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Répercussions qualitatives et quantitatives des mutations agricoles récentes sur les systèmes d'irrigation traditionnels dans le bassin versant de la Vaigai- Periyar, Inde du sud

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par François Mialhe
Université Paris 7 Diderot - Master 2 environnement, milieux, techniques, sociétés 2006
  

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2.3 Les changements d'états de surfaces des lits des tanks

Les analyses diachroniques des états de surface du lit des tanks portent sur ceux ayant été détectés à partir des images satellites MSS. En raison des dates d'acquisition variées, les analyses portent successivement sur des portions du bassin versant.

2.3.1 La partie aval du bassin versant

La grande majorité des tanks de cette section sont des non-sytem tanks. Ils occupent le paléo-delta de la Vaigai sur lequel sont installés des vertisols (sols noirs), riches en montmorillonite. Malgré leurs propriétés chimiques favorables à l'agriculture (bonne capacité d'échange cationique des argiles), les propriétés gonflantes des argiles en font des sols difficiles à travailler (Duchaufour, 1997).

La caste des Maravars domine cette région, dont les cultures principales sont le paddy et le piment, accompagnés, mais dans une moindre mesure par le coton. Ce n'est pas une zone dans laquelle les puits sont très développés compte tenu de la présence de nombreux aquifères salins. Ramanathapuram est la ville principale, et les données pluviométriques qui lui sont associées permettront des comparaisons qualitatives et quantitatives.

Figure 19- Diagramme par écart-types à la moyenne des totaux annuels pluviométriques de Ramanathapuram

Carte A (cf. figure 20)

Le premier élément remarquable est la concentration des eaux dans les tanks les plus

grands (en particulier le Ramnad Big Tank, ou

RBT, à l'ouest de Ramanathapuram) et dans leurs satellites, les endal tanks, qui sont

connectés entre eux par un réseau complexe de chenaux. L'année 1987 est considérée comme normale, avec un total de pluviosité autour de la moyenne sur 60 ans (1941-2000) (cf. figure 19). En raison de la date d'acquisition de l'image, la saison samba est terminée et l'eau disponible sera utilisée pour une seconde récolte de paddy, ou pour des légumineuses afin de fournir du fourrage et enrichir la fertilité des sols (Seenivasan, 2003). La présence de sols humides indique une exondation plus ou moins récente. Il est difficile d'évaluer avec précision le moment du retrait de l'eau, en raison de la forte capacité de rétention et du drainage limité des Vertisols qui implique un ressuyage très lent. Il est toutefois vraisemblable que l'absorption s'est réalisée durant une phase de la précédente saison des pluies. Le lit des tanks situés près de la côte est majoritairement occupé par des sols nus et secs ce qui s'explique par la présence de sols sableux avec une capacité de drainage très importants. Ces caractéristiques poussent les populations alentour à utiliser l'eau du tank rapidement afin de limiter les pertes par infiltration.

Environ 37% de la surface de l'ensemble des lits est végétalisée, dont plus du tiers par de la végétation à forte activité chlorophyllienne. Cette catégorie peut regrouper des plantes aquatiques1, de la végétation herbacée à fort taux de recouvrement ou encore des cultures (Vaidyanathan, 2001 ; Mosse, 1997). Ce sont tout particulièrement les tanks à l'intérieur des terres qui sont concernés. Les portions qui correspondent à de la végétation à faible et moyenne activité chlorophyllienne s'assimilent, elles, à la présence d'une strate herbacée à faible ou moyen taux de recouvrement, constituant un pâturage pour le bétail, ou à une strate

1 Certaines comme la jacinthe d'eau, prolifèrent dans les étendues riches en éléments nutritifs (Agarwal et al., 2001). Ceux-ci peuvent être d'origine humaine (effluents) ou agricole (lessivage des terres cultivées enrichies en engrais organiques ou minéraux).

Le bassin versant de la Vaigai-Periyar, unité régionale d'analyse spatiale et sociale des tanks

arbustive, dont certains représentants sont plantés dans le cadre de la foresterie sociale (Prosopis juliflora, Acacia nilotica) (Aiyasamy, 1982 ; Mosse, 1997). La garde du bétail est souvent confiée aux sans-terres (Roussary, 2003). Ces derniers appartiennent pour la majorité d'entre eux à la caste des Paraiyars, caste d'intouchables très représentée dans le pays tamoul.

