Chapitre 3 :
Règles monétaires, transparence optimale et conduite de la
politique monétaire
En raison du lien instable entre instrument et objectif final,
d'une part, et les délais de réaction de la politique
monétaire sur l'économie réelle qui sont relativement long
d'autre part, les Banques centrales doivent définir un mécanisme
d'ancrage nominal permettant d'orienter les anticipations des agents
privés sur une trajectoire compatible avec l'objectif fixé
(Levieuge, 2003 ; Brand, 2008). Il s'agit d'un ciblage direct de
l'inflation au détriment du contrôle des agrégats
monétaires qui ont fait écho au cours des années 80
(Leiderman et Svensson, 1995 ; Svensson, 1997, 1998, 1999, 2010, Bernanke
et Mishkin, 1997 ; Bernanke et al., 1999) comme stratégie efficace
pour atteindre la stabilité des prix (Ondo Ossa, 2002 ;
EngoneMvé, 2010).
L'objet de cechapitre est de présenter une règle
de comportement (fonction de réaction) laissant une marge
discrétionnaire aux Banques centrales indépendantes dans un cadre
institutionnel propice à la pérennité de la confiance
(Aglietta, 2002) et permettant à la politique monétaire de
concilier crédibilité et flexibilité. La mise en oeuvre de
la stratégie de ciblage directe de l'inflation soulève des
controverses entre les partisans de la règle d'instrument et les tenants
de la règle d'objectif (Landais, 2008). Pour cela, il convient de
présenter les débats sur les règles monétaires.
Section 1 : La
règle doit tenir compte de l'activité économique
Le débat portant sur l'intégration du niveau de
l'activité comme facteur de prise de décision par les Banques
centrales remonte à plusieurs décennies. Pour certains
économistes, une Banque centrale ne doit suivre qu'un objectif
monétaire (maintien de la stabilité des prix). Alors que pour
d'autres, cette stabilité des prix ne doit se faire sans prise en compte
du niveau de l'activité (par exemple le taux de chômage pour ce
qui est de la FED). Ce débat va donc ouvrir celui sur les règles
« activistes » et les règles automatiques ainsi que
celui qui oppose les règles d'instruments aux règles d'objectifs.
Après ces débats, nous statuons sur les caractéristiques
propres à la formulation d'une règle monétaire.
1.1 Règle automatique versus règle activiste
Une règle monétaire
« mécaniste » indique une situation dans laquelle
les mouvements de l'économie ne sont pris en compte et qu'elle
s'intéresse uniquement à l'évolution du taux d'inflation
et des variables qui peuvent influencer ce taux. La règle automatique
qui a retenu beaucoup d'attention est la règle de K-pourcent de Friedman
(1960). Simple règle de politique monétaire qui suppose que :
« la Banque centrale doit maintenir un taux de croissance constant de
la masse monétaire » (Orphanides, 2007). Étant
donné que Milton Friedman est un monétariste (école de
Chicago), il formule cette règle en se basant sur l'équation des
échanges, base de la théorie quantitative de la monnaie.
Cette règle est donc indépendante de
l'état de l'économie et ce qui l'intéresse c'est le niveau
d'inflation. Orphanides (2007) affirme que davantage, si la vitesse de
circulation de la monnaie était parfaitement stable, cette règle
simple pourrait aussi produire un niveau élevé de la
stabilité économique. La condition qu'il pose lui-même sur
la vitesse de circulation de la monnaie nous permet de dire avec Drumetz et
Verdelhan (1997) que l'application aveugle de règles automatiques comme
celle de Friedman (1960) risque de conduire à une forte
variabilité de la production. Par conséquent, d'autres auteurs
comme McCallum (1987), Taylor (1993) ont défini des règles non
automatiques ou « activistes » de politique
monétaire.
Une règle « activiste » se
définit comme celle qui consiste à représenter et donc
définir la fonction de réaction de la Banque centrale ou des
autorités monétaires qui, contrairement au cas des règles
passives ou mécanistes, prend en considération les
« mouvements » de l'économie. En fait, elle implique
un réajustement continu des instruments de politique monétaire en
fonction de l'état de l'économie. Elle comporte donc des
éléments de feedback (rétroaction).
Pour Martin, Durand et Payelle (1999), il existe trois types
de règles activistes ou contingentes. Ce qui les distingue est en fait
la ou les cibles choisies. Ainsi il y a des règles en termes de PIB
nominal, la Banque centrale intervenant en fonction de l'écart entre le
PIB nominal constaté et le PIB nominal objectif. La seconde est une
règle directe d'inflation. Enfin, ils qualifient la troisième de
« règle mixte » dans la mesure où elle
considère à la fois l'écart d'inflation par rapport
à l'objectif et l'écart du revenu par rapport à sa
cible.
Après cette analyse des règles automatiques et
activistes de politique monétaire, il est constaté que
l'application aveugle d'une règle automatique peut conduire à une
forte variabilité de la production et donc à une
instabilité pouvant entrainer l'économie dans un chaos
général. Nombre des Banques centrales ayant pour objectif
statutaire le maintien du niveau général des prix (excepté
la FED qui précise clairement qu'elle a aussi un objectif de
réduction du chômage) tiennent aussi compte de l'état de
l'économie dans la conduite de leur politique (Drumetz et Verdelhan
(1997) ; Tenou (2002) ; Pollin, 2008 ; Kamgna et al (2009).
À cause de cette prise en compte explicite ou implicite
du niveau de l'activité économique dans la conduite de la
politique monétaire, penser une règle automatique pour une Banque
centrale serait ignoré certaines réalités pratiques dans
la formulation de règle de politique monétaire et donc ne plus
être en phase avec l'évolution des politiques monétaires
des Banques centrales. Raison pour laquelle dans cette littérature
seront considérées uniquement les règles activistes comme
celle de Taylor (1993) ou McCallum (1997) et non plus des règles
« automatiques » comme l'a pensé Friedman (1960).
Ces différentes règles ont eu des degrés
d'adhésion divers à telle enseigne qu'il s'est
développé dans la littérature un grand débat sur
les stratégies monétaires notamment entre règles
d'instrument et règles de ciblage.
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