7. DIAGNOSTIC DE LA RPM
A. DIAGNOSTIC CLINIQUE
La RPM occasionne classiquement une perte de liquide clair qui
amène la patiente à consulter. L'écoulement est le plus
souvent abondant, de survenue brutale, et se répète dans le
temps. L'examen clinique consiste à poser un speculum stérile de
manière à objectiver la présence de liquide amniotique
dans le cul de sac postérieur du vagin
(TARNIER), la présence de particules de vernix
ou méconium à terme renforçant le diagnostic de RPM. Cet
examen confirme dans plus de 90 % de cas le diagnostic de RPM (18).
Les principaux diagnostics différentiels sont
constitués par une fuite d'urine survenant volontiers à l'effort,
des sécrétions accumulées entre la caduque utérine
et la caduque réfléchie (hydrorrhée gravidique dont la
réalité reste à prouver), ou une rupture d'un
épanchement liquidien développé entre l'amnios et le
chorion (poche amnio-choriale, réalité là encore restant
à prouver).
Le toucher vaginal est inutile et potentiellement
délétère sauf s'il existe un doute sur un début de
travail. Plusieurs études ont montré dans le groupe
examiné sous spéculum par rapport au groupe TV, une augmentation
significative du délai d'accouchement et une diminution des
chorio-amniotites. La répétition des touchers vaginaux alors que
la femme n'est pas en travail est donc fortement contre indiquée.
B. EXAMENS COMPLEMENTAIRES DIAGNOSTIQUES.
Ils sont à réserver aux patientes pour
lesquelles l'examen sous spéculum n'a pas été contributif,
soit seulement 10 % des patientes environ. Les données disponibles
concernant la valeur diagnostique des différents tests sont
difficilement comparables en raison des populations incluses variables. Par
ailleurs, les chiffres de sensibilité et spécificité sont
difficilement extrapolables car ils ne concernent pas des populations avec
uniquement suspicion de RPM.
Les différents examens utilisables sont les
suivants :
1. La diamine-oxydase est une enzyme
secrétée par le placenta ; elle est présente dans le
liquide amniotique et le sang maternel dès 20 SA et ce jusqu'à
terme. Le test consiste à appliquer un papier buvard dans le vagin sans
aucune désinfection vulvo-vaginale préalable et en évitant
tout contact avec le col utérin (saignement entrainant des faux
positifs). Le test à la diamine-oxydase possède une VPP
excellente mais son utilisable fait appel à la disponibilité d'un
laboratoire pour effectuer le dosage radio-isotopique, ce qui impose un
délai dans le résultat, le nombre de faux négatifs serait
compris entre 10 et 17 %.
2. Le test à la nitrazine
(Amnicator®) recherche une élévation du pH vaginal par
simple réaction colorimétrique avec un résultat
quasi-immédiat. Le pH endocervical est normalement acide (pH=4) et
devient alcalin en présence de liquide amniotique. Ce test aurait une
excellente sensibilité pour la majorité des auteurs, comprise
entre 90 et 97,5 % mais un taux de faux positifs élevé (de
l'ordre de 20 % pour la majorité des études), et entraine de ce
fait des hospitalisations abusives pour RPM. En effet, la réaction
colorimétrique peut apparaitre en présence d'eau, de mucus
cervical, de sang et de sperme.
3. L'IGFBP1 est présente
à des taux élevés dans le liquide amniotique pendant toute
la gestation (10 - 350 mg / l). Par ailleurs, sa concentration
intra-amniotique est de 100 à 1000 fois plus élevée que
dans le sérum maternel (0,063 à 0,6 mg / l). Enfin, elle n'est
détectée ni dans les urines ni dans le sperme. Ainsi, ce marqueur
présente une excellente spécificité et une bonne
sensibilité, il existe actuellement un diagnostic rapide au lit du
malade (seuil de détection à 25 ug / l).
4. La Fibronectine foetale est
une protéine de la matrice extracellulaire située au niveau des
points d'ancrage du placenta et des membranes. Elle ne doit pas être
retrouvée au niveau des sécrétions cervico-vaginales entre
25 et 37 SA. Un test au lit du malade existe et donne un résultat
quasi-immédiat. Sa sensibilité semble excellente mais avec un
taux de faux positifs élevé. Ce test a surtout été
évalué dans la prédiction de l'accouchement
prématuré en cas de MAP membranes intactes.
