CHAPITRE 4 : Les systèmes de cultures et la
commercialisation
4.1. Les systèmes de cultures
L'activité maraîchère la plus
répandue dans la région de Sangha est la culture de
l'échalote. Selon nos enquêtes, elle mobilise le plus grand nombre
de producteurs dans les différents villages de Sangha. Aussi pour
l'occupation du terrain, plusieurs sites sont dédiés de
façon indissociable aux cultures maraîchères comme les
tomates, laitues, choux, échalotes. Dans la pratique, sur le terrain,
les exploitants sont organisés en un seul groupe de producteurs qui
cultivent les produits de maraîchage.
Le Plateau de Sangha représente un environnement de
production extrêmement rigoureux. Le climat jadis soudanien, la
pluviométrie moyenne est aujourd'hui environ 450 mm. L'eau est
présente dans les rivières saisonnières seulement une
partie de l'année. Les sols sont pauvres et fortement exposées
aux facteurs d'érosion ; un tiers de la région se compose de roc
vif et un autre tiers consiste en sols dont la couche ne dépasse pas 10
cm en profondeur. La pression démographique est élevée
avec environ 25 habitants par km2 et pour subsister ces gens n'ont
que 48.000 ha de terres cultivables (6,3% du total), (Colla, 2003).
4.1.1. La production
L'approvisionnement des producteurs en semences
d'échalote de la commune, se fait de différentes manières
récapitulées dans le tableau ci-dessous ;
Tableau n°2 : Mode d'approvisionnement des
producteurs en semences
Mode
|
Nombre
|
Effectif
|
Achats
|
89
|
33,08%
|
Dons
|
61
|
22,67%
|
Propre production
|
73
|
27,13%
|
Prëts
|
46
|
17,69%
|
Total
|
269
|
100%
|
Source : Données terrain,
2013
Ce tableau montre que 33,08% s'approvisionnent par achat ;
plus de 27,13% utilisent leur propre production pour les semences ; 22,67%
recoivent les semences des proches ou amis (dons) et 17,69% empruntent les
semences par manque de moyens (pauvreté).
52
4.1.2. La repartition de la production par tranche
d'âges et par niveau d'instruction
Les deux cent soixante-neuf (269) producteurs de
l'échantillon en plus des représentants des services techniques
et des élus locaux ont été répartis par tranches
d'âge et par niveau d'instruction. Elle est déterminante en
matière de décision et de compétence dans les deux
variables. Ce classement nous a permis de connaître les tranches
d'âge concernées par la culture des échalotes dans la zone
de Sangha.
Source : Données terrain,
2013
Figure 18: Répartition des
enquêtes suivant le niveau d'instruction
La figure 18 nous montre que près de la moitié
des producteurs (45,35%) sont sans niveau d'instruction. Le nombre de
producteurs avec un niveau fondamental d'instruction est plus
élevé, 30,85% de la population. A Sangha, les producteurs qui ont
un niveau secondaire ou supérieur d'instruction sont les enseignants et
les fonctionnaires.
Tableau n°3 : Répartition des
enquêtes suivant les tranches d'âge
Tranches d'âge
|
Effectif
|
25 à 39 ans
|
136
|
40 à 54 ans
|
87
|
55 et plus
|
46
|
Total
|
269
|
Source : Données terrain,
2013
L'analyse de ce tableau révèle que la tranche
d'âge de 25 à 39 ans est plus forte (50,55%) ce qui explique
que la population est majoritairement jeune donc apte à la culture des
échalotes.
53
La proportion des personnes de 40 à 54 ans
représente 32,34% des producteurs. Les 55 ans et plus
représentent une faible proportion (17,10%) de producteurs.
