THIERNO KANE : galoya2007@hotmail.com
LISTE DES ABREVIATIONS ET DES ACRONYMES
CADHP Charte Africaine des
Droits de l'Homme et des Peuples
CEDEAO Communauté Economique des Etats
de l'Afrique de l'Ouest
CEDH Convention
européenne des droits de l'homme
CIADH Convention
Interaméricaine des Droits de l'Homme
CIJ Cour de Justice
Internationale
CJ CEDEAO Cour de Justice de la
CEDEAO
CJCE Cour de Justice des
communautés européennes
Cour EDH Coureuropéenne
des droits de l'homme
EAC Communauté de l'Afrique de
l'Est
ECOMOG Groupe de Contrôle du
Cessez-le-feu de la CEDEAO
ECOWAS Economic Community of
West African States
ONG Organisation Non
Gouvernementale
ONU Organisation des
Nations Unies
PIDCP Pacte
International relatif aux Droits Civils et Politiques
PIDESC Pacte International relatif aux
Droits Economiques, Sociaux et Culturels
SADC Communauté de
développement de l'Afrique australe
UAUnion africaine
UEUnion européenne
UEMOA Union économique
et monétaire ouest africaine
SOMMAIRE
DEDICACES
REMERCIEMENTS
LISTE DES ABREVIATIONS ET DES ACRONYMES
INTRODUCTION
TITRE 1 : L'EFFICACITE DE LA PROTECTION DES
DROITS DE L'HOMME PAR LA COUR DE JUSTICE DE LA CEDEAO
Chapitre 1 : Un dispositif juridique pertinent et
varié pour un contrôle juridictionnel de
qualité
Section 1 :La pertinence des instruments juridiques
à la base de l'action de la Cour
Section 2 : La référence aux
instruments juridiques exogènes relatifs aux droits de l'homme
Chapitre 2 :les garanties statutaires de la Cour de
justice communautaire
Section 1 :De l'indépendance des juges
Section 2 :Les garanties fonctionnelles
de la Cour
TITRE 2 : LES LIMITES DE LA COUR DE JUSTICE
DE L.A CEDEAO DANS SA MISSION DE PROTECTION DES DROITS DE
L'HOMME
Chapitre 1 : Une Cour entravée dans son
action
Section 1 :Les entraves juridico- institutionnelles
de la Cour de justice
Section 2 :Les contraintes d'ordre
politico-opérationnel
Chapitre 2 : Pour une juridiction communautaire
plus efficace dans l'espace CEDEAO
Section 1 : La rationalisation du système
communautaire de protection des droits del'homme
Section 2 :Les efforts à entreprendre au
plan opérationnel
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
TABLE DES MATIERES
« Le chemin qui conduit vers le
développement économique et social et vers la consolidation des
institutions (...) ne doit pas contourner les principes essentiels qui fondent
la dignité de l'homme car après tout, la finalité du
développement et le but de toute politique doivent tendre à la
réalisation de l'humain ». K .MBAYE, Revue
sénégalaise de droit, 1977 cité par G.AURENCHE , la
dynamique des Droits de l'homme, édition Desclée de Brouwer, 1998
p.55
251658240251659264
INTRODUCTION
Lorsqu'elle est
protégée, nourrie, la graine des droits de l'homme
finit par germer en dépit des vents
contraires
dans toutes les terres où elle est
semée1(*).
Le régionalisme serait-il devenu une panacée de
l'universalisme ? Actuellement il semblerait qu'il tend à le
supplanter eu égard à son action positivement
appréciée et à l'incapacité de l'universalisme
d'atteindre ses objectifs. En effet, « l'arène universelle est
souvent perçue comme étant trop faible et incohérente pour
une action efficace »2(*). Le régionalisme apparait ainsi comme une
nécessité voire un palliatif à cette carence. Au seuil des
temps nouveaux, l'impératif commande que les Etats sortant de leur
politique autarcique (surtout africains) se regroupent au sein d'entités
régionales en surmontant leurs divergences idéologiques. Il
s'avère que ces Etats réunis autour de solidarités
restreintes ont une meilleure compréhension de leurs problèmes
spécifiques. Donc, sont-ils mieux placés pour apporter des
solutions appropriées et idoines aux moult difficultés auxquelles
ils font face. On doit considérer qu'une organisation
régionale est de prime abord une organisation internationale
définie comme « un groupement permanent d'Etats dotés
d'organes distincts, destinés à exprimer sur des matières
d'intérêt commun, une volonté distincte de celle des Etats
membres »3(*).
Entité juridique structurée, l'organisation
régionale présente des spécificités. Elle repose
sur la contigüité spatiale et la communauté
d'intérêts politiques. Néanmoins, il faut noter que dans
ses dimensions contemporaines le critère géographique n'est pas
toujours déterminant dans l'appréhension du fait régional.
Il a été relativisé au profit de 3 autres facteurs4(*) ;
Primo « l'aspect fonctionnel » qui traduit le besoin
des Etats concernés et des objectifs précisés par
l'organisation ; Secundo, « l'aspect structurel » qui
consiste à donner une structure propre à l'organisation ;
Tertio, « l'aspect psycho-social » du fait régional
lequel nait de l'imitation d'un modèle préétabli qui peut
être ici l'Europe ou l'Amérique. Le système
régional est donc un système autonome qui répond aux
exigences de solidarités restreintes entre un groupe limité
d'Etats qui définissent leurs intérêts communs.
C'est pourquoi partout à travers le monde, des
organisations régionales sont légion et interviennent dans des
domaines variés. Loin d'obéir à un effet de mode mais
plutôt à un projet politique mûrement
réfléchi, l'Afrique n'a pas échappé à cette
tendance intégrative. En effet, l'intégration
régionale apparaît depuis quelques décennies et plus encore
aujourd'hui pour les peuples d'Afrique, comme le meilleur moyen pour relever le
défi du développement dans ce monde entièrement
globalisé.
Cependant, le système régional africain se
distingue du système mondial et présente des
spécificités dont la meilleure illustration nous est fournie par
l'ancien secrétaire général des nations unies, Boutros
BOUTROS-GHALI5(*). Selon
lui ;
1) C'est un système dans lequel le pouvoir se
répartit entre les différents Etats d'une façon
égalitaire
2) C'est un système qui repose sur un pluralisme
régional
3) C'est un système qui est politiquement
indépendant mais économiquement dépendant du
système mondial
4) C'est un système dont les relations internes sont
dominées par certains principes directeurs : appui aux mouvements
de libérations, respect des frontières existantes,
règlement des conflits inter-africains dans un cadre africain
C'est dans ce « pluralisme
régional » qu'il faut situer le développement de la
solidarité communautaire née entre les Etats ouest africains. La
synergie des objectifs a abouti à la création de la
Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'ouest
(CEDEAO).
La CEDEAO est une organisation régionale à
vocation économique née du traité de Lagos adopté
le 28 mai 1975 au Nigéria entré en vigueur en juin de la
même année. Elle regroupe huit (8) pays francophones, cinq ((5)
pays anglophones et deux (2) pays lusophones6(*). L'
organisation
intergouvernementale
ouest-africaine a pour but
immédiat de « promouvoir la coopération et
l'intégration, conduisant à l'établissement d'une union
économique en Afrique de l'Ouest afin d'élever le niveau de vie
de ses peuples, à maintenir et améliorer la stabilité
économique, favoriser les relations entre les États membres et de
contribuer au progrès et au développement du continent
africain ... »7(*).
Les pères fondateurs de l'organisation régionale
ont entendu donc imprimer un rôle éminemment économique
à la CEDEAO. Le préambule du traité et une litanie
d'articles du corpus normatif témoignent de cet attachement des Etats
membres de ladite organisation à la dimension économique de
l'intégration. En vertu du principe de spécialité des
organisations internationales, la CEDEAO s'est donc vue confiée la
tâche de constituer un marché commun entre les Etats membres et
de promouvoir de meilleures performances économiques et commerciales.
Cependant la difficulté de juguler les
déséquilibres et de dégager des réponses
adéquates aux moult problèmes soulevés dans la
Communauté n'ont pas été à la hauteur des
espérances. Ainsi, au gré de facteurs exogènes et
endogènes, les Etats membres de la CEDEAO ont compris que la dynamique
de l'intégration et de coopération c'est-à-dire la
solidarité communautaire apparue à l'aune des
indépendances politiques suppose au préalable un environnement
stable, de paix et de sécurité. Ainsi, au frontispice des
nouveaux objectifs fixés par la CEDEAO depuis la révision du
traité le 24 juillet 1993, entré vigueur le 23 août 1995
une place est accordée à l'aspect sécuritaire8(*) pour assurer la stabilité
de la sous-région en vue de permettre la flexibilité des
échanges, encourager l'investissement et le développement
à long terme.
Mais au regard d'un contexte marqué depuis le Sommet
de Vienne (1993) par la « prégnance des droits de l'homme »
dans la rhétorique internationale, les ensembles économiques ne
peuvent pas rester rivés sur la seule donne mercantile ou
sécuritaire. La CEDEAO va opérer une seconde mutation qui sera
la promotion et la protection des droits de l'homme.
(Est-il besoin de rappeler que ces domaines économique
et sécuritaire ont des liens très ténus avec la question
des droits de l'homme ?).
C'est dire à ce niveau que le plaidoyer pour
relever le défi d'une intégration réussie ne peut se
réaliser sans prise en compte des principes démocratiques qui
promeuvent le respect des droits de l'homme.
Il faut donc constater que c'est récemment que les
droits de l'homme sont devenus un objet de la CEDEAO. Le traité
initial instituant la CEDEAO dans ses 65 articles ne faisait
référence dans aucune de ses dispositions à la notion des
droits humains. Ce sont les protocoles de 1985 et de 19869(*) qui vont introduire la notion
expressisverbis dans l'ordre juridique communautaire mais de façon
timide. C'est dans la Déclaration de Principes politiques de
199110(*) que la
Communauté marque sa forte imprégnation au respect des droits
humains, plus fondamentalement son attachement à l'Etat de droit, socle
de toute bonne gouvernance. Les Etats membres sont ainsi «
déterminés à conjuguer (leurs) efforts en vue de
promouvoir la démocratie dans la sous- région sur la base du
pluralisme politique et du respect des droits fondamentaux de l'homme tels que
contenus dans les instruments internationaux en matière de droits de
l'homme universellement reconnus et dans la Charte Africaine des Droits de
l'Homme et des Peuples ». Ces principes fondamentaux auxquels ont
adhéré les Chefs d'Etat et de Gouvernement ont été
incorporés au Traité révisé de la CEDEAO en 1993.
Le Traité révisé fait spécifiquement
référence aux droits de l'homme dès son
préambule11(*). La
Communauté s'engage en effet à faire respecter, à
promouvoir et à protéger les droits de l'homme dans chaque Etat
membre conformément à la Charte Africaine des Droits de l'Homme
et des Peuples.
Néanmoins, aussi résolument tournée
vers une adaptation progressive aux exigences du moment, le cantonnement de
l'organisation au discours incantatoire ne serait qu'une politique mal
amorcée. Pour jauger l'efficacité de ces principes
désormais consacrés dans le traité, l'organisation
sous-régionale doit être dotée d'une institution autonome
à caractère juridictionnel qui veillera au respect et à
l'application des normes protectrices des droits de l'homme. Le professeur
Kanté rappelle cette exigence matricielle qui fonde tout Etat de droit,
dira-t-il : « il n'y pas d'Etat de droit si les droits des
citoyens sont seulement reconnus et non
juridictionnellementgarantis »12(*).C'est à ce titre que la CEDEAO avec
l'adoption du Protocole A/SP.1/01/05 du 19 Janvier 2005 a donné
compétence à sa juridiction dénommée Cour de
justice de la CEDEAO de connaitre des cas de violation des droits de l'homme.
Depuis cette grande réforme qui a élargi le champ de
compétence de la Cour d'Abuja, les citoyens13(*) ouest africains victimes de
violations de droits humains de la part d'un Etat membre de la
Communauté peuvent désormais accéder au prétoire du
juge communautaire. C'est dans cette perspective qu'il faut situer notre
étude : la Cour de justice de la CEDEAO à
l'épreuve de la protection des droits de l'homme.
Placée à la cinquième position dans la
pyramide institutionnelle de la Communauté, la Cour de justice est
l'organe judiciaire de la CEDEAO créée conformément au
Protocole A/P1/7/91 du 6 juillet 1991. Il faut noter qu'à ce titre les
articles 4 et 11 du traité originaire de 1975 prévoyaient la
création d'un « Tribunal » ; il fallut attendre l'adoption du
Protocole d'Abuja en 1991 pour que ses compétences et son fonctionnement
soient réglementés et que sa dénomination soit
transformée : le « tribunal » laissant place à la
« Cour » avec le traité de révision de Cotonou du
24 juillet 1993. Le siège de la Cour se trouve à Abuja, au
Nigeria.
Aux termes des articles 6 et 15 du traité
révisé, la Cour connait des différends relatifs à
l'application et à l'interprétation des normes communautaires.
La juridiction communautaire était donc exclusivement
réservée aux Etats et les particuliers n'y avaient pas
accès ; leur accès à cette juridiction était
plutôt médiat ; la procédure devait être
diligentée par l'Etat membre. Ainsi, selon l'article 9.3 du Protocole
A/P.1/7/91 un Etat membre peut, au nom de ses ressortissants, diligenter
une procédure contre un autre Etat membre ou une institution de la
Communauté, relative à l'interprétation et à
l'application des dispositions du Traité, en cas d'échec des
tentatives de règlements à l'amiable.
Ce protocole sera modifié aux fins
d'« accroitre la productivité de l'organe judicaire et de
mieux le faire connaitre aux citoyens de la
communauté »14(*).
Le « bond en avant » de la CEDEAO s'est
traduit par l'adoption par la Conférence des Chefs d'Etat et de
Gouvernement le 19 Janvier 2005 du Protocole additionnel A/SP.1/01/05 portant
amendement du Préambule, des articles 1er, 2, 9, 22 et 30 du
Protocole A/P1/7/91 relatif à la Cour de Justice de la
Communauté. Ces modifications ont substantiellement élargi les
compétences de la Cour. Le nouveau protocole permet à la
juridiction communautaire de connaitre de tous les cas de violations des droits
de l'homme intervenant dans le territoire de tout Etat membre et consacre en
même temps un accès individuel direct au prétoire de la
Cour.C'est effectivement cette possibilité offerte aux citoyens ou
aux groupes de citoyens alléguant des cas de violations des droits de
l'homme par un Etat membre de la Communauté de saisir la Cour qui
constitue notre angle de réflexion.
Il s'agira donc à partir du droit positif de mettre en
lumière les compétences de la juridiction communautaire de la
CEDEAO en matière de protection des droits de l'homme. A ce titre,
l'étude envisagée exclue le volet de l'intégration
économique de la CEDEAO bien que celui-ci soit le soubassement de
l'institution de l'organisation. En effet, quelque intérêt
qu'eût représenté une telle étude, l'organe
judicaire n'en serait pas révélateur en ce sens qu'il est
rarement saisi d'affaires mettant en cause par exemple les principes
communautaires tels que la liberté de circulation des personnes et des
marchandises. A contrario, la tendance actuelle qui se dessine devant la Cour
est la croissance exponentielle du contentieux des droits de l'homme, titre de
compétence introduit seulement en 2005.
Afin de mener à bien cette étude qui se veut
dynamique, il convient d'abord de cerner les contours de la notion des droits
de l'homme, notion universellement choyée mais rebelle à toute
approche définitionnelle. La difficulté de donner une
définition satisfaisante des droits de l'homme résulte de la
dilution de la notion en fonction des circonstances, des traditions religieuses
ou culturelles et des régions15(*). Pour tenter de définir cette notion, il
parait adéquat de la mettre en rapport avec d'autres notions voisines.
Dans cette perspective, il s'agira de distinguer les notions
« libertés publiques », « droits
fondamentaux » considérées usuellement connexes
à la terminologie retenue ici.
L'expression « libertés publiques »
a longtemps été préférée par une partie de
la doctrine à celle de droits de l'homme pour désigner lato sensu
les droits et libertés attachés à la personne humaine. Des
critères distinctifs ont été mis en lumière pour
mieux appréhender l'opposition entre « droits de
l'homme » et « libertés publiques ».
Primo, on considère que les « libertés
publiques » relèvent du droit positif et sont donc une
réalité juridique tandis que les droits de l'homme
relèveraient de la conception du droit naturel. Les droits de l'homme
seraient donc de l'éthique. Secundo, on considère que les
libertés publiques procèdent du droit interne alors que
l'expression droits de l'homme est une émanation du droit
international.
Classiquement utilisée en France, la notion
« libertés publiques » correspond à l'Etat
légal c'est-à-dire au règne de la loi. A l'orée, il
s'agissait donc de protéger les droits et libertés
attachés à la personne humaine contre l'arbitraire de la
puissance publique. Le pouvoir législatif était le rempart
destiné à assurer cette protection. Mais la protection des droits
humains ne doit pas être le seul monopole du législateur ;
Pour être efficace et obvier à toute dérive, elle doit se
situer à tous les points névralgiques où les pouvoirs
publics risqueraient d'attenter à ces libertés. La protection va
désormais se situer à un niveau supra législatif
d'où l'expression « droits fondamentaux ».
L'expression « droits fondamentaux » est
issue du droit allemand et correspond à l'Etat de droit. La
« fondamentalité » est liée à
l'inscription de ces droits dans un texte de valeur constitutionnelle ou dans
un texte international. Le doyen FAVOREU propose une définition simple
et précise. Selon lui, les droits fondamentaux sont des
« droits reconnus aux personnes physiques et morales par des textes
et normes supralégislatifs comme des "permissions" opposables aux
prérogatives des trois pouvoirs (législatif, exécutif et
judiciaire) et même à celles des institutions supranationales
»16(*). Le Conseil
constitutionnel français, dans sa décision n°89-269 DC du 22
janvier 1989 utilise pour la première fois la notion « droits
fondamentaux » pour traduire des droits « subjectifs »
reconnus comme fondamentaux en cela que leur essence se trouve à la fois
être inhérente à la nature humaine et la base indispensable
de l'effectivité de l'État de droit.
Qu'ils soient des libertés publiques ou des droits
fondamentaux, ils sont une ramification des droits de l'homme
c'est-à-dire une détermination du régime juridique des
droits de l'homme.
Cependant, il n'existe pas une définition satisfaisante
des droits de l'homme. Le droit international employait l'expression
« droit des Gens » pour désigner les obligations qui
pesaient sur les Etats de respecter un certain nombre de garanties relatives
à la protection des individus. Cette vision occidentale et
individualiste des droits de l'homme est aujourd'hui partagée par de
nombreux Etats et organisations internationales sous l'angle du prisme des
droits retenus ou sur les principes de fond. Les terribles atrocités
commises pendant la Seconde Guerre mondiale ont propulsé les droits de
l'homme sur la scène internationale. Par souci d'idéalisme
pragmatique, les Etats s'engagent à souscrire fidèlement
à des valeurs communes garantissant les droits de l'homme,
prélude à toute coopération internationale. Il s'agit
alors de protéger la personne humaine contre l'arbitraire du pouvoir
étatique. La Déclaration Universelle des Droits de l'Homme (DUDH)
rédigée par la Commission des droits de l'homme, organe des
Nations Unies, adoptée par l'Assemblée générale le
10 décembre 1948 traduit ce souci majeur exprimé par la
communauté internationale de préserver ce « patrimoine
commun de l'humanité » c'est-à-dire protéger les
droits inaliénables, imprescriptibles, universels17(*) et inhérents à
toute personne humaine. Nous sommes dans l'ère de l'Homo Universalis et
la protection de ses droits s'impose plus que jamais. D'une manière
générale donc, les droits de l'homme s'entendent ici
comme un ensemble cohérent de principes juridiques fondamentaux communs
à toute l'Humanité et qui ont pour but de protéger les
prérogatives inhérentes à tout homme en raison de sa
dignité et de sa condition humaines.
Que recouvre alors cette notion de protection ? Elle est
synonyme de garantie, de sauvegarde et suppose dans un régime de droit
écrit l'énonciation d'un droit dans un texte et la mise en oeuvre
de mécanismes de sanctions lorsque des violations de ces droits sont
commises. L'éminent juge Kéba MBAYE définit la protection
des droits de l'homme en ces termes :« est protection des
droits de l'homme, tout système comportant à l'occasion d'une
allégation d'une ou de plusieurs violations d'un principe ou d'une
règle relatifs aux droits de l'homme et édictés en faveur
d'une personne ou d'un groupe de personne, la possibilité pour
l'intéressé de soumettre une réclamation (...), de
provoquer unemesure tendant à faire cesser la violation ou à
assurer aux victimes une réparation jugée
équitable. »18(*). En d'autres termes, la protection des droits
de l'homme s'entend donc comme l'ensemble des mesures destinées à
assurer le respect réel et effectif des droits de l'homme par des
voies de recours efficaces en cas de violation sur le plan
interne comme sur le plan international19(*).
Eu égard à ces considérations qui
précédent, l'étude de ce sujet revêt une importance
particulière, à deux points de vue essentiellement.
D'abord, d'un point de vue théorique,
l'introduction de ce nouveau chef de compétence dans le contentieux
juridictionnel de la CJ CEDEAO relatif aux droits humains est
indéniablement un fait nouveau dans la société
internationale et déroge ainsi au classicisme institutionnel.
Pièces maitresse de la réussite de l'intégration ou de la
coopération, les juridictions régionales surtout africaines ont
été caractérisées par l'importation du
modèle européen qui fait figure d'emblème. La CJ CEDEAO,
n'est pas un modèle « importé ». Elle est la
seule juridiction d'une organisation internationale à vocation
économique qui a reçu un mandat explicite pour se prononcer sur
des cas de violation des droits de l'homme et ce, sans épuisement des
voies de recours internes20(*).
La consécration formelle d'une action individuelle
directe devant la cour est perçue comme une aubaine dans la
sous-région. Dans cette veine, le changement de paradigme dont la
juridiction communautaire est porteuse traduit des valeurs
d'exemplarité et ancre désormais les Etats membres de la
Communauté dans la nouvelle religion des temps modernes à savoir
la « démocratie de protection des droits de
l'homme »21(*). L'ouverture du prétoire de la
juridiction aux particuliers est censée représenter une formule
flexible pour permettre à ceux-ci de surmonter les inconvénients
des systèmes de protection nationaux et au-delà du système
régional.
La protection des droits de l'homme par la Cour de justice
ouest africaine est originale et se différencie ainsi des autres
juridictions régionales et même internationales. En effet, elle
introduit une entorse au traditionnel principe de l'épuisement de voies
de recours internes. Elle peut être saisie directement sans au
préalable que le litige ne soit porté devant le juge national.
L'autre spécificité est relative à ses instruments de
référence. Saisi d'un différend relatif aux droits de
l'homme, le juge communautaire applique des textes non
sécrétés ou générés par la CEDEAO.
Elle travaille sur des bases textuelles hétérogènes. A ce
titre, le requérant peut invoquer des instruments universels et
régionaux protecteurs des droits de l'homme tels que la
Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, les deux Pactes de 1966
et la Charte Africaine des Droits de l'Homme et du Peuple.
Sur le plan institutionnel, il s'agit de voir également
comment la Cour, organe judicaire qui devait se limiter à
l'interprétation et l'application des textes de l'organisation
elle-même soumise au principe de spécialité arrive à
se prononcer sur un contentieux réservé traditionnellement
à des juridictions spécialisées. Il semble que
l'extension des compétences de la Cour aux cas de violations de droits
humains soit une action complémentaire à l'action
économique, principal objectif de la CEDEAO. La compétence
de la Cour en matière de protection des droits de l'homme ne saurait
dès lors être enserrée à ce qu'il est convenu
d'appeler un effet de mode mais elle correspond plutôt à la
volonté affichée par la Communauté ouest africaine
d'assainir le cadre sous-régional par la garantie juridictionnelle des
droits de l'homme, prélude à une intégration aboutie.
D'un point de vue pratique, la réflexion met l'accent
sur l'activisme de la Cour de justice de la CEDEAO. Sur ce point,
l'appréciation ne peut être que provisoire étant
donné que la compétence de l'organe judiciaire en matière
de protection des droits de l'homme est encore récente. Comme le
souligne le professeur A.SALL « c'est au fil des saisines et du temps
que les juges se pénètrent de leurs missions, forgent leur
démarche, affinent leurs concepts, esquissent éventuellement une
politique jurisprudentielle »22(*). Nous prenons toutefois le défi de jauger
l'efficacité de la garantie des droits de l'homme par l'organe
judiciaire de la CEDEAO. Dans la perspective de construction ou de
consolidation de l'Etat de droit en Afrique de l'ouest, le juge communautaire
apparait comme la clé de voûte car appelé à dire le
droit et se hisser au-delà de toute considération d'ordre
politique. La mission est noble mais la réalité fait apercevoir
un tableau contrasté. Le factuel semble décrire un fossé
d'avec le formel.
Opportunément donc, une série de question
mérite d'être posée : La Cour de justice
communautaire de la CEDEAO sera-t-elle à l'aise dans les habits neufs
que l'organisation lui a préparée ? Comment assure-t-elle la
protection des droits de l'homme ? Quels sont les moyens dont dispose
cette juridiction communautaire pour garantir d'une manière effective
les droits humains ? Peut-elle faire face durablement à l'explosion
du contentieux des droits de l'homme devant son prétoire ?
Autant de questions qui sont importantes les unes que les
autres mais que la pédagogie de l'essentiel nous commande de regrouper
en une seule. La protection des droits de l'homme par la Cour de
justice de la CEDEAO est-elle efficace ?
Sous l'angle du prisme des textes et aussi de la pratique
communautaire, une réponse positive s'impose. En effet, le juge
« des droits de l'homme » de la CEDEAO est mis dans une
situation optimale aussi bien sur le plan normatif et institutionnel pour
assurer d'une manière efficace la protection des droits humains des
citoyens ouest africains.
Néanmoins, Reconnaissons-le-ouvertement. La Cour n'est
pas exempte de toute critique. Des facteurs exogènes et
endogènes sont à l'origine de l'inefficience de la Cour dans le
cadre de sa mission de protection des droits humains. La pusillanimité
de la juridiction est consubstantiellement liée à la
toute-puissance des Etats. Sans prétendre disposer du remède
miracle, nous proposons des solutions aux problèmes
ci-mentionnés
Ce cadre défini, la présente étude
tournera essentiellement autour de ces deux centres
d'intérêt : L'efficacité de la protection des droits
de l'homme par la Cour de Justice de la CEDEAO(TITRE 1);Les
limites de la Cour de Justice de la CEDEAO dans sa mission de protection des
droits de l'homme(TITRE 2).