Les autres tests disponibles sont l'ancien test de
cristallisation en feuille de fougère qui est peu utilisé
actuellement (simple mais microscope nécessaire, opérateur
entrainé et nombre de faux positifs élevé), la recherche
d'alpha-foetoprotéine (sensibilité faible) et la recherche d'HCG
(très peu de données).
En pratique, l'examen complémentaire ne sera
utilisé qu'en cas de doute après un examen clinique. Le premier
test à utiliser en raison de sa sensibilité, sa simplicité
et de son faible coût est pour beaucoup le test à la nitrazine.
Ensuite, en cas de test douteux, l'IGFBP1 semble supplanter actuellement le
test à la DAO en raison de sa simplicité et de son
résultat immédiat. Tableau 2, qui rapporte les
principaux avantages et inconvénients de tests disponible d'après
VERSPYCLE et Coll.
Test diagnostic
|
Terme d'utilisation
|
Avantages
|
Inconvénient
|
Cristallisation
|
15 SA - Terme
|
Résultat immédiat
|
Peu sensible, peu spécifique, operateur
entrainé.
|
DAO
|
20 SA -Terme
|
Très spécifique
|
Nécessite d'un laboratoire, délai, coût
peu spécifique.
|
Test à la nitrazine
|
25 SA - Terme
|
Très sensible, résultat immédiat
|
Peu spécifique
|
Fibronectine
|
= 24 - 37 SA
|
Très sensible résultat rapide
|
Peu de données, peu spécifique
|
IGFBP
|
13 SA - Terme
|
Très spécifique et sensible résultat
rapide
|
Plus cher que le test à la nitrazine.
|
AFP
|
15 SA - 37 SA
|
Très sensible
|
Kit individuel non commercialisé.
|
Tableau 2 Principaux avantages et inconvénients des
tests disponibles d'après verspyck et coll.
FORMES CLINIQUES INHABITUELLES
Quand les membranes se rompent au début de la
grossesse, l'avortement est de règle. Si la grossesse ne s'interrompt
pas le foetus continue à se développer, privé de son
liquide protecteur et ses enveloppes qui rétractent. La grossesse est
extra-membraneuse d'intérêt pratique restreint, tant elle est
rare. L'accouchement est toujours prématuré, souvent par le
siège. L'enfant est marqué des déformations habituelles
aux grossesses évoluant sans liquide.
1. EVOLUTION
Il se coule un temps de latence entre l'ouverture de l'oeuf et
le déclenchement du travail. Ce temps est variable, d'autant plus court
que la grossesse est proche du terme : après 38 semaines,
l'accouchement se déroule dans le 24 heures dans 70 % des cas, et dans
les 48 heures dans 90 % des cas, l'accouchement lui-même n'a rien de
particulier (9).
La contamination du liquide amniotique constitue l'autre
danger de la rupture prématuré des membranes car aboutira
à l'infection amniotique et reste une préoccupation majeure qui
intervient sur la CAT.
2. PRONOSTIC
Le pronostic maternel, hormis les cas exceptionnel d'infection
amniotique est bon. La morbidité des suites de couches est plus
élevée que normalement à cause de la relative
fréquence des endométrites (environ 2,5 % des cas).
Le pronostic foetal, la mobilité périnatale
liée à la prématurité essentiellement et à
l'infection est augmentée atteignant 3 %. La morbidité
infectieuse restant une préoccupation sur la prise en charge. Nous
signalons que l'ouverture des membranes accélère, au bout d'un
certain laps de temps, la maturation pulmonaire du foetus
prématuré (52).
3. COMPLICATIONS
Les Complications de la RPM sont doubles, maternelles et
foetales. Elles varient selon les circonstances de survenue et notamment selon
l'âge gestationnel.
A. COMPLICATIONS A COURT TERME
·? Maternelles:
· Infectieuses: Les complications
maternelles de la RPM sont essentiellement infectieuses, que la rupture
survienne à terme ou avant terme, (endométrite
septicémie,)
Ce risque infectieux maternel augmente de manière
importante avec la durée d'ouverture de l'oeuf et en cas de
répétition des touchers vaginaux.
·
?Hémorragie consécutive à une
rétention placentaire, ou hématome rétroplacentaire.
·? Foetales:
La morbidité et la mortalité néonatale
dépendent surtout, en dehors de l'infection et de l'hématome
rétro placentaire, des conséquences de la
prématurité et/ou de l'hypoplasie pulmonaire.