Un peu plus d'un mois après la fin de la saison des pluies, la majorité des tanks ont donc été vidangés et sont occupés pour moitié par de la végétation et pour moitié par du sédiment nu. L'apparition de certains végétaux peut être reliée à un manque d'entretien des structures. En dehors d'un manque de mobilisation collective en faveurs d'actions de réhabilitation, il est probable que les digues utilisent en partie le matériel disponible sur place. Ces argiles des sols noirs subissent des alternances de gonflement et de rétraction, respectivement en saison humide et saison sèche, engendrant des fentes de retrait et des brèches qu'il faut colmater. Ceci peut être une des raisons du mauvais état général des digues.

Carte B (cf. figure 20)

La première information est la réduction significative de la surface en eau, et tout particulièrement dans les grands tanks comme le RBT.

Seuls quelques tanks littoraux ont un approvisionnement correct compte tenu de la surface inondée. L'année 2000 est pourtant une année plus pluvieuse que la moyenne, mais fait suite à une année 1999 légèrement en deçà de la moyenne. Il faut noter la couverture nuageuse, lors de l'acquisition de l'image, qui perturbe l'interprétation.

A cette période de l'année, le stock d'eau ne devrait pourtant pas être loin de son maximum. Les sols nus et secs l'emportent pourtant sur les sols humides, ce qui n'indique pas une exondation récente (cf. tableau 1). De la même manière, la végétation à forte activité chlorophyllienne, généralement associée à la présence d'humidité, a disparu au profit de végétaux probablement plus adaptés aux substrats à faible teneur en eau. Une observation similaire à celle faite précédemment distingue les tanks proches du littoral (sédiments

 

Surface (hectares)

Etats de surface

A

B

C

D

Végétation

faible

1550

1700

1385

nul

 

activité

(18%)

(17.8%)

(32.5%)

 
 

activité

460

1217

nul

nul

 

moyenne

(5.4%)

(12.8%)

 
 
 

forte

1187

nul

nul

nul

 

activité

(13.8%)

 
 
 

Sol nu

sec

1184

3030

1751

5133

 
 

(13.8%)

(31.8%)

(40.8%)

(75,4%)

 

humide

1502

2215

1137

1665

 
 

(17.5%)

(23.3%)

(26.5%)

(24.4%)

Eau

2688

1358

15

12

 

(31.5%)

(14.3%)

(0.2%)

(0.2%)

Total

8571

9520

4288

6810

Tableau 1 - Etats de surface dans le lit des tanks (partie aval)

sableux) de ceux de l'intérieur des terres, plus végétalisés.

A partir des années 1990, les variétés hybrides de paddy (CO43, IR20, White ponni) ont remplacé progressivement, dans cette région, les variétés traditionnelles pour être aujourd'hui majoritaires (Seenivasan, 2003). Il est fréquent que leur utilisation aille de pair avec l'annonce d'une mauvaise mousson. Du fait des cycles courts, la récolte de la saison samba est avancée, ce qui peut avoir pour conséquence une utilisation précoce et plus intense des eaux du tank.

D'après ces indices, et au vu des

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situations climatiques respectives, il est probable que l'utilisation et la maintenance des tanks aient connu une baisse d'intensité entre 1988 et 2000. Les systèmes de cultures récemment adoptés ont forcément fait évoluer les pratiques agricoles ainsi que le calendrier cultural, quoique dans une moindre mesure, pour ce dernier compte tenu de la dépendance à l'égard de la mousson. D'autre part, la variabilité de la couverture végétale reflète le fait que cette végétation occupe temporairement le lit des tanks, soit à la faveur des conditions naturelles, soit par une volonté sociale, soit encore par manque d'entretiens continus et

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réguliers. Toutefois, cette variabilité locale du type de végétation est contrastée par une persistance à l'échelle globale d'une couverture qui occupe environ 30% de la surface des tanks. Comme on l'a vu, le comblement important dans cette région est aussi un facteur réduisant la capacité de stockage, et donc l'utilisation différée de l'eau stockée.

