2.9. Prise en charge.
Le traitement de l'abdomen aigu chirurgical est
étiologique et, comme le dit le terme, chirurgical.
2.9.1. Traitement des
péritonites aiguës diffuses.
Le traitement des péritonites aiguës s'ordonne
autour de 3 grands axes :
v Le traitement chirurgical vise à supprimer la
lésion causale, à évacuer l'épanchement
péritonéal et à drainer la grande cavité,
v L'aspiration gastrique lutte contre l'iléus
pré et pos opératoire et permet d'attendre la reprise du
transit,
v Le traitement médical corrige le choc
hypovolémique, les désordres métaboliques, les
perturbations respiratoires, et lutte contre la diffusion de l'infection. Il
s'agit donc d'une véritable réanimation pré- et post
opératoire qui encadre obligatoirement l'intervention chirurgicale.
a. La réanimation pré opératoire.
Elle s'impose, dès que la fragilité du terrain,
la septicité de l'épanchement, l'évolutivité de la
péritonite ou le retard apporté au traitement laissent craindre
la diffusion de l'infection ou la survenue de complications métaboliques
ou viscérales. Sous une forme plus mineure, cette réanimation
pré opératoire permet, dans tous les cas au malade, même
jeune et en excellent état général, d'aborder dans les
meilleures conditions, l'acte opératoire. Cette réanimation va
porter essentiellement sur la restauration de la volémie, aussi bien en
qualité qu'en quantité, pour lutter contre les
conséquences du choc hypovolémique.
b. La lutte contre l'iléus.
- Laisser au repos le tube digestif en supprimant toute
alimentation orale,
- Aspiration gastrique continue pour comprimer le tube
digestif.
c. Traitement chirurgical.
- L'acte chirurgical ne doit pas être retardé,
- Voie d'abord large adaptée (laparotomie
médiane ou dans certains cas coelioscopie),
- Prélèvements bactériologiques,
- Toilette péritonéale abondante 10 à 15
litres du sérum physiologique tiède sans adjonction
d'antiseptique (trop agressif) avec ablation des fausses membranes,
- Traitement de la cause de la péritonite :
suture, extériorisation ou exérèse :
v A l'étage sus méso colique : suture des
perforations ou fistulisation dirigée. On peut également
pratiquer une exclusion temporaire du duodénum par agrafage
résorbable et des résections viscérales (gastrectomie
partielle pour un ulcère perforé de l'anse gastrique).
v A l'étage sous méso colique : le
rétablissement de la continuité (anastomose immédiate)
est en règle proscrit et l'on procède à des mises à
la peau (colostomie, iléostomie). En fait, il est parfois possible de
pratiquer une suture ou une résection-anastomose, à de condition
de la protéger par une stomie d'amont décidée en fonction
de l'intensité de la péritonite et de son ancienneté.
Jamais d'anastomose digestive dans un climat septique.
- Drainage des 4 quadrants ? utilisation
réfléchie non systématique : cavité
péritonéale propre après lavage : drainage inutile.
Présence des lésions nécrotiques ou purulentes,
oedème de la paroi intestinale ou ouverture d'espace celluleux ?
drainage des zones déclives.
- La fermeture pariétale doit être
réalisée mais peut être difficile en cas de distension des
anses et d'oedème péritonéal : un massage des anses
permet alors d'exprimer leur contenu soit vers l'estomac (sonde d'aspiration en
place) soit vers le côlon. Possible aide par moyen de contention interne
(treillis résorbable) ou externe (contention élastique
collées) parfois seule par couverture cutanée est possible.
- Réanimation post opératoire.
2.9.2. Traitement des
péritonites aiguës localisées.
a. Abcès pelvien.
- Rectotomie antérieure,
- Incision du cul-de-sac vaginal postérieur
(colpotomie),
- Laparotomie.
b. Abcès appendiculaire.
- Drainer largement la collection,
- Eviter la contamination de la grande cavité,
- Enlever l'appendice.
c. Abcès sous phrénique.
- Drainage large de la collection,
- Antibiothérapie.
N.B. Cas particuliers
v En cas de perforation d'un ulcère
gastroduodénal :
- Le traitement chirurgical consiste en une excision-suture de
l'ulcère, associée ou non à une vagotomie tronculaire en
l'absence de péritonite importante.
- La méthode de Taylor ou traitement
médical de l'ulcère perforé consiste en :
· Une aspiration gastrique douce et continue,
· Une nutrition parentérale, à jeun, repos
digestif,
· Une antibiothérapie,
· Un antiulcéreux.
- Possible que si le patient était à jeun lors
de la perforation et s'il est vu tôt après celle-ci,
- La voie d'abord coelioscopie, lorsqu'elle est possible,
permet de réaliser la synthèse entre traitement chirurgical
classique et méthode de Taylor.
v Péritonites appendiculaires :
- Le traitement associe l'appendicectomie, lavage drainage de
la cavité abdominale. La coelioscopie est une excellente indication
permettant de réduire les complications pariétales.
- Dans certains cas d'abcès appendiculaire rompu, on
pratique une résection de la base de l'appendice voire une
résection iléo-caecale, l'anastomose étant
pratiquée à distance du foyer septique.
v Péritonite colique :
- Les traitements varient selon les opérateurs et le
site de perforation :
· Colostomie + drainage pour une perforation
diverticulaire ou intervention de Hartmann (sigmoïdectomie avec
colostomie terminale iliaque gauche et fermeture du moignon rectal).
· La perforation d'un côlon diastasique impose le
plus souvent une colectomie subtotale avec ou sans rétablissement
immédiat de la continuité iléo-sigmoïdienne.
v Péritonite biliaire :
- Il associe la cholécystectomie, lavage et drainage de
l'hypochondre droit par voie sous costale droite ou par laparoscopie.
v Péritonite génitale :
- Le traitement fait appel à la coelioscopie permettant
lavage, drainage, ponction d'un pyosalpynx puis antibiothérapie
associant Augmentin + Oflocet® ou Augmentin + Cycline.
v Péritonite par perforation du grêle ou
péritonite méso coeliaque :
- La résection du grêle sera suivie si possible
d'un rétablissement immédiat de la continuité digestive,
sinon une double stomie sera réalisée.
2.9.3. Traitement des
occlusions intestinales.
Le traitement de l'occlusion intestinale aiguë
distingue :
- La réanimation ou traitement des conséquences
générales de l'occlusion,
- Le traitement des conséquences locales de l'occlusion
qui sont de 2 ordres :
· L'évacuation du contenu intestinal pour assurer
la décompression endo-intestinale,
· La résection des anses
dévitalisées.
- Le mode de rétablissement de la continuité
digestive,
- Le traitement des causes de l'occlusion.
Tous ces traitements doivent s'associer dans le temps et
s'ordonner selon chaque cas :
a. Syndrome général de l'occlusion.
Son traitement est désigné habituellement sous
le terme évocateur de réanimation humorale.
a.1. Recherche d'un accès veineux.
L'accès le plus direct et le plus rapide sur le milieu
intérieur étant la voie intraveineuse, le premier geste de
réanimation est de s'assurer d'une telle voie ; l'idéal est
représenté par le cathéter que l'on met en place soit en
percutané au travers d'une aiguille, soit par une dénudation
veineuse.
a.2. Liquides à perfuser.
Ils sont de 2 ordres :
- Le sang iso groupe, iso rhésus. En principe, on est
amené à transfuser les occlusions dans les 2
circonstances :
· Lorsqu'il existe une tendance au collapsus,
· Lorsqu'on a à faire à une occlusion d'un
mécanisme particulier s'accompagnant d'hypovolémie même si
celle-ci est encore bien compensée.
La quantité de sang à passer est celle sui
ramènera la TA à une valeur sensiblement normale.
- Les solutés hydro-électrolytiques : le
soluté de base est le sérum glucosé à 5%. Il
apporte avec l'eau une ration calorique certes faible (200 calories/litre) mais
facilement utilisable. A cette ration glucosée, il faudra ajouter chez
le diabétique de l'insuline pour la rendre assimilable. Les
quantités d'eau et d'ions à perfuser sont basées sur,
outre l'ionogramme sanguin et l'état clinique, l'estimation des pertes
(vomissements, troisième secteur), la courbe de diurèse,
l'ionogramme urinaire.
· Le liquide contenu dans les anses peut
représenter jusqu'à un volume de 6 à 8 litres.
· La diurèse est un indicateur précis des
quantités d'eau à perfuser ; une diurèse de 1500
cc/24h est le témoin d'un apport suffisant d'eau.
· La natriurie est a de même une grande valeur
indicative. Son effondrement en-dessous de 10 mEq/24h, en dehors de toute
rétention pathologique témoigne d'un déficit.
· Si après avoir reçu 1000 à 1500 cc
de liquide en 6h, la diurèse est inférieure à 1000, il
faut craindre une néphropathie qui pourrait être
préexistante et aggravée par une occlusion. On doit donc demander
une étude du sédiment urinaire, dose d'albumine et surtout dosage
de l'urée urinaire.