TITRE 1:
L'EFFICACITE DE LA PROTECTION DES DROITS DE L'HOMME PAR
LA COUR DE JUSTICE DE LA CEDEAO
La Communauté Economique des Etats de l'Afrique de
l'Ouest (CEDEAO) est devenue une communauté des droits de l'homme sans
renoncer à l'esprit communautaire initial qui la sous-tendait. Elle
s'est inscrite dans un processus d'intégration plus dynamique dont les
fonds baptismaux ont été posés par le Protocole
Additionnel A/SP.1/01/05 du 19 Janvier 2005 portant amendement du Protocole A/P
/17 /91 relatif à la Cour de justice de la Communauté. Ce qui
ouvre un droit d'accès direct des justiciables au prétoire du
juge communautaire de la CEDEAO. En effet, la nouvelle mission de la Cour de
justice de la CEDEAO est de trancher des différends relatifs aux droits
de l'homme c'est-à-dire des droits dont les individus sont directement
titulaires. Contrairement donc aux Cours de justice de la SADC et de l'EAC qui
ont un mandat implicite pour la protection des droits de l'homme, la Cour de
justice de la CEDEAO a reçu un mandat clair et explicite en
matière de droits de l'homme.
Cette mutation substantielle et qualitative qui a vu une
extension matérielle de l'organe judiciaire, ne s'est pas
accompagnée d'une « charte » des droits de l'homme
spécifique à la Communauté. Dans cette veine en l'absence
d'un texte relatif aux droits de l'homme sécrété par la
CEDEAO, la Cour de justice communautaire convaincue de l'impérative
protection des droits de l'homme travaille avec une panoplie d'instruments
juridiques internationaux et régionaux. Ainsi, ce dispositif juridique
pertinent et varié garantit un contrôle juridictionnel de
qualité (Chapitre 1).
De même au risque d'affadir les bonnes intentions
affichées par la CEDEAO, il est nécessaire que l'environnement
dans lequel se déploie l'action du juge communautaire soit
corrélé à des principes clairs, gage d'une efficience de
la protection des droits de l'Homme. A ce niveau aussi, l'autonomie
structurelle de la Cour et les voies et moyens mises en oeuvre contribuent
à garantir d'une manière efficace les droits de l'Homme. Ces
garanties statutaires sont un bond qualitatif pour une protection effective des
droits de l'homme (Chapitre 2).
Chapitre 1 : Un dispositif juridique pertinent et
varié pour un contrôle juridictionnel de qualité
La réforme de 2005 même si elle n'a pour but
cardinal d'apporter une solution globale et pérenne aux
différents problèmes rencontrés par la communauté
initie une véritable politique d'intégration avec comme vecteur
fondamental la protection des droits de l'homme par un juge communautaire.
Cette réforme audacieuse tend à faire tomber les
rideaux de la souveraineté qui plaçaient l'Etat à la
pyramide suprême. En effet, l'approfondissement du processus
d'intégration dans la sous-région doit être perçu
comme une thérapeutique qui tend à résorber tant bien que
mal certains maux dont souffrait la communauté à raison d'un
inter-étatisme fort reléguant l'individu à la
périphérie. Le Droit comme instrument de
l'intégration sous-régionale doit désormais permettre
d'assainir à des degrés variables l'ordre public
communautaire.
D'abord, les textes juridiques à la base de l' action
de la Cour constituent une véritable avancée dans la protection
des droits de l'homme. En effet, l'arsenal juridique avec lequel travaille la
Haute Juridiction communautaire est d'une pertinence indéniable.
L'originalité de la réforme de 2005 est indiscutablement
liée à la possibilité offerte aux citoyens ouest africains
d'accéder directement au prétoire du juge communautaire.
Au-delà de la pertinence de ces instruments juridiques
à la base de l'action de la Cour (Section 1), la Cour
de Justice de la CEDEAO, en l'absence d'un texte spécifique des droits
de l'homme sécrété par la CEDEAO, travaille avec une
mosaïque d'instruments juridiques exogène relatifs aux droits de
l'homme (Section 1). Ces textes régionaux et universels
énoncent des valeurs communes et supérieures aux Etats
créant ainsi des obligations objectives qui s'imposent à eux.
Section 1 : La pertinence des instruments
juridiques à la base de l'action de la Cour
L'originalité de la réforme introduite en 2005
est indiscutablement liée à la reconnaissance d'un droit de
recours individuel aux citoyens de la communauté victimes de violations
des droits de l'homme. En effet, à la lecture du protocole
élargissant la compétence ratione materiae de la Cour de justice
de la CEDEAO, un droit de recours est ainsi ouvert de plein droit aux
ressortissants de la communauté se prétendant victimes de
violation des droits de l'homme (Paragraphe 1). Clé de
voûte de la garantie de l'intégration régionale et du
système de protection des droits de l'homme, la Cour se veut proche des
justiciables. Elle est à ce titre une institution de proximité
(Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : L'aménagement de voies de
recours individuels devant la Cour
Le recours individuel est la pierre angulaire du
mécanisme de protection des droits de l'homme aménagé par
la CEDEAO. Les personnes physiques ont la possibilité de saisir
directement la Cour de justice communautaire de la CEDEAO (A).
Celle-ci procédera à un
examen « sérieux » des requêtes
individuelles présentée devant elle (B).
A. La saisine directe de la Cour par les personnes
physiques
Avant la réforme introduite par le Protocole de 2005,
l'accès des particuliers à la juridiction communautaire
était médiat ; la procédure devait être
diligentée par l'Etat membre. Ainsi, selon l'article 9.3 du Protocole
A/P.1/7/91 un Etat membre peut, au nom de ses ressortissants, diligenter
une procédure contre un autre Etat membre ou une institution de la
Communauté, relative à l'interprétation et à
l'application des dispositions du Traité, en cas d'échec des
tentatives de règlements à l'amiable. Dans un souci de se
rapprocher davantage des particuliers, les Etats membre de la CEDEAO comptent
élargir les compétences de leur organe judicaire commun aux cas
de violation de droits humains. Les individus pourront le saisir mais ce sera
après épuisement des voies de recours interne.23(*)
Finalement, la révolution viendra du Protocole
Additionnel A/SP.1/01/05 du 19 Janvier 2005 portant amendement du Protocole A/P
/17 /91 relatif à la Cour de justice de la Communauté qui va
concrétiser cet espoir. Ce nouveau texte introduit la dimension
droits de l'homme dans le nouveau chef de compétence de la Cour
de Justice de la CEDEAO. Désormais les particuliers ont la
possibilité d'intenter des recours pour demander la cessation de
violations de l'homme ou le redressement de leurs droits.
Cette réforme fait désormais disparaitre
l'écran étatique et met fin à la jurisprudence
Afolabi24(*). Elle
confère indiscutablement la qualité de droit des gens à
l'individu25(*). (Celui-ci
demeure néanmoins toujours un sujet mineur ou dérivé de
droit international).
A défaut de mécanismes garantissant une
application effective du respect des droits de l'homme qui d'abord doit se
concrétiser par l'accès au prétoire de la juridiction par
le justiciable, tout droit proclamé parait dénué de sens.
La condition d'effectivité est liée principalement sur un
recours de droit individuel qui ne décime pas le justiciable dans un
labyrinthe de procédure et qui se traduit par la suppression de
certaines futilités. Sous ce rapport, la CEDEAO a
déployé un véritable Plan Marshall.
La Cour, en vertu de l'article 9 (4) et 10 (d) du protocole a
compétence pour se prononcer sur des cas de violation de droits humains
à condition que la demande ne soit pas anonyme et que l'affaire ne soit
pas pendante devant une autre juridiction internationale.
La première exigence consacrée aussi par
d'autres juridictions26(*)
va de soi ne serait-ce que pour des raisons de crédibilité de
l'institution et aussi pour éviter divers abus. Pour que la
requête soit donc recevable, elle doit spécifier le nom et
l'adresse du demandeur, la désignation de la partie contre laquelle la
demande est effectuée, le sujet des poursuites et un
résumé des allégations en droit sur lesquelles la demande
est fondée etc.27(*)
Selon la deuxième exigence, la saisine d'une autre
instance juridictionnelle à caractère international rend
irrecevable la requête individuelle devant la Cour. Cette condition est
prévue dans tous les mécanismes internationaux d'enquête ou
de règlement28(*).
Cette règle ne se limite pas seulement au principe de non bis in idem
mais englobe également le cas de litispendance. Elle a été
expressément posée pour « exclure le cumul de
procédures internationales »29(*). Elle repose sur un souci
d'éviter une contrariété de jurisprudence. En effet en
dépit de la prolifération des juridictions internationales, il
n'existe aucune hiérarchie entre elles comme dans les systèmes
judiciaires internes des Etats. Aucune d'entre elle n'est compétente
pour réviser la décision d'une autre instance
internationale30(*).
Mais c'est surtout, plus spécifiquement au niveau de
règles procédurales que la Cour de justice de la CEDEAO se
singularise. En effet, le système de protection communautaire ne
s'inscrit pas dans la lignée des procédures suivies par les
autres juridictions régionales. L'innovation est audacieuse et
précieuse et se distingue du dispositif institué par l'Europe,
pionnière de la protection régionale des droits de l'homme et de
l'Amérique avec la Cour de Jan José, la « petite
soeur » de la Cour européenne. Ni commission de filtrage
des requêtes individuelles, ni exigence de l'épuisement de voies
de recours internes à l'image de ses ainés31(*), le système de
protection des droits de l'homme apparait comme efficient. Le
requérant est donc dispensé de prouver avoir utilisé dans
son pays d'origine les recours internes, considérés comme un
handicap, une règle contraignante pour les individus désireux de
saisir les juridictions internationale. Sur ce point la CEDEAO a osé en
dérogeant au traditionnel principe de l'épuisement de voies de
recours interne.
La célérité de la procédure est
une rampe de lancement et non une pierre d'achoppement pour une garantie
effective des droits du citoyen ouest africain. Le labyrinthe procédural
pour l'accès à la justice est désormais
résorbé par cette technique. Ce qui sans doute explique l'afflux
croissant des requêtes auxquelles la Cour fait face depuis 2005.
La CJ CEDEAO, dans l'affaire « Dame Hadijatou Mani
Koraou c/ la République du Niger »32(*)tout en reconnaissant le
caractère subsidiaire de sa juridiction n'a pas suivi la partie
défenderesse qui estimait que « la saisine de la
juridiction communautaire est subordonnée à l'épuisement
des voies de recours internes »33(*). La Cour estima à bon droit que la protection
des droits de l'homme par des mécanismes internationaux tout en
demeurant subsidiaire peut s'accommoder avec une interprétation
très souple de la règle de l'épuisement des voies de
recours internes. C'est même la position de la Cour Européenne des
Droits de L'Homme dans l'affaire Wilde, Ooms et Versyp c/ la Belgique du 18
juin 1971 lorsqu'elle déclare « conformément à
l'évolution de la pratique internationale, les Etats peuvent bien
renoncer au bénéfice de la règle de l'épuisement
des voies de recours internes »34(*). Il s'agit là d'une jurisprudence constante de
la Cour de justice de la CEDEAO. Les particuliers n'ont pas besoin
d'épuiser les recours internes pour pouvoir accéder au
prétoire du juge communautaire.
(Curieusement à la lecture de certaines
décisions de la Cour communautaire, il est singulier de constater que
les Etats incriminés de violations de droits humains se défendent
souvent en affirmant que les requérants n'ont pas épuisé
les voies de recours internes35(*)).
En accordance avec sa jurisprudence de principe, la CJ
CEDEAO n'exige toujours pas l'épuisement de voies de recours interne. Ce
qui risquerait évidemment d'obérer la protection des droits de
l'homme.
Il ressort de de cette analyse que le mécanisme de
protection institué par la CEDEAO pour préserver les droits de
l'homme des citoyens ouest africains est à bien des égards
révolutionnaire. Celui-ci tient principalement à la
simplicité, à la lisibilité de l'édifice
institutionnel. Saisi d'un litige relatif à une violation des droits
humains, le juge procède à un examen du caractère
« sérieux » de la requête
B. L'examen du
caractère « sérieux » des requêtes
individuelles
L'exercice d'un droit de recours individuel est
subordonné à la qualité de victime. Seule une personne
« victime » d'une violation des droits garantis par les
instruments juridiques faisant partie du droit positif des Etats peut exercer
un recours individuel.
Le demandeur peut être considéré comme une
victime dès lors qu'il existe un lien suffisamment direct entre lui et
la violation alléguée. A cet égard, pour que le
requérant puisse se prétendre victime, il faut qu'il produise des
indices raisonnables et convaincants de la probabilité de la
réalisation d'une violation en ce qui le concerne personnellement, de
« simples suspicions ou conjectures étant insuffisantes
à cet égard »36(*). Par conséquent, seule une décision ou
une mesure interne lésant concrètement les droits du
requérant peut justifier un tel recours. Mais la notion de victime doit
dès l'abord être mise en corrélation avec le statut du
citoyen. La victime doit être un ressortissant de la Communauté
c'est-à-dire « toute personne qui, par la descendance, a la
nationalité d'un Etat membre et qui ne jouit pas la nationalité
d'un Etat non membre de la communauté »37(*).
Dans le contexte de « l'ordre juridique
communautaire intégré de la CEDEAO »38(*), le juge se veut pragmatique
dans sa démarche en interprétant les dispositions
dégagées par le législateur communautaire dans un esprit
de plus en plus favorable aux individus. Il en ainsi dans l'affaire
Hissein Habré c/ Etat du Sénégal39(*) où la Cour a
constaté l'existence d'indices concordant de probabilité de
réalisation de nature a violé les droits de l'homme du
requérant sur la base des réformes constitutionnelles et
législatives entreprises par l'Etat du Sénégal. Si on sait
qu'une loi a priori se détermine dans l'abstrait, (C'est un truisme de
rappeler qu'une loi se caractérise par la
généralité et l'impersonnalité) le cas concret
devenant difficile à constater, on peut dire ici que le juge
communautaire a fait montre de hardiesse et de témérité.
La Cour a interprété de façon autonome la notion de
victime de sorte que le recours individuel est largement ouvert. Cet
arrêt rappelle à bien des égards l'affaire Marcks où
les juges européens ont admis la notion de victime potentielle ou
éventuelle. Selon la Cour de Luxembourg, « un individu peut se
prétendre victime du seul fait de l'existence d'une législation
dont il risque de subir les effets mais indépendamment de toute
application effective »40(*).
Le requérant individuel doit avoir en outre un
intérêt personnel à agir. Cet intérêt à
agir est apprécié en fonction de l'incidence de l'acte
attaqué. Il faut également que les conséquences du
traitement préjudiciable atteignent le requérant à titre
particulier. Selon la Cour, la violation d'un droit de l'homme ne
s'apprécie pas in abstracto mais in concreto et se constate a posteriori
c'est-à-dire lorsqu'elle a déjà eu lieu. Par
conséquent seule une décision lésant concrètement
les droits de l'individu peut justifier un recours devant la Cour
communautaire.
Cela s'explique par le fait que la Cour de Justice
communautaire n'a pas pour rôle d'examiner les législations des
États membres de la Communauté in abstracto, mais plutôt
d'assurer la protection des droits des individus lorsque ceux-ci sont victimes
de violations de ces droits qui leur sont reconnus, et ce, par l'examen des cas
concrets présentés devant elle41(*).
Cette condition s'explique à notre avis par le souci de
ne pas encombrer la juridiction communautaire par des recours nombreux.
Sous ce rapport, il ne faut pas se méprendre ; La Cour de
céans demeure certes une vitrine des droits de l'homme mais refuse de
devenir une vox populi en transformant les recours en une actiopopularis qui
risquerait de froisser la susceptibilité des Etats.
Aussi, pour que la requête soit recevable, elle doit
être dirigée contre un Etat membre de l'organisation. Le
défendeur ne peut donc être qu'un Etat. En effet, seul un Etat
membre peut faire l'objet d'une requête devant la Cour. Est donc
irrecevable, toute requête dirigée contre un particulier.En
quête d'une protection effective des droits de l'homme dans la
sous-région ouest africaine, la Cour est devenue une juridiction de
proximité.
Paragraphe 2 : La Cour de Justice de la CEDEAO, une
juridiction de proximité
Au regard du traité de la CEDEAO et ses protocoles y
afférents, on peut dire que la justice communautaire est une justice de
proximité (A). La délocalisation des audiences
hors d'Abuja est une véritable aubaine dans la sous-région
(B).
A. Le fondement du caractère forain de la
justice communautaire
S'inscrivant dans la dynamique de permettre à sa
juridiction de remplir efficacement son office sous tous les angles utiles, la
CEDEAO n'a pas manqué de faire de la CJ CEDEAO une juridiction
mobile au même titre que les autres juridictions
internationales42(*).
En effet, aux termes de l'article 26 du Protocole de 1991
relatif à la Cour, « la juridiction communautaire peut se
déplacer lorsque des circonstances l'exigent en tout lieu autre que
celui de son siège ». Instituée dès l'abord pour
des questions liées à l'intégration économique,
c'est dans le cadre de la protection des droits de l'homme que cette
possibilité de siéger hors les murs d'Abuja prend tout son
relief. En effet, en ce qui concerne les questions relatives à la
violation des droits humains, les circonstances qui peuvent justifier le
déplacement de la CJ CEDEAO sont diverses. Il peut s'agir par exemple de
raisons liées à l'état impécunieux du justiciable
pour accéder au juge ou alors pour l'audition des témoins. Cette
aide juridictionnelle est accordée à la personne dont l'action
n'apparait pas manifestement irrecevable ou dénuée de tout
fondement.
Ainsi, « pour que l'accès au juge ne soit
pas que vain principe et paravent d'incurie »43(*)afin que le droit à la
justice soit un droit pour tous, et non un « privilège », le
temple de la justice doit être ouvert à toutes les victimes, de
quelque position sociale qu'elles soient pour une meilleure protection des
droits de l'homme. Donc «il ne faut pas, comme l'affirme Me
Bane,que la justice communautaire soit une justice des riches. Il faut que
ça soit la justice de toute la population de l'espace de la CEDEAO
»44(*).
Le citoyen ouest africain bénéficie d'un
droit d'accès assez particulier pour que sa cause soit entendue. La CJ
CEDEAO peut se transformer en une juridiction foraine, qui peut se
déplacer pour siéger hors les murs du Nigeria le cas
échéant. En effet, l'éloignement du justiciable de la
juridiction peut constituer un obstacle majeur. C'est pourquoi dans l'affaire
Dame Hadijatou Mani Koraou c/ République du Niger pour montrer que la
justice de l'intégration n'est pas
« éthérée »45(*), le juge a
accédé à la demande de la requérante en raison de
son « état d'impécuniosité » et
la nécessité d'entendre les témoins résidant au
Niger. Ainsi, comme le fait remarquer le professeur Renucci, « le
justiciable ne doit en aucun cas être dissuadé d'accéder
à la justice pour des raisons matérielles ».46(*)
Le rayonnement de la Cour de justice communautaire de la
CEDEAO, son prestige, est intimement lié à ce système
d'assistance juridictionnelle. La solidarité dont elle fait montre
avec les indigents, la discrimination positive qu'elle instaure entre les
citoyens de l'espace communautaire sont gages d'une efficience certaine de la
protection des droits de l'homme dans l'espace ouest africain.
Donc, on peut dire ce qui pouvait constituer un
caractère rédhibitoire à l'accès au juge
communautaire trouve désormais une alternative dans la mobilité
de la Cour. Une véritable aubaine dans l'espace communautaire.
B. Une aubaine dans l'espace ouest africain
« Ce sont toujours les plus faibles qui aspirent au
droit et à l'égalité, les plus forts ne s'en soucient
pas » disait le grand philosophe grec, Aristote. Si la victime,
à cause de son état impécunieux ne parvient pas à
saisir un juge, cela fait une injustice de plus mise sur son dos. On peut dire
que cette possibilité offerte par la CEDEAO constitue indubitablement
une aubaine pour le justiciable ouest africain, si on sait qu'en Afrique la
plupart des populations vit sous le seuil de la pauvreté. Selon
Delphine d'ALLIVY KELLY, avec le caractère forain de la Cour,
la CEDEAO a levé le voile pour permettre une
« accessibilité pratique et
économique »47(*). L'on est amené à cet effet à
dire qu'avec ce système d'assistance juridictionnelle, l'indigence n'est
plus un handicap pour accéder à la justice communautaire.
A la lecture des arrêts rendus jusque-là par la
CJ CEDEAO, on constate que les ressortissants nigérians sont les
principaux requérants. Cela s'explique, pas parce que le Nigéria
soit le mauvais élève de la CEDEAO en matière de
protection des droits l'homme mais simplement par le fait que le siège
de la Cour se trouve à Abuja. La proximité avec la justice permet
ainsi d'accéder plus facilement au prétoire du juge. L'obstacle
financier, pour ceux qui se trouvent hors d'Abuja, est ainsi endigué par
cette mobilité de la Cour de justice communautaire.
Par rapport aussi au système africain de protection
des droits de l'homme, nous pouvons dire que l'existence de la CJ CEDEAO est un
véritable havre pour les citoyens ouest africains, victimes de
violations de droits humains. Entre la juridiction communautaire et la
juridiction régionale, nous sommes persuadés que le citoyen ouest
africain choisira sans anicroche la première48(*).
Sans être un pourfendeur aux idées nihilistes du
système africain de protection des droits de l'homme, nous pouvons
relever certaines faiblesses institutionnelles qui semblent annihiler
l'efficacité de ce contrôle. En effet, la Commission peine encore
à imposer la protection des droits de la Charte par les Etats. La
procédure des communications est emblématique du mandat de
protection de la Commission. C'est par ce biais quasi-judiciaire que celle-ci
est censée concrètement faire respecter les droits de la Charte
par les Etats parties. Mais cette procédure est longue et les
décisions prises au titre des communications sont trop souvent
inappliquées par acteurs étatiques. Par exemple, la
décision Diakité c/ Gabon a été rendue en 2000
alors que l'affaire avait été portée devant la Commission
en 1990.
Ce sont ces lacunes non exhaustives qui semblent à nos
yeux justifier la mise en place d'un organe judicaire qui complétera le
travail de la Commission. Là aussi, s'il est vrai qu'avec la mise en
place de la CADHP49(*),
l'Afrique peut « s'enorgueillir d'une véritable
juridiction à l'échelle régionale en matière de
protection des droits et libertés »50(*), il n'en demeure pas moins
qu'elle prête elle aussi le flanc à la critique.
D'abord, il serait illusoire dans la quête permanente
d'une protection effective des droits de l'homme de prévoir un
système de déclaration facultative unilatérale de la part
des Etats qui acceptent la compétence de la Cour pour examiner les
requêtes individuelles51(*). Le mimétisme hérité du
modèle de la Convention européenne de 1950 abandonné en
1998 peut-il faire long feu en Afrique ? Nous estimons que ce
système juridictionnel d'importation ne peut pas prospérer en
l'état dans la réalité actuelle africaine. Qu'on se
rappelle ! La France n'avait-elle pas attendu 1981 pour faire une telle
déclaration alors que la convention existait depuis 1950 ? Les
Etats africains sont encore très jaloux de leur souveraineté pour
permettre à leurs citoyens d'accéder au prétoire de la
juridiction régionale. En introduisant la procédure de
déclaration supplémentaire de compétence concernant les
requêtes individuelles, le Protocole semble donc opérer un recul
dans la pratique du système actuel de protection des droits de l'homme.
Depuis l'entrée en vigueur du Protocole établissant la CADH,
seuls 26 Etats sur 54 membres de l'UA l'ont ratifié et parmi eux
seulement 5 Etats ont accepté la déclaration autorisant les
individus et les ONG à saisir la Cour régionale52(*).
Une justice encline à condamner les violations des
droits de l'Homme doit dès l'abord être généreuse
sur le plan principiel avec les justiciables. Faute de quoi, elle reste
à l'état virtuel. La CEDEAO déroge fondamentalement
aux mécanismes de protection des droits de l'homme prévus
à l'échelle régionale. Sur le plan principiel, elle est
généreuse avec les justiciables.
A la lumière donc de ce qui précède, l'on
retient que l' « organe mère » - la CEDEAO- a
secrété des instruments juridiques pertinents qui sont à
la base de l'action de la Cour. Le recours individuel est symptomatique des
nouvelles ambitions de la CEDEAO ; la construction d'une Communauté
fondée sur le droit. Sur le même registre de ce principe
sacro-saint de protéger les citoyens ouest africains, ces derniers
peuvent invoquer une panoplie d'instruments exogènes pour étayer
le bien-fondé de leurs prétentions.
Section 2: La référence aux instruments
juridiques exogènes relatifs aux droits de l'homme
Le Protocole du 19 janvier 2005 a élargi les
compétences de la Cour aux cas de violations des droits humains mais
l'extension de la compétence rationae materiae ne s'est pas
accompagnée d'une « charte » des droits de l'homme
spécifique à la Communauté. A ce titre, la Cour de justice
de la CEDEAO doit trancher des litiges relatifs à la violation des
droits humains en se référant à des textes
exogènes. Elle s'appuie ainsi dans son office aux instruments juridiques
universels de protection des droits de l'homme (Paragraphe 1)
ainsi qu'aux normes régionales africaines relatives aux droits
de l'homme (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : La reconnaissance des instruments
internationaux de protection des Droits de l'Homme
Par essence, les droits de l'homme sont universels. L'homme
parce qu'il est homme bénéficie de droits inaliénables et
imprescriptibles qui ne peuvent être altérés. C'est
pourquoi le temple de la Cour de justice ouest africaine n'est pas
réfractaire à l'invocation de droits humains inscrits dans les
instruments juridiques universels à portée générale
(A) ou à objet particulier (B)
A. La référence aux instruments
juridiques universels à portée générale
Le buissonnement juridictionnel nous enseigne L.B
Larsen est à son zénith dans toutes les parties du monde53(*). Le processus d'autonomisation
et de développement des juridictions régionales et
sous-régionales s'est matérialisé par l'adoption de
« convention » devant être le texte
référence de la juridiction même si ces juridictions
peuvent se référer aux instruments universels.
Ad exemplum, la Cour africaine, ainsi que ses homologues
européen et interaméricain, est compétente pour
interpréter et appliquer l'instrument régional
général de protection des droits de l'Homme. A cet effet, la Cour
africaine54(*) est
instituée pour le respect de la Charte africaine des droits de l'Homme
et des peuples et ses Protocoles, la Cour européenne55(*) pour l'interprétation
et l'application de la Convention européenne de sauvegarde des droits de
l'Homme et des libertés fondamentales et ses Protocoles. Il en est de
même de la Convention américaine des droits de l'Homme dans le cas
de la Cour interaméricaine56(*). La CJCE s'est dotée également en 2000
d'un texte spécifique, la Charte des droits fondamentaux de l'Union
Européenne. Il en est de même pour d'autres juridictions. C'est le
cas depuis le 26 juillet 2002 pour la Communauté andine qui est ainsi
pourvu de son propre texte de référence, la Charte Andine de
Promotion et de Protection desDroits de l'homme.
Donc, on peut retenir que chaque juridiction régionale
s'appuie ou s'inspire sur un texte de référence endogène
pour se prononcer sur des cas de violation des droits de l'homme.
Quant à la juridiction communautaire de la CEDEAO, elle
déroge à cette ontologie classique en s'appuyant sur un corpus
extrêmement large, une mosaïque de textes exogènes. Cela
s'explique par le fait que les autorités communautaires n'ont
envisagé que tardivement la question desdroitsfondamentaux et de leur
protection. Cette apathie justifie sans doute l'absence d'un texte
adopté par la CEDEAO relatif à la protection des droits de
l'Homme destiné à la pérennisation des droits fondamentaux
dans l'ordre juridique communautaire.
