Les relations entre la république démocratique du Congo et ses voisins après l'avènement de l'AFDL ( Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo). Contraintes des enjeux géostratégiques et recherche d'une paix durable( Télécharger le fichier original )par Fulgence ALITRI TANDEMA Université de Kinshasa RDC - Diplôme d'études approfondies en droits de l'homme, Option: prévention, médiation et gestion des conflits 2005 |
§4. L'enjeu d'un rendez-vous et le premier coup d'EtatUn soir de 1960, Mobutu lui-même prend un rendez-vous avec le chef de la station de la CIA de Kinshasa. Il exprime son indignation et sa vision du futur Congo à son interlocuteur : « J'avais très envie de vous parler, dit-il d'une voix claire. J'en ai assez de ces jeux politiciens ; ce n'est pas comme cela que nous allons construire un Congo fort, indépendant et démocratique. Et puis, les Soviétiques envahissent le pays. Savez-vous qu'ils ont envoyé une délégation au camp Kokolo pour enseigner le marxisme aux soldats et leur distribuer leur propagande ? Ils prétendent que vous, les Occidentaux, pillez le Congo alors qu'eux sont nos vrais amis. J'en ai parlé à Lumumba. Il m'a répondu de me mêler de mes oignons. J'ai réuni mes commandants de zones : tous sont d'accord avec moi. Alors, je vais être clair. L'armée est prête à renverser Lumumba et à mettre en place un gouvernement de transition composé des techniciens. Puis-je considérer que les Etats Unis nous soutiennent ? Vous engagez-vous à reconnaître ce gouvernement ? ».62(*) Ce rendez-vous était un coup de maître que vient de donner le colonel Mobutu. Dans un espace de temps, soutenu par Justin Bomboko, agent de la CIA, il donne sa vision politique et coïncide au profil que cherchaient les Américains pour le Congo : pro-occidental par conséquent anticommuniste. C'est ainsi que Mobutu passera par son premier coup d'Etat, le 14 septembre 1960 pendant lequel il arrête Patrice Emery-Lumumba : ce qui répond au plan des Américains. Quant au sort du Président Kasa-vubu, le colonel Mobutu le place en résidence surveillée. Dans ce gouvernement, il reconduit Justin Bomboko dans sa fonction de Ministre des affaires étrangères. Immédiatement « les relations diplomatiques avec l'URSS, la Chine et la Tchécoslovaquie sont rompues.63(*) Ce qui répond aux attentes des Américains et des Belges. Dans cette situation de crise de légitimité, Mobutu sera protégé par les Américains face aux communistes. D'ailleurs, il échappera à plusieurs tentatives d'élimination physique. Mobutu pour sa confiance aux Américains : «A trois reprises au moins, au cours des semaines qui suivent le coup d'Etat, la CIA, mise au courant par l'un de ses informateurs (un Européen) dans l'entourage du très lumumbiste Pierre Mulele, permet à Mobutu de déjouer des tentatives d'assassinats. Devlin lui-même paie de sa personne en neutralisant par hasard un tueur alors qu'il rendait visite à son ami au camp Kokolo. Cela crée des liens et le `Chief of Station' de la CIA ne cache pas son admiration pour ce jeune colonel à la silhouette frêle, d'un courage physique étonnant, capable de maîtriser une horde de mutins déchaînés et menaçants par la seule magie de son verbe et de son charisme. Et puis, Mobutu est bien entouré. Le `groupe de Binza' dont il fait partie et qui le conseille, est composé de personnalités `amies' de la CIA, voire carrément recrutées : Justin Bomboko bien sûr, Cyrille Adoula et le nouveau directeur de la sûreté, Victor Nendaka, un ex-bras droit `retourné' de Lumumba.64(*) Le premier coup d'Etat de Mobutu, dont le but était de neutraliser Lumumba, se termine en faveur du Président Kasa-vubu grâce à l'intervention des Etats Unis et de l'ONU. En effet, une fois rétabli, le président Kasa-vubu, qui a du former, sur injonction de l'ONU, un gouvernement d'union nationale avec participation des lumumbistes, a placé à sa tête le candidat des Américains, Cyrille Adoula, membre éminent du Groupe de Binza.65(*) L'histoire se répète. Après un trouble orchestré par les Grands pour l'élimination de Lumumba, eux-mêmes imposent un gouvernement d'union nationale où se positionnent des personnalités à leur obédience. * 62 Colette BRAECKMAN, op. cit. * 63 Idem * 64 Colette BRAECKMAN, op. cit. * 65Idem |
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