Svensson, 2005). L'objectif ultime étant le contrôle de l'inflation.

L'une des règles d'objectif qui a suscité une abondante littérature ces dernières années est la règle de ciblage du taux d'inflation. Ainsi, depuis le début des années 90, plusieurs Banques centrales21(*) ont explicitement opté pour un objectif d'inflation22(*) (Siklos, 1999, Svensson, 2010).

Les promoteurs de la règle d'objectif montrent que la Banque centrale ne cible pas les variables intermédiaires, mais elle doit agir directement sur l'objectif d'inflation. À cet effet, faute d'un consensus sur un canal de transmission prédominant à travers lequel la politique monétaire opère au sein de l'économie, c'est la prévision de l'inflation23(*) qui tient lien d'objectif intermédiaire. La Banque centrale doit donc veiller à l'évolution d'un certain nombre d'indicateurs reconnus comme étant aptes à prévoir l'inflation pour parvenir à contrecarrer les tensions inflationnistes avant qu'elles ne se concrétisent. L'intervention de la Banque centrale sur le marché monétaire vise dans ce cas à ramener le taux d'inflation anticipé proche de l'inflation ciblée (Svensson, 1997 ; Gregory, 2003 ; Agenor, 2008).

La définition de la règle d'objectif d'inflation se résume à deux conditions (Rudebusch et Svensson, 1998). La première est que la cible d'inflation doit être quantifiée. C'est soit un point bien déterminé (cible d'inflation ponctuelle) comme dans la règle de Taylor, soit un intervalle de points (intervalle de tolérance ou fourchette cible). La seconde est que les Autorités monétaires doivent pouvoir estimer le niveau futur du taux d'inflation sur la base d'informations internes et conditionnelles. Ce niveau prévisionnel du taux d'inflation représente la cible intermédiaire.

La principale caractéristique d'un régime de ciblage d'inflation est le degré élevé de transparence et de responsabilité. En effet, les banques centrales ayant adopté un objectif d'inflation sont tenues de publier des relevés d'inflation et d'expliquer leur politique. Cette transparence représente en elle-même un engagement à minimiser la fonction de perte.

Lorsque l'objectif d'inflation est le seul objectif de la Banque centrale, il s'agit d'un régime strict de ciblage d'inflation. Par contre, si la Banque Centrale poursuit d'autres objectifs tels que la stabilisation de la production ou du taux d'intérêt, il s'agit d'un régime flexible de ciblage d'inflation. Dans ce dernier cas, la politique monétaire est moins activiste, dans le sens où les instruments sont faiblement ajustés par rapport à un choc donné, et le niveau d'inflation s'ajuste progressivement au niveau objectif ou cible de l'inflation. Il en résulte que l'horizon de l'ajustement du niveau de l'inflation à la cible est plus long.

Dans un régime flexible de ciblage d'inflation, il y a asymétrie entre l'inflation et la production dans la fonction de perte. En effet, pour l'inflation, il s'agit à la fois d'un objectif de niveau (la cible fixée) et de stabilité (écart entre le niveau anticipé de la variable cible et l'objectif fixé de ladite variable). Mais pour la production, on ne retient que l'objectif de stabilité.

En effet, cette approche est formalisée selon l'expression de Bernanke et Mishkin (1997) comme un cadre de « discrétion contrainte »24(*). Il s'agit de fixer des objectifs et une pondération précise de ces objectifs (donc une fonction de perte à minimiser) aux autorités monétaires, tout en leur laissant la latitude d'utiliser toutes les informations qu'elles jugent pertinentes pour connaître l'orientation des anticipations des agents et pouvoir ainsi décider de l'orientation future de la politique monétaire (Bernake et al., 1999 ; Pollin, 2005, 2008). Ces informations comportent plusieurs indicateurs, financiers et réels, susceptibles de rendre compte des origines multiples de l'inflation et d'éclairer les autorités monétaires sur l'évolution future de l'inflation (Cecchetti, et al., 2000 ; Payelle et al., 2001 ; Mishkin, 2004 ; Brand, 2008 ; Diane, 2011).

Par ailleurs, dans cette nouvelle formulation, la recherche est portée sur les indicateurs qui peuvent bien anticiper l'inflation, alors que dans le cas des objectifs intermédiaires la variable doit avoir une relation structurelle causale avec l'inflation. C'est le pouvoir de prédiction et le fait de ne pas être directement sensibles aux manipulations des instruments, et non plus la relation de causalité structurelle, qui devient la caractéristique la plus importante (Allegret et Goux, 2003 ; Layouni, 2007).

Dès lors, la pertinence d'un indicateur est jugée à partir de son pouvoir de prédiction qui détermine la qualité du signal et l'information qu'il peut renvoyer. Ce pouvoir de prédiction est d'autant plus précieux qu'il est avancé dans le temps. À cet effet, l'idéal serait que cette avance dans le temps correspond aux délais de transmission des actions de la politique monétaire jusqu'à l'objectif final pour que la Banque centrale ait le temps de l'exploiter pleinement et surtout de réagir (Allegret, 1999).