En effet, à l'orée, le tribunal de la CEDEAO
crée en 1975 qui va devenir plus tard la Cour de justice de la
Communauté après le traité de révision de Cotonou
en 1993 était le garant la réussite de l'intégration
économique. Le Traité (lato sensu) constituait à cet
égard la seule source de référence s'agissant de
l'interprétation et de l'application des normes communautaires. Les
droits de l'homme n'y figuraient pas encore dans le Traité.
C'est pourquoi la Cour de justice de la CEDEAO dans son office
travaille avec des instruments généraux tels que la
Déclaration Universelle des Droits de l'Homme de 1948, les deux pactes
sur les droits Civils et Politiques de 1966.
Au-delà des quolibets qu'on pourrait en porter
sur ce schéma d'externalisation, force est de reconnaitre que le souci
majeur est d'entrebâiller les portes de la protection des droits de
l'homme pour une action efficace. Après tout, all men are
createdequal57(*).
Dans le nouveau paradigme posé par la CEDEAO, le
requérant peut invoquer des instruments juridiques universels tels que
la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme et les deux pactes pour
arguer sur des cas de violations des droits humains. La
généralité des textes et l'absence d'une définition
précise et univoque de la notion des droits de l'homme sont une aubaine
pour les citoyens ouest africains victimes de violations de droits de l'homme.
Cette conception extensive des droits de l'Homme (droits civils et politiques,
économiques, sociaux et culturels, droit des peuples) est favorable aux
saisissants.
En effet, la DUDH, « universelle par son inspiration, par son
expression, par son contenu, par son champ d'application, par son
potentiel »58(*)
proclamée le 10 décembre 1948 forme le portique du monument des
droits de l'homme édifié par les Nations Unies. Les bienfaits de
cet idéal commun se sont ruisselés dans presque toutes les
contrées du monde. Il s'est donc agi de permettre aux ressortissants de
l'espace communautaire de la CEDEAO de puiser dans ce trésor
inépuisable pour une défense plus effective de leurs droits.
Ce texte de portée universelle considéré par Bidegaray
comme « le meilleur article d'exploitation de la pensée
politique »59(*) des Etats de notre époque a ouvert une
brèche dans laquelle presque tous les Etats se sont engouffrés
pour rendre la société des hommes plus juste et plus
généreuse. Il est considéré à juste titre
comme le patrimoine commun, la Magna Carta de l'humanité.
Les Etats ouest africains en faisant référence dans le
préambule de leur constitution aux principes et droits de l'homme tels
que définis par la DUDH lui confèrent valeur de droit positif.
Au chapitre de cette faculté offerte aux victimes,
les requérants, faute d'une définition prétorienne par le
juge communautaire et textuelle opérée par la CEDEAO, ne manquent
pas de se situer dans la
« généralité » pour faire constater
que leur droit a été violé par un Etat membre de
l'organisation. Le juge sous-régional se pose de ce fait en
véritable juge d'un droit universel.
Cette déclaration n'ayant pas de valeur juridique
obligatoire fut complétée par deux pactes adoptés par
l'Assemblée générale de l'O.N.U. le 16 décembre
1966 : d'une part, le Pacte relatif aux droits civils et politiques, d'autre
part, le Pacte relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Ils
constituent comme la Charte des Nations Unies et à la différence
de la Déclaration une convention internationale qui met à la
charge des Etats l'obligation juridique de respecter les droits
proclamés Le protocole sur les droits civils et politiques
(PIDCP) adopté le 16 décembre 1966, entré en
vigueur le 23 mars 1976 reflète la pensée collective de la
communauté internationale. Ce texte impose déjà dans son
préambule aux Etats l'obligation de promouvoir le respect universel et
effectif des droits et des libertés de l'homme. Le Pacte relatif aux
droits économiques, sociaux et culturels entré en vigueur la
même année poursuit les mêmes objectifs. En effet, les deux
Pactes interdisent dans des termes identiques toute discrimination
fondée sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion,
l'opinion politique ou toute autre opinion, l'origine nationale ou sociale, la
fortune, la naissance ou toute autre situation (article 2 al.1Pacte relatif aux
droits civils et politiques et article 2 al.2 du Pacte relatifs aux droits
économiques, sociaux et culturels)
Outre ces instruments juridiques à portée
générale la Cour travaille avec les textes internationaux
à objet spécifique.
B. Les textes internationaux à objet
spécifique
La Cour ne se réfère pas uniquement aux normes
internationales à portée générale. Elle peut
également être amenée à juger les violations par un
Etat partie de tout autre instrument de protection des droits de l'Homme,
international ou africain, ratifié par celui-ci. La compétence de
la Cour s'appuie donc sur un champ large d'instruments juridiques, permettant
de compléter ces textes et d'en combler éventuellement les
lacunes.
Un requérant peut ainsi saisir la Cour de justice
communautaire en invoquant la violation des dispositions d'une convention
ratifiée par l'Etat en cause qui garantitun éventail de droits
plus étoffé que ceux visés dans ces instruments.
Ces dispositions malgré leur résonance
particulière développent une approche globale et plus
détaillée des droits dont l'individu peut se prévaloir. Au
titre de sa compétence relative à l'examen des cas de violations
des droits de l'homme, la Cour peut être amenée à
déterminer si un Etat a violé ou non une de ses dispositions. La
Cour se fondera bien évidemment sur l'interprétation
donnée à ces instruments par les organes conventionnels qu'ils
établissent.
A cet égard sans prétendre dresser une liste
exhaustive des instruments pertinents, dont le respect pourrait être
contrôlé par la CJ CEDEAO lorsqu'ils sont ratifiés par
l'Etat partie concerné, nous pouvons en énumérer
quelques-uns.
D'abord, on peut citer la Convention sur l'élimination
de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes,
adoptée le 18 décembre 1979, entrée en vigueur le 3
septembre 1981. Cette convention a été passée au peigne
fin dans une retentissante affaire mettant en cause la dame Koraou et la
République du Niger60(*). Dans la même décision, le juge s'est
référé à la convention relative à
l'esclavage du 25 septembre 1926 et la convention supplémentaire
relative à l'abolition de l'esclavage, de la traite des esclaves et des
instituions et pratiques analogues à l'esclavage du 7 septembre 1956.
Ces textes peuvent aussi être cités pour arguer
du bien- fondé d'une prétention relative à une violation
des droits de l'homme : La Convention internationale sur
l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale,
adoptée le 21 décembre 1965, entrée en vigueur le 4
janvier 1969. La Convention contre la torture et autres peines ou traitements
cruels, inhumains ou dégradants, adoptée le 10 décembre
1984, entrée en vigueur le 26 juin 1987. La CJ CEDEAO a fait
référence à cette convention dans sa décision du
16 novembre 2010 Musa Saidykhan, c. République de Gambie. But not the
least, on peut évoquer la Convention relative aux droits de l'enfant,
adoptée le 20 novembre 1989, entrée en vigueur le 2 septembre
1990.
A la lumière de ce qui ce qui précède,
l'on constate que la Cour de céans travaille avec une panoplie
d'instruments juridiques pertinents eu égard aux droits qu'ils
consacrent et l'étendue de leur champ d'application. En plus de ces
instruments, la Haute Cour de justice communautaire se réfère aux
normes régionales africaines de protection des Droits de l'Homme.
Paragraphe 2 : L'affirmation des normes
régionales africaines de protection des Droits de l'Homme
L'insertion de la Charte Africaine des Droits de l'Homme et
des Peuples au Traité de la Communauté donne pouvoir à la
Cour en vertu de l'article 19 de son Protocole de connaitre des cas de
violation des Droits de l'Homme énoncés dans la Charte Africaine
(A). Cette Charte, même si elle est une source
privilégiée dans l'ordre juridique communautaire, la Cour
l'utilise d'une manière autonome (B)
A. La Charte Africaine des Droits de l'Homme et des
Peuples
Considérée comme « un espoir pour
l'homme et les peuples africains »61(*) dont le pragmatisme des rédacteurs fut
d'essayer de « conceptualiser les droits de l'homme à partir
des circonstances et données propres aux sociétés
africaines »62(*) en cherchant à insérer
« l'homme africain » dans « ce bouillonnement
universel » - selon KébaMbaye, il devient ainsi tout à
fait normal que cette Charte soit une source privilégiée du juge
communautaire.
En effet, la CAHDP dite Charte de Banjul adoptée le 27
juin 1981 entrée en vigueur le 21 octobre 1986 est un texte de
référence auquel le requérant peut s'appuyer pour faire
constater qu'un Etat membre de la CEDEAO a violé un de ces droits
reconnus ou proclamés par ladite convention régionale. En vertu
de l'article 19 du Protocole relatif à la Cour, le citoyen peut se
référer aux cas de violations des droits de l'homme
énoncés dans la Charte Africaine. En effet, aux termes de
l'article 4 $ g du Traité de la Communauté, les Etats membres se
sont engagés à adhérer aux principes juridiques
fondamentaux tels que « respect, promotion et protection des Droits
de l'homme et des Peuples conformément aux dispositions de la Charte
africaine ». C'est dire que le législateur communautaire
a intégré cet instrument régional dans le droit applicable
devant la Cour de justice de la CEDEAO. Cette possibilité est d'autant
plus intéressante en ce sens que cette Charte fait partie du droit
positif de tous les Etats membres de la CEDEAO.
Dans l'affaire Hon. Dr. Jerry Ugokwe v. République
fédérale du Nigéria63(*), la Cour a déclaré que la
référence à la Charte africaine dans son article 4 du
Traité révisé de la CEDEAO aussi bien que dans les autres
dispositions permettent à la Cour de « faire intervenir
l'application de ces droits catalogués dans la Charte
Africaine ». Dans d'autres affaires toutes aussi importantes, la Cour
s'est fondée sur les droits garantis par la Charte africaine des droits
de l'Homme et des peuples. Il en est ainsi dans l'affaire ChiefEbrimahManneh c/
la République de Gambie64(*). Elle a ainsi jugé que cet Etat était
responsable de l'arrestation et de la détention arbitraire du
requérant, enfermé in communicado sans jugement. Ce qui est aux
antipodes des principes consacré dans la Charte Africaine notamment en
ses articles 6 et 7. Dans cette affaire touchant la liberté
d'expression, la Cour a, de manière cohérente et convaincante,
protégé la libre parole en raison du rôle crucial que joue
celle-ci dans le bon fonctionnement de la démocratie.
Toutefois même si le législateur communautaire
fait de la Charte une partie intégrante du droit applicable par la Cour
de Justice de la CEDEAO, celle-ci l'utilise d'une manière autonome.
B. L'autonomie de la Cour dans l'utilisation des
modalités de la Charte
La Haute Cour de justice communautaire de la CEDEAO jouit
à l'égard de la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des
Peuples de pouvoirs que l'on pourrait qualifier de souverains. Elle ne se
trouve pas liée par certaines conditions posées par la charte
régionale. C'est l'affirmation de l'autonomie de la Cour vis à
vis de la CADHP.
La Cour de justice communautaire n'est pas dans un lien de
subordination hiérarchique avec la cour régionale. Elle
défend de ce fait son « pré-carré »
jurisprudentiel, emblème de l'autonomie/spécificité de la
Cour vis à vis des juridictions internationale sans se situer
néanmoins dans un nombrilisme avilissant.
Faisant une lecture généreuse de cet
instrument, elle indiqua dans son arrêt de principe65(*) qu'elle assure la protection
des droits énoncés dans la Charte sans pourtant procéder
de la même manière que la Commission Africaine des Droits de
l'Homme et des Peuples.
Dans ce présent arrêt qui restera à jamais
dans les annales judiciaires, la Cour, alors que même la pratique de
l'économie des moyens aurait pu la conduire à s'en tenir aux
textes endogènes, a jugé bon dans la mesure où cela
servait son dessein pédagogique de se lancer dans l'expéditive.
Ceci dans un but d'établir et d'asseoir son autonomie dans l'utilisation
des modalités de la Charte. En effet, l'Etat Nigérien,
défendeur en l'espèce a soulevé une exception
d'irrecevabilité relative à l'épuisement des voies de
recours internes. Selon cet Etat incriminé, la condition
d'épuisement des voies de recours internes ne figure pas parmi les
conditions de recevabilité des cas de violations des droits de l'homme.
En raison de cette lacune, les juges doivent s'inspirer de l'article 56 de la
Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples en exigeant
préalablement la saisine du juge national. Mais le juge n'a pas suivi
l'Etat Nigérien dans ses prétentions. Il estime en effet que
l'absence d'instruments juridiques de la CEDEAO relatifs aux droits de l'homme,
fait de la Charte son instrument privilégié pour se prononcer sur
des cas de violations des droits de l'homme. Mais ajoute-t-il qu'une
distinction doit être faite entre l'énoncé des principes
fondamentaux de la Charte (première Partie) et les modalités de
mise en oeuvre de ces droits (deuxième partie). En effet, dès
lors que cette seconde partie concerne les modalités d'application de la
Charte par la Commission africaine, qui en outre, n'est pas une juridiction, il
est logique qu'elles ne trouvent pas à s'appliquer à la CJ
CEDEAO.
La Cour assure ainsi la protection des droits
énoncés dans la Charte sans pourtant procéder de la
même manière que la Commission Africaine des Droits de l'Homme et
des Peuples. Cette approche privilégiée par la CJ CEDEAO qui
refuse ainsi d'imposer des contraintes procédurales montre la hardiesse
et la témérité du juge communautaire. En accordance
avec sa jurisprudence de principe, la Cour se complait jusqu'à
présent dans cette attitude pragmatique pour demeurer un « bon
juge » c'est-à-dire ne pas être ni au service des Etats
ni au service des citoyens mais au service exclusif des droits de
l'homme.
A la lumière de tout ce qui précède, il
est permis de dire que l'arsenal juridique avec lequel travaille la Haute
Juridiction communautaire est d'une pertinence indéniable et garantit
ainsi une protection efficace des droits de l'homme. L'individu est au coeur de
la « nouvelle » CEDEAO. Les textes régionaux et
universels énoncent des valeurs communes et supérieures aux Etats
créant ainsi des obligations objectives qui s'imposent à eux. Les
« textes » de la CEDEAO offrent ainsi plus de droits aux
citoyens de l'espace ouest africain en leur permettant d'accéder
directement au prétoire du juge communautaire. Egalement sur le plan
statuaire, la haute juridiction communautaire bénéficie de
garanties pour un contrôle juridictionnel efficace.
Chapitre 2: Les garanties statutaires de la Cour
Le livret de bonne foi des Etats ayant décidé
d'élargir le champ de compétence de la Cour de justice
communautaire de la CEDEAO doit être aussi lu à l'aune des
principes qui s'y attachent. La quintessence de la bonne action de la Cour est
intrinsèquement liée à l'armature institutionnelle. En
effet ayant pris conscience que le manque ou le défaut
d'indépendance peut constituer une épée de Damoclès
d'ordre institutionnel, il est apparu opportun de doter la Haute juridiction
communautaire d'une certaine autonomie.
En effet, la proclamation des droits de l'homme et
l'affirmation de la protection juridictionnelle de ces droits s'accommodent mal
avec une certaine organisation de la juridiction. Le cadre institutionnel doit
être placé sous l'empire du droit et bâti sur des principes
clairs qui ne prêtent à aucune forme d'ambigüité et
d'amalgames. A ce titre, les charpentes structurelles actuelles de la Cour
permettent ainsi de considérer que le contrôle des droits de
l'homme semble bien assuré. La Cour est indépendante des Etats
ainsi que des autres institutions de la Communauté. La valeur de
l'exemplarité de l'indépendance est un rempart solide qui permet
à juste titre de juguler un déraillement du processus de
contrôle déjà amorcé. . En effet, un système
de protection des droits de l'homme n'est crédible que si Etats et les
juges jouent un franc-jeu. Seule la compétence avérée et
la non connivence doit être le pivot dans le choix des juges. Ces
derniers doivent être indépendants et intègres.
La promotion de l'Homo universalis est plus que jamais
engagée. Il est donc nécessaire d'intégrer, d'introniser
des éléments en commun que partage la communauté des
juridictions internationales au sein de l'ordre communautaire. Sous ce
même registre, la Cour fait bon office quant au caractère
contraignant et du suivi de l'exécution des décisions qu'elle
rend.
En toile de fond, on peut dire que la mesure de bon augure
s'apprécie d'abord en amont par l'existence de garantie
d'indépendance dans le recrutement des juges (Section1)
et en aval par l'existence de garanties fonctionnelles octroyées
à la Cour (Section 2).
Section 1 : De l'indépendance des juges
Parce qu'elle est un baromètre important pour mesurer
l'efficacité, jauger la crédibilité et l'autorité
de la Cour, il est nécessaire que l'indépendance soit garantie.
Cette tâche exige, à l'aune d'une protection qui se veut efficace,
des modalités de recrutement axées sur une base
compétitive confiées à un organe spécialisé
qui devra ainsi procéder à l'audition des candidats. A la
lumière de la procédure actuelle, cette garantie
d'indépendance est désormais assurée (Paragraphe
1). Elle trouve son prolongement dans l'exercice des fonctions des
juges qui bénéficient à cet égard d'une
intégrité dans leurs actions leur permettant de remplir leurs
missions de manière optimale (Paragraphe 2).
Paragraphe 1: Les garanties d'indépendance dans le
mode de recrutement des juges
Jusqu'en 2006, les Etats jouaient un rôle de premier
plan dans la procédure de recrutement et de nomination des juges qui
composent l'organe judiciaire communautaire (A). Toutefois
dans les élans de garantir sous tous les angles utiles les droits de
l'homme des citoyens vivant dans l'espace ouest africain, le recrutement est
désormais confié à un Conseil judicaire
(B).
A. Une ancienne modalité de recrutement des
juges aux mains des Etats
Avant l'élargissement des compétences de la Cour
aux cas de violations des droits de l'homme, les Etats intervenaient en amont
et aval du processus de recrutement et de nomination des juges. En effet
lorsque les Etats membres de la Communauté Economique des Etats de
l'Afrique ont consenti de mettre en place un système pleinement
judiciaire, ils ont affiché en même temps leur volonté
d'asseoir une parfaite maitrise dans le processus de recrutement des juges qui
doivent animer l'organe juridictionnel.
Aux termes de l'article 3(6) du protocole de la Cour de
justice A P.7.1.91 relatif à la Cour de justice, « la
Conférence des Chefs d'Etats et de Gouvernement nomme les membres de la
Cour à partir d'une liste de quatorze personnes
présélectionnées sur proposition du Conseil. Elle se
compose de sept juges indépendants, désignés par
l'Autorité des chefs d'État et de gouvernement de la CEDEAO
à partir d'une liste comptant deux juges proposés par
État-membre » Il s'agit du Conseil des Ministres de la
Communauté composé du ministre des affaires
étrangères de la CEDEAO ou de tout autre Etat membre de la
Communauté.
En toile de fond, il apparait que ce sont essentiellement des
organes politiques qui interviennent dans le mode de désignation et de
nomination des juges.
Cette situation peut préjuger une certaine mainmise de
l'appareil politique sur le système judiciaire.
Même si le principe de la collégialité contribue
à neutraliser les individualités et peut ainsi rassurer les Etats
sur le caractère prudent des décisions rendues, les risques sont
bien latents. La crédibilité de l'institution et son
autorité risquent de souffrir des procédures initiées par
les Etats, souvent politisées, pour la nomination de ses juges.
Cette situation peut entrainer de ce fait deux
conséquences dommageables majeures ; les juges choisis n'auront
pas les compétences techniques et les capacités requises pour
exercer leurs fonctions ou alors être à la solde d'un Etat et
soupçonnables de complicités indignes. Donc, sous ce
rapport, des craintes légitimes peuvent être mises en avant qui
risquent d'entrainer une relative indépendance ou neutralité des
juges ainsi choisis. Ne se croiraient-ils pas être mandataires de leurs
propres pays en oubliant que leur mission est de contribuer, par la
qualité de leurs décisions, à la construction d'un droit
communautaire susceptible de consolider et d'accélérer le
processus d'intégration régionale ?
On le voit donc que les conditions de la nomination des juges
peuvent faire douter fortement de leur indépendance si bien qu'à
la proximité recherchée par une impartialité bien comprise
peut se substituer un procès fantoche. La crainte d'un risque de
versalité des juges est bien réelle même si
l'indépendance collégiale de la Cour est assurée. (Ces
risques sont plus réels en droit interne. Il y a un viel adage
français qui va en ce sens puisque l'on dit souvent « juge
unique, juge inique »).
Ces risques auront des répercussions négatives
sur l'image de la Cour et la mise en oeuvre d'une jurisprudence
cohérente et convaincante sur les droits humains.
Sous peine donc de voir les juges communautaires devenir
de « pâle(s) machine(s) à
considérants »66(*)ou de simples figurants serviles des Etats, de juges
dociles pour ainsi dire, il est nécessaire pour obvier à cette
carence de confier la désignations des juges à un organe
spécialisé en la matière et totalement indépendant
des Etats membres.
B. Un nouveau mode de recrutement des juges
confié à organe spécialisé
Le développement continu du droit dans une
société de plus en plus complexe et aux valeurs multiples et
concurrentes appelle à l'existence de « juges chargés
à la fois de régler les différends et d'identifier des
valeurs et principes communs à tous »67(*). Certaines normes sont
devenues plus techniques et spécialisées ; elles se contredisent,
se chevauchent, se superposent à d'autres tant et si bien que le juge
est naturellement sollicité de plus en plus pour décider de leur
interprétation, leur champ d'application, combler les lacunes et
résoudre les contradictions éventuelles. Une bonne justice
nécessite préalablement donc de bons juges pétris de
compétence juridique et mais qui sont également intègres
(pour ne pas être embarqués dans un micmac). Pour ce faire, il est
nécessaire de définir les critères objectifs quant aux
choix des juges qui doivent animer l'institution. Les critères de
qualification et d'expérience ont été clairement
définis pour permettre le recrutement de juges capables de contribuer,
par la qualité de leurs décisions, à la construction d'un
droit communautaire susceptible de consolider et d'accélérer le
processus d'intégration régionale. Dans cette veine, des
modalités de recrutement des juges axées sur une base
compétitive constituent la condition sine qua none pour garantir ainsi
la crédibilité et l'autorité de la Cour.
La Cour a choisi ses juges. Ils doivent être des
personnes de haute valeur morale(...) possédant les qualifications
requises dans leur pays respectifs pour occuper les plus hautes fonctions
juridictionnelles, ou qui sont des jurisconsultes notoires en matière de
droit international.68(*)
La Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement
a institué en 2006 un Conseil judiciaire de la Communauté pour
procéder à la sélection des candidatures afin que ces
critères soient mieux respectés. Ce Conseil a pour objectif
de « gérer le processus de recrutement des juges de la Cour de
justice de la Communauté et des questions
disciplinaires »69(*). Il est composé des Présidents des
juridictions suprêmes de l'ordre judiciaire ou de leurs
représentants, ressortissants des Etats auxquels les postes de juges
n'ont pas été attribués.
Le Conseil, dans le cadre du
recrutement des juges à la Cour, présélectionne trois
candidats par Etat membre parmi les postulants. Il auditionne les candidats
présélectionnés et fait des recommandations à la
Conférence pour la nomination des juges à la Cour de justice de
la Communauté. A ce titre, par cette nouvelle procédure de
recrutement des juges de la CJ CEDEAO, les Etats n'ont plus le pouvoir de
désigner les juges de leur nationalité70(*). Le professeur A.SALL a pu
dire « retirer aux Etats la maitrise de tout le processus de
désignation des juges, dans des organisations dont on s'est longtemps
complu à déplorer la faiblesse constitue un acte
audacieux. »71(*). Nommé à titre individuel suite
à un appel à candidature, les juges ne représentent pas
les Etats dont ils sont les ressortissants. Ce serait injurieux de porter un
tel jugement à leur égard. Ce choix de la composition de la
Cour et du recrutement des juges est dicté donc par un souci
d'éviter une mainmise de l'appareil politique sur le système
judiciaire. Par ricochet, il s'est agi d'améliorer les performances de
la Cour de Justice de la Communauté et l'amener à contribuer
réellement au processus d'intégration. Le Conseil doit donc
veiller à la recherche de bon profil. La fonction essentielle des juges
étant celle de dire le droit, ils ne pourront s'y consacrer que s'ils
sont compétents et intègres
Les critères de moralité et
d'indépendance ont été mieux précisés pour
s'assurer que les juges possèdent une haute valeur morale à leur
entrée en fonction. Pour garantir l'observation de cette valeur pendant
toute la durée de leur mandat, il est prévu à la place de
la procédure qui habilitait la Cour à s'occuper elle-même
des questions de discipline concernant ses propres membres, un mécanisme
de règlement de ces questions, ainsi que de celles relatives à
l'incapacité physique et mentale des membres de la Cour. Ce
mécanisme qui s'inspire de la pratique en cours dans les juridictions
nationales, fait intervenir le Conseil judiciaire de la Communauté
composé dans ce cas, des Présidents des juridictions
suprêmes de l'ordre judiciaire ou de leurs représentants, des
Etats dont les ressortissants ne sont pas membres de la Cour et d'un
représentant de la Cour, élu pour un an par ses pairs.
L'impact réel du système sous-régional de
protection des droits de l'homme se mesure à l'aune du caractère
de l'institution mise en place mais également de ceux qui l'anime.
Le mode de désignation des juges proposé par la CEDEAO est une
balise qui permet d'exciper une certaine versalité des membres pour que
la Cour fasse florès.
Ayant été recrutés sur une base
compétitive, les juges bénéficient également d'une
intégrité dans leurs actions.
Paragraphe 2 : De l'intégrité des juges
dans leurs actions
Chargés de promouvoir un véritable espace
juridique ouest africain, les juges doivent être dotés de
garanties leur permettant de mener à bien leurs missions.
L'indépendance (A) et l'impartialité
(B) sont les deux mamelles qui concourent à garantir ce
sacerdoce.
A. L'indépendance des juges
L'indépendance et l'impartialité sont les deux
éléments essentiels de tout procès équitable ainsi
que le stipule clairement l'article 10 de la Déclaration universelle des
droits de l'homme : « Toute personne a droit, a pleine
égalité, à ce que sa cause soit entendue
équitablement et publiquement par un tribunal indépendant et
impartial ». En effet, L'indépendance valorise et consolide le
rôle du juge. Elle est selon le dictionnaire Salmon « le
fait pour une personne ou une entité de ne dépendre d'aucune
autre autorité que la sienne propre »72(*). La juridiction communautaire
est à ce titre indépendante car ne dépendant d'aucune
autre institution de la Communauté73(*). Corolaire de l'indépendance de la Cour,
l'indépendance des juges est consacrée à l'article 3 du
Protocole sur la Cour de justice.
Au niveau institutionnel, la juridiction est composée
de « sept (7) juges indépendants qui ont juré
solennellement d'exercer leurs fonctions et leurs pouvoirs de membres de la
Cour de façon honorable et loyale »74(*). Cette garantie
d'indépendance n'est pas sans intérêt. Elle permet au juge
de statuer en toute liberté. Pour le requérant, la
crédibilité de l'institution se trouve assurée en ce sens
que les juges ne subissent aucune influence ou pressions extérieures.