4.1.3. Les superficies des champs collectifs et
individuels par village en 2012
D'après les producteurs d'échalote, un champ
collectif est un champ dont les revenus sont destinés à une
collectivité, le plus souvent la famille. En pays dogon la
majorité des champs collectifs appartiennent aux hommes. Après la
récolte, les sacs d'échalote viennent dans les magasins de la
grande famille. Les champs représentent 7,4% des superficies
cultivées en échalote à Sangha.
Un champ individuel est un champ dont le produit appartient
à un seul individu. Dans le champ collectif, le travail de semence est
fait collectivement, l'arrosage et la production sont destinés à
une seule personne. Les femmes participent aussi à cette
activité. A sangha les champs individuels représentent 90% des
superficies cultivées en échalote. La figure 19 montre les champs
collectifs et individuels par rapport à la superficie totale de chaque
site.
Figure 19: Superficie des sites
échantillonnés pour l'étude
Cette carte indique une progression de la superficie des
champs collectifs d'échalote. En 2012 la superficie a augmenté
à cause de la crise du Nord-Mali. Les jeunes guides touristiques ont
54
commencé à cultiver dans les deux
dernières années. Avec la construction des petits barrages, la
superficie des champs échalotes augmente d'année en année
en apportant des sols sur les berges du barrage.
4.1.6. L'échalote écrasée
séchée
Elle est obtenue en écrasant l'échalote dans un
mortier ou sur les roches et en la laissant sécher par la suite au
soleil. Cette technique est très répandue dans la zone de
l'Office du Niger. Elle exige moins d'efforts que la transformation en boules.
Le rendement au séchage est de 18%.
4.2. Commercialisation
La commercialisation constitue le facteur clé de la
production. Elle se fait dans le libre échange ou deux modes sont
possibles : le mode traditionnel et celui de l'E.S.T (Echalote
Séchée en Tranche).
Le mode de commercialisation traditionnel est très
ancien et se fait par le producteur lui-même dans les différents
marchés locaux ou aussi dans les villages ou quartiers. Dans chaque
village la majorité des producteurs ont un client. En Pays Dogon, le
marché se tient chaque (5) cinq jours. Dans la commune, le marché
le plus important est le marché de Sangha.
4.2.1. Organisation de la filière
Les acteurs de la commercialisation de l'échalote sont
les producteurs, les commerçants et les Organisations Non
Gouvernementales.
A la différence de la culture d'échalote
fraîche qui repose essentiellement sur un mode d'exploitation
individualiste, la production d'E.S.T est caractérisée par une
haute intensité de travail et fait appel à différents
types d'organisation au niveau des ateliers de séchage (notamment le
maillon `'épluchage»).
On retrouve dans presque tous les villages un même
schéma organisationnel. Le regroupement se fait par village par quartier
ou par famille. Les matériels destinés à la transformation
(Claie, découpeuse et accessoires) sont collectifs et appartiennent au
groupement. L'ordre de priorité sur les équipements se fonde sur
des critères d'âge, de période de récolte, etc.
La femme constitue la principale source de main d'oeuvre pour
les opérations d'épluchage et la rémunération varie
d'un village à un autre.
55
4.2.2 Circuit de commercialisation
Le premier constat est que le commerce des échalotes
à Sangha est « une affaire de famille ». Dans chaque village
on peut trouver 4 ou 5 commerçants grossistes qui écoulent leur
produit vers Bamako.
Parallèlement, les grossistes non-dogon de Bamako ont
tous déclaré n'avoir accès à la production du Pays
Dogon que par l'intermédiaire des commerçants dogon de Bamako :
« il est difficile d'accéder à Sangha si on n'est pas dogon
». Cette situation résulte des fortes chutes des prix
enregistrées sur l'échalote fraîche à la fin des
années 1980 et au début des années 1990 : les
producteurs-collecteurs dogon ont alors décidé, afin de
s'émanciper des commerçants bamakois sur lesquels ils n'avaient
pas d'emprise, d'envoyer des jeunes gens en tant que «
représentants » au marché de Sougouni Koura à Bamako.