· La Prématurité
avec toutes ses complications :
ü Maladie des membranes hyalines ;
ü Dysplasie broncho-pulmonaire ;
ü Entérocolites
ulcéro-nécrosantes ;
ü Hémorragies intra-ventriculaires
sévères ;
ü Encéphalopathies anoxiques ;
ü Leucomalacie péri-ventriculaire (surtout si
Chorio-amniotite, durée d'ouverture de l'oeuf prolongée) c'est
à dire lésions ischémiques de la substance blanche ;
ü Paralysie cérébrale.
· Hypoplasie pulmonaire :
conséquence de RPM précoce, prolongé, souvent
associé à un oligoamnios
L'hypoplasie pulmonaire complique rarement une RPM survenue
après 26 SA ; sa mortalité globale est de 70 %
dans la plupart des séries. L'oligoamnios favoriserait son apparition
selon plusieurs mécanismes : compression extrinsèque du
thorax foetal, augmentation des pertes respiratoires favorisées par une
pression intra-trachéale élevée, et réduction des
mouvements respiratoires de manière à diminuer les pertes
respiratoires. L'hypoplasie pulmonaire est définie classiquement par un
rapport du poids pulmonaire sur le poids du corps < 0,018 à
terme. Ce rapport variant avec le terme de la grossesse. L'hypoplasie
pulmonaire a également été définie à partir
du compte radial alvéolaire ou après quantification de l'ADN
pulmonaire. Plusieurs critères échographiques ont
été rapportés pour prédire l'apparition d'une
hypoplasie pulmonaire en anténatal, mais aucun d'entre eux n'est
actuellement suffisamment fiable pour proposer une interruption médicale
de grossesse.
· Mortalité périnatale
secondaire à la souffrance foetale ;
· Mortalité
néonatale: liée au terme et en fonction de la
prématurité ;
· Déformations:
ü arthrogrypose
ü déformations faciales
ü déformations des membres
Toutes ces déformations surviennent dans un contexte
particulier c.-à-d. second trimestre de la grossesse, durée
prolongé de la rupture et oligoamnios sévère.
Voici quelques images :
· Complications funiculaires et
placentaires:
· Procidence,
· Compression,
· Anomalies RCF surtout si oligoamnios
sévère
Décollement placentaire: risque = 4% en cas de rupture
soit 3 à 8 fois supérieur à la population
générale (64).
Voici une image de la procidence du cordon
B. COMPLICATIONS A DISTANCE
Elles sont essentiellement foetales.
La RPM est un facteur de risque de séquelles
neuro-sensorielles :
ü Surdité ;
ü Cécité ;
ü Retard mental ;
ü Tétraplégie spastique. (64)
4. PRISE EN CHARGE DE LA RPM
Voici là l'attitude clinique devant toute
suspicion de la RPM (18)
A. Hospitalisation
la RPM entrainant le plus souvent un accouchement dans les 48
à 72 H, l'hospitalisation initiale est justifiée afin de tenter
de réduire les conséquences d'un éventuel accouchement
prématuré grâce à une prise en charge
néonatale optimale (65).
Les examens à réaliser en milieu hospitalier
pour dépister les signes de : (11, 29, 32, 65)
Ø Chorio-amniotite : la température, le
pouls, NFS (hyperleucocytose), dosage de la CRP, prélèvement de
liquide amniotique par voie vaginale à l'aide d'un spéculum
stérile ;
Ø Souffrance Foetale : monitorage (tachycardie,
diminution de la réactivité, voire ralentissements)
évaluation du bien-être foetal et de la quantité de liquide
amniotique par l'échographie.
B. Traitement médicamenteux
1. Antibiothérapie : (1,
17, 54, 59)
Ø L'antibiothérapie prophylactique :
Les objectifs de l'ATB apparaissent doubles : traiter une
infection et à retarder la mise en route du travail. Certains auteurs
justifient une ATB prophylactique systématique pour toute RPM
au-delà de 12H, non en travail. Pour d'autres cette prévention ne
s'applique qu'à des terrains particuliers : valvulopathie,
immunodépression, diabète...
Ø L'antibiothérapie curative :
L'instauration de l'antibiothérapie ne se
conçoit qu'après un bilan bactériologique complet ou face
à une infection avérée ou hautement probable.
2. Tocolyse
Une tocolyse de moins de 48 H pour permettre l'administration
d'une cure de corticoïdes est recommandée par la plupart des
auteurs (53).