L'indépendance signifie que les membres de la Haute Juridiction ne sont
pas dans un lien de subordination et doivent rendre leur décision en ne
subissant aucune influence extérieure. Dans l'affaire, Etim Moses Essien
c. la République de Gambie et l'université de Gambie75(*), les deux défenderesses
ont dans une curieuse démarche demandé au Président de la
Commission de la CEDEAO d'intervenir en leur faveur pour pouvoir interjeter
appel de la première décision rendue par la Cour communautaire.
Si on sait qu'une telle voie est impossible en l'état actuel de notre
droit communautaire, on peut penser que cette initiative vise à soumette
l'autorité judiciaire aux ordres de l'autorité politique.
Malgré cette complainte, la Cour de céans n'a pas fléchi
et est restée fidèle à sa démarche pragmatique
consistant à dire le droit sans pour autant froisser la
susceptibilité de l'Etat.
L'indépendance est en effet le gage de la
crédibilité et de la légitimité auprès des
parties et de l'opinion publique. Le juge ne doit pas ainsi accepté
d'être dans un deal de compromis ou de compromission. La force du
droit doit résister au droit de la force.
Au carrefour de multiples formes d'influence que leur Etat
d'origine souhaiterait exercer, on peut dire que les juges sont mis à
l'abri (en raison entre autres des privilèges, immunités,
incompatibilité de la fonction de juges avec d'autres activités
de nature à porter atteinte aux exigencesd'indépendance ou
d'impartialité de la profession judiciaire ). Son statut le
protège de la malléabilité. En raison de son importance
qualitative, la Cour ne doit pas être politisée même si son
existence est du fait des Etats. Elle doit faire montre d'un devoir
d'ingratitude (Est-il besoin de rappeler que l'heureuse formule est celle de
R.BADINTER).
La question de l'indépendance sous l'angle de la
nationalité du juge ne semble pas a priori poser problème pour au
moins deux raisons évidentes ; Le juge communautaire n'est pas le
représentant de son Etat et il n'est pas la continuation de la
politique de son Etat par d'autres moyens (heureusement que le principe de la
collégialité fait écran à toute
velléité de ce genre); il est le grand serviteur exclusif de
toute la Communauté.
Dans cette veine, la protection des droits de l'homme se
trouve garantie et le saisissant est assuré que sa requête sera
traitée avec diligence. Pour que cette exigence soit pleinement remplie,
il est nécessaire que le juge soit impartial car un juge peut être
indépendant et complètement partial dans son jugement.
B. L'impartialité des juges
Nous l'avons déjà dit. Etre indépendant
pour un juge, c'est se trouver dans une situation garantie par un statut qui
lui permet de ne pas être soumis à un rapport de subordination et
de résister aux pressions extérieures. Toutefois
l'indépendance est distincte de l'impartialité.
L'impartialité est une qualité interne au juge. Elle fait
partie des « vertus du juge » c'est à dire qu'elle
renvoie plus à son éthique intérieure moins à son
comportement extérieur.
Selon Kojève qui est le grand théoricien de
cette distinction portant sur ces deux notions « est impartial celui
qui ne préjuge pas une question et qui ne manifeste pas de
préférence pour une partie »76(*). Sous l'angle juridique, cette idée est plus
explicite. D'après le dictionnaire de droit international,
l'impartialité est « l'absence de parti pris, de
préjugé et de conflit d'intérêt chez un juge, un
arbitre, un expert ou une personne en position analogue par rapport aux parties
se présentant devant lui ou par rapport à la question qu'il doit
trancher »77(*).
Au sens strict du terme, l'impartialité ne peut
être saisie par le droit. Contrairement à l'indépendance,
elle n'est pas une situation externe mais tient au « for interne du
juge »78(*) .
Mais la parfaite rectitude exigée du juge est qu'il n'ait pas de
préjugé sur l'affaire qui lui est soumise. A ce titre, le juge
devra s'évertuer autant que faire se peut à dompter ses doses de
subjectivité qui tenteraient de l'emporter. Aussi, le juge ne doit
pas s'identifier émotionnellement aux victimes ; une telle attitude
est la traduction évidente d'une absence possible
d'impartialité.La collégialité semble même endiguer
cette possible impartialité même si d'aucuns y
voient « une simple addition des
partialités »79(*).
Le juge est un tiers pouvoir impartial et
désintéressé qui est le pendant des parties, qui,
elles, sont définies « comme étant personnellement
intéressées » au procès80(*). Cette ascèse est
fondamentalement recherchée par la CEDEAO en vue d'une meilleure
protection des droits de l'homme. Pour y voir plus clair, il faut se
référer à la jurisprudence de la Haute juridiction. Les
juges procèdent par une démarche très casuistique pour
trancher les différends relatifs aux droits de l'homme qui leur sont
soumis. En fonction des circonstances, la notion évolue et le juge
l'adopte à la situation nouvelle. La vérité judicaire se
dégageant aussi sous d'autres cieux, le juge communautaire s'y
réfère pour consolider sa position. Le juge communautaire
n'est donc pas enfermé dans un carcan pour faire prévaloir sa
position. Il est ouvert au monde de la justice pour ne pas appréhender
partiellement ou partialement les droits de l'homme. En témoigne
les nombreux renvois à la jurisprudence internationale.
La justice doit rester toujours cette femme aux yeux
bandés, inflexible et tenant les deux plateaux équilibrés
de la balance ou sous la forme inverse d'un oeil unique (justitiae oculus). Cet
idéal est également recherché à travers la mise en
oeuvre de garanties fonctionnelles.
Section 2 : les garanties fonctionnelles de la
Cour de justice
Ces garanties fonctionnelles se manifestent au niveau des
rapports entre la Cour et l'ordre communautaire (paragraphe 1)
et la reconnaissance de l'autorité des décisions de la Cour
(paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Les rapports de la Cour avec l'ordre
communautaire
Pour permettre à la Cour de justice communautaire de
remplir efficacement sa mission, elle bénéficie d'une autonomie
à l'égard des institutions communautaires (A)
mais également des Etats membres (B).
A. L'autonomie structurelle de la Cour vis à vis
des institutions communautaires
Est-il besoin de rappeler les liens très ténus
entre la Cour de justice communautaire et l'organisation
sous-régionale ? Point n'est besoin ici d'insister sur cet aspect
car le lien qui l'unit à l'organisation de rattachement est
indéfectible, c'est évident. Le cordon ombilical entre la Cour et
l'organisation qui a été à l'origine de sa naissance n'est
pas coupé une fois celle-ci réalisée. Le fonctionnement
effectif des juridictions régionales, leur succès dans une large
mesure comme éventuelles évolutions, est entièrement
conditionné par les contraintes propres de
l'organisation-mère. Etcomme le fait remarquer magistralement
le professeur Larson « dépendance n'est pas
allégeance. Le cordon juridique entre les juridictions et leurs
organisations est de nature organique, non
hiérarchique »81(*)Le fait est que la reconnaissance explicite d'un
lien de dépendance ne signifie pas nécessairement subordination
ou asservissement. Le lien de dépendance reconnu n'empêche pas
l'émancipation possible du juge et de la juridiction.
La Cour de justice de la CEDEAO est l'organe judiciaire
principal de cette communauté créée par le protocole
A.P1.7.91 du 6 juillet 1991 et confirmée par l'article 15 du
traité révisé du 24 juillet 1993. Elle n'est pas une
instance reléguée à la périphérie de
l'organisation. Elle est placée à la
cinquième position dans la pyramide institutionnelle de l'organisation
sous-régionale. Selon la hiérarchie, la Conférence des
Chefs d'Etat et de Gouvernement vient en première position, en
deuxième position le Conseil des Ministres, respectivement en
troisième et quatrième position le Parlement et le Conseil
Economique et Social. A l'égard de toutes ces institutions
communautaires, la Cour de justice bénéficie d'une autonomie et
l'article 15 (3) du traité le confirme en ces termes
« dans l'exercice de ses fonctions, la Cour de justice est
indépendante....des Institutions de la Communauté ».
Erigée en « institution » la CJ
CEDEAO est à l'instar des organes de type exécutif ou de type
parlementaire garante de la réussite de l'intégration. Pour ne
pas ainsi apparaitre comme une juridiction timorée,
fébrile, cette insertion dans le maillage institutionnel permet
ainsi aux juges d'Abuja de ne subir aucun diktat du pouvoir politique. Les
desseins sont ambitieux et se manifestent également dans le
fonctionnement et l'organisation de la cour. Ceux-ci, une fois nommés,
disposent d'un nombre certain de procédures dont ils pourront tirer
profit au maximum afin de mener la politique judiciaire de leur choix. Parmi
celles-ci, le pouvoir d'auto-organisation de la Cour est essentiel. Si les
juridictions sont indépendantes pour élaborer et amender à
leur guise leur règlement intérieur, elles pourront se passer,
pendant un temps, de l'accord des Etats pour provoquer des changements dont la
raison d'être est exclusivement judiciaire. Il s'agit donc là
d'une marge de manoeuvre procédurale liée à l'autonomie
structurelle de la Cour.
Toutefois, il ne faut pas se lasser de rappeler
qu'excepté le « pré-carré » juridictionnel qui
se manifeste dans la maîtrise du Règlement intérieur, il
apparaît clairement que la décision d'opérer des
réformes d'envergure, comme leur mise en oeuvre, relèvent in fine
des instances politiques au sein desquelles les Etats sont maîtres.
Ce caractère indépendant de la Cour a
été rappelé dans l'affaire Etim Moses Essien c. la
République de Gambie et l'université de Gambie. En
l'espèce, les deux défenderesses ont dans une curieuse
démarche demandé au Président de la Commission de la
CEDEAO d'intervenir en leur faveur pour pouvoir interjeter appel de la
première décision rendue par la Cour communautaire. Si on sait
qu'une telle voie est impossible en l'état actuel de notre droit
communautaire, on peut penser que cette initiative vise à soumette
l'autorité judiciaire aux ordres de l'autorité politique.
Malgré cette complainte, la Cour de céans n'a pas fléchi
et est restée fidèle à sa démarche pragmatique
consistant à dire le droit sans pour autant froisser la
susceptibilité de l'Etat.
Cette situation s'explique sans doute par la montée en
puissance du juge de la CEDEAO surtout dans sa mission de protection des droits
humains. En effet si la justice ne joue pas de rôle significatif, on se
préoccupe peu de l'influencer mais si, en revanche, elle
s'émancipe et prend de l'importance on cherche beaucoup plus à la
juguler. Donc cette réaction de la République de Gambie traduit
la montée en puissance des juges d'Abuja dans leur rôle de
protection des droits de l'homme. C'est ce sentiment de crainte selon, R.
Badinter qu' « éprouve tout pouvoir politique face
à une justice qui puisse lui être durablement hostile et qui peut
conduire ce même pouvoir à tenter d'avoir des juges
dociles »82(*).
Eu égard à ces considérations, la consécration de
l'indépendance de la Cour à l'égard également des
Etats membres se justifie pleinement.
B. Le caractère indépendant de la Cour
vis à vis des Etats membres
La viabilité des objectifs assignés à
l'organe judiciaire communautaire est étroitement liée au
caractère indépendant de l'institution vis à vis non
seulement des Institutions de la Communauté mais également des
Etats membres. Certes, le pouvoir des juges internationaux est dû fait
des États eux-mêmes mais ils ne sont pas dans un lien de
subordination.
Ainsi aux termes de l'article 15 du
traité « dans l'exercice de ses fonctions, la Cour de
justice est indépendante des Etats membres ». Cette
disposition est importante à maints égards et ce serait faire
preuve d'angélisme que de pas la prévoir expressisverbis.
Elle rappelle que les États, si engagés solennellement ne
sont pas toujours dans une logique de justice et ils peuvent finir par
réaliser et craindre que la logique juridictionnelle qu'ils ont ainsi
générée puisse leur échapper en partie et se
retourner contre eux. En effet, pour des nécessités
pratiques et des besoins concrets liés au prestige de la Cour, la
puissance des Etats à défaut d'être contrôlée
peut induire une fébrilité de la Cour de céans.
Caractérisée ainsi par une
« orthodoxie juridictionnelle internationale »83(*) selon L.B.LARSON la Cour de
justice de la CEDEAO se place à leur égard des Etats et des
particuliers et comme un tiers pouvoir désintéressé et
impartial. Ce statut revêt une double portée ; il permet de
situer ce pouvoir dans l'exercice de sa fonction de juger et dans son
extériorité par rapport aux autres acteurs internationaux plus
spécifiquement les Etats. Donc pour être réellement ce
tiers, il doit demeurer autonome de toute pression des pouvoirs
extérieurs et de tout lien de subordination notamment des Etats. Ces
derniers n'ont aucun moyen pour pénétrer le canal juridictionnel
en vue de pouvoir exercer une quelconque influence sur la cour de justice de la
CEDEAO. D'autre part les arrêts qu'elle rend sont revêtus de
l'autorité de la chose jugée. Elle s'impose aux Etats et ceux-ci
n'ont à l'heure actuelle aucune voie de recours pour faire appel.
L'architecture institutionnelle de la Cour de céans est
symptomatique d'une volonté ferme des Etats membres de bâtir une
politique communautaire en matière de protection des droits de l'homme
conforme aux exigences internationales. Dans cette veine, il est plus que
nécessaire qu'on reconnaisse une autorité aux décisions de
la Cour.
Paragraphe 2 : La reconnaissance de l'autorité
des décisions de la Cour
La condition d'effectivité de la protection des droits
de l'homme est essentiellement liée à la force obligatoire des
décisions de la juridiction communautaire (A) mais
également à la mise en place d'une politique cohérente
dans l'exécution des arrêts de la Cour (B).
A. Le caractère obligatoire des décisions
de la Cour
C'est un pléonasme que de le dire car d'une
façon tout aussi classique, un arrêt rendu par une juridiction
doit s'imposer ergaomnes avec la force contraignante qui sied. Cette exigence
participe au premier chapitre à une protection efficace des droits
visés dans les différents instruments internationaux et
régionaux relatifs aux droits humains. Ainsi, les décisions
rendues par la Cour de céans sont obligatoires. Sur ce point on peut
dire que la Cour communautaire n'a véritablement pas innové mais
a rappelé des principes déjà reconnus et consacrés
par les systèmes juridictionnels régionaux de protection des
droits de l'homme.
Mais, il faut noter qu'il n'en était pas ainsi dans
l'ancien article 11 du Traité de la CEDEAO de 1975 qui ne mentionnait
pas la force obligatoire des décisions de la Cour.
Source de droit, la jurisprudence communautaire, sous peine d'être
vidée de sa substance doit être frappée du sceau de
l'obligatoriété. Ainsi le droit positif de la CEDEAO affirme que
les arrêts de violation des droits humains sont obligatoires pour les
Etats condamnés qui sont tenus de les exécuter. En effet, le
protocole de 1991 relatif à la Cour en son article 19(2) et le
Traité révisé en son article 15 (4) précisent
clairement la portée du caractère obligatoire des
décisions de la Cour à l'égard des Etats membres, des
Instituions de la Communauté et des personnes physiques et morales. Les
décisions sont donc définitives et exécutoires
immédiatement. Aux termes de l'article 62 du règlement
intérieur de la Cour l'arrêt a force obligatoire à compter
du jour de son prononcé.
En outre, on peut remarquer que l'arrêt rendu par la
Cour de justice communautaire ne pourra jamais faire l'objet d'un recours
devant une autre autorité, qu'elle soit nationale ou surtout
internationale. En réalité seule une révision des
traités pourrait permettre de contrer la jurisprudence communautaire.
Une telle possibilité est pour l'instant hypothétique.
La législation communautaire stipule en son article
76.2 du Traité révisé que la décision de la Cour de
justice communautaire est exécutoire et sans appel. Cette valeur
définitive des décisions de la Cour a été
rappelée dans l'affaire Pr Etim Moses c. République de Gambie et
l'université de Gambie du 29 octobre 2007. En effet l'Etat Gambien
frustré par la première décision, celle du 14 mars 2007 a
adressé une lettre au Président de la Commission pour leur
permettre d'interjeter appel (Quelle curieuse démarche!). La Haute
juridiction communautaire dans une deuxième décision
avant-dire-droit rappelle « qu'en l'état actuel de ses textes
de procédures, les décisions qu'elle rende ne sont pas
susceptibles d'appel mais seulement la demande en révision ».
Les Etats signataires du protocole élargissant les compétences de
la CJ CEDEAO semblent bien comprendre cette ligne de conduite. Ainsi dans
l'affaire Dame Hadijatou contre Etat du Niger, le ministre nigérien de
l'Intégration africaine, SaidouHachimou, avait affirmé
que « l'Etat du Niger se soumettra à la décision
de la Cour de justice de la CEDEAO en s'engageant à verser le montant
prévu »84(*).
Examinant même les décisions rendues par les
juridictions nationales suprêmes relatives à des questions de
droits de l'homme, les juges d'Abuja font montre d'une hardiesse et d'une
témérité exemplaire. Certains observateurs avertis n'ont
pas hésité à affirmer que « le juge
communautaire désavoue sans conteste le juge
constitutionnel »85(*). L'arrêt du 7 octobre 2011 Isabelle
ManaviAmeganvi et autres c/ Etat du Togo contre Etat du Togo86(*) est exemplatif à juste
titre. Contrairement au juge interne qui affirme que les députés
en cause doivent être considérés comme ayant
démissionné de l'hémicycle, le juge communautaire
considère en l'espèce que « les députés
en cause n'ont jamais régulièrement exprimé leur
volonté de démissionner de l'assemblée
nationale ». Dans ce cas de figure, le juge communautaire,
sommes-nous tentés de le dire avec quelques nuances, relativise
l'autorité de la chose jugée des juridictions internes et
réaffirme sa plénitude de juridiction en se parant d'être
le juge de dernier ressort.
Sous l'empire du droit communautaire, les autorités
nationales doivent donc respecter les engagements auxquels ils ont souscrit
notamment en se conformant aux décisions rendues par la justice
communautaires. En ratifiant le Traité de la CEDEAO, les Etats sont
déterminés selon l'article 5, de se « garder de toute action
pouvant entraver la réalisation des ... objectifs [de la
Communauté] » et sont engagés « à honorer leurs
obligations selon le présent Traité ».
Rendant ainsi des décisions qui s'imposent ergaomnes,
les Etats membres et les institutions communautaires doivent sans délai
prendre toutes les mesures nécessaires propres à assure
l'exécution de celles-ci (art 22 para. 3)
B. Une efficacité recherchée dans
l'exécution des arrêts de la Cour
La jurisdictio et l'imperium constituent les deux
activités du juge. La première dimension est la capacité
pour le juge à dire le droit tandis que la seconde consiste dans le
pouvoir d'imposer une solution aux parties. « Se limitant donc
à « dire » le droit et non à le faire,
l'exécution lui échappe »87(*). Comme les arrêts rendus
par la CEDH, la CADH et la CIJ, ceux de la CJCDEAO ont un caractère
fondamentalement déclaratoire, faute de «police
générale»88(*). Mais ce « discours n'est là qu'en
vue d'aboutir à une solution concrète. Il est un moyen et non une
fin »89(*). Nous
pouvons à ce titre paraphraser François TUKENS qui affirme
qu' « un arrêt (...) est la promesse d'un changement pour
l'avenir, le début d'un processus qui doit permettre aux droits et
libertés dans la voie de l'effectivité »90(*). En acceptant que les
personnes physiques puissent s'adresser directement au juge communautaire, les
Etats membres de la CEDEAO s'engagent à respecter les arrêts de la
Haute juridiction communautaire. La réforme intervenue en 2005 offre
ainsi tout un maillage pour une garantie effective des droits des citoyens
ouest africains au niveau même de la voie de l'exécution des
arrêts de la Cour. En effet, l'article 6 du Protocole
AdditionnelA/SP.1/01/05 stipule que « les arrêts de la Cour qui
comportent à la charge des personnes ou des Etats une obligation
pécuniaire, constituent un titre exécutoire ».
L'autorité de la chose jugée de
l'arrêt de la haute juridiction ajoutée aux principes de
primauté et de l'effet direct renforcent cet idéal
démocratique dont l'exécution ne peut se heurter au niveau
national à aucun subterfuge juridique. Il faut relever à ce
propos qu'il n'existe pas un ordre juridique hiérarchique entre la
Communauté et les Etats membres mais un ordre juridique
intégré et harmonisé. La CEDEAO a consacré en effet
un monisme juridique sans nécessairement le primat du droit
communautaire. Cependant, cela ne dispense pas les Etats membres de
l'obligation de mette en exécution les décisions de la Cour de
justice de la CEDEAO. Fonctionnant sur la base du principe de primauté
du droit communautaire sur le droit interne, les Etats membres sont dans
l'obligation de mettre en oeuvre les décisions de la Cour de justice de
la CEDEAO. En effet la prévalence du droit communautaire sur le droit
national induit que les autorités nationales prennent des mesures
compatibles avec l'ordre juridique communautaire. Dans l'arrêt Mamadou
Tandjan contre Etat du Niger91(*), le requérant dont « l'arrestation
et la détention sont (jugés) arbitraires » demande
l'exécution immédiate de la décision de la Cour en
application de l'article 15 paragraphe 4 du Traité Révisé
de la CEDEAO. Le juge communautaire a rappelé que les Etats membres de
la CEDEAO ont l'obligation d'exécuter les décisions de la Cour
conformément aux articles 22 du Traité Révisé et 24
du Protocole Additionnel relatif à la Cour. Qu'à ce titre les
Etats doivent prendre toutes les dispositions nécessaires pour se
conformer à ces dispositions ; qu'ainsi la Cour n'a point besoin
d'ordonner l'exécution immédiate de ses propres décisions
qui sont « exécutoires à l'égard des Etats dès
leur notification ». Sur ce point la Cour est très explicite.
On peut citer l'affaire ChiefEbrimah contre la République de
Gambie92(*) où les
juges d'Abuja demandent aux autorités gambiennes de libérer le
prévenu dès réception de la décision. Il en est de
même dans une autre affaire mettant un autre ressortissant gambien. Dans
cette affaire, la Cour de justice de la CEDEAO a établi que
l'arrestation du journaliste Musa Saidykhan, et son placement en
détention par les autorités gambiennes étaient
illégaux et portaient atteinte à son droit à la
liberté personnelle et à un procès équitable,
garantis par les articles 6 et 7 de la Charte africaine des droits de l'Homme
et des peuples. La Cour ordonne a ordonné à cet effet sa
libération93(*).Dans une autre décision rendue le 7 octobre
2011 Isabelle ManaviAmeganviet Autres contre Etat du Togo, la Cour a
ordonné à l'Etat du Togo de réparer la violation des
droits de l'homme et de payer à chacun des députés
« démissionnaires » le montant de trois millions de
francs CFA.
Il appartient à l'Etat mis en cause de tirer les
conséquences de la violation d'un droit de l'homme en permettant
à la partie lésée de recouvrer ses droits ou concomitant
en cas d'impossibilité d'ordonner le versement d'une indemnité.
L'exécution des arrêts de la Cour est réalisée par
le biais du Tribunal de l'Etat membre concerné, en appliquant les
Règles de Procédure Civile en vigueur dans ledit Etat membre. Les
Etats membres désigneront l'autorité nationale compétente
pour recevoir ou exécuter la décision de la Cour et notifieront
cette désignation à la Cour. La formule exécutoire est
apposée sans autre contrôle que celui de la vérification de
l'authenticité du Titre, par l'autorité nationale que le
Gouvernement de chacun des Etats membres aura désignée à
cet effet94(*). Les Etats
membres sont tenus de désigner l'autorité nationale
compétente pour recevoir ou exécuter les décisions de la
Cour conformément aux règles de procédure civiles en
vigueur dans ces Etats. La Cour de justice communautaire a donc besoin
nécessairement du concours des Etats membres pour l'application
effective des règles communautaires. En effet, comme le fait remarquer
Abdoulaye Dièye « la juridiction communautaire et les
juridictions des Etats membres de la CEDEAO sont appelées à
entretenir des rapports de coopération »95(*) pour une meilleure protection
des droits de l'homme.
Les décisions de la CJ CEDEAO vont même souvent
jusqu'à « neutraliser le pouvoir de révision des Etats
membres »96(*)
en indiquant aux Etats la voie à suivre. Dans l'affaire Hissein
Habré contre Etat du Sénégal, le juge communautaire estime
que même si le Sénégal « a reçu mandat de
l'Union Africaine pour juger Monsieur Habré au nom de l'Afrique, la
procédure de jugement ne doit pas être confiée aux
juridictions nationales déjà existantes au risque de porter
atteinte aux droits dont l'ancien président tchadien est
titulaire ». Selon la Haute Cour de justice l'expression
«...juridiction compétente...» contenue dans ce
mandat ne signifie rien d'autre que la mise en place d'un cadre judiciaire ad'
hoc dont la création et les attributions trouveraient leur bas-relief
dans les dispositions de l'article 15. 2 du Pacte International sur les Droits
Civils et Politiques et que le Sénégal est charge de proposer au
mandant les formes et modalités de mise en place d'une telle structure.
Ce qui signifie que « la mise en oeuvre du mandat de l'Union
Africaine doit se faire selon la coutume internationale qui a pris l'habitude
dans de telles situations de créer de juridictions ad hoc ou
spéciales ». Par cette interprétation du mandat de
l'Union africaine, la haute Cour de justice ordonne au Sénégal le
respect du principe absolu de la non-rétroactivité. Dans
cette présente décision, les juges d'Abuja se sont
comportés en de véritables conseillers, de pédagogues
avisés mettant en garde l'Etat incriminé contre toute forme de
subterfuge juridique ou de manoeuvre dilatoire. Selon la Cour
« toute autre entreprise du Sénégal en dehors d'un tel
cadre violerait, d'une part, le principe de la non rétroactivité
de la loi pénale, consacré par les instruments internationaux
relatifs aux droits de l'homme comme étant un droit intangible et
d'autre part, ferait obstruction au respect du principe de l'impunité
consacré par les mêmes textes internationaux ».
En cas de non-respect de cette obligation relative à
l'exécution des décisions de la Cour, la réforme de 2005
prévoit la possibilité d'exécution forcée. A cet
effet l'article 77 (1) du traité donne pouvoir à la
Conférence d'imposer des sanctions par contre un État membre qui
ne remplit pas ses obligations envers la Communauté. La panoplie de
moyens coercitifs énumérés par cette disposition et la
crainte de leur application poussent les Etats à ne pas être
récalcitrant quant à la nécessité de se conformer
aux décisions de la Cour. En effet, la Cour commune de justice de
la CEDEAO peut refuser d'entendre toute requête introduite par
l'État membre incriminé jusqu'à un tel Etat applique sa
décision. La suspension de mesure d'exécution forcée ne
peut être relevée qu'en vertu d'une décision de la Cour.
L'obligation d'exécuter les arrêts de la Cour suit donc le
régime de la responsabilité internationale dont l'engagement
entraine trois conséquences. Obligation de la cessation de l'illicite,
obligation de réparer, obligation de non-répétition de
l'acte.
