La Cour de Justice de la CEDEAO à l'épreuve de la protection des Droits de l'Homme( Télécharger le fichier original )par Thierno KANE Université Gaston Berger de Saint- Louis Sénégal - Maitrises en sciences juridiques 2012 |
Paragraphe 2 : L'affirmation des normes régionales africaines de protection des Droits de l'HommeL'insertion de la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples au Traité de la Communauté donne pouvoir à la Cour en vertu de l'article 19 de son Protocole de connaitre des cas de violation des Droits de l'Homme énoncés dans la Charte Africaine (A). Cette Charte, même si elle est une source privilégiée dans l'ordre juridique communautaire, la Cour l'utilise d'une manière autonome (B) A. La Charte Africaine des Droits de l'Homme et des PeuplesConsidérée comme « un espoir pour l'homme et les peuples africains »61(*) dont le pragmatisme des rédacteurs fut d'essayer de « conceptualiser les droits de l'homme à partir des circonstances et données propres aux sociétés africaines »62(*) en cherchant à insérer « l'homme africain » dans « ce bouillonnement universel » - selon KébaMbaye, il devient ainsi tout à fait normal que cette Charte soit une source privilégiée du juge communautaire. En effet, la CAHDP dite Charte de Banjul adoptée le 27 juin 1981 entrée en vigueur le 21 octobre 1986 est un texte de référence auquel le requérant peut s'appuyer pour faire constater qu'un Etat membre de la CEDEAO a violé un de ces droits reconnus ou proclamés par ladite convention régionale. En vertu de l'article 19 du Protocole relatif à la Cour, le citoyen peut se référer aux cas de violations des droits de l'homme énoncés dans la Charte Africaine. En effet, aux termes de l'article 4 $ g du Traité de la Communauté, les Etats membres se sont engagés à adhérer aux principes juridiques fondamentaux tels que « respect, promotion et protection des Droits de l'homme et des Peuples conformément aux dispositions de la Charte africaine ». C'est dire que le législateur communautaire a intégré cet instrument régional dans le droit applicable devant la Cour de justice de la CEDEAO. Cette possibilité est d'autant plus intéressante en ce sens que cette Charte fait partie du droit positif de tous les Etats membres de la CEDEAO. Dans l'affaire Hon. Dr. Jerry Ugokwe v. République fédérale du Nigéria63(*), la Cour a déclaré que la référence à la Charte africaine dans son article 4 du Traité révisé de la CEDEAO aussi bien que dans les autres dispositions permettent à la Cour de « faire intervenir l'application de ces droits catalogués dans la Charte Africaine ». Dans d'autres affaires toutes aussi importantes, la Cour s'est fondée sur les droits garantis par la Charte africaine des droits de l'Homme et des peuples. Il en est ainsi dans l'affaire ChiefEbrimahManneh c/ la République de Gambie64(*). Elle a ainsi jugé que cet Etat était responsable de l'arrestation et de la détention arbitraire du requérant, enfermé in communicado sans jugement. Ce qui est aux antipodes des principes consacré dans la Charte Africaine notamment en ses articles 6 et 7. Dans cette affaire touchant la liberté d'expression, la Cour a, de manière cohérente et convaincante, protégé la libre parole en raison du rôle crucial que joue celle-ci dans le bon fonctionnement de la démocratie. Toutefois même si le législateur communautaire fait de la Charte une partie intégrante du droit applicable par la Cour de Justice de la CEDEAO, celle-ci l'utilise d'une manière autonome. * 61Paul-François GONIDEC, « Un espoir pour l'homme et les peuples africains ? La Charte africaine des droits de l'homme et des peuples », Le Mois en Afrique, juin-juillet 1983, p. 23 * 62 A.B.FALL, « La Charte africaine des droits de l'homme et des peuples : entre universalisme etrégionalisme », Pouvoirs n°129/2 avril 2009 p.77-100* 63 CJ CEDEAO, aff.Hon.Dr.JerryUkogwe c. République fédérale du Nigériadu 7 octobre 2005, (para.29) * 64 CJ CEDEAO 5 juin 2008 ChiefEbrimahManneh c/ République de Gambie |
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