Pour d'autres, l'indication de ce traitement en cas de RPM est
limitée du fait de la morbidité néonatale et maternelle
qui augmente avec le délai de latence, ainsi que leur relative
efficacité sur la prématurité (53, 54, 59, 71).
Les tocolytiques sont prescrits en absence de contre
indications foetales (Chorio-amniotite, anomalie du RCF), ou maternelles
(cardiopathie grave).
3. Corticothérapie :
L'utilisation des corticoïdes lors de la RPM fait l'objet
de controverses.
En effet, elle est recommandée pour
accélérer la maturité pulmonaire foetale, mais elle ne
doit être prescrite qu'après exclusion d'une Chorio-amniotite et
doit s'accompagner d'une couverture antibiotique (1, 48, 54).
C. Prise en charge obstétricale en fonction de
l'âge gestationnel
1. Avant 28 SA :
Le pronostic de la RPM avant 28SA est sombre et il est
essentiellement lié à la prématurité, par contre
dans les pays en voie de développement on le considère comme
étant un avortement (43, 55).
L'attitude obstétricale, d'après plusieurs
auteurs est l'expectative armée basée sur une surveillance
rigoureuse en milieu hospitalier, sans tocolyse ni corticothérapie, avec
instauration d'une antibiothérapie (1, 48, 73).
2. Entre 28 et 34 SA
Les complications materno-foetales sont moindres, chez les
prématurés issus des RPM gérées dans le cadre d'un
protocole associant une corticothérapie systématique sous
antibioprophylaxie de 48 H et la tocolyse pendant une courte durée pour
permettre une maturation foetale par des corticoïdes (35, 50, 59).
3. Entre 34 et 37 SA
Ø Certains auteurs préfèrent poursuivre
la tocolyse en cas de bonne tolérance, d'autres par contre
préfèrent l'arrêt au-delà de 34 SA ;
Ø Corticothérapie n'est indiquée par la
plupart des auteurs, alors que certains l'utilisent jusqu'à 36
SA ;
Ø La prise en charge obstétricale, est
également discutée, certaines équipes optent pour une
attitude interventionniste, tandis que d'autres lui préfèrent
l'expectative (19, 30, 35).
4. Après 37 SA
D'après les auteurs, deux conduites totalement
opposées sont envisageables, soit le déclenchement
immédiat dans le but d'éviter une morbidité infectieuse
maternelle et foetale, soit une attitude d'expectative pendant 12 H (8, 67,
74).
5. Cas particuliers
Ø Cerclage du corps utérin :
décercler la patiente dès la constatation de la RPM ;
Ø En cas de grossesse gémellaire, de tocolyse
avant 34 SA, il faut attendre, et ensuite ne pas déclencher. Pour les
grossesses de plus de deux enfants, le césarienne est
indiquée ;
Ø En cas de d'infection amniotique, l'évacuation
doit être obtenue dans les 12 H, en raison de la gravité ;
Ø Si c'est un siège on fera une tocolyse avant
34 SA puis on attendra le déclenchement spontané, une
césarienne étant souvent systématique dans
l'intérêt de l'enfant avant 35 SA, après 35 SA, si le
bassin est normal, on attend le déclenchement spontané, sinon, on
césarise;
Ø Utérus cicatriciel : le
déclenchement artificiel n'est plus une indication de la RPM sur
utérus cicatriciel. Cependant l'expectative est
préférable ;
Ø MFIU : c'est une urgence à
l'évaluation utérine, au mieux par le déclenchement
(18).
D. Modalités d'accouchement
Ø Le choix entre la voie basse et la voie haute est
fonction de plusieurs paramètres : le terme, les conditions
locales, la présentation et le degré de souffrance
foetale ;
Ø Le taux de césarienne est accru du fait de
l'augmentation des cas de souffrance foetale, de dystocie dynamique est
d'échec de déclenchement de travail (37, 54) ;
E. CAT chez le nouveau-né :
Ø A l'accouchement, le dépistage de la
contamination néonatale est impératif, et basé sur
l'anamnèse obstétricale (fièvre maternelle, infection
urinaire maternelle...), l'examen clinique (trouble du tonus, l'ictère
précoce...) et sur les prélèvements centraux et
périphériques ;
Ø En dehors des signes infectieux et des signes de
prématurité, l'antibiothérapie systématique n'est
pas indiqué et l'hospitalisation en service de néonatologie n'est
pas obligatoire (12, 47).
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