Eu égard à tout ce qui précède, le
constat qui s'impose à ce stade de l'analyse est clair. L'on retient que
même si la cour de justice de la CEDEAO n'est pas une juridiction
spécialisée dans la protection des droits de l'homme à
l'instar de la CEDH, la CIDH ou la CADH, elle baigne néanmoins dans une
plénitude démocratique apparente. Suivant le cadre normatif et
institutionnel dans lequel s'adosse son action, la protection des droits de
l'homme se trouve ainsi garantie. Ainsi, on peut s'accorder avec Franca OFOR
pour « dire sans possibilité de contradiction qu'il ya des
mesures adéquates provisoire dans le cadre de la CEDEAO pour la
protection des droits de l'homme dans la
sous-région ».97(*) Qu'il nous soit ainsi permis de paraphraser ici
l'ancien Secrétaire général des Nations Unis, Boutros
Boutros-Ghali qui déclarait que « la Haye est la capitale mondiale
du droit ». Sommes-nous tentés de dire également qu'Abuja
(siège de la CJ CEDEAO) est à l'heure actuelle la capitale
sous-régionale de protection des droits de l'homme.
Toutefois, ce serait faire preuve d'angélisme que ne
pas occulter les limites de cette protection juridictionnelle des droits de
l'homme. En effet, si une vue d'ensemble nous donne une première
impression assez positive, on peut néanmoins relever quelques
insuffisances.
TITRE 2 :
LES LIMITES DE LA COUR DE JUSTICE DE LA CEDEAO DANS SA
MISSION DE PROTECTION DES DROITS DE L'HOMME
Le droit reconnu aux personnes physiques de
déférer des requêtes relatives à la violation des
droits de l'homme à la Haute Cour de justice communautaire est une
véritable révolution amorcée par la CEDEAO.
Néanmoins ce bond qualitatif se heurte à certains obstacles.
En effet, même si les droits de l'homme sont devenus l'une des
premières occupations majeures de la Communauté, il est tout de
suite apparu que « les murs de l'oppression ne s'effondraient pas
à la première sonnerie de clairon »98(*).
C'est pourquoi il faut convenir avec l'éminent
professeur Philippe Ardant pour dire que « celui qui
étudie les droits fondamentaux ne peut se permettre d'être
complaisant. Il doit décrire, montrer les forces comme les faiblesses,
proposer peut-être des thèmes de réflexions, des solutions
parfois »99(*).
Suivant cette logique, l'on constate malgré l'imposant
arsenal normatif, les insuffisances de la protection sont manifestes et
pourraient hypothéquer le fonctionnement et l'efficacité de la
« nouvelle » Cour. Ainsi, la protection des droits de
l'homme par la CJ CEDEAO n'est pas encore achevée ; elle est en
perpétuelle construction. Et c'est un truisme que d'affirmer que la Cour
est entravée dans son action par différents facteurs
(Chapitre 1).
Alors que faire pour remédier à cette situation
et rendre perfectible ou moins imparfaite la protection des droits de
l'homme ? Sans prétendre disposer l'antidote susceptible de
résorber tous les maux, nous nous proposons de donner quelques solutions
pour une protection des droits de l'homme plus efficace (Chapitre
2).
Chapitre 1 : Une Cour entravée dans son
action
L'adhésion de la CEDEAO à la protection des
droits de l'homme est un brevet de démocratie et augure une nouvelle
ère visant à accorder une place primordiale à l'individu
afin qu'il ait directement voix au chapitre lorsque les acteurs
étatiques menacent ses droits.
Néanmoins, en dépit de tous les efforts
déployés par l'organisation internationale et
particulièrement par l'organe judiciaire pour le renforcement de la
protection des droits de l'homme dans l'espace CEDEAO, de réelles
insuffisances peuvent être relevées. Ce qui obère l'action
de la Cour dans sa mission de protection des droits de l'homme.
Les causes de ces insuffisances sont nombreuses et
diversifiées. On peut les aborder en distinguant les causes
exogènes (des carences au niveau institutionnel et normatif) et
endogènes (du comportement des Etats). Les causes exogènes
renvoient aux entraves juridico- institutionnelles de la Cour de justice
(Section 2) et les causes endogènes correspondent aux
contraintes d'ordre politico-opérationnel (Section
2).
Section 1 : Les entraves juridico-
institutionnelles de la Cour de justice
La Cour de justice de la CEDEAO connait depuis 2005 des cas de
violation de droits humains. Cependant l'introduction de ce titre de
compétence n'a pas entrainé une mutation substantielle de
l'organisation et du fonctionnement de la juridiction communautaire. Le
cantonnement de la CJ CEDEAO au « classicisme »
obère donc la protection des droits humains. On peut donc relever
l'existence de contraintes juridiques (Paragraphe 1) et des
défaillances institutionnelles du mécanisme de contrôle
juridictionnel (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Les contraintes juridiques
A ce niveau, il faut remarquer que l'efficacité de la
protection des droits de l'homme est limitée en raison de la
surabondance des textes de référence (A). Cette
diversité des normes de référence risque de
déboucher sur une divergence d'interprétation
(B).
A. Une efficacité relative en raison de la
surabondance des textes de référence
Aux termes du nouvel article 9 du Protocole du 19 janvier 2005
portant amendement du Protocole A/P /17 /91 relatif à la Cour de Justice
de la Communauté, la juridiction de la CEDEAO est compétente pour
connaître des cas de violation des droits de l'Homme dans tout Etat
membre. Cette formulation elliptique, lapidaire ouvre pourtant un champ de
compétence indéterminée Les règles qui
délimitent les compétences de cette instance sont actuellement
fragmentées et parfois obscures, en l'absence d'une précision de
la notion des droits de l'homme et d'un catalogue ouest africain de ces droits.
Pis encore, les juges d'Abuja n'ont pas encore procédé à
l'élucidation conceptuelle de la notion de droits humains, tâche
qui aurait certainement permis de mieux assurer plus efficacement le
contrôle des droits humains. Une situation dûe certainement
à la configuration institutionnelle de la Cour qui, rappelons-le, n'est
pas une juridiction spécialisée dans la protection des droits de
l'homme ; elle est rattachée à une organisation
internationale dont l'objectif premier est l'intégration
économique. A ce titre, elle est doit veiller à
l'application et à l'interprétation des normes communautaires.
On peut relever que les juridictions
spécialisées dans la protection des droits de l'homme travaillent
avec des instruments endogènes pertinents qui constituent les textes de
référence essentiels des juges. Ce qui n'exclue pas la
possibilité d'invoquer des instruments exogènes. Ad exemplum, la
Cour africaine, ainsi que ses homologues européen et
interaméricain, est compétente pour interpréter et
appliquer l'instrument régional général de protection des
droits de l'Homme. La Cour africaine doit veiller à
l'interprétation et à la bonne application de la Charte Africaine
des Droits de l'Homme et des Peuples, la Cour européenne poursuit les
mêmes objectifs avec la Convention européenne de sauvegarde des
droits de l'Homme et des libertés fondamentales de même que Cour
interaméricaine avec la Convention américaine des droits de
l'Homme. Chacun de ses instruments établit donc son propre
mécanisme permettant de contrôler sa mise en oeuvre. De fait, il
s'est agi d'une affirmation d'une Europe, d'une Afrique et d'une
Amérique des droits de l'homme comme un ensemble spécifique au
plan universel. Même la CJCE s'est dotée en 2000 d'un texte
spécifique, la Charte des droits fondamentaux de l'Union
Européenne.100(*)
La juridiction de la CEDEAO, elle déroge à cette
ontologie classique en s'appuyant sur un corpus de règles
extrêmement large, sur des bases textuelles hétéroclites
(la DUDH, les deux pactes, la Charte africaine des droits de l'homme et des
Peuples, les textes à objet particulier etc.). En effet, la
réforme de 2005 qui s'est traduite par l'élargissement de la
compétence de la haute juridiction communautaire aux violations des
droits de l'homme n'a pas généré ou
sécrété un texte spécifique relatif aux droits de
l'homme auquel le juge communautaire peut se référer.
L'absence d'un catalogue ouest africain des droits de l'homme
avec des mécanismes de sanctions propres peut entrainer, à notre
avis deux conséquences dommageables majeures. La première
conséquence liée à cette extensibilité des sources
est la dilution de la notion des droits de l'homme ; ce qui
débouchera inexorablement à sa banalisation par les
requérants. En effet, la tendance actuelle est la croissance
exponentielle des requêtes fantaisistes et imprécises
présentées devant le prétoire du juge communautaire.
Ainsi, en l'absence d'un standard jurisprudentiel des droits de l'homme,
tout droit violé par un Etat membre est supposé être un
droit de l'homme. D'ailleurs, de nombreuses requêtes
examinées par la Cour sont qualifiées souvent par les
requérants comme étant de violations de droits humains alors
qu'au fond elles sont loin de l'être. C'est par exemple, le cas dans la
décision rendue par la Cour le 12 octobre 2007 (Affaire Sieur Moussa
Léo Keita contre Etat du Mali). Dans cet arrêt, le
requérant n'a spécifié aucun droit (droits civils et
politiques, droits économiques, sociaux et culturels, droits dits
troisième et de quatrième génération) dont la
violation aurait été commise par l'Etat du Mali. Ce qui laisse
songeur, c'est que le requérant semble dire est que le fait ne pas
avoir obtenu satisfaction des juridictions nationales qui constitue une
transgression des droits de l'homme. Cette situation est pernicieuse
pour la Cour car elle risque de se répercuter sur le raisonnement des
juges ou alors entrainer un encombrement de son prétoire. Dans
d'autres affaires toutes aussi singulières, des relations contractuelles
entre particuliers ont été qualifiés à tort de
droits de l'homme (affaire Chief Frank C.Ukor contre Sieur Rachad Laleye et le
gouvernement de la République du Bénin 2 novembre 2007). Dans
l'affaire Mrs Alice Raphael Chukwudolue et Cie contre la République du
Sénégal du 22 novembre 2007 aucun droit de l'homme n'a
été spécifié. Parfois, c'est sous le couvert
d'une violation des droits humains que les requérants saisissent la Cour
pour des affaires relevant au fond du contentieux électoral101(*).
La généralité dans la formulation
« des droits de l'homme » peut aussi avoir des effets
négatifs sur l'office du juge lui-même, sur son raisonnement.
Si la requête ne présente pas avec toute la clarté
souhaitable les faits et les problèmes juridiques, le débat
judiciaire risque d'en pâtir. L'élévation d'un débat
judicaire est en un impératif. L'arrêt Hon. Dr Jerry Ugokwe du 7
octobre 2005 est symptomatique de cette incurie. En effet, la requête
invoque la violation du « droit à un procès
équitable » mais ne précise pas une telle violation. A
la recherche de l'identification du problème qui lui est posé, la
Cour d'Abuja oscille dans son raisonnement entre la question du contentieux
électoral et celle de la violation du droit à un procès
équitable. La Cour s'est lancée dans des développements
qui ne se rapportent pas nécessairement à son office in
casu ; le contentieux électoral. Dans certaines affaires, les
saisissants mettent en mal le juge communautaire et le juge interne en ne
visant pas les dispositions pertinentes relatives à la protection des
droits de l'homme. Ainsi, les formulations sont souvent vagues,
générales, imprécises et les requêtes ne sont pas
assez « circonstanciées ».Certaines demandes
présentées devant le prétoire de la Cour donnent parfois
à penser que le juge communautaire serait appelé à
corriger le juge national suprême. Ce qui laisse croire que la Cour
de justice communautaire est une juridiction de cassation ou un
troisième degré de juridiction censurant ainsi les
décisions des juridictions suprêmes des Etats membres. A titre
illustratif on peut citer l'arrêt du 12 octobre 2007, Sieur Moussa
Léo Keita contre Etat du Mali. Le requérant insatisfait de la
décision de la juridiction suprême de son pays a saisi le juge de
la CEDEAO sans spécifier les droits dont la violation aurait
été commise par l'Etat du Mali. Celui-ci serait appelé
donc à «statuer sur la décision rendue par la Cour
suprême du Mali ». Dans ce présent arrêt,
heureusement la Cour a affirmé qu'elle « n'a pas
compétence pour statuer sur les décisions rendues par les
juridictions des Etats membres ». Pourtant dans d'autres
décisions, la Cour de la Communauté a
désapprouvécertaines décisions des juridictions
nationales. Dans l'affaire Isabelle ManaviAmeganvi et Autres contre Etat du
Togo du 7 octobre 2011, le juge communautaire est allé à
contre-courant du juge constitutionnel togolais en estimant que
« les députés n'ont jamais exprimé
régulièrement leur volonté de démissionner de
l'Assemblée nationale ».
On le voit, c'est la réforme opérée en
2005 qui porte une dynamique pernicieuse, des effets pervers susceptibles
d'affaiblir le contrôle juridictionnel des droits humains.
L'absence d'un catalogue des droits humains aurait donc
pour fâcheuse conséquence d'entrainer une dilution de la notion
des droits de l'homme. Submergée par des requêtes
fantaisistes et imprécises, la Cour en pâtira et affaissera ainsi
son contrôle, si on n'y prête pas garde.
Egalement, la diversité des normes de
référence risque de générer une divergence
d'interprétation. Ce qui nuit gravement à la protection des
droits de l'homme.
B. Un risque latent d'une divergence
d'interprétations des textes
Devant l'imprécision de la notion des droits de
l'homme, la multiplicité des textes de référence, la
consécration d'un « ordre juridique autonome » de la
CEDEAO, une divergence d'interprétation entre la Cour de justice
communautaire et les autres Cours internationales pourrait se poser. La Cour
aime rappeler le plus souvent son autonomie. Elle a eu à affirmer que
malgré que la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples soit
son instrument privilégié, elle n'est liée pas par toutes
les conditions posées par ladite Charte régionale102(*). De même, elle a
affirmé son autonomie par rapport à la jurisprudence des autres
Cours103(*). Ce qui est
tout à fait normal à condition que les juges ne soient pas
enfermés dans un nombrilisme dévastateur.
Selon le professeur H.Ascensio, « les
imprécisions, les lacunes, les incertitudes ne constituent nullement au
« dire » du droit. La fonction du juge est d'y
pourvoir »104(*). En effet, les droits de l'homme n'étant
pas des notions absolues et statiques, mais toujours très
étroitement liés aux sociétés qui les appliquent,
chaque juge interprétera un texte en fonction de sa formation, du milieu
où s'applique le traité. C'est dire donc sous ce registre
que « la technique d'interprétation est indissociable de la
subjectivité de l'interprète »105(*). La subjectivité de
l'interprète va se matérialiser par le choix de techniques
interprétatives permettant soit la préservation de
l'intérêt étatique ou alors de l'intérêt
individuel. Cependant, prévient P.Bercis une « conception
statique des droits de l'homme dans un monde dynamique est par avance
voué à l'échec »106(*). Mais une
interprétation « dynamique » ou
« évolutive » ne risquerait-elle pas d'aboutir sur
une contrariété de jurisprudence» ? Si des
divergences existent sur l'interprétation d'un même texte, quid si
le juge travaille avec une panoplie d'instruments ayant chacun son propre
mécanisme de sanction ? Comme le dit éloquemment Ascensio,
il est admis que « l'activité juridictionnelle n'est pas un
jeu de loterie, ni un automatisme107(*) », mais relève d'une dynamique
d'interprétation en fonction des cas présentés. Ce qui
laisserait a priori ouverte la possibilité d'une interprétation
autonome dans le cadre de la CJ CEDEAO. L'interprétation d'un texte ne
relèverait-elle alors de la culture des juges et du milieu de
sécrétion des instruments. Le contenu évolutif des
traités influe obligatoirement sur les méthodes
d'interprétation. Instruments vivants, « les traités
droits de l'homme doivent selon S.Touzé être continuellement mis
à jour afin de rester dans les aspirations dans lesquelles ils
évoluent, s'appliquent et sont invoqués »108(*). A cette fin, les organes de
protection peuvent réévaluer le critère finaliste objectif
aux dépens des critères de l'intention initiale des parties. Le
choix du référentiel peut se fonder sur l'interprétation
téléologique qui pourra de ce fait étendre la
portée des droits garantis. La démarche qui peut dépendre
de facteurs extra-juridiques est développée sur la base d'une
alternative interprétative oscillant entre l'interprétation
assurant le meilleur droit en l'espèce et un équilibre entre
intérêt général et droits individuels. En effet, au
regard des différentes conventions « droits de
l'homme », les organes juridictionnels et quasi-juridictionnels de
protection des droits de l'homme disposent d'une compétence
générale d'interprétation et, ce à ce titre,
peuvent mettre en oeuvre l'ensemble des techniques interprétatives
à leur disposition (directives interprétatives de la Convention
de vienne de 1969). (La question est de savoir si pour interpréter une
convention internationale, il faut se tourner vers le passé ou vers
l'avenir).
On peut donner comme exemple de divergence jurisprudentielle
en se référant aux rapports entre la Cour de Strasbourg et la
Cour de Luxembourg sur l'interprétation et l'application de la CEDH. La
Cour de justice des Communautés n'est pas juridiquement liée par
l'interprétation des articles de la Convention donnée par les
organes de Strasbourg109(*). Naturellement donc ceci peut entrainer des
divergences d'interprétation. Il peut s'agir de divergences
réelles. Par exemple, la Cour de justice a jugé que le droit
au respect du domicile ne s'appliquait pas aux locaux commerciaux110(*) contrairement à la
Cour européenne des droits de l'homme111(*). Il peut s'agir également de divergences
virtuelles. Au libéralisme qui caractérise
l'interprétation de l'article 8 de la CEDH (protection de la vie
privée et familiale) effectuée par la Cour de
Strasbourg112(*) sur le
traitement de la question de l'homosexualité, répond le
conservatisme de la Cour de Luxembourg113(*). On le voit, l'uniformité du Droit
européen est menacée.On relèvera à ce propos
également un passage intéressant dans l'arrêt Grant contre
South -West trains Ltd du 17 février 1998 ; la Cour de justice des
Communautés européennes affirme ne pas être tenue de
s'aligner sur la signification que le Comité des Droits de l'Homme
semblait avoir reconnu à la notion de « discrimination
fondée sur le sexe » telle qu'elle figure aux articles 2 et 26 du
PIDCP. Selon la Cour de justice , « cet organe [le Comité
des Droits de L'Homme ] qui n'est d'ailleurs pas une instance juridictionnelle
, et dont les constatations sont dépourvues de valeur juridique
contraignante s'est borné à faire une observation en ce sens sans
motivations particulières ».
Le même raisonnement peut être fait s'agissant de
l'organe judiciaire de la CEDEAO. La haute Cour de justice fait
référence à la CAHDP et non à
l'interprétation donnée par la Cour africaine. La CJ CEDEAO
et la Cour africaine deviendront-elle des
« soeurs-ennemies » ? Ce qui risquerait d'aboutir sur
une anarchie jurisprudentielle ou pire encore une « guerre des
juridictions ». Mais on pourrait se demander si la Charte peut
être séparée de son interprétation, lorsqu'on songe
un tant soit peu à la jurisprudence de Cour continentalequi a toujours affirmé que la Charte est un
instrument vivant et doit être interprétée à la
lumière du progrès du monde moderne. Une divergence de
jurisprudence peut donc naitre en l'absence d'une coordination et d'un minimum
de centralisation entre les deux juridictions (notre propos n'est
nullement de dire que la CJ CEDEAO doit allégeance et
révérence à la Cour africaine). On s'imagine sans
peine le désarroi du justiciable confronté à des
législations concurrentes et potentiellement dissonantes. Si la CJ
CEDEAO interprète le contenu d'un droit fondamental d'une manière
différente de celle de la Cour africaine, il y a un réel danger
que l'autorité de l'une des deux soit ébranlée. Gare
à celui qui rendra une mauvaise jurisprudence car prévient
l'éminent professeur Karagiannis « une mauvaise jurisprudence
en droit international ne pouvant pas être facilement corrigée, le
juge qui l'aura rendue risquera de la trainer pendant longtemps comme un
boulet »114(*). Une contrariété de jurisprudence
surtout en matière de protection des droits humains ne se trouverait pas
ainsi affaiblie au moment où celle-ci doit être de plus en plus
renforcée ?
Au-delà des contraintes juridiques, on peut relever
des défaillances d'ordre institutionnel qui limitent
considérablement l'efficacité de la protection des droits de
l'homme.
Paragraphe 2 : Les défaillances
institutionnelles du mécanisme de contrôle juridictionnel
Le mécanisme de contrôle juridictionnel souffre
actuellement de deux déficiences tenant d'une part à
l'incertitude de la procédure de règlement à l'amiable et
de médiation (A) et d'autre part à l'absence
d'un mécanisme de filtrage approprié(B).
A. L'incertitude de la procédure de
règlement à l'amiable et de médiation
Le Protocole relatif à la Cour de justice de la CEDEAO
subordonnait l'action devant celle-ci à l'échec d'une tentative
de règlement amiable. La capacité contentieuse des personnes
privées étaient donc fortement limitée. Plus
désespérant encore, ce protocole ne définissait pas les
modalités de ce préalable amiable. En effet, le protocole ne
précisait pas celui qui doit entreprendre l'initiative et le
professeur A. Sall se pose à ce titre les questions suivantes115(*) ? Est-ce que ce sont
les plaignants, personnes privées, qui doivent engager une
démarche conciliatrice auprès de l'Etat membre ou de
l'institution incriminée ou fallait-il que ce fût l'Etat membre
dont ils sont ressortissants qui accomplît cet acte ? Est que ce que
la Cour pourrait-elle vérifier l'existence de cette procédure et
en cas d'échec y pourvoir ? Sur toutes ces questions, le protocole
était muet. La réforme initiée en 2005 a levé
toutes ces incertitudes. Les articles 9 et 10 du nouveau protocole (Protocole
additionnel du 19 janvier 2005) ne mentionnent pas le préalable
amiable. Ce qui consacre un droit à agir directement devant la Cour
et la relégation de la procédure de règlement au magasin
des accessoires, à la périphérie dans la résolution
des différends.
Il est vrai que l'importance du droit au juge est
considérable dans la mesure où il n'est autre que la
conséquence de la prééminence du droit : s'il
n'était pas consacré, il serait illusoire de parler de bonne
justice et de procès équitable. Loin s'en faut ! Mais le
réalisme aurait également voulu eu égard au
caractère très sensible des droits de l'homme (Aucun
Etat ne veut être attrait devant une juridiction internationale pour
cause de violation de droits humains) qu'on réajusta le cadre
institutionnel de la Cour pour une protection effective des droits de l'homme.
Sous ce rapport, on peut regretter l'inexistence d'une procédure de
règlement à l'amiable des différends relatifs à des
cas de violation des droits de l'homme au sein de l'armature institutionnelle
de la haute cour de justice communautaire de la CEDEAO.
Le règlement à l'amiable reflète une
tradition africaine, illustrée par le jugement sous « l'arbre
à palabres », où la conciliation est
privilégiée par rapport à la confrontation. C'est pourquoi
la Cour africaine insiste sur ce règlement des différends
à l'amiable116(*). Il s'est agi ainsi d'avoir pour leitmotiv le
dialogue car « l'Africain serait davantage attaché aux
modes transactionnels qu'aux modes juridictionnels qui aboutissent à une
condamnation ouverte, à une sanction indexant l'une des
parties »117(*).
Un règlement amiable est un accord entre les parties
qui est de nature à mettre un terme à la requête. Lorsque
le requérant et l'Etat concerné se mettent d'accord pour clore le
litige les opposant, en faisant des concessions réciproques, le plus
souvent cela se traduit par le versement d'une somme d'argent au
requérant. La procédure de règlement amiable vient
tempérer le caractère juridictionnel des juridictions et
présente un avantage par rapport au système juridictionnel. Les
procédures juridictionnelles sont souvent synonymes de
« chicane » et de « paperassie » ;
cette voie permet ainsi de résoudre la question sous un terrain
politique. Elle suppose nécessairement que les deux Parties soient
en accord sur la solution définitive fût-elle injuste, comme le
dit le viel aphorisme « un bon arrangement vaut mieux qu'un bon
procès ».
Cette procédure facilite dès l'abord la
résolution des litiges, ensuite lorsqu'un accord est trouvé, cela
permet à la Cour de se désengorger d'un certain nombre de
requêtes. En effet, après avoir examiné les termes du
règlement amiable, et si elle estime que le respect des droits de
l'homme ne justifie pas le maintien de la requête, la Cour raye l'affaire
du rôle.
La CEDH a ainsi prévu pour la Cour EDH un
mécanisme de règlement des différends à l'amiable.
Si la Cour déclare une requête recevable, elle se met à la
disposition des intéressés en vue de parvenir à un
règlement amiable de l'affaire118(*). La Chambre prend alors toutes mesures
appropriées pour faciliter la conclusion d'un tel règlement selon
l'article 62-1 du règlement intérieur de la Cour. Ces
négociations, qui impliquent des concessions réciproques, sont
importantes car les tentatives de médiation peuvent être souvent
fructueuses surtout dans le système ouest africain.
Toutefois, des limites existent car le règlement
amiable doit s'inspirer du respect des droits de l'homme: les solutions
à l'amiable doivent être respectueuse des droits
fondamentaux lesquels ne sauraient être sacrifiés sur l'autel
du dialogue et de la conciliation. C'est dire que toute transaction sur
les droits garantis par les textes est interdite et seule la réparation
est négociable. Si le règlement amiable est signé, la Cour
raye l'affaire du rôle par une décision qui se limite à un
bref exposé des faits et de la solution adoptée. Dans le cas
contraire, la procédure suit son cours.
Au-delà de cette déficience, on peut relever
également que l'absence d'une chambre de filtrage des requêtes
individuelles constitue un obstacle à la garantie des droits de
l'homme.
B. L'absence d'un mécanisme de filtrage
approprié
Nous sommes convaincus que la voie la plus parfaite pour
assurer la protection des droits l'homme est constituée par la
possibilité reconnue aux individus de recourir directement à un
juge. Le système institué par la CEDEAO pour la garantie de ces
droits est à bien des égards salutaire. Néanmoins,
l'absence d'une structures spécifique chargée du filtrage des
requêtes individuelles risque de handicaper lourdement la tâche des
juges de la CEDEAO ; si elle ne l'est pas déjà ! En
effet, le système judicaire de la CEDEAO tel qu'il est structuré
ne donne à la Cour de se prononcer à la fois sur la
recevabilité et l'examen des requêtes individuelles (on rappelle
que les requérants n'ont pas besoin d'épuiser les voies de
recours internes pour saisir la Cour). Cette structuration actuelle peut
entrainer deux effets pervers majeurs, nuisibles à toute garantie
juridictionnelle des droits de l'homme ; une croissance exponentielle des
requêtes fondée à tort ou à raison sur une
violation des droits de l'homme et une lenteur dans l'examen des
requêtes déposées au prétoire de la Cour.
Depuis la réforme intervenue en 2005 qui a permis aux personnes
physiques de saisir la justice communautaire pour faire constater qu'un Etat
membre a violé un ou des droits de l'homme, la Cour d'Abuja est
submergée de requêtes ayant essentiellement trait à ce
nouveau titre de compétence119(*). Le contentieux massif auquel la Cour doit faire
face soulève une appréhension justifiée, d'autant plus que
l'extension légitime de la compétence rationeloci et ratione
materiae de la Cour confère au juge d'Abuja la responsabilité de
Juge suprême pour l'ensemble des Etats membres de la CEDEAO.