Dans cette approche, la réputation, la crédibilité et l'engagement de la Banque centrale à maintenir l'inflation à un niveau bas, stable et prévisible lui accorde le privilège d'une discrétion qui lui permet de concilier entre la poursuite de la stabilité des prix à long terme et la stabilisation du PIB réel à court terme. Par ailleurs, dans un environnement caractérisé par une hétérogénéité de l'information (Morris et Shin, 2002), source de la non neutralité de la monnaie, la politique monétaire ne doit pas seulement reposer sur ses actions, mais la priorité à la communication est essentiel pour aider les entreprise et les ménages à mieux prédire ses interventions futures ; ce qui permet de réduire l'incertitude (Croce et al., 2000 ; Baeriswil et Cornand, 2008 ; Cateau et Murchison, 2010).

Comme stratégie de moyen et long terme pour la politique monétaire, le ciblage d'inflation présente un certain nombre d'avantages et d'inconvénients.

En effet, l'un des principaux avantages en faveur de la cible d'inflation est que celle-ci accroît la confiance des agents économiques dans la stabilité des prix futurs. Elle contourne en outre le lien incertain établi entre la croissance monétaire et l'inflation et évite par conséquent le problème d'instabilité des fonctions de demande de monnaie lié au ciblage d'agrégat monétaire. Elle est plus proche de l'objectif final et accorde une grande importance à la transparence de la prise de décision et à la communication régulière avec les agents privés. Ce régime permet éventuellement de réagir face à des chocs macroéconomiques imprévus, de manière plus flexible (Lecarpentier-Moyal et al., 2001 ; Mishkin, 2007 ; Stuckey, 2011).

Le principal inconvénient de cette politique réside dans la longueur des délais existant dans la transmission des effets de la politique monétaire, il faut attendre longtemps pour voir les conséquences de la manipulation du taux directeur sur l'inflation. Dans ces conditions, les agents privés ne perçoivent pas les effets immédiats de la politique monétaire alors que les signaux établis par les agrégats monétaires, les prix des actifs ou les objectifs de change sont immédiatement transmise au marché. De plus, des facteurs exogènes à la politique monétaire peuvent intervenir pendant l'intervalle de temps nécessaire à l'action de cette dernière, remettant en cause les résultats escomptés de la politique monétaire et sa crédibilité. L'inflation observée peut s'écarter de l'inflation anticipée en raison des chocs affectant le niveau général des prix (Lecarpentier-Moyal et al., 2001 ; Mishkin, 2007 ; Bousrih, 2011).

Dans cette configuration, le prix courant des actions peut contenir une information supplémentaire sur l'inflation future, soit parce qu'il reflète les anticipations du marché, relatives aux évolutions économiques, soit en raison de son incidence sur les évolutions économiques. Ce qui conduit à une dynamique déstabilisante de l'économie débouchant sur d'amples fluctuations des prix d'actifs.La crise financière de 2007-2009 a remis en question le comportement que doit adopter la Banque centrale pour limiter les fluctuations des prix des actifs, qui exercent des effets aussi bien sur les activités de production que sur le système économique dans son ensemble.D'où l'intérêt de la construction d'une règle d'objectif spécifique intégrant l'objectif de stabilisation des prix des actifs (Goodhart et Hofmann, Durré, 2001 ; 2001 ; Myftari et Rossi, 2010 ; EngoneMvé, 2013).

Après cette présentation des règles d'instrument et de ciblage, nous pouvons conclure que de façon générale, dans un modèle donné, une règle d'objectif fait appel à une règle d'instrument, cette dernière étant implicite (Huchet, 2003 ; Pollin, 2008). Ainsi, au lieu de travailler sur des règles de ciblage qui dans leur application posent le problème de transparence et de responsabilité de la part des autorités monétaires, il est préférable de retenir des règles d'instruments. Surtout que, la Banque centrale ne retient comme instrument, des éléments qu'elle manipule plus ou moins directement sur une base journalière ou hebdomadaire dans leur tentative d'atteinte des cibles spécifiées (McCallum, 1997).

Les règles d'instruments sont préférées aux règles de ciblage d'autant plus qu'une règle fait appel à l'autre même de manière implicite.

En résumé, les règles activistes d'instrument permettent une meilleure représentation du comportement des Banques centrales. Cependant, ces règles sont formulées à partir d'une fonction de perte et ont un caractère particulier qui nous montrons dans la seconde articulation de cette section.

Ainsi, après ces débats, il convient à présent de statuer sur les caractéristiques propres à la formulation d'une règle monétaire.

* 21Banque du Canada, Banque d'Angleterre, Banque de Réserve de la Nouvelle Zélande, Banque de Suède, Banque de Pologne, Banque de Finlande et Banque d'Australie.

* 22De toutes ces banques centrales, seule celle de la Nouvelle Zélande a fait adopter l'objectif de ciblage d'inflation par un texte législatif.

* 23Cette option résulte de la critique de Lucas. Si les autorités monétaires décident de modifier le niveau de l'inflation cible dans le futur, alors elles ont intérêt à anticiper la réaction des agents dans le futur. C'est sur la base de ses anticipations qu'elles fixeront leur taux d'intérêt et la politique à mener effectivement.

* 24C'est une disposition intermédiaire entre la discrétion absolue, porteuse d'incohérence temporelle et génératrice du biais inflationniste et le suivi aveugle des règles intangibles. À l'intérieur des contraintes imposées par les objectifs d'inflation de moyen et long terme, les banquiers centraux se sont accordés de grandes latitudes pour répondre aux conditions de l'emploi, des changes et autres développements de court terme (Landais, 2008).

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"Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, c'est une idée dont l'heure est venue"   Victor Hugo