De même, les commerçants d'échalotes de Sangha
s'approvisionnent dans les villages où ils ont des parents, et sont plus
ou moins obligés d'acheter lorsque ces derniers les sollicitent, qu'ils
aient suffisamment de stocks ou non. Le prix reste dicté par le
marché national, et le commerçant peut avoir l'information en
temps réel en contactant son représentant à Bamako. La
figure-18 montre le circuit commercial dans les zones de production locale, aux
lieux de consommation nationale ou internationale. L'echalote Dogon est la
meilleure qualité au Mali par rapport à l'echalote de l'office du
Niger à Niono en 4éme région à Ségou au
Mali.
56
Figure 20 : Commercialisation des
échalotes dogon de Sangha
Les circuits empruntés par les échalotes
fraîches et transformées sont sensiblement les mêmes, dans
la mesure où les producteurs transforment eux-mêmes. On peut noter
toutefois que certains grossistes bamakois, dogon ou non, sont
spécialisés dans les produits transformés.
4.2.2.1. Collecteurs et demi-grossistes de Sangha par
village
Les collecteurs de chaque village cherchent l'échalote
dans les familles ou les jours de marché. Après la collecte avec
les producteurs, les collecteurs et les demi-grossistes revendent aux
grossistes de Bamako en augmentant 10 F/kg. Les grossistes de Sangha
commercialisent ainsi de grandes quantités (certains dépassent
les 2000t/an d'échalotes en boule).
4.2.2.2. Grossistes de Sangha
Ils sont bien organisés en groupements « par
village» afin de partager les frais de transports (ils remplissent
collectivement un camion en partance de Sangha ou encore directement du
57
village d'où ils sont originaires) et de location de
l'entrepôt à Bamako. Chaque commerçant grossistes a 1 ou 2
magasins d'échalotes dans leurs familles pour stocker les sacs
échalotes. Chaque mois les commerçants désignent une
personne comme locataire du camion. C'est à lui de donner telle personne
à temps de nombre de sacs pour le camion. Certains sont
spécialisés dans l'échalote transformée
séchée. Il y a peu de grossistes qui dépassent les 2000t
annuelles d'échalotes dans leur famille, la moyenne se situerait
plutôt vers 200t/an. A Bamako, chaque commerçant du village de
Sangha a un magasin de groupe pour les échalotes. Les détaillants
de Bamako ou les vendeurs des condiments d'échalote viennent au magasin
dogon pour acheter les échalotes.
4.2.2.3. Grossistes étrangers
S'ils n'ont pas de contacts directs avec des grossistes de
Sangha, viennent à Bamako une à deux fois par semaine, en groupes
également (5 à 10 personnes), pour s'approvisionner en
échalotes fraîches et transformées séchées en
boule, quelle que soit la provenance. Les Guinéens viennent ainsi de
janvier à août, période de pénurie de
l'échalote dans leur pays. Les commerçants Burkinabé
viennent à Sangha le jour du marché.
4.3. Évolution des prix
4.3.1. Prix de l'échalote
fraîche
La saisonnalité du prix de l'échalote
fraîche est très marquée par les fluctuations de l'offre
(tableau 9). Les prix se remettent à augmenter entre novembre et
décembre pour de la première culture semée au mois d'aout.
Les prix chutent quand les produits sont abondants au marché
c'est-à-dire pendant la campagne de production.
4.3.2. Prix de l'échalote séchée
en boule et en tranche
Les produits concernés par la chaîne incluent
l'échalote pilée séchée (jaba mugu) et
l'échalote écrasée séchée en boule (jaba
kourouni). Les deux sont des sous-produits de l'échalote fraîche,
permettant une conservation à durée prolongée mais aussi
ayant des caractéristiques (usages) distinctes, surtout en ce qui
concerne l'échalote en boule (qualité gustative distincte en
raison du processus de séchage impliquant une légère
fermentation), et recherchées par les consommateurs. Le tableau-9 montre
l'évolution des prix de l'échalote fraîche et
séchée en boule de 2010 à 2012 à Sangha.