Juge de première instance de 15 Etats en matière
de violation des droits de l'homme, en ce sens que l'Etat ne fait plus
écran et l'épuisement des voies de recours internes
n'étant pas une condition exigée pour faire valoir ses
prétentions, il est de plus en plus sollicité par les citoyens
ouest africains. Ces derniers ne sont pas dupes ; ils en profitent eu
égard au manque de confiance des juges internes et à la
complexité de saisine du juge régional. L'ouverture de cette
brèche dénote, on l'imagine sans aucun doute un usage chicanier
et frivole du droit de recours individuel. On ne peut manquer à la
lecture de la jurisprudence communautaire de relever la carence, l'incurie et
la mauvaise foi de certains requérants ; des requêtes
fantaisistes ou fantoches fondées à tort sur une violation des
droits de l'homme. Des personnes privées sont attrait à la
Cour alors que le Protocole ne vise que les Etats membres. Parfois c'est le
système judicaire interne qui est mis en cause120(*). Un litige relatif au mode
de rémunération a été qualifié de violation
de droits humains121(*). Il en est ainsi du contentieux
électoral122(*).
Il revient à la Cour de justice de la CEDEAO, seule, de statuer sur des
cas de violations des droits de l'homme présentées devant elle.
La Cour est, faut-il le rappeler, submergée de requêtes
individuelles. Ce faisant, l'efficacité recherchée par ce
contrôle juridictionnel des droits de l'homme se trouve ainsi compromis.
Les requêtes individuelles fantaisistes risquent d'asphyxier le
contrôle juridictionnel des droits de l'homme.
Par ricochet donc, la croissance exponentielle des
requêtes relatives aux cas de violation des droits de l'homme
présentées au juge d'Abuja aura certainement des incidences
négatives. Il s'agit en effet d'une lenteur dans l'examen des
requêtes ; l'appareil institutionnel fonctionnerait au ralenti
à raison du nombre de requêtes à traiter. La
consécration d'un droit de saisine des particuliers comporte un risque
d'asphyxier la Cour et un risque d'allongement des délais de
règlement des litiges. La notion de délai raisonnable risque
ainsi d'être vidée de ton son sens. Ce qui obère l'action
de la Cour dans sa mission de protection des droits de l'homme.Victime de
son propre succès, la Cour ne risque-t-elle d'être
inadaptée face à ce flot de requêtes individuelles à
traiter ? C'est dans cette perspective de tarir le flot de
requêtes présentées dans la Cour Européenne des
Droits de l'Homme en vue de garantir une protection juridictionnelle des droits
de l'homme que fut adoptée le Protocole n° 14123(*).
Le problème des retards judiciaires est en effet de
nature à entrainer un discrédit sur l'institution judiciaire et
érode la foi des citoyens sur le pouvoir judiciaire. La Cour doit donc
s'assurer que les allégations de violations des droits humains soient
traitées efficacement et avec diligence. Il y va de la
crédibilité de l'institution judiciaire qui cherche à
asseoir son autorité aux yeux des Etats et des particuliers. La
célérité dans le traitement des affaires est gage d'une
efficacité certaine de la protection des droits de l'homme.
Il y a cependant d'autres problèmes qui, s'ils ne sont
pas correctement traités peuvent conduire à des retards dans la
poursuite des requêtes. Un d'eux est le problème de la traduction
des documents déposés à la Cour. L'article 32 (2)
prévoit la traduction de pièces de procédure
déposées par les institutions. Aucune disposition similaire n'a
été faite à l'égard de pièces de
procédure déposées par des personnes privées et
morales. La Cour a donc la lourde responsabilité de traduire des
documents déposés dans les langues de travail de la Cour
(anglais, français et portugais). Le résultat de ceci est que la
poursuite des cas peut être ajournée si les documents n'ont pas
été traduits en raison de la charge de travail sur les
traducteurs. Il est donc nécessaire de revoir la prestation de cet
article.
Eu égard à ces considérations qui
précédent, il apparait clairement que la protection des droits de
l'homme par la Cour de justice communautaire est limitée du fait des
insuffisances d'ordre juridico-institutionnel. Au-delà de ces entraves,
il existe également des contraintes d'ordre
politico-opérationnel.
Section 2 : Les contraintes d'ordre
politico-opérationnel
Le mécanisme de protection des droits de l'homme si
élaboré soit-il n'empêche cependant pas que dans certains
cas certaines caractéristiques des relations internationales diminuent
l'efficacité des décisions de la Cour. Il s'agit de contrainte
d'ordre politique (Paragraphe 1) et opérationnel
(Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Les contraintes d'ordre politique
La principale limite de la protection de la protection de
droits de l'homme est le manque de collaboration des autorités
étatiques (A). Dans certains cas, ce manque de
collaboration est plus criard car les Etats tendent à remette en cause
l'autorité de la Cour d'où la question de savoir si cette
situation ne va pas entrainer une déliquescence de l'autorité du
juge communautaire (B).
A. Le manque de collaboration des autorités
étatiques
La première hypothèque de l'efficacité
des droits de l'homme est le manque de collaboration des acteurs
étatiques. En dépit des déclarations, des
énonciations formelles et de l'ingénierie institutionnelle, il
est triste de constater que les Etats rechignent à respecter des
engagements auxquels ils ont librement consentis. Ainsi on proclame ses
professions de foi mais on ne les applique pas. Le fossé entre
théorie et pratique en matière surtout de protection des droits
de l'homme reste très profond. Si ce n'est pas la persistance de la
violation des droits de l'homme124(*) qui est ainsi relevée c'est le refus
d'exécuter les sentences judicaires prononcées par la CJ CEDEAO.
L'image n'est pas le reflet que le miroir renvoie
Pourtant, à travers leur loi fondamentale et la
référence aux textes juridiques régionaux et
internationaux, les Etats membres de la CEDEAO s'étaient engagés
dans une croisade en faveur d'une société solidement
démocratique, condition sine qua none pour la réussite de
l'intégration. Mais le paradoxe des droits de l'homme c'est que
« l'Etat constitue à la fois le protecteur et le principal
responsable de leurs violations »125(*) au nom de ses intérêts souverains de
puissance publique.
Selon l'ancien secrétaire exécutif de la CEDEAO
AbassBundu, il n'existe pas encore « une culture d'intégration
dans la région »126(*)ouest africaine. Certains Etats, malgré
même qu'ils soient convaincus de « l'importance de la Cour de
Justice dans l'élimination des obstacles à la réalisation
des objectifs de la Communauté et l'accélération du
processus d'intégration »127(*) refusent même de comparaitre ou d'être
représentés à la Cour de justice de la CEDEAO. On pense
à l'attitude de la République de Gambie, qui à deux
reprises s'est signalée de très mauvaises
manières128(*).
Cette mauvaise volonté est de nature à dérailler le
mécanisme de protection des droits de l'homme amorcé
récemment par la CEDEAO. On pourrait aussi citer l'affaire
KalawoleO.O.James c/ Le Conseil des Ministres de la CEDEAO, Parlement de la
CEDEAO, Commission de la CEDEAO 16 mai 2008 même si la requête
n'était pas relative à une violation des droits de l'homme. En
l'espèce, le juge relève que « les défendeurs
n'ont ni comparu ni été représenté ».
Cette situation doit être déplorée. Elle démontre
les limites de la « Communauté fondée sur le
droit » que l'on a entendu mettre en place à travers la
création d'une juridiction communautaire permanente.
Egalement le mécanisme de protection des droits de
l'homme si élaboré soit-il n'empêche cependant pas que dans
certains cas certaines caractéristiques des relations internationales
diminuent l'efficacité des décisions de la Cour. La modulation de
la portée des engagements souscrits du fait de la souveraineté
étatique est donc une épée de Damoclès qui risque
d'annihiler toute efficacité de la protection juridictionnelle des
droits de l'homme. On peut donner ici l'exemple de la République de Togo
qui a refusé la réintégration des neuf
députés de l'ANC129(*) ou la position de la République du
Sénégal qui relève que l'arrêt de la Cour de justice
de la CEDEAO n'est pas une contrainte d'ordre interne. Tout en gardant à
l'esprit son devoir de respecter son obligation conventionnelle, il affirme
qu'il n'en est pas moins soumis à l'autorité de la
décision de cette Cour communautaire130(*).
Le succès de bon aloi d'une juridiction surtout
à caractère international demeure intrinsèquement
lié à l'acceptation si dure soit elle de la décision
rendue par la partie la plus forte. Ici les Etats. C'est l'expression simple de
l'adage paterelegemquamipsefecisti (respecte la loi que tu t'es toi-même
donnée).
Enfin, un certain nombre d'atteintes graves aux droits de
l'homme continuent d'être perpétrés malgré
l'adhésion formelle. L'Afrique contemporaine demeure donc toujours
considérée comme une zone de non droit, de la violation
systématique des droits de l'homme131(*).
Sous un autre registre, les Etats ont manifestement
(hélas !) transposé au niveau de l'ordre juridique
communautaire leurs mauvaises habitudes. Cette situation ne va-t-elle pas
entrainer une déliquescence de l'autorité du juge
communautaire ?
B. Vers une déliquescence de l'autorité
du juge communautaire ?
En acceptant l'élargissement de la compétence au
domaine sensible de la violation des droits de l'homme, les Etats membres de la
CEDEAO ont consenti à mettre en place un système pleinement
judiciaire fonctionnant selon les règles de l'Etat de droit. Or, la
principale caractéristique d'une Cour de justice dans un système
régi par l'Etat de droit, c'est la confiance que les justiciables,
qu'ils soient étatiques ou particuliers, accordent à cette
juridiction. Ce qui signifie que « le droit, ce n'est pas le
juge »132(*)
mais son respect dépend essentiellement de la volonté et de la
bonne foi des acteurs étatiques et des particuliers. Cependant, ce
principe universel n'est pas tout à fait appliqué et les
Etats ont transposé hélas, leurs mauvaises habitudes au niveau
supranational d'où une crainte bien légitime d'un
affaissement progressif de l'autorité du juge communautaire. En effet,
avouons-le ouvertement, le fait d'interpeller la justice de la CEDEAO illustre
jusqu'à quel point la justice nationale des pays membres perd la
confiance du justiciable. Si le citoyen désabusé choisit de
s'adresser à une instance extérieure, c'est qu'il la juge plus
crédible que celle de son propre pays. Mais ne faut-il pas craindre de
la voir un jour muselée par les politiques qui l'ont
créée à cause de son succès ? Il
semble à la lecture de certaines décisions rendues par la Cour de
justice de la CEDEAO que les Etats commencent à fausser les
règles du jeu initial en s'attaquant même à
l'autorité du juge.
Le comportement de la République de Gambie est
significatif à cet égard. Dans l'affaire Etim Moses Essien contre
la République de Gambie et l'Université de Gambie du 29 octobre
2007, le juge relève que « les défenderesses ainsi que
leurs avocats n'ont ni comparu ni été
représentés ». Elles ont tenu à adresser
à deux reprises des lettres au Président de la Commission pour
exprimer leur mécontentement de la décision rendue par la Cour de
justice de la Communauté et pour « demander au
Président de la Commission d'intervenir pour leur permettre d'interjeter
appel »133(*).
Selon le professeur Alioune SALL, en adoptant cette attitude
« déplacée », l'Etat Gambien a
« superbement défié la Cour »134(*). En effet, suggérer
que l'autorité politique intervienne dans la sphère judiciaire
à un moment où la procédure suit son cours normal, c'est
d'une part n'accorder aucun crédit à l'autorité judicaire
(remise en cause même de ses attributs) et d'autre part suggérer
que les juges soient placés sous l'autorité des institutions
politiques. Cette suggestion implicite de la supériorité
processuelle et substantielle de la décision politique sur la
décision juridictionnelle est préjudiciable pour la Cour car elle
nuit gravement à la protection des droits de l'homme.
Dans une autre affaire rendue 5 juin 2008 mettant en cause le
même Etat ; Ebrimah contre République de Gambie, la
défenderesse a adopté le même comportement vis à vis
de la Cour. L'Etat gambien a refusé de comparaitre
« malgré tous les efforts déployés par la Cour
pour l'amener à prendre part au procès »135(*). Dans l'affaire relative aux
vrais faux démissionnaires de l'Assemblée Nationale, saisie en
omission de statuer, la juridiction communautaire a refusé d'aller plus
loin que dans sa précédente décision136(*). La Cour de Justice de la
CEDEAO affirme en effet que les députés n'ont jamais
démissionné et que leurs droits de l'homme ont été
violés par l'Assemblée Nationale et la Cour
Constitutionnelle, citant en appui le point 15 de l'Arrêt
« A cet égard la Cour observe que son arrêt
appelé en omission de statuer a admis la violation d'un droit de
l'homme, précisément le droit des Requérants à
être entendu par la plénière de l'Assemblée
Nationale, et même ultérieurement par la Cour
Constitutionnelle. »Se référant au point 14 de
l'Arrêt le juge communautaire s'autolimite : « La Cour
note que dans ce contexte, la réintégration des requérants
à l'Assemblée Nationale Togolaise apparait simplement comme une
conséquence éventuelle d'une violation d'un droit de l'homme
pouvant être constatée au détriment des Requérants,
et non comme un chef de demande sur lequel la Cour doit statuer en tant que
tel. ». Elle s'est abstenue de se prononcer sur le mode de
réparation du préjudice résultant des conséquences
politiques du remplacement irrégulier des neuf députés. La
Cour refuse systématiquement de prononcer le mot
réintégration.
Pour qu'un Droit (surtout le droit international ou
régional) s'impose, il est nécessaire que toutes les parties
c'est à dire les destinataires des sentences judicaires soient
disposées à respecter celles-ci. La Cour semble être
prudente et timide voire contrariée quand un Etat vicie les
règles élémentaires qui gouvernent son office. En
effet, il est de constat général que « le juge ouest
africain n'exerce pas son pouvoir d'interprétation dans des conditions
tout à fait stabilisées »137(*). Mis devant une telle
situation, le juge préfère se refuser dans l'autolimitation afin
de ne pas être accusé de favoriser le spectre d'un
« gouvernement des juges » au sein de l'ordre
communautaire. C'est également le cas du juge de l'UEMOA qui a fait
preuve de timidité et de manque de courage dans l'affaire Eugène
YAI en se pliant aux ordres de la Conférence des Chefs d'Etat et de
Gouvernement. Le professeur SY faisant le commentaire de cette décision
à p écrire : « cette décision est
révélatrice des difficultés du juge communautaire qui doit
faire respecter la légalité communautaire, faire avancer
l'intégration économique, et aussi tenir compte de la
volonté des Chefs d'Etat et de Gouvernement »138(*).
Sans s'incliner toujours dans une forme de
« self-restraint », les juges d'Abuja doivent s'affirmer
tout en restant fidèles et adossés au
« pré-carré » préétabli. Ils
auraient pu rappeler à l'Etat Gambien les obligations liées
à son engagement international ou l'importance de la fonction
juridictionnelle dans une entreprise d'intégration. Ils auraient
également pu afin de redorer le blason de la Cour rappelé
l'indépendance de la Cour vis à vis des Etats mais
également et surtout des institutions de la Communauté.
C'est dire que les réformes ne servent à rien et
l'adoption d'un traité idéal a peu d'importance si les Etats
membres ne se décident pas à considérer la protection des
droits de l'homme comme une importante entreprise nationale. Les droits de
l'homme, sont à la fois un objectif de l'organisation et un moyen
pour atteindre les objectifs de l'intégration. Au niveau
opérationnel également des contraintes peuvent être
relevées.
Paragraphe 2 : les contraintes d'ordre
opérationnel
Ces contraintes sont relatives d'une part à la
méconnaissance de la Cour (A) et d'autre part au
caractère incertain de l'exécution des arrêts de la Cour
(B).
A. La Cour de la justice communautaire, une juridiction
méconnue
Régie par le protocole A/P1/7/91 du 06 Juillet 1991
amendé par le protocole A/P1/01/05 du 19 Janvier 2005, la Cour de
justice de la Communauté joue un rôle majeur dans la
création et le maintien d'un environnement juridique propice à la
réalisation des objectifs de la CEDEAO. Elle a, entre autres, pour
mission de promouvoir l'intégration judiciaire, le règlement des
différends dont elle est saisie, l'interprétation et
l'application du Traité, les conventions, les protocoles et autres
instruments juridiques de la Communauté. Elle a aussi pour mission la
détermination des cas de violation du droit humain dans tous les pays
membres de la CEDEAO et d'autres mandats auxiliaires, de manière
efficace et opportune.
Pourtant malgré que les compétences de la
Cour soient diverses, il est patent de constater que cette juridiction reste
méconnue. En effet la Haute cour de justice communautaire n'est pas
très bien connue de ses ressortissants voire même des Etats en ce
qui concerne les règles procédurales. En effet, il est
arrivé que des Etats, devant la Cour de la CEDEAO, se trompent sur les
procédures en vigueur: un Etat a, à un stade de la
procédure, au moins évoqué la possibilité d' «
interjeter appel 139(*)»; un autre a parlé de la règle de
l' « épuisement des voies de recours internes »140(*), nullement consacrée
pourtant. Ces quelques exemples montrent bien que le droit sous régional
en général, et les règles du contentieux en particulier,
méritent d'être mieux connues, que leur pédagogie s'impose
donc. L'insuffisante connaissance de celles-ci pourrait bien être un
facteur explicatif de lenteur d de la gestation d'un droit jurisprudentiel de
l'intégration.La protection des droits de l'homme ne peut dans ces
conditions que faire défaut, ce qui est préjudiciable à
leurs titulaires.
Au niveau même des milieux judicaires et universitaires,
il est symptomatique de constater que le nouveau titre de sa compétence
relatif aux droits de l'homme est ignoré. Le colloque organisé
à Dakar sur les droits communautaires ouest africain141(*) n'aborde pas d'une
manière approfondie cette dimension de la protection des droits de
l'homme. L'occasion était pourtant très belle pour
apprécier sur le principe si la Cour mènera à bien sa
mission avec l'intégration de ce nouveau titre de compétence
relatif aux cas de violation des droits de l'homme. La pertinence pourrait
ainsi être appréciée. Les rares communications qui abordent
cette dimension manquent de précision et sont souvent en décalage
avec la nouvelle réalité communautaire. A titre exemplatif, on
peut se référer à la communication de Babacar
SARR142(*) où
l'auteur rappelle l'ancien article 9 alinéa 3 du Protocole de la Cour
qui subordonnait la saisine de la Cour par les ressortissants par l'entremise
de leurs Etats. Le protocole de 2005 qui définissait la
compétence de la Cour a été révisé en 2005
et un nouvel article 10 introduit qui élargit le champ d'intervention de
la haute juridiction communautaire à la violation des droits humains.
Toujours sous l'aspect opérationnel, on peut noter l'exécution
des arrêts de la Cour n'est pas satisfaisante d'où son
caractère incertain.
B. Le caractère incertain de
l'exécution des décisions de la Cour
Nous sommes convaincus que la bonne foi et la volonté
des Etats constituent les gages d'une protection effective des droits de
l'homme. Cependant au-delà de cet aspect, il y a lieu de s'interroger si
les pouvoirs du juge et l'armature institutionnelle telle
qu'aménagée sont de nature à permettre une protection plus
efficace des droits de l'homme. La
première interrogation consiste à se demander si la Haute cour de
justice dispose de moyens coercitifs ou de pouvoirs d'injonction pour un
respect plus scrupuleux de ses arrêts. Faute de « police
générale » et en raison du caractère
déclaratoire de ses décisions, la Cour de céans n'a
aucune emprise sur les Etats ni aucun moyen coercitif pour s'assurer de la
bonne exécution de ses arrêts. Le juge communautaire ne
serait alors qu'un aiguilleur laissant la latitude aux Etats qui risque
d'affadir selon leur humeur les bonnes intentions affichées. Les Etats
ont certes, l'obligation d'exécuter les décisions rendues par la
Cour, mais l'exécution des arrêts est subordonnée à
la bonne volonté des Etats parties qui ont été
condamnés.Cette marge d'appréciation laissée aux Etats
peut altérer l'application des décisions de la Cour. Certains
Etats peuvent refuser systématiquement d'exécuter les
décisions ainsi rendues, d'autres peuvent se complaire dans une
exécution partielle en se parant de subterfuges pour échapper
à une exécution totale. Tel est le cas dans l'arrêt
Isabelle ManaviAmeganvi et Autres contre Etat du Togo du 7 octobre 2011. Dans
cette affaire, les autorités nationales togolaises ont estimé que
le juge communautaire n'a point parlé d'une réintégration
des députés mais d'une réparation en valeur vénale.
Pourtant dans sa décision, le juge malgré les critiques qu'on
peut lui reprocher dans cet arrêt a affirmé que « les
députés n'avaient jamais régulièrement
exprimé leur volonté de démissionner ». Donc ce
qui signifie aux yeux de la Cour « qu'il y a violation par l'Etat du
Togo du droit fondamental des requérants à être entendu tel
que prévu aux articles 10 de la Déclaration Universelle des
Droits de l'Homme et 7 de la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des
Peuples ». En effet, en matière de protection des Droits
humains, la réparation d'un droit violé exige que la victime soit
complètement rétablie dans ses droits, c'est-à-dire
qu'elle soit placée « in statu quo ante », en
d'autres termes, dans l'état où les choses étaient
auparavant. Cela suppose donc le rétablissement de la situation
préexistante, et dans le cas d'espèce que les Neuf (09)
députés exclus doivent être mis dans les conditions
d'être entendus sur leur prétendue démission, d'où
leur retour à l'Assemblée Nationale qui s'impose a
priori143(*). Cette
exécution partielle de la décision de la haute cour de justice
communautaire est la preuve d'une mauvaise foi de certains Etats
caractérisée par le refus de se soumettre totalement. Le manque
de volonté de certains Etats, à respecter les arrêts de la
Cour pour une meilleure garantie des droits de l'homme semble remettre en
question la pertinence de la protection des droits de l'homme par la CJ CEDEAO.
Certes, les textes prévoient une panoplie de sanctions qui peuvent
aller même jusqu'à l'exclusion de la CEDEAO d'un Etat qui
n'exécute pas la décision de la Cour. Des sanctions
politiques (mise à l'écart de la CEDEAO) qui viennent appuyer la
force des décisions rendues au plan juridictionnel. Mais on voit mal
l'exclusion d'un Etat de l'organisation du seul fait qu'il n'a respecté
une décision de la Cour (on le rappelle encore l'objectif premier
de la CEDEAO n'est pas la garantie des droits de l'homme mais
l'intégration économique).
La deuxième question renvoie à l'existence d'un
organe de suivi chargé de vérifier si l'Etat incriminé
à honorer ses engagements ou non. Une réponse négative
s'impose à ce niveau. En effet d'après la législation
communautaire, il appartient à l'Etat de tirer les conséquences
d'une décision de justice. Or, une telle marge de manoeuvre peut
susciter des suspicions de la part des citoyens de la manière dont
l'Etat s'acquitte de ses obligations. Rien ne garantit à la Cour dans
l'esprit et la lettre de son arrêt, qu'elle a été suivie.
L'utilisation individualisée d'un pouvoir d'enquête
confié à un organe indépendant de la Cour permettrait
à cet effet de demander à chaque Etat membre de la CEDEAO
incriminé de fournir des explications sur la manière dont il
applique les décisions de la justice communautaire.
En outre, il faut relever qu'au sein de certaines
communautés interétatiques, les textes régissant les Cours
de Justice ont indiqué la manière d'exécuter ce genre de
condamnation. Il en est ainsi en ce qui concerne la Cour EDH selon l'article 50
de la CEDH « Si la décision de la Cour déclare qu'une
décision prise ou une mesure ordonnée par une autorité
judiciaire ou toute autre autorité d'une partie contractante se trouve
entièrement ou partiellement en opposition avec des obligations
découlant de la présente Convention, et si le droit interne de
ladite partie ne permet qu'imparfaitement d'effacer les conséquences de
cette décision ou de cette mesure, la décision de la Cour
accorde, s'il y a lieu, à la partie lésée, une
satisfaction équitable ». Les Etats membres de la CEDEAO n'ont pas
prévu de pareille disposition dans les protocoles régissant la
Cour de Justice. Les parties peuvent, dans ces conditions, s'accorder librement
sur la façon de réparer en nature les conséquences
politiques des violations. Notons cependant que ce tempérament dans
l'exécution des arrêts des juridictions internationales n'est pas
l'apanage exclusif des Etats africains. Le mécanisme de protection des
droits de l'homme très élaboré n'empêche cependant
pas que dans certains cas certaines caractéristiques des relations
internationales144(*)
Les considérations qui précèdent montrent
que cette garantie juridictionnelle des droits de l'homme n'est pas encore tout
à fait effective. La première critique tient d'abord à des
facteurs endogènes (surabondance des textes de référence,
modicité des moyens d'exécution etc.) qui ont pour
conséquence d'affaiblir le contrôle juridictionnel des droits de
l'homme. La deuxième critique est liée à des facteurs
exogènes. Il s'agit du comportement peu élégant des
justiciables étatiques qui refusent manifestent de se plier à
l'autorité de la Cour et à honorer leurs engagements relativement
à l'exécution de ses arrêts.
Afin de dissiper les incohérences et corriger ainsi les
insuffisances d'ordre factuel relevé, il devient nécessaire
d'optimiser la protection juridictionnelle des droits de l'homme assuré
par la Cour de justice de la CEDEAO
Chapitre 2 : Pour une juridiction communautaire
plus efficace dans l'espace CEDEAO
Considérant que la garantie de la paix et de la
sécurité et la bonne gouvernance, facteurs essentiels de la
croissance économique passe inévitablement par la lutte contre
l'impunité et le respect inconditionnel des droits de l'Homme ; la
mise en place de la Cour de justice de la CEDEAO est porteuse d'espoir pour les
citoyens ouest africains. La protection des droits de l'homme se range
aujourd'hui encore parmi les principaux objectifs de la Communauté.
Elle est désormais fondée sur les principes de liberté, de
démocratie, des droits de l'homme et de l'Etat de droit,
c'est-à-dire sur les principes qui trouvent leur expression juridique
dans le droit africain et international actuel dans le domaine des droits de
l'homme.
Tout en laissant entrevoir à l'horizon une lueur
d'espoir, la protection des droits de l'homme suscite néanmoins de
sérieuses interrogations. En effet, malgré l'imposant arsenal
normatif et la volonté des Etats membres, les insuffisances de la
protection sont manifestes et pourraient hypothéquer le fonctionnement
et l'efficacité de la nouvelle Cour.
Alors que faire pour remédier cette situation ?Il
serait fastidieux dans le cadre de cette étude de donner une avalanche
de solutions susceptibles de garantir une protection effective des droits de
l'homme. Loin s'en faut ! Ainsi sans prétendre à
l'exhaustivité se bornera -t-on à donner quelques solutions,
celles que nous avons jugées être plus pertinentes.
Tout d'abord, au plan juridico-institutionnel des
réaménagements doivent être engagés pour une
protection effective des droits de l'homme. En effet pour impérative que
soit une reconnaissance explicite des droits fondamentaux, il convient
également de veiller au renforcement de la protection des droits par des
politiques et par des mesures structurelles y ayant trait. Ici donc la
proposition consisterait en la rationalisation du système communautaire
de protection des droits del'homme (Section 1).Ensuite, au
plan opérationnel, les limites déjà situées doivent
être solutionnées. A ce niveau, il s'agira d'entreprendre des
efforts au plan opérationnel (Section 2).
