Les relations entre la république démocratique du Congo et ses voisins après l'avènement de l'AFDL ( Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo). Contraintes des enjeux géostratégiques et recherche d'une paix durable( Télécharger le fichier original )par Fulgence ALITRI TANDEMA Université de Kinshasa RDC - Diplôme d'études approfondies en droits de l'homme, Option: prévention, médiation et gestion des conflits 2005 |
§2. La FranceUn autre acteur d'importance qui est toujours présent dans l'histoire de la RDC est la France. Quand il s'agit de traiter les problèmes de la RDC, les Etats Unis sont présents au coté de la Belgique et la France ne doit pas rester à l'écart. Il est important de connaître les raisons essentielles de cette troïka. En effet, Collete Braeckman écrit à ce propos : « au cours des négociations de la Table ronde préparatoire à l'indépendance, le ministre français des Affaires étrangères, Maurice Couve de Murville, devait à la surprise générale, rappeler ce droit de préférence (droit de préemption). La suggestion tourna court, mais elle avait valeur d'avertissement : le sort du Congo ne laisserait pas la France indifférente ».44(*) Lors de ces négociations, « Léopold II conclut un accord identique avec la France. Comme à Washington, Léopold II avait son homme à Paris : Arthur Steven, un marchand d'art qui disposait des relations. Ce dernier négocia directement avec le Président du Conseil français, Jules Ferry, pendant que Léopold II versait un confortable traitement mensuel à un rédacteur de l'influant journal Le Temps afin d'assurer un flot d'articles favorables à ses activités au Congo : Association Internationale au Congo (A.I.C.). Les Français ne se sentaient menacés ni par la minuscule Belgique ni par la vaste superficie des terres revendiquées par Léopold II, mais ils craignaient que le jour où le roi manquerait d'argent, et ils avaient la conviction que cela finirait par se produire pour financer son onéreuse tentative de construire une voie ferrée contournant les rapides, il ne vende le territoire entier à leur principal rival colonial : l'Angleterre.45(*) La période était celle d'une grande concurrence entre les grandes puissances de l'époque pour la conquête des territoires. C'est ainsi qu'en réponse à l'inquiétude française, Léopold II offrit un remède. Si la France respectait ses prétentions, il lui donnerait un droit de préférence sur le Congo, ce que, de nos jours, les avocats en matière de biens immobiliers appellent la préemption. Les Français, soulagés, se hâtèrent d'accepter ; persuadés que le projet de chemin de fer allait ruiner Léopold II et qu'il devrait leur vendre le territoire, ils crurent conclure une excellente affaire.46(*) La France a aussi le droit de regard sur la RDC, une décision majeure sur la politique de la RDC qui doit concerner également la France. En outre, depuis 1960, le dessein français est constant : élargir le précarré francophone, d'abord aux ex-colonies belges, puis au reste de l'Afrique latine. La coopération militaire est l'un des moyens mis au service de cette stratégie. Les interventions militaires en Afrique ont permis à la France de s'implanter dans cette région d'Afrique centrale et orientale où elle fut absente durant la colonisation mais où, de 1978 à 1996, elle est devenue la puissance occidentale dominante, réussissant durant deux décennies à supplanter l'ancienne métropole belge.47(*) Sachant que la Conférence de Berlin sera sous l'arbitrage du plus célèbre homme d'État Otto von Bismarck chancelier de l' Empire allemand, Léopold II négocia d'avance avec lui pour la réussite de son projet. C'est alors que « Bismarck se laissa persuader qu'il valait mieux que le Congo aille au roi de la faible petite Belgique, et soit ainsi ouvert aux négociants allemands plutôt qu'à la France ou au Portugal, partisans du protectionnisme, ou à la puissante Angleterre ». Et pour lui, la Conférence de Berlin, à laquelle il ne participera pas, serait un accord supplémentaire de resserrer sa mainmise sur le Congo ».48(*) Comme on le voit, les Allemands aussi sont concernés par les problèmes du Congo. En tant