58
Tableau 4: Evolution des prix de
l'échalote fraîche et séchée en boule de 2010
à 2012
NATURE DU PRODUIT
|
PERIODES
|
PRIX A' LA RECOLTE/PRODUCTION
|
J
|
F
|
M
|
A
|
M
|
J
|
J
|
A
|
S
|
O
|
N
|
D
|
PRODUCTEUR
|
SANGHA
|
BAMAKO
|
ECHALOTE FRAICHE
2010
|
100
|
90
|
115
|
125
|
150
|
150
|
200
|
300
|
300
|
400
|
400
|
450
|
100
|
125
|
225
|
ECHALOTE FRAICHE
2011
|
100
|
90
|
115
|
125
|
125
|
125
|
150
|
200
|
300
|
350
|
400
|
500
|
125
|
150
|
250
|
ECHALOTE FRAICHE
2012
|
150
|
150
|
200
|
200
|
225
|
250
|
300
|
350
|
350
|
500
|
600
|
800
|
150
|
200
|
500
|
ECHALOTE SECHEE
(EST) EN BOULE
|
2010
|
1000
|
950
|
800
|
905
|
915
|
950
|
975
|
980
|
990
|
1015
|
1020
|
1250
|
2011
|
1100
|
1200
|
950
|
970
|
900
|
980
|
1000
|
1000
|
1015
|
1025
|
1040
|
1500
|
2012
|
890
|
985
|
900
|
960
|
970
|
895
|
900
|
915
|
925
|
1075
|
1080
|
1350
|
Source : FAC/GEST
Bandiagara
59
L'échalote se commercialise soit dans sa forme
naturelle (échalote fraîche) ou après la transformation
(échalote séchée). Le suivi des flux a porté sur
les deux types de produits auprès des différents acteurs.
Cette analyse a été faite à partir de
l'opération effectuée sur les deux principales foires. Il s'agit
de la foire de Sangha qui a lieu chaque cinq (5) jour du marché.
Reliée à Bamako tous les jours par une route non bitumée
de distance de 45 km de Bandiagara en outre une route bitumée de 657 km
de Bamako.
Figure 21: Réseau routier dans les
zones de circuits commerciaux à Sangha
On y distingue la route en mauvais état permanent et les
pistes impraticables en cas de pluie. La route dégradée peut
faire l'objet d'entretien tandis que d'autres de par leur nature ne sont pas
carrossables, il s'agit des routes ou des pistes en mauvais état.
Il ressort de l'observation de la figure 21 qu'une route
classée et un tronçon de pistes sont en mauvais état : le
tronçon de la route Sangha- Bandiagara long de 45 km et le
tronçon de la route vers la plaine 12 km en allant de Koro et vers le
Burkina Faso.
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Tous non bitumées, ces voies sont pourtant importantes
pour accéder aux sites de culture des échalotes de la province de
Sangha.
? Les pistes impraticables en cas de pluie
Ces pistes ont été identifiées à
travers leur intersection avec les sols inondables que sont les sols
hydro-morphes. L'accumulation des eaux sur ces types de sols rend ainsi les
pistes impraticables car inondées. De nombreux tronçons de pistes
rurales sont dans cette situation dans la région de Sangha.
Les volumes des opérations de transport
effectuées par les transporteurs pendant la période
considérée ont porté sur l'enquête terrain
auprès du chef des convoyeurs de camion Digue Dolo qui confirme
que 36.000 t/an dont 143 tonnes d'échalotes fraîches et 35.857
tonnes d'échalotes séchées sont importées vers
Bamako, marché le plus important. Selon les producteurs 274t de produits
frais et transformés sont transportés vers la Guinée et la
Côte d'Ivoire suivi du Burkina Faso.
61
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