Section 1 : La rationalisation du système
communautaire de protection des droits de l'homme
La CEDEAO s'est lancée dans une croisade pour la
protection des droits de l'homme. A cet effet, il est essentiel d'optimiser le
mécanisme de protection mis en place. Cette rationalisation exige
d'emblée un renforcement des garanties institutionnelles
(paragraphe 1) et une articulation des voies de recours et
d'exécution (paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Le nécessaire renforcement des
garanties institutionnelles
Pour un contrôle juridictionnel des droits humains plus
efficace, il est nécessaire de renforcer les compétences du juge
communautaire (A) et d'adopter par conséquent un
catalogue ouest africain des droits de l'homme (B).
A. Le renforcement de la compétence du juge
communautaire
La CEDEAO s'est lancée dans une croisade pour la
protection des droits de l'homme. Au regard des droits de l'homme, le
rôle du juge communautaire est de plus en plus important, même si
cette préoccupation pouvait paraitre a priori marginale compte tenu de
la finalité du droit communautaire. Le système judiciaire est
assurément entré dans une nouvelle ère malgré sa
relative jeunesse. Et il devient nécessaire pour un contrôle
juridictionnel optimal que les compétences de la Cour de justice
communautaire soient élargies.
Cette extension pourrait d'abord concerner les obligations
communautaires des Etats en vertu du Traité. Le droit positif de la
CEDEAO ne permet pas aux particuliers de saisir la Cour pour faire constater
qu'un Etat a manqué à une des obligations communautaires.
Seuls les Etats et le Secrétaire exécutif y sont admis145(*). La raison serait
liée au fait que « l'action en manquement repose sur des
fondements différents de ceux qui motivent la responsabilité
internationale des Etats »146(*). Mais si l'on considère les fonctions
remplies par l'action en manquement, il est tout à fait envisageable que
les particuliers puissent saisir la juridiction de la CEDEAO. En effet, elle
permet non seulement de sanctionner un Etat qui aurait commis une infraction
vis à vis des obligations communautaires mais aussi d'assurer une
application effective et uniforme du droit communautaire sur l'ensemble du
territoire communautaire.
Le manquement peut donc résulter d'un comportement
positif, d'une abstention ou d'un refus de prendre les mesures juridiques
qui s'imposent. Pour des raisons politiques évidentes, « les
Etats hésitent à prendre formellement l'initiative de faire
constater par (la Cour) qu'un Etat a manqué à une des obligations
en vertu du Traité »147(*).
A la lumière de toutes ces considérations qui
précédent, il serait opportun que les particuliers puissent
saisir le juge communautaire sur le fondement de l'action en manquement
(seulement pour des obligations communautaires relevant des droits de
l'homme).
Chargés de promouvoir un droit communautaire, il est
paradoxal que les juges refusent systématiquement de trancher des
litiges en se référant aux textes communautaires. Dans l'affaire
Hissein Habré contre Etat du Sénégal148(*), le demandeur estimait qu'il
y a violation liée sur l'interprétation du Protocole sur la
Démocratie et la Bonne Gouvernance et reproche au droit
sénégalais d'être contraire au droit communautaire de la
CEDEAO et de violer le principe de non rétroactivité de la loi
pénale ainsi que le principe de convergence constitutionnel. Toutefois
la Cour rejettera ce grief formulé par Monsieur Hissein Habré aux
motifs que s'agissant d'un manquement à une obligation communautaire
par un Etat membre, le Requérant, personne physique, n'est pas
habilité à saisir la Cour aux termes de l'article 10 du Protocole
Additionnel relatif la Cour. Pourtant, ce protocole sur la démocratie et
la bonne gouvernance considéré en raison des principes et
valeurs qui y sont incorporés comme « le texte de
référence du constitutionnalisme
régional »149(*) ne peut être invoqué par un citoyen
ouest africain pour faire constater qu'un Etat membre a failli à ses
obligations communautaires.
Il s'avère dès lors nécessaire à
la lumière de ces considérations que d'élargir le
champ matériel de la Cour d'Abuja en donnant possibilité aux
personnes physiques de l'invoquer pour une adaptation de l'ordre juridique
national aux exigences évolutives du droit communautaire ouest
africain.
En outre, les compétences de la Cour de justice
communautaire pourraient s'étendre aux cas de violations graves et
massives ou persistantes150(*) des droits humains. Sur des questions d'une
extrême gravité, la Cour pourrait être saisie par les ONG de
défense des droits de l'homme ou par les victimes elles-mêmes au
lieu de porter les affaires au niveau des tribunaux pénaux
internationaux.
Il est également nécessaire de maintenir le
statu quo en ne permettant seuls aux citoyens ouest africain de saisir de la
Cour ; La Cour, on le rappelle, n'est pas une juridiction
spécialisée dans la protection des droits de l'homme.
Néanmoins cela ne l'exonère pas de la nécessité
d'adopter un texte juridique contraignant de droits de l'homme propre à
la CEDEAO.
B. L'indispensable adoption d'un catalogue ouest
africain des droits de l'homme
La CEDEAO doit s'affirmer comme un ensemble spécifique
au plan universel en adoptant un texte relatif aux droits de l'homme. Au
frontispice des objectifs qu'il est appelé à remplir, on retrouve
la protection des droits de l'homme par son organe judiciaire. Il est
impératif, pour affirmer les droits de l'homme dans la
« nouvelle CEDEAO », d'adopter un texte qui permettrait
aux particuliers de s'en prévaloir. La réforme
opérée en 2005 doit être poursuivie pour permettre ainsi
à la Cour d'Abuja de mener à bien sa mission de protection des
droits de l'homme. La CJCE et la Cour EDH n'ont-elles pas dégagé
une conception typiquement européenne des droits fondamentaux qui a fini
par s'imposer progressivement aux juridictions nationales.151(*)Construire ainsi son
propre système de protection c'est au fond garantir une
légitimité politique et morale à l'Organisation. Ce
texte des droits de l'homme doit incorporer les traditions constitutionnelles
communes aux Etats membres, normes régionales et universelles, le droit
communautaire primaire et dérivé, la jurisprudence de la CJ
CEDEAO.
Cette charte ne doit pas néanmoins constituer une forme
de codification de l'ensemble des droits dans un seul texte. La charte
sous-régionale doit faire des simplifications et d'actualisation des
instruments juridiques pertinents et réaliser également une
extension à certains droits économiques et sociaux en rappelant
l'indivisibilité des droits et en traduisant « de nouveaux
consensus » en matière de droits de l'homme.
Sous l'effet de l'adoption de la Charte, le catalogue
communautaire des droits de l'homme va s'émanciper des textes
exogènes. L'adoption d'un tel instrument permettra ainsi sans nul
doute de donner un contenu plus précis aux droits de l'homme.
L'autonomie du droit de la Communauté est sauvegardée et,
partant, l'autonomie interprétative de la Cour d'Abuja.
Ce qui permettrait à la Cour de promouvoir le droit de
la CEDEAO et le risque d'évanescence du droit communautaire du fait de
l'invocabilité des normes non strictement communautaires sera
évité. Le professeur A.SALL relève à ce propos que
« l'épanouissement et le renforcement du droit communautaire
passent certainement par la référence à des règles
rigoureusement communautaires ». La Communauté doit dès
lors viser à créer ce qu'on pourrait appeler un « espace
commun des droits de l'homme ».
Certes, la Cour de justice n'est pas une juridiction
spécialisée dans la protection des droits de l'homme mais elle
pourrait fonctionner en suivant sur un certain nombre de point le modèle
européen152(*) et
américain153(*)
tout en gardant une certaine originalité. La CEDEAO pourrait suivre
la même voie et adopter un instrument contraignant pour tous les Etats
membres, qui énonce des droits et des libertés dont il reviendra
à la Haute juridiction d'en garantir le respect.
En tant qu'instance chargée de faire respecter un droit
spécial, de contrôler et de veiller à la bonne application
de ce seul texte, cet organe judiciaire contribue sans nul doute au
développement et à la promotion de son droit communautaire.
Pour asseoir donc ainsi, l'autonomie de la Cour, tarir subséquemment
les requêtes fantaisistes, une législation communautaire
spéciale en matière de protection est nécessaire pour
circonscrire la notion des droits de l'homme et ce faisant le juge pourra
être amené au fil des saisines à donner une
définition prétorienne des droits de l'homme. En effet, sur
un même objet, il vaut mieux que toutes les questions soient
réglées et entièrement par un seul et unique texte non pas
parce que la compréhension est plus facile pour le requérant mais
encore et surtout la Cour est ainsi à même d'apercevoir dans
toutes leurs étendues les conséquences des principes posés
par le législateur communautaire.
La Charte des droits de l'homme de la CEDEAO sera
conçue au sein même de l'organisation et ne sera pas donc
« importée » de l'extérieur. Ce texte
permettrait donc d'obtenir une protection analogue tant au niveau des droits
protégés que de leur interprétation. A défaut
de cohérence, les bénéficiaires des droits
protégés à la fois par la Charte et les autres instruments
juridiques relatifs aux droits de l'homme, pourraient rencontrer bien des
difficultés pour comprendre le contenu des libertés fondamentales
auxquelles ils ont droit.Il faut donc un système original pour
définir les droits garantis par la convention. Ce qui facilitera la
tâche aux parties et au juge. Les Etats parties doivent solidairement y
consentir tous les moyensnécessaires, si leur volonté politique
(normalement respectueuse desvoeux de leur population...) est bien d'aboutir
à une Communautéde droit et à une véritable
garantie collective des droits de l'homme.
Dépourvus actuellement d'un panel de droits propres
à l'ordre juridique ouest africain et en attendant l'adoption d'une
mesure de bon augure, les juges d'Abuja doivent s'atteler à
l'élucidation conceptuelle des droits de l'homme afin que leur office ne
soit banalisé. Une définition prétorienne des droits de
l'homme s'impose. Si déjà les mots ne conviennent pas pour
désigner les problèmes, naîtront forcément des
ambiguïtés, des équivoques et des incompréhensions
qui rendront les solutions plus difficiles à trouver.
En sus de l'adoption de cet instrument, la reconnaissance d'un
standard minimum suppose de tenir aussi compte de la jurisprudence des autres
cours internationales qui interprète d'une manière constructive
les droits de l'homme. En effet, le régionalisme juridictionnel ne peut
passer sous silence le phénomène de « contagion » qui
l'imprègne. Il est patent de constater que la Cour EDH a très
vite été érigée comme juridiction « parangon
» de protection des droits des droits à cause de son dynamisme.
Elle a largement inspiré la CJCE dans le cadre de sa réforme
rendue nécessaire par l'encombrement de son prétoire et le
ralentissement consécutif de ses procédures154(*).
On le voit l'adoption d'un texte spécifique aux
droits humains par la CEDEAO est susceptible de résorber certains maux
dont souffre le mécanisme de protection des droits humains. Egalement,
pour permettre à la CJ CEDEAO de faire florès dans sa mission de
protection, il est nécessaire de réaménager les voies de
recours et d'exécution.
Paragraphe 2 : L'opportunité de l'articulation
des voies de recours et d'exécution
Dans le but de favoriser aussi une protection optimale des
droits de l'homme, la Cour d'Abuja doit procéder à la
priorisation des requêtes individuelles par le système de
filtrage(A) et définir ainsi les modalités d'une
application satisfaisante de ses décisions (B).
A. La nécessaire priorisation des requêtes
individuelles par le système de filtrage
Un aménagement du système actuel de protection
des droits est nécessaire. La CEDEAO a ouvert le prétoire de la
Cour à plus 300 millions de personnes. Ces dernières,
lorsqu'elles sont victimes de violations de droits de l'homme peuvent ainsi
saisir directement la juridiction communautaire sans épuiser les voies
de recours internes. C'est pourquoi depuis la réforme
opérée en 2005, la tendance qui se dessine est la croissance
exponentielle des requêtes individuelles. Dans cette perspective,
pour alléger la tâche de la Cour et faire montre d'une
célérité dans le traitement des requêtes, il est
nécessaire de créer une chambre qui se chargera exclusivement du
filtrage des requêtes. En effet, toute amélioration ou «
survie » du mécanisme contentieux devant la Cour suppose que soit
en grande partie résorbé un obstacle de caractère
structurel. La Cour, si on n'y prête pas garde sera submergée de
requêtes relatives à des cas de violations de droits de l'homme.
Face à un afflux massif de requêtes, la Cour
européenne des droits de l'homme a dû procéder
également à quelques modifications. Le Protocole n° 14, qui
vise à garantir l'efficacité à long terme de la Cour en
optimisant le filtrage et le traitement des requêtes, prévoit
notamment la création de nouvelles formations judiciaires pour les
affaires les plus simples et un nouveau critère de recevabilité
(l'existence d'un « préjudice important »). Il est
entré en vigueur le 1er juin 2010.
Cette future chambre de filtrage de la CJ CEDEAO aura
fondamentalement pour fonction de décharger la Cour des requêtes
qui sont manifestement irrecevables. Il s'agit en outre d'affaires susceptibles
d'être recevables et bien fondées. Selon donc ce schéma,
l'examen des affaires portées devant la Cour suivra deux étapes
principales : la recevabilité et le fond de l'affaire
c'est-à-dire l'examen des griefs.Ce filtrage efficace permettra
ainsi une meilleure priorisation des requêtes par le rejet des
requêtes manifestement mal fondées. De la sorte, il nous semble
que la plus grande partie du contentieuxserait apurée. La fonction
de cette chambre serait d'apurer lecontentieux et de se prononcer sur la
recevabilité des requêtes individuelles. Par la suite, les
requêtes jugées recevables seraient examinées,
principalement sur le fond. A ce titre, la Cour n'aurait ainsi à rendre
qu'un nombre limité de « grands arrêts » par an. Sa
tâche principale concernerait le fond du droit, et elle ne retiendrait
que les affaires les plus importantes ou les plus graves. Elle concentrera
de ce fait sur les affaires les plus intéressantes et de rendre des
grands arrêts de principe.
Voilà un ensemble de révisions minima,
susceptibles peut-êtred'assurer la survie d'un mécanisme de
protection qui a déjà donné espoir aux citoyens de la
Communauté. De même, il est nécessaire revoir les revoir
les modalités de l'application des décisions de la Cour.
B. La définition des modalités d'une
application satisfaisante des décisions
En dépit du caractère déclaratoire de ses
arrêts et de l'absence d'un pouvoir d'injonction, la Cour de justice de
la CEDEAO se doit de préciser plus clairement la portée de ses
arrêts en vue d'en faciliter l'exécution. Elle pourrait sous ce
rapport indiquer la meilleure forme de réparation ou alors en posant
une alternative à l'Etat. En effet, il est important pour
éviter une diversité d'interprétation que la Cour de
justice de la CEDEAO soit plus précise dans les arrêts qu'elle
rende. En effet malgré que les Etats aient acceptés que
leurs citoyens puissent s'adresser directement au juge communautaire, il ne
faut pas perdre de vue qu'ils ne sont pas encore des démocraties mais en
transition démocratique. Sous ce rapport, les juges d'Abuja sont
invités à produire une jurisprudence claire et exemplaire
dénuée de toute ambigüité. La Cour doit
s'efforcer d'indiquer plus explicitement et plus précisément les
enseignements généraux qui découlent de ses arrêts,
dans le but d'éviter des violations répétitives.
A l'égard des Etats coupables d'avoir violé des
droits de l'homme, la Cour de céans se montre souvent, assez «
réservée » (peut-être c'est dans le but de ne pas
froisser la susceptibilité de ces Etats). Elle n'indique très
rarement les conséquences de violations constatées
(contrairementà d'autres juridictions internationales ou au
Comité des droitsde l'homme des Nations Unies), sauf dans
l'hypothèse un peutrop banalisée de l'octroi de dommages et
intérêts. La Cour de Justice de la CEDEAO saisie d'une
requête introduite par Neuf (09) anciens députés de l'Union
des Forces de Changement (UFC) exclus de l'Assemblée Nationale, constate
la violation, par l'Etat togolais, d'une liberté fondamentale des
requérants, notamment le droit d'être entendu, prévu par
les articles 10 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme et 7
de la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples.155(*)Elle note en effet que les
députés n'ont jamais exprimé leur volonté de
démissionner de l'Assemblée Nationale. Par conséquent,
l'Etat Togolais doit réparer le préjudice et allouer des dommages
et intérêts aux victimes. Les autorités togolaises tirant
prétexte du « flou artistique » de la
décision de la Cour ont refusé la
réintégration des députés déchus à
l'hémicycle. Elles estiment en effet que la Cour de justice
communautaire n'a point parlé de réintégration mais de
réparation (compris seulement comme étant l'octroi de
dommages-intérêt fixés à trois (3) million de francs
CFA). Les requérants semblent même être en phase avec le
défendeur. Ils ont introduit une demande en révision dont le but
est d'amener la juridiction communautaire de « remédier
à l'omission qu'elle en a faite sur le chef de demande relatif à
leur réintégration à
l'hémicycle »156(*).
Une telle interprétation pouvait être
évitée si le juge communautaire avait pris le soin de dire ce
qu'il voulait dire en des termes plus simples. En matière de
protection des Droits humains, la réparation d'un droit violé
exige que la victime soit complètement rétablie dans ses droits,
c'est-à-dire qu'elle soit placée « in statu quo ante »,
en d'autres termes, dans l'état où les choses étaient
auparavant. Cela suppose donc le rétablissement de la situation
préexistante, et dans le casd'espèce que les Neuf (09)
députés exclus doivent être mis dans les conditions
d'êtreentendus sur leur prétendue démission, d'où
leur retour à l'Assemblée Nationale quis'impose a priori. Elle
suit en cela le régime de la responsabilité internationale ;
l'engagement de la responsabilité entraîne trois obligations :
l'obligation de cessation de l'illicite, l'obligation de réparation
(effacer les conséquences passées du fait internationalement
illicite), enfin l'obligation d'éviter des violations semblables
(obligation de non-répétition de l'illicite).
Au sein de certaines communautés interétatiques,
les textes régissant les Cours de Justice ont indiqué la
manière d'exécuter ce genre de condamnation. Il en est ainsi en
ce qui concerne la Cour Européenne des Droits de l'Homme, de l'article
50 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés
fondamentales : « Si la décision de la Cour déclare qu'une
décision prise ou une mesure ordonnée par une autorité
judiciaire ou toute autre autorité d'une partie contractante se trouve
entièrement ou partiellement en opposition avec des obligations
découlant de la présente Convention, et si le droit interne de
ladite partie ne permet qu'imparfaitement d'effacer les conséquences de
cette décision ou de cette mesure, la décision de la Cour
accorde, s'il y a lieu, à la partie lésée, une
satisfaction équitable ». Les Etats membres de la CEDEAO n'ont pas
prévu de pareille disposition dans les protocoles régissant la
Cour de Justice. Les parties peuvent, dans ces conditions, s'accorder librement
sur la façon de réparer en nature les conséquences
politiques des violations. Il faut pallier
à cette carence en prévoyant dans le système normatif la
satisfaction équitable. Par contre, il
faut saluer l'audace dont elle fait montre dans certaines décisions. On
peut à ce titre citer l'affaire Hissein Habré contre Etat du
Sénégal et Mamadou Tandja contre Etat du Niger et l'affaire
ChiefEbrimahManneh.
D'autre part, on ne dira jamais assez que l'information sur
les arrêts de la Cour et leur traduction est, le plus souvent, mal
assurée. Comment veut-on, dans ces conditions, que les juridictions
nationales, à tous les niveaux, tiennent véritablement compte du
droit de la CEDEAO? Il faudrait satisfaire ce besoin par un bulletin
régulier sur les enseignements des arrêts de la Cour. De tels
procédés devraient être généralisés.
Ceci est important, mais n'incombe pas directement à la Cour, sauf
à l'inciter à avoir une jurisprudence encore plus claire et
exemplaire.
Dans le nouvel ordre juridique communautaire
intégré de la CEDEAO, la Cour d'Abuja doit s'affirmer en invitant
les Etats membres à exécuter totalement et de bonne foi ses
décisions.
Mais c'est surtout au plan opérationnel qu'il faut
déployer les efforts.
Section 2 : les efforts à entreprendre au
plan opérationnel
La Cour de justice de la CEDEAO n'est pas assez bien connue.
Elle doit donc être vulgarisée pour une meilleure
visibilité des droits de l'homme (Paragraphe 1).
Egalement envue d'une protection des droits de l'homme plus efficace, il est
nécessaire d'associer plus étroitement les acteurs
étatiques et les ONG (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : La vulgarisation de la Cour pour une
meilleure visibilité des droits de l'homme
La vulgarisation doit dès l'abord passer par une
amélioration des activités promotionnelles de la Cour
auprès de l'opinion (A). Les milieux universitaires et
judiciaires peuvent constituer logiquement un tremplin pour une meilleure
connaissance de la Cour communautaire et par ricochet une meilleure diffusion
des droits ainsi protégés (B).
A. L'amélioration des activités
promotionnelles de la Cour auprès de l'opinion
Il faut rendre hommage à la CEDEAO pour ses efforts
permanents entrepris dans le sens de faire connaitre davantage sa juridiction.
Cependant, en dépit de toutes les stratégies entreprises pour la
vulgarisation de l'Institution judiciaire, il n'en demeure pas moins que
celle-ci n'est pas bien connue dans la sphère communautaire ouest
africaine onze ans après sa création. En effet une frange
importante de la population ouest africaine méconnait la Cour ou que
ceux qui la connaissent ne s'approprient pas son rôle et ses
missions.(La CEDEAO est plus connue grâce à ses actions de
maintien de paix. Le titre de compétence relatif à la protection
des droits de l'homme n'est pas assez connu).Il est plus que jamais
nécessaire de remédier à cette situation afin que les
citoyens puissent tirer pleinement profit de cette aubaine. L'objectif est
d'améliorer l'accessibilité de l'institution en communiquant afin
de mieux se rapprocher de ses justiciables. Une pédagogie de
l'intégration à la base s'impose.
La démarche du juge communautaire peut, en raison de la
perspective non seulement juridictionnelle mais aussi pédagogique,
constituer un facteur extrêmement important de vulgarisation du droit en
vigueur entre les Etats membres. L'adhésion psychosociale aux normes
communautaires relève ainsi d'une construction jurisprudentielle.
Il s'agira de créer une nouvelle synergie de
communication qui associe étroitement les acteurs sociaux de tous les
Etats membres (médias, société civile...). Dans cette
perspective, il importe de cadrer les actions communes des Etats membres et de
définir les stratégies de communication à entreprendre
afin d'assurer une meilleurs diffusion du droit, de la procédure suivie
devant la Cour, des décisions ainsi rendues.
La promotion implique la diffusion, la vulgarisation des
droits de l'homme afin que les différents compartiments de la
société les aient constamment à l'esprit. La protection,
c'est elle qui conditionne l'effectivité de ces droits car elle induit
l'intervention de mécanismes en vue de contrôler le respect des
engagements pris par les Etats, Il faut dire que les frontières
entre la promotion et la protection sont poreuses ; Les deux
démarches s'emboîtent, et le même organe peut faire l'une et
l'autre chose. Ainsi la Cour peut jouer ces deux missions pour une
visibilité maximale des droits de l'homme. Elle peut oeuvrer pour sa
propre visibilité dans les Etats membres.
Il faut promouvoir l'éducation et la sensibilisation
aux droits de l'homme dans les Etats membres; d'identifier d'éventuelles
insuffisances dans le droit et la pratique des Etats membres en ce qui concerne
le respect des droits de l'homme et de contribuer à la promotion du
respect effectif et de la pleine jouissance des droits tels qu'ils sont
définis par les différents instruments internationaux et
régionaux relatifs aux droits de l'homme. Ce qui permettrait à la
fois de satisfaire le besoin de rappeler la continuité et la
cohérence de la jurisprudence communautaire, et d'autre part -- d'une
manière qui reste à préciser -- de servir de guide pour
orienter une requête. Elle donnerait en outre à la Cour un moyen
supplémentaire d'avoir une politique judiciaire plus efficace et plus
lisible pour le public.
Le développement d'une véritable « culture
des droits de l'homme » est, de ce point de vue, primordial Une
véritable protection des droits de l'homme ne peut être atteinte
sans que s'instaure dans la société une réelle «
culture des droits de l'homme ». On peut rappeler au public, par des
campagnes concrètes, les raisons d'être d'un système de
protection des droits de l'homme.
Il est, par conséquent, crucial de faire la promotion
de la juridiction communautaire d'une manière qui permette à
chacun de la connaître. Les milieux judicaires et universitaires peuvent
jouer un rôle essentiel en la matière.
B. La promotion de la Cour de justice de la CEDEAO dans
les milieux judiciaires et universitaires
Les milieux universitaires et judiciaires devaient constituer
logiquement un tremplin pour une meilleure connaissance de la Cour
communautaire et par ricochet une meilleure diffusion des droits ainsi
protégés. En effet, il est de constat général qu'un
faible degré d'appropriation du droit communautaire par le monde
universitaire et judiciaire est préjudiciable à la connaissance
de ce droit157(*). Ce
qui est susceptible d'avoir des répercussions sur l'ensemble de la
population.
Pour obvier à cette carence en vue de rendre plus
visible la CJ CEDEAO et donner plus d'amplitude au Droit, la solution passe
d'abord par l'enseignement du droit communautaire dans les universités
en tant que discipline autonome. La connaissance du droit communautaire dans
les universités profitera à ceux qui font des études de
droit autant que ceux qui l'enseignent.
Le Droit généré par la CEDEAO doit
être mieux connu, appris par ceux qui font des études de Droit,
autant que par ceux qui rendent la Justice c'est-à-dire, il doit
être intégré dans les programmes de formation des gens de
justice, avocats et magistrats notamment.. L'appropriation des normes
communautaires par les acteurs du monde judiciaire (avocats, magistrats...)
peut se faire par le biais des séminaires de sensibilisation au droit
communautaire.
Ensuite, la promotion peut passer par l'organisation
régulière de rencontres scientifiques telles que les colloques et
de séminaires de formation, et sensibilisation au Droit de la CEDEAO.
Des séminaires de formation, des colloques et autres
rencontres scientifiques, y compris les rencontres inter-juridictionnelles des
cours communautaires, peuvent être organisés sur des termes aussi
variés que divers. Ces rencontres qui réunissent des experts
universitaires et/ou des personnalités du monde judiciaire (magistrats
et avocats) sont des espaces de sensibilisation, de formation continue aux
normes communautaires mais aussi des lieux de réflexions
approfondies.
Enfin pour réussir cette mission il est plus que jamais
nécessaire d'assurer la publication et la traduction
régulières des décisions rendues par la juridiction
communautaire de la CEDEAO. Le professeur Aubert nous apprend en effet que
« la recherche juridique, source d'appropriation du droit doit
elle-même êtrealimentée par l'information et la
documentation juridiques »158(*). L'objectif du recueil est de fournir aux
étudiants, avocats, professeurs et autres groupes une sélection
des arrêts rendus par la juridiction communautaire. Ce qui contribuera
incontestablement à une meilleure vulgarisation de la Cour.