Carte C (cf. figure 20)

Le premier élément fondamental est la succession d'années très déficitaires en terme de totaux pluviométriques de 1989 à 1992. La date d'acquisition de l'image reflète donc une situation de déficit hydrique marqué caractéristique des périodes de sècheresse. Les chiffres bruts sont significatifs, le tiers de la surface est occupée par de la végétation à faible activité chlorophyllienne (strate herbacée à faibles taux de recouvrement et strate arbustive), alors que les deux tiers restants sont des sols. Précisons que le dépôt de sédiments est un phénomène qui accompagne les phases d'inondation et donc de ruissellement ; un tri sélectif s'opère durant ces phases entre les particules de diamètres distincts. Il en résulte un classement granulométrique entre les particulières grossières (sable, gravier) et les particules fines (limon, argile) respectivement de l'amont vers l'aval. Ces particules fines représentent un fertilisant pour les terres agricoles (aussi bien punjai que nanjai), mais leur utilisation se restreint du fait de la diffusion des engrais chimiques, plus faciles à épandre. Certains paysans, dont beaucoup de sans-terres ponctionnent aussi ces sédiments fins pour des activités de briquetage et de poterie. Cette activité nécessite non seulement un effort de transport mais est aussi très éprouvante pour l'organisme lorsqu'elle est fait de manière artisanale (Deliège, 1997 ; Palayan, 2003). La majorité des sols humides est ici concentrée dans six tanks seulement, qui sont parmi les plus grands et auxquels sont associées des aires contributives étendues.

Carte D (cf. figure 20)

La situation avant le début la saison des pluies est démonstrative d'un assèchement généralisé des tanks, malgré des années 2000 et 2001 plus pluvieuses que la normale. Plus de 75% des sols sont considérés comme secs. Il est ainsi évident que la saison sèche et chaude, ainsi que la mousson d'été, qui n'apporte que de faibles pluies, sont défavorables aux tanks et à leur utilisation.

La vulnérabilité du système des tanks provient de cette incertitude du stock d'eau disponible. Cependant, leur avènement historique a probablement émergé en réponse à cette variabilité pluviométrique qui rendait l'agriculture pluviale encore plus aléatoire dans un contexte de croissance démographique (Gunnell et al., soumis). L'apparition récente de sources alternatives d'irrigation, tel que les puits, pose la question aux paysans de la conciliation des différents systèmes d'irrigation.

On peut, de plus, relier le développement limité de la végétation dans ce secteur à la présence relativement élevée du nombre de gestionnaires de l'eau, dont une des missions consiste à curer les lits des réservoirs afin d'optimiser leur capacité. Ces opérations s'effectuent la plupart du temps de manière collective et manuelle, à l'aide de charrettes et de boeufs. La présence des vertisols peut aussi jouer sur le degré de propagation de la couverture végétale. En effet, durant la saison sèche, les fentes de retrait provoquent la rupture des racines et assèchent le profil très profondément (Duchaufour, 1997).

Les quatre cartes sont le témoin d'une occupation du lit des tanks changeante, avec des dynamiques dont les résultantes s'inscrivent territorialement. À dates relativement comparables, les deux premières cartes indiquent une réduction de la disponibilité en eau qui peut être le fruit d'une dégradation structurelle des tanks. Il est difficile d'incriminer directement les acteurs locaux, comme les neerkatties, du fait de leur nombre relativement

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élevé. Il faudrait plus s'interroger sur l'efficacité des actions entreprises par le PWD ainsi que sur les moyens financiers mis à la disposition des organisations villageoises. On peut aussi penser que l'environnement physique local favorise le comblement des tanks par le biais d'un ruissellement superficiel intense durant les premières phases de la mousson (associé à une faible couverture de végétation), mais qu'il n'est pas propice, dans le même temps, au développement et à la multiplication de sources alternatives, tel que les puits (aquifères salins). La volonté de maintenir les tanks dans un bon état, et principalement les petits, n'est peut être pas ici une priorité pour ces populations, qui disposent en outre de sols permettant des cultures pluviales à bons rendements (Mosse, 1997).

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Figure 20 - Cartes des états de surface du lit des tanks dans la partie aval du bassin versant de la Vaigai-Periyar

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille