II. Cadre historique
II.1. Esquisse de l'historique de la participation
politique des femmes au Togo
L'histoire de la vie politique togolaise fut menée
d'abord dans le cadre associatif avant que les partis politiques n'entrent dans
la danse18. En effet, les Togolais dans la lutte pour accéder
à leur destin naturel, durent s'organiser d'abord en associations et en
de divers mouvements sociaux entre autres le Bund, les Duawo et la All
Ewé Conference (Yagla, 1992). Il a fallu attendre l'année 1946
pour voir poindre les premiers mouvements politiques luttant plus ou moins pour
la même cause. Alors, que ce soit au sein des partis politiques ou dans
les associations, les femmes ont pris une part très active contrairement
à ce que certains intellectuels semblent faire croire.
A analyser les littératures existantes sur l'histoire
du Togo, on s'aperçoit que l'accession du Togo à
l'indépendance n'a pas été le fruit d'une lutte uniquement
masculine. Mais le constat est que beaucoup tendent à tronquer le
rôle non négligeable que les femmes togolaises ont joué
dans cette âpre lutte. Et pourtant, il y a eu des vaillantes femmes
d'Ablodé qui se sont fait remarquer à travers leurs luttes
surtout dans le dernier corps à corps décisif qui
précédait la saisissante victoire du 27 avril 1958.
18 En effet à partir de 1945, avec l'adoption de la
charte des Nations Unies en 1945 consacrant le remplacement du régime de
mandat par celui de la tutelle avec l'extension d'un certain nombre de droits
politiques aux indigènes histoire de les amener progressivement vers la
capacité à s'administrer eux-mêmes, la France fut
obligée d'entreprendre certaines réformes à savoir la
représentation des indigènes à l'Assemblée
Nationale Française et la création d'une Assemblée
Représentative Territoriale). C'est ce qui va ouvrir la voie
à la démocratie représentative (compétitive) qui
nécessite la création des partis pour rafler les voix
électorales.
40
Bien avant 1946, année de la naissance de la
démocratie représentative coloniale qui va donner la voie
à la création des premiers partis politiques, les femmes avaient
déjà commencé à attaquer l'édifice colonial.
En effet, la révolte des 24-25 janvier 1933 fut essentiellement
menée par les femmes (d'Almeida Ekué, op. cit). Elles ont
manifesté leur mécontentement face à la politique fiscale
introduite par le Gouverneur Robert De Guise qui cru bon de résoudre les
problèmes financiers nés de la crise économique de 29 en
augmentant les taux des taxes existantes et en créant de nouvelles.
Cette mesure sadique dont la principale cible fut les femmes (les revendeuses
du grand marché de Lomé) n'a pas eu une longue durée de
vie. Sous l'instigation du mouvement DUAWO (ensemble du peuple), les femmes,
courroucées par l'arrestation de ceux qu'on peut appeler leurs meneurs,
organisèrent une manifestation qui déboucha sur une tuerie
camouflée de la part de l'administration coloniale.
En outre, les historiens sont unanimes à dire
aujourd'hui que la guerre libératrice du Togo pour s'affranchir du joug
colonial aura été très largement la guerre des togolaises.
Car, avec la naissance des partis politiques à partir de 1946, les
femmes togolaises notamment les revendeuses de Lomé vont livrer au monde
un extraordinaire exemple du patriotisme. Elles vont apparaitre comme des
véritables pivots du combat politique pour la libération du Togo.
Téméraires, malgré l'interdiction formelle des tracts,
elles arrivaient à les dissimuler dans leurs pagnes ou encore dans leur
chargement des produits de vente. Infatigables argentières pour la noble
cause, elles étaient les principales pourvoyeuses des fonds pour les
partis politiques qui luttaient pour l'émancipation du Togo du carcan
colonial. Dans son ouvrage, La palpitante quête de
l'Ablodé, l'historien togolais Godwin Tété
Adjalogo voyait à travers la
41
participation de la femme togolaise à la lutte pour
l'indépendance, un phénomène social digne d'une attention
particulière.
S'il faut remonter le cours de l'histoire et se focaliser ne
serait-ce que sur l'envoi des pétitions à la tribune des Nations
Unies, la part des femmes dans la lutte est non négligeable, même
si elle était revêtue d'un caractère beaucoup plus
financier. Sur ce plan, les femmes détaillantes, semi grossistes et
grossistes ont pesé de tout leur poids dans la balance. Le climat
d'émulation qui présidait à toutes leurs activités
à l'intérieur des partis a favorisé la rentrée des
fonds à tel point que certains hommes ne reconnaissaient aux femmes que
le rôle de soutien financier dans la lutte pour l'indépendance.
Cependant, malgré tout ces sacrifices consentis pour la
noble cause de l'indépendance, les femmes ont été
réduites juste après en silence, écartées de la vie
politique sinon transformées en de célèbres incantatrices
et danseuses des chansons d'animation à allure dithyrambique à
l'endroit du pouvoir politique post colonial. En effet, après les
années euphoriques de l'indépendance, les diverses crises socio
politiques qui ont secoué le pouvoir politique togolais n'était
pas de nature à favoriser un activisme politique de la femme. En 1969,
comme c'était le cas dans la plus part des pays subsahariens
indépendants à cette époque, le RPT fut créé
dans le souci de forger une véritable nation en faisant disparaitre des
divergences de tout ordre. Désormais, tout devrait se fondre dans ce
parti unique considéré comme un creuset national. Ce nouvel
épisode politique va sérieusement entamer les
velléités de l'exercice de la citoyenneté de la femme
togolaise, car en dehors du cadre de l'UNFT qui était l'une des ailes
marchantes du RPT, la femme togolaise n'avait pas d'autres passerelles lui
permettant d'opiner librement et d'amorcer un véritable processus
d'individuation politique.
42
L'on avait pensé que l'image de la femme politique
togolaise serait revalorisée au gré des évènements
de 1990, avec l'amorce du processus de démocratisation. Mais les
circonstances fondamentalement violentes et les troubles socio politiques qui
en ont suivi, ont tacitement conduit à une exclusion politique des
femmes, puisque celle-ci se sont repliées davantage sur leur
sphère privée et ont relégué la politique au second
plan. Mais le monde évolue, imprimant un nouveau souffle dans l'esprit
des hommes, une nouvelle manière de penser et d'appréhender les
relations sociales. Depuis ce, l'on commence à voir une lente ascension
de la femme dans la sphère politique et publique. Les femmes commencent
par être consultées dans divers sujets touchant à la vie de
la République. Elles étaient à Ouagadougou lors de la
Signature de l'accord Politique Global. Leur opinion est souhaitée dans
toutes les versions des Cadres Permanents de Dialogue et de Concertation (CPDC)
pour discuter des réformes institutionnelles et constitutionnelles.
Cependant, vu les progrès timorés, la
participation politique de la femme togolaise demeure un vaste et
délicat chantier à construire eu égards aux innombrables
obstacles qui parsèment ce domaine.
|