qu'une oeuvre humanitaire dénommée Association Internationale au Congo, le roi Léopold II avait pour visé la possession d'une grande terre et il fallait négocier pour sa délimitation. « Que le tracé frontalier ait été laborieux, cela est évident et il fallu toute l'adresse d'un Léopold II pour y parvenir. Pour s'en convaincre, il suffit de se rappeler la récupération de l'embouchure du fleuve pour éviter que le nouvel Etat soit étouffé par l'absence d'un débouché à la mer. Le Portugal, pour faire prévaloir ses droits sur cette embouchure avait eu recours à la protection de l'Angleterre lors du traité anglo-portugais du 26 février 1884 qui interdisait à toutes les puissances l'accès à celle-ci. Comment contourner cet écueil ? Léopold II s'employa d'abord à faire reconnaître l'Association Internationale au Congo (A.I.C.) par la jeune grande puissance des Etats Unis d'Amérique, ce qui fut fait en avril 1884. En suite il offrit à la France le droit de préférence sur le territoire congolais. L'Allemagne et l'Angleterre se retrouvèrent devant un fait accompli. Pour ne pas avoir à affronter la domination française dans le bassin du Congo, il fallait adopter les positions de celle-ci et reconnaître l'A.I.C. Ce que fit l'Angleterre le 16 février 1884, le Portugal se retrouva isolé et fut bien obligé de reconnaître ».49(*) L'A.I.C. garde son drapeau bleu avec étoile d'or et par décret royal du 29 mai 1885, le roi Léopold II nomma Etat Indépendant du Congo son nouveau pays, sous contrôle privé. Le Congo devenu sa propriété privée, le roi Léopold II essaya d'organiser un échange -entre travailleurs chinois pour le Congo et soldats congolais pour la Chine - qui lui permettrait de mettre un pied militaire dans la partie, comme les autres puissances occidentales manoeuvrant dans l'Asie du Sud-Est. Il acheta plusieurs parcelles de terre en Chine au nom de l'Etat Indépendant du Congo (E.I.C.).50(*) Si les Chinois doivent arriver travailler pour la reconstruction du Congo, cela ne devrait étonner aucun Congolais car cela remonte depuis même la création du Congo du roi Léopold II. C'est seulement en 1908 que le roi Léopold II cédera le Congo au royaume de Belgique. Le noeud des problèmes que connaît la RDC remonte à cette période, celle de sa création. Comme dirait un médecin dès sa création, la RDC constitue en elle-même le germe des conflits à gérer. Cela parce que « si Léopold II parvint à s'emparer d'un territoire aussi immense, c'est en grande partie parce que les autres pays crurent donner leur accord à cette sorte de colonie internationale, sous les auspices du roi des Belges bien évidemment, mais ouverte aux marchands de l'Europe entière. Les participants de la Conférence de Berlin s'entendirent surtout sur le fait qu'une grande partie de l'Afrique centrale comprenant le territoire de Léopold II dans le bassin du Congo serait une zone de libre commerce ».51(*) Ainsi, la lecture de ces faits constitue la clef de compréhension de la situation politique que la RDC a connue, connaît et connaîtra encore. Dès lors la situation politique de la RDC est restée au gré de vent de ces trois puissances occidentales. Naturellement l'une des questions à poser est de savoir comment alors protéger ce genre d'intérêts aussi stratégiques contre la convoitise des autres intrus. Sans oublier que nous sommes en pleine guerre froide. La stratégie à monter était l'appropriation de la RDC ; il s'agissait de trouver un leader capable de régner sur le Congo une fois indépendant. Un président docile, puissant et fidèle vis-à-vis de ses maîtres occidentaux. * 44 Op. Cit. p. 279 * 45Adam HOCHSCHILD, op. cit. p. 103 * 46Ibidem * 47Dossiers noirs de la politique africaine de la France N° 9, France-Zaïre-Congo 1960-1997. Echec aux mercenaires. Agir ici- Survie, Paris, Editions l'Harmattan, 1997, p.25 * 48Adam HOCHSCHILD, op. cit. p. 104-105 * 49Isidore NDAYWEL è NZIEM, Histoire générale du Congo. De l'héritage ancien à la République Démocratique du Congo, Paris-Bruxelles, Afrique Editions, 1998, p. 315 * 50 Op. cit. p. 204 * 51 Adam HOCHSCHILD op. cit. p. 107-108 |
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