Passer les premières 24h, la réanimation est
poursuivie avec des informations plus précises : la connaissance de
la diurèse et de la natriurie des premières 24h. la
quantité de liquide à perfuser pendant ce 2è
jour de réanimation doit comprendre 2000 à 2500cc de
soluté comme ration quotidienne auxquels il faut encore ajouter 1000
à 2000cc représentant les pertes de l'occlusion correspondant au
retard qui n'a pu être compensé le premier jour et au liquide
perdu depuis par le tube digestif.
Les jours suivants, les quantités de liquide à
perfuser seront habituellement limitées aux 2000 à 2500cc de la
ration quotidienne. Ainsi le remplacement des grandes quantités de
liquide perdu par certains occlus (5-10litres) ne peuvent être
compensées le même jour. La compensation partielle suffit à
rétablir un équilibre vital. Une compensation trop rapide
risquerait d'entraîner des accidents de surcharge vasculaire.
a.3. Drogues que l'on peut administrer.
Dans le cadre de la réanimation des occlus, il faut
placer la lutte contre la pullulation microbienne et les toxines
microbiennes.
- L'administration des antibiotiques est nécessaire
dans les occlusions de causes infectieuses (abcès, appendicite)
infectées (cancer colique). Elle l'est encore plus quand une anse est
étranglée et que le péritoine est souillé par le
transsudat. L'existence d'un choc déclaré ou potentiel est
toujours de fâcheux pronostic. Soulignons
l'intérêt :
· Des transfusions massives de sang et plasma, meilleur
moyen de suppléer la vasoplégie splanchnique avec déficit
de retour veineux.
· Des glucocorticoïdes (Hydrocortisone : 600
à 1000mg d'emblée).
· Des stimulants électriques
bêtarécepteurs du sympathique.
b. Traitement des conséquences locales de
l'OIA.
b.1. Décompensation endo-intestinale.
Les conséquences de la distension sur les parois
intestinales et leur circulation, mais aussi la circulation cave
inférieure et le jeu diaphragmatique soulignent sa
nécessité. Elle est pratiquée de 2 façons :
- L'aspiration continue par un tube transanal. C'est souvent
une simple aspiration gastrique, évacuant les liquides reflués
dans l'estomac mais cela suffit à supprimer les vomissements, à
assurer une certaine décompression abdominale et empêche
l'aggravation de la distension.
- L'aspiration endo-entérale nécessite le
franchissement du pylore.
c. Rétablissement du transit intestinal.
Il constitue le but suprême du traitement de
l'occlusion.il consiste à lever ou à contourner l'obstacle au
transit intestinal. Cela est réalisé par une intervention
chirurgicale si l'obstacle est mécanique, par un traitement
médical si l'obstacle est fonctionnel.
d. Traitement de la cause de l'occlusion.
Agir sur la cause de l'occlusion, c'est d'abord éviter
la survenue de récidives mais c'est aussi traiter une affection dont
l'occlusion n'a été qu'un signe révélateur (colique
néphrétique, cholécystite aiguë).
Il y a ou non une indication à opérer
d'urgence ?
1. Occlusion à opérer d'urgence.
Dans certains cas, l'opération doit être
entreprise le plus rapidement possible. Ce sont des cas où il existe une
souffrance locale de l'intestin (strangulation) ou bien des cas où les
lésions risquent d'évoluer rapidement (hernie
étranglée, striction sur brides) et dans l'ensemble, toutes les
occlusions mécaniques du grêle. Dans tous ces cas, la
réanimation pré opératoire doit être brève.
On ne lui demande que de ramener, si besoin est, un besoin de TA suffisante
pour permettre l'anesthésie intensément pendant l'intervention.
Après l'intervention, il faut continuer la réanimation
parentérale jusqu'à la reprise du transit et la reprise de
l'alimentation per os.
2. Occlusion à ne pas opérer
d'urgence.
Dans l'autre cas, l'urgence opératoire n'existe pas et
l'on garde un espoir de faire céder l'occlusion
médicalement : on temporise sous traitement et surveillance. A
cette indication répondent :
- Beaucoup d'occlusions de cause rectale ou colique gauche
(occlusions mixtes) ou il existe un facteur inflammatoire que l'on peut faire
disparaître,
- Les occlusions de causes infectieuses (salpingite),
- Les iléus paralytiques.
Bien de ces occlusions cèdent en 2 ou 3 jours. Si elles
ne cèdent pas, l'intervention chirurgicale s'impose.
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