Partie 1 : Contexte de l'intervention
« Serai-je capable de faire le même travail
jusqu'à 60 ans? ». A cette question introduisant un article sur la
pénibilité et l'usure au travail (Roux, 2009) et issue de
l'enquête sur les conditions de travail SUMER (2005), plus d'un tiers des
salariés âgés de 35 à 55 ans répondent
«Non ».
La question de la pénibilité au travail bien
qu'ancienne a été largement réinvestie ces
dernières années dans le cadre du débat sur la
réforme des retraites en 2003. S'il apparait nécessaire de
prendre en considération l'usure associée à une
profession, le débat reste ouvert quant aux modes de compensation de
cette pénibilité (compensation financière, accès
anticipé à la retraite ...).
La pénibilité au travail est bien une
problématique qui dépasse le seul enjeu des retraites. En effet,
la question fondamentale qui sous-tend la problématique de la
pénibilité est celle des conditions de travail (et des moyens
pour l'améliorer) (Nicot et Roux, 2008).
1. La pénibilité : un concept complexe 1.1 Une
ou des pénibilités ?
« La loi définit la pénibilité au
travail par le fait d'être ou d'avoir été exposé au
cours de son parcours professionnel à des risques professionnels
liés à des contraintes physiques marquées, à un
environnement physique agressif ou à certains rythmes de travail
susceptibles de laisser des traces durables, identifiables et
irréversibles sur la santé du travailleur »
(Ministère du Travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et
du dialogue social, travailler-mieux.gouv).
Comme l'évoquent Chassagnieux et al. (2012), « la
pénibilité est un concept flou » (p 5) pour laquelle ils
proposent une définition sur la base d'un rapport remis au Conseil
d'orientation des retraites (Struillou, 2003). La pénibilité
« correspond aux caractéristiques des situations et des conditions
de travail qui mettent la santé en danger à long terme en
entraînant une usure prématurée et irréversible de
celle-ci » (Chassagnieux et al., 2012). Comme très
développé dans le rapport Struillou, la pénibilité
nécessite de considérer les facteurs de risque qui sont
à
l'origine d'une augmentation de la morbidité et d'une
diminution de l'espérance de vie (sans incapacité et
générale). Une des caractéristiques et difficulté
associée à certains de ces facteurs est que leurs effets ne sont
pas immédiats (par exemple, les cancers professionnels) et que
l'exposition à ces facteurs peut même ne pas être
perçue comme pénible (comme l'amiante). A ce propos, le rapport
de Gérard Lasfargues (2005) permet de faire un état de lieux des
connaissances scientifiques et médicales qui existent sur la relation
entre des expositions professionnelles pénibles et leurs effets à
long terme sur la santé.
Lasfargues, Molinié et Volkoff (2005) évoquent
un second type de pénibilité : la pénibilité
«vécue» au travail dont les effets sur la santé
à long terme et sur la diminution d'espérance de vie ne sont pas
aussi nettement démontrés. Cette pénibilité
centrée sur l'expérience vécue est clairement
présentée par Hélardot (2005) qui avance que « La
pénibilité est bien l'opérateur intermédiaire entre
le travail et la santé, c'est-à-dire le processus par lequel les
tâches, les conditions et les environnements de travail interagissent
avec la santé dans ses multiples composantes [...] L'idée ici est
qu'il n'y a pas de travail ou de tâche pénible de façon
intrinsèque et dans l'absolu, mais que la pénibilité est
toujours relative à l'individu qui en fait l'expérience : elle
est indexée sur son état de santé, sur son histoire, ses
normes et ses valeurs.
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