Il ne faut pas commettre l'erreur de considérer les
droits de l'homme comme le domaine exclusif des avocats, des décideurs
et des mécanismes judiciaires. L'expérience confirme une fois
encore, que l'éducation et la sensibilisation aux droits de l'homme
représentent des moyens essentiels de modifier les mentalités et
de promouvoir la culture démocratique des droits de l'homme au sein du
corps social. À cet égard, il faut mettre en oeuvre des
stratégies concrètes, et beaucoup reste à faire - y
compris par l'Organisation -, le plus important étant de coopérer
avec la société civile mais le concours de l'Etat est plus
décisif.
Paragraphe 2 : Le nécessaire concours de l'Etat
et des ONG
Les Etats sont au premier plan les principaux acteurs pouvant
garantir une protection effective des droits humains. Cela exige une
réelle volonté de leur part (A). Le rôle
des ONG n'est pas non plus négligeable (B).
A. La nécessité d'une réelle
volonté étatique pour une mise en oeuvre effective des droits de
l'homme
Pour importantes que puissent être les innovations
induites par la réforme de 2005, aucune politique de promotion et de
protection des droits de l'homme n'est efficiente si les Etats ne font pas
montre d'une réelle volonté politique. Nonobstant le rôle
crucial mené par l'organe judicaire, la protection effective des droits
de l'homme commence et prend fin au plan national. Ainsi en tant que source du
mal, ils en constituent également le remède. Ce sont encore les
Etats qui modulent à volonté la portée de leurs
obligations grâce aux règles classiques du droit des
traités. Ce sont encore les Etats qui déterminent le degré
de qualité procédurale des Cours de justice notamment à
l'occasion de grands `rendez-vous réformateurs' Certes, les juges sont
associés aux pourparlers et leur force de proposition est
indéniable, mais s'ils proposent, ils ne disposent pas.
La volonté qui a accepté
l'élargissement de la compétence de la Cour aux cas de violations
des droits humains doit concomitamment avoir la probité d'accepter les
sentences judicaires prononcées par celle-ci. Il est crucial par
conséquent que les Etats acceptent de respecter les engagements auxquels
ils ont librement consentis. C'est l'expression simple de l'adage
paterelegemquamipsefecisti (respecte la loi que tu t'es toi-même
donnée). Et comme l'affirme magistralement Guy Aurenche
« les droits de l'homme ne sont pas contre le pouvoir
politique(...)loin d'ébranler le pouvoir politique, la revendication des
droits de l'homme contribue à conserver à celui-ci sa
légitimité au regard des valeurs communément
admises »159(*)
Le défi lancé aux Etats membres de la CEDEAO est
le respect de l'Etat de droit. Préliminaire à toute protection
supra-étatique (et interne également) des droits de l'homme, ils
se doivent donner gage de leur bonne volonté et de leur bonne foi.
Si advenue l'audience de la Cour pour entendre les parties sur
le fond, la partie défenderesse en l'occurrence l'Etat refuse de
comparaitre et d'être représenté, il ne fait guère
de doute qu'un problème plutôt pratique se pose au niveau de
l'efficacité de la protection des droits de l'homme. En effet,
au-delà de l'engagement à ne transgresser les droits de l'homme,
le bon sens voudrait lorsqu'ils sont commis ou supposés violés,
que les Etats comparaissent pour permettre au juge communautaire de remplir
efficacement son office et de tirer au clair l'affaire qui lui est soumise. Le
comportement inélégant de la République de Gambie est le
reflet de ce manque de volonté qui à deux reprises a
refusé systématiquement de comparaitre. Pour une
effectivité des droits de l'homme, les Etats sont donc invités
à répondre devant la Haute juridiction communautaire et d'adopter
un comportement conséquent.
Mais c'est surtout à l'occasion de l'exécution
des arrêts rendus par la Cour de céans que les Etats membres
doivent adopter un comportement conséquent en tirant toutes les
conséquences de la violation des droits de l'homme. On relèvera,
à ce propos, certains remparts persistants de la souveraineté
nationale qui constituent hélas une épée de
Damoclès nuisible à l'efficacité de la protection des
droits de l'homme.
Afin donc que nous puisons avoir un bilan reluisant à
présenter loin de du tableau sombre présenté par le
professeur R.DEGNI-SEGUI160(*)les Etats membres de la CEDEAO sont priés
primo de ne ménager aucun effort pour éviter la violation des
droits de l'homme ; s'ils sont commis, qu'ils acceptent de comparaitre
devant le prétoire de la Cour de céans ;In fine, qu'ils
exécutent de bonne foi les arrêts rendus par la juridiction
communautaire. Pour atteindre tous ces objectifs, il est nécessaire
d'associer les ONG.
B. La participation active des ONG dans la
réalisation de la mission
Il est de constat général que les organisations
non gouvernementales sont aujourd'hui l'un des acteurs les plus importants sur
le terrain de la promotion et de la protection des droits de l'homme.Les ONG
favorisent ainsi l'émergence d'une « conscience juridique
internationale ». Et la CEDEAO gagnerait en les associant pus
activement dans sa mission de protection des droits de l'homme dont l'organe
judiciaire en est le garant. Cette participation peut se concevoir au triple
plan :
D'abord sur l'application des arrêts de la Cour, elles
peuvent constituer un puissant partenaire. En effet les Etats qui ne sont pas
enclins à respecter les droits de l'homme cherchent à faire en
sorte que les normes, les institutions et les procédures qui doivent
assurer le respect de ces droits restent faibles et peu efficaces. Puissants
partenaires, les ONG constituent un indispensable contre-poids dans de telles
situations. La pression sur les gouvernements est alors d'autant plus forte que
la démarche est relayée par les médias et par un
réseau de militants, qui souvent sollicitent les élus. La mise en
place d'un programme de plaidoyer et de sensibilisation de la
société civile, avec un plan d'action peut pousser les Etats
à appliquer les décisions de la Cour et sensibiliser les citoyens
de la sous -région de l'existence de la cour. Beaucoup estiment que les
médiocres résultats en matière de droits de l'homme sont
dûs au manque de mécanismes de mise en oeuvre adaptés. Il
appartient généralement à l'Etat de décider
d'appliquer ou pas les recommandations. Dans de nombreux cas, le fait qu'un
droit individuel ou de groupe soit garanti va dépendre de la pression
exercée par la communauté internationale et, dans une large
mesure, du travail des ONG
Ensuite, les ONG pourraient bénéficier d'un
statut consultatif auprès de l'organe judicaire. Par le biais des avis
consultatifs, les ONG peuvent contribuer à l'interprétation
positive et extensive de l'ensemble des droits protégés. La
fonction première des ONG de défense des droits de l'homme est de
recenser et de faire connaître les violations des droits et
libertés. Elles jouent en ce domaine un rôle irremplaçable
grâce à la confiance qu'elles inspirent à ceux qui ne
peuvent user de recours officiels ou publics. Par la collecte, l'analyse et la
transmission de ces informations, elles contribuent à
l'évaluation d'une situation. La transmission d'éléments
factuels aux gouvernements se double fréquemment de suggestions ou
d'« exigences » de réaction. C'est une contribution à
l'évolution de la jurisprudence.
In fine, en termes de droits de saisine, une ONG pourrait
avoir capacité pour saisir la Cour si elle -même est victime d'une
violation de droit de l'homme de la part d'un Etat membre de la CEDEAO pour
défendre ses propres intérêts.
Egalement les ONG devaient avoir qualité à agir
pour dénoncer les violations graves de l'ensemble des droits garantis
par les instruments juridiques relatifs aux droits de l'homme. En effet, ces
organisations sont mieux informées ou avisées que les individus
pour collecter les informations pertinentes ainsi que pour préparer et
présenter les mémoires de défense.
L'action des ONG (propositions d'action ou du lancement
d'initiatives sur le long terme...) peut s'avérer fructueuse en offre
ainsi la possibilité de jouer la complémentarité avec la
cour.
Eu égard aux considérations qui
précédent, il est clair que de nombreux défis doivent
être relevés pour une protection plus efficace des droits de
l'homme. Afin de dissiper les incohérences et corriger ainsi les
insuffisances d'ordre factuel relevé, il devient nécessaire
d'optimiser la protection juridictionnelle des droits de l'homme assuré
par la Cour de justice de la CEDEAO aussi bien au plan juridique que sur le
plan opérationnel.
CONCLUSION
Au terme de cette étude qui n'avait point l'ambition
d'être exhaustive, plusieurs enseignements peuvent être
tirés. Il est significatif de remarquer que la CEDEAO est entrée
dans une phase de maturité. Elle arbore un visage ouvert. Au frontispice
de nouveaux objectifs dont elle entend jouer pleinement un rôle crucial
figure en bonne place la protection des droits de l'homme. Ce projet ambitieux
a été concrétisé par l'adoption du protocole du 19
janvier 2005 qui a élargi les chefs de compétence de la Cour
d'Abuja aux cas de violation des droits humains. La métamorphose de la
CJ CEDEAO, devenue au fil du temps une Cour qui protègeles droits
individuels sans être une juridiction spécialisée en la
matière à l'instar de la Cour de Strasbourg, de la Cour de
San José ou de Banjul constitue une véritable aubaine pour les
citoyens ouest africains.
L'ouverture du prétoire de la Cour communautaire aux
particuliers est un témoignage de la conviction que l'intégration
économique ne peut se réaliser sans un plaidoyer pour les
principes démocratiques et surtout de la protection des droits humains.
Aucune cloison étanche ne sépare la sphère
économique de la sphère de la protection des droits de l'homme.
Une étude transversale du phénomène nous
a permis ainsi de voir l'originalité de la protection des droits de
l'homme par la Cour d'Abuja. Cette originalité est
révélatrice de l'efficacité de la protection des droits
l'homme.
D'abord, sur le plan institutionnel, il s'agit d'une
véritable avancée dans la protection des droits de l'homme. Une
audace si l'on ose dire. En effet, la Cour de justice communautaire est une
juridiction régionale intégrée dans une organisation
internationale d'intégration à vocation économique dont la
vocation première est l'interprétation et l'application des
normes secrétées ou générées par
l'organisation internationale, la CEDEAO.
L'introduction du contentieux des droits de l'homme, bastion
très sensible dans le chef de compétence de la juridiction
communautaire vient ainsi parachever le processus d'intégration ouest
africaine. Mais la grande réforme mise en oeuvre par la CEDEAO est
certainement la possibilité accordée aux personnes physiques
d'accéder au prétoire du juge de la CEDEAO sans épuiser
les voies de recours internes pour de cas relevant de droits humains. Ce qui
sans nul doute explique la croissance exponentielle des requêtes
individuelles. En effet depuis 2005 l'activité de la Cour d'Abuja en la
matière est au zénith. Le poids de la Cour de Justice dans
l'architecture institutionnelle et le rôle qu'elle doit jouer dans
l'atteinte des objectifs de la Communauté sont donc
considérables. En effet, si la violation des normes adoptées doit
rester sans sanction, on peut affirmer sans se tromper qu'il n'y aura point
d'intégration effective ; un droit communautaire inopérant
et illusoire au préjudice des objectifs de la communauté et
partant, de l'économie des États membres.
Cependant pour louable qu'elle soit, on doit relativiser sans
dévaloriser l'oeuvre accomplie. En effet, cette garantie
juridictionnelle des droits de l'homme n'est pas encore tout à fait
effective. Schématiquement deux raisons sont à l'origine de
l'inefficience de la protection de droits de l'homme assurée par la
juridiction communautaire de la CEDEAO
La première raison est relative à des facteurs
endogènes (surabondance des textes de référence,
modicité des moyens d'exécution, absence d'un organe de filtrage
des requêtes etc.) qui ont pour conséquence d'affaiblir le
contrôle juridictionnel des droits de l'homme. La deuxième
critique est liée à des facteurs exogènes; C'est
principalement la faible intériorisation de la contrainte juridique et
procédurale par les Etats malgré qu'ils soient placés sous
l'empire du droit. En effet, le comportement des justiciables étatiques
est de nature à obérer l'action de la Cour. Le plus souvent, ils
refusent manifestement de se plier à l'autorité de la Cour et
à honorer leurs engagements relativement à l'exécution de
ses arrêts. La volonté des Etats tient parfois les
décisions de la Cour en l'état.
Afin de dissiper les incohérences et corriger ainsi les
insuffisances d'ordre factuel relevés, il devient nécessaire
d'optimiser la protection juridictionnelle des droits de l'homme assuré
par la Cour de justice de la CEDEAO.
Le premier défi d'ordre juridico-institutionnel sera
certainement de mettre en oeuvre un catalogue ouest africain des droits de
l'homme. Cette Charte des droits de l'homme aura comme effet, à notre
avis, de promouvoir davantage un droit communautaire de la CEDEAO.
Elle permettra ainsi de définir un standard de droits dont la Cour doit
en assurer la garantie. Ce qui évitera les recours abusifs ou relatifs
à des affaires futiles. Il faut rappeler que la Cour de justice
travaille avec une panoplie d'instruments juridiques relatifs à la
protection des droits de l'homme faute d'un texte spécifique en la
matière propre à la Communauté. Or, cette mosaïque de
textes est de nature à obérer la protection des droits de
l'homme car la généralité est porteuse de confusions.
Cette situation nous parait non seulement abusive en soi mais également
dangereuse pour les droits protégés en raison du double risque de
banalisation trop importante de ces droits garantis (les droits de l'homme
seraient dilués dans un ensemble flou) et de la dénaturation du
mécanisme de protection.
Dans le but de favoriser aussi une protection optimale des
droits de l'homme, la Cour d'Abuja doit être dotée d'une chambre
chargée du filtrage des requêtes individuelles. La notion de
délai raisonnable aura alors recouvert tout son sens. En effet, depuis
l'ouverture du prétoire de la Cour aux particuliers, la Cour de
céans est submergée de requêtes dont la plupart sont
imprécises, fantaisistes et dénuées de tout fondement
relatif à une violation des droits humains. Victime de son propre
succès, la Cour risque d'en pâtir.
Le second défi d'ordre opérationnel est relatif
au comportement des Etats. Il est admis en effet pour importantes que puissent
être les innovations induites par la réforme, aucune politique de
promotion et de protection des droits de l'homme n'est efficiente si les Etats
ne font pas montre d'une réelle volonté politique. Nonobstant le
rôle crucial mené par l'organe judicaire, la protection effective
des droits de l'homme commence et prend fin au plan national. Ainsi en tant
que source du mal, ils en constituent également le remède. Le
Etats doivent donc exécuter de bonne foi les décisions de la Cour
et ne doivent entraver de quelque manière que se soit l'action de la
Cour. La Cour de justice de la CEDEAO doit également gagner la bataille
de la visibilité car elle n'est pas bien connue. Ce qui
discrédite également les efforts entrepris pour une protection
efficace des droits de l'homme
In fine, l'on retient que la CJ CEDEAO s'est, on peut le
penser, inscrite dans une croisade pour la protection effective des droits de
l'homme. Elle cherche à travers une ambition renouvelée à
atteindre cet idéal tant souhaité par René Cassin qui
affirmait qu' « il faut protéger tout l'homme et
protéger les droits de tous les hommes »161(*). Les juges d'Abuja sont la
conscience éclairée de la « nouvelle » CEDEAO
et devraient ainsi s'approprier au maximum de cette formule incantatoire du
juge Bédjaoui qui disait « juges de la Terre, vous êtes
des Dieux »162(*).
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MELEDJE DJEDJRO F., « L'appropriation des normes
communautaires par les milieux universitaires et le monde
judiciaires » Troisième rencontre inter-juridictionnelle des
Cours communautaires de l'UEMOA, de la CEMAC, de la CEDEAO et de
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QUASHIGAH E.K., « Les droits de l'homme et
l'intégration » in Intégration et coopération
régionales en Afrique (Sous la dir. Real LAVERGNE), éditions
Karthala 1996, pp.302 et ss.
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Interaméricaine des droits de l'homme », CRDF, n° 6,
2007
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en oeuvre de la règle communautaire », Nouvelles Annales Africaines
n° 1 2007, pp.102-112
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Universalisme », European Journal of international Law, Vol.6
n°3 1995
TOUZE S. , « Les techniques interprétatives des
organes de protection des droits de l'homme », in R.G.D.I.P
2011 p.517-532
ü TEXTES
OFFICIELS :
TEXTES OFFICIELS DE LA CEDEAO
Traité de la CEDEAO (1975)
Traité révisé de la CEDEAO (1993)
Protocole A/P.1/7/91 relatif à la Cour de justice de la
Communauté
Protocole A/SP1/12/01 sur la démocratie et la bonne
gouvernance additionnel au protocole relatif au mécanisme de
prévention, de gestion, de règlement des conflits, de maintien de
la paix et de la sécurité
Protocole de 2005 Protocole Additionnel A/SP.1/01/05 du 19
Janvier 2005 portant amendement du Protocole A/P /17 /91 relatif à la
Cour de justice de la Communauté.
Règlement intérieur de la Cour de justice de la
CEDEAO
Protocole additionnel A/SP.1/7/85 sur la Libre Circulation des
Personnes, le Droit de Résidence et d'Etablissement
Protocole du 29 mai 1982 portant code de citoyenneté de la
Communauté
Déclaration de Principes politiques A/DCL.1/7/91 de la
CEDEAO adoptée par la Conférence des Chefs d'Etat et de
Gouvernement le 6 juillet 1991 à Abuja
TEXTES INTERNATIONAUX :
Déclaration Universelle des Droits de l'Homme du 10
décembre 1948
Déclaration Universelle des Droits de l'Homme et du
Citoyen du 26 Aout 1789
Convention sur l'élimination de toutes les formes de
discrimination à l'égard des femmes, adoptée le 18
décembre 1979, entrée en vigueur le 3 septembre 1981.
Convention relative à l'esclavage du 25 septembre 1926
et la convention supplémentaire relative à l'abolition de
l'esclavage, de la traite des esclaves et des instituions et pratiques
analogues à l'esclavage du 7 septembre 1956
Convention internationale sur l'élimination de toutes
les formes de discrimination raciale, adoptée le 21 décembre
1965, entrée en vigueur le 4 janvier 1969.
Convention contre la torture et autres peines ou traitements
cruels, inhumains ou dégradants, adoptée le 10 décembre
1984, entrée en vigueur le 26 juin 1987.
Convention relative aux droits de l'enfant, adoptée le
20 novembre 1989, entrée en vigueur le 2 septembre 1990.
AUTRES INSTRUMENTS JURIDIQUES
Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples
La Convention Européenne des Droits de l'Homme
La Convention américaine des Droits de l'Homme
La Charte des droits fondamentaux de l'UE
ü JURISPRUDENCE :
Ø Cour de Justice de la CEDEAO
CJ CEDEAO 27 avril 2004 M. AfolabiOlajide c/
République Fédérale du Nigeria
CJ CEDEAO 27 octobre 2008Dame Hadijatou Mani Koraou c/
République du Niger
CJ CEDEAO 18 novembre 2010 Hissein Habré c/
République du Sénégal
CJ CEDEAO 7 octobre 2005Hon.Dr.JerryUgokwe c/
République Fédérale du Nigeria
CJ CEDEAO 22 mars 2007 Sieur Moussa Léo Keita
c /Etat du Mali
CJ CEDEAO 28 juin 2007 Alhaji HammaniTidjani c/
République Fédérale du Nigéria, République
du Mali, République du Bénin, Procureur Général de
l'Etat de Labos, Procureur Général de l'Etat d'Ogun
CJ CEDEAO 29 octobre 2007 Etim Moses Essien c/
République de Gambie et l'Université de Gambie
CJ CEDEAO 2 novembre 2007 Chief Frank C.Ukor c/ Sieur Rachad
Laleye Gouvernement de la République du Bénin
CJ CEDEAO 22 novembre 2007 Mrs Alice Raphael Chukwudolue et
autres c/ République du Sénégal
CJ CEDEAO 16 mai 2008 KalawoleO.O.James c/ Le Conseil des
Ministres de la CEDEAO, Parlement de la CEDEAO, Commission de la CEDEAO
CJ CEDEAO 5 juin 2008 ChiefEbrimahManneh c/
République de Gambie
CJ CEDEAO 5 juin 2011 SirikuAladeC/ République
Fédérale du Nigéria
CJ CEDEAO Isabelle ManaviAmeganvi et Autres contre Etat du
Togo du 7 octobre 2011
CJ CEDEAO Isabelle ManaviAmeganvi et Autres contre Etat du
Togo 13 mars 2012
CJ CEDEAO Mamadou Tandjan Contre Etat du Niger du 08 NOVEMBRE
2010
Ø Cour de Justice de l'UEMOA
Cour de l'UEMOA, Eugène Yaï c. Conférence
des Chefs d'Etat et de gouvernement du 27 avril 2005, du 5 avril 2006 et du 30
avril 2008
Ø Cour de Justice des Communauté
européennes
CJCE Hoescht 21 septembre 1989
CJCE Lisa Jacqueline Grant c/ South -West Trains Ltd,
arrêt du 17 février 1998
CJCE Grant contre South -West trains Ltd du 17
février 1998 ;
Ø Cour européenne des droits de
l'homme
Cour EDH Salgueiro da Silva Moutac.Portugal du 21
décembre 1999
Cour EDH Chappell c/ Royaume Uni 30 mars 1989
Cour EDH Papamichalopoulos et autres c/ Grèce du 31
octobre 1995
Cour EDHGolder c. Royaume Uni du 21 février
1975
Cour EDH Wilde, Ooms et Versyp c/ la Belgique du 18 juin
1971
Ø Cour Internationale de
Justice
CIJ Belgique contre Etat du Sénégal 20
juillet 2012
CIJ Barcelona Traction du 5 février 1970
ü WEBOGRAPHIE :
www.droit-fondamentaux.org
www.aidh.org
www.fidh.org
www.allafrica.com
www.crin.org
www.la constitution- en -afrique.com
www.idc-afrique.org
www.claiminghumanrights.org
ü AUTRES SOURCES :
Dictionnaire du droit international public (Sous la dir. de
J.SALMON), Bruylant /AUF, Bruxelles, 2001.
Lexique des termes juridiques, Dalloz, Paris 2007.
TABLE DES MATIERES
Sommaire..................................................................................4
Introduction...............................................................................6
TITRE 1 : L'EFFICACITE DE LA PROTECTION DES
DROITS DE L'HOMME PAR LA COUR DE JUSTICE DE LA
CEDEAO.......................................................17
Chapitre 1 :Un dispositif juridique
pertinent et varié pour un contrôle juridictionnel de
qualité....................................................................................................18
Section 1 : La pertinence des
instruments juridiques à la base de l'action de la
Cour......19
Paragraphe 1 : L'aménagement de
voies de recours individuels devant la Cour.............19
A. La saisine directe de la Cour par les personnes
physiques....................................19
B. L'examen du
caractère « sérieux » des requêtes
individuelles...............................23
Paragraphe 2 :La Cour de Justice de la
CEDEAO, une juridiction de proximité............25
A. Le fondement du caractère forain de la justice
communautaire............................25
B. Une aubaine dans l'espace ouest
africain.......................................................26
Section 2 : La référence aux
instruments juridiques exogènes relatifs aux droits de
l'homme..................................................................................................29
Paragraphe 1 : la
référence aux instruments internationaux de protection des droits
de
l'homme..................................................................................................29
A. La référence aux instruments juridiques
universels à portée
générale.........................29
B. Les textes internationaux à objet
spécifique.......................................................32
Paragraphe 2 : L'affirmation des normes
régionales africaines de protection des Droits de
l'Homme................................................................................................34
A. La Charte Africaine des Droits de l'Homme et des
Peuples..................................34
B. L'autonomie de la Cour dans l'utilisation des
modalités de la Charte.......................35
Chapitre 2 :Les garanties statutaires de
la Cour de justice communautaire...................37
Section 1 :De l'indépendance des
juges............................................................38
Paragraphe 1 : Les garanties
d'indépendance dans le mode de recrutement des
juges.......38
A. Une ancienne modalité de recrutement des juges aux
mains des Etats........................38
B. Un nouveau mode de recrutement des juges confié
à un Conseil judiciaire.................40
Paragraphe 2 : De
l'intégrité des juges dans leurs
actions........................................42
A. L'indépendance des
juges........................................................................42
B. L'impartialité des
juges...........................................................................43
Section 2 :Les garanties fonctionnelles
de la
Cour.................................................45
Paragraphe 1 : Les
rapports de la Cour avec l'ordre
communautaire.........................45
A. L'autonomie structurelle de la Cour vis à vis
des institutions communautaires............45
B. Le caractère indépendant de la Cour vis
à vis des Etats membres.........................47
Paragraphe 2 : La
reconnaissance de l'autorité des décisions de la
Cour......................48
A. Le caractère obligatoire des décisions de la
Cour............................................48
B. Une efficacité recherchée dans
l'exécution des arrêts de la
Cour..........................50
TITRE 2:LES LIMITES DE LA COUR DE JUSTICE DE LA CEDEAO
DANS SA MISSION DE PROTECTION DES DROITS DE
L'HOMME................................55
Chapitre 1 :Une Cour entravée
dans son
action...................................................56
Section 1 :Les entraves juridico-
institutionnelles de la Cour de
justice.........................57
Paragraphe 1 : Les contraintes
juridiques........................................................57
A. Une efficacité relative en raison de la
surabondance des textes de
référence...............57
B. Un risque latent d'une divergence d'interprétations
des textes................................60
Paragraphe 2 : Les défaillances
institutionnelles du mécanisme de contrôle
juridictionnel..63
A. L'incertitude de la procédure de règlement
à l'amiable et de
médiation....................63
B. L'absence d'un mécanisme de filtrage
approprié...............................................65
Section 2 : Les contraintes d'ordre
politico-opérationnel........................................68
Paragraphe 1 : Les
contraintes d'ordre
politique...................................................68
A. Le manque de collaboration des autorités
étatiques..............................................68
B. Vers une déliquescence de l'autorité du juge
communautaire ?...................................70
Paragraphe 2 : les contraintes d'ordre
opérationnel...............................................73
A. La Cour de la justice communautaire, une juridiction
méconnue..............................73
B. Le caractère incertain de l'exécution des
décisions de la Cour .................................74Chapitre
2 : Pour une juridiction communautaire plus efficace dans
l'espace CEDEAO.....78
Section 1 :La rationalisation du
système communautaire de protection des droits de
l'homme..................................................................................................79
Paragraphe 1 : Le nécessaire
renforcement des garanties
institutionnelles.....................79
A. Le renforcement de la compétence du juge
communautaire....................................79
B. L'indispensable adoption d'un catalogue ouest africain des
droits de l'homme.............81
Paragraphe 2 : L'opportunité de
l'articulation des voies de recours et
d'exécution...........84
ALa nécessaire priorisation des requêtes
individuelles par le système de
filtrage..............84
B. La définition des modalités d'une application
satisfaisante des décisions...................85
Section 2 :Les efforts à
entreprendre au plan
opérationnel....................................87 Paragraphe
1 : La vulgarisation de la Cour pour une meilleure
visibilité des droits de
l'homme................................................................................................87
A. L'amélioration des activités promotionnelles
de la Cour auprès de l'opinion.............88
B. La promotion de la Cour de justice de la CEDEAO dans les
milieux judiciaires et
universitaires..............................................................................................89
Paragraphe 2 : Le
nécessaire concours de l'Etat et des
ONG.....................................91
A. La nécessité d'une réelle
volonté étatique pour une mise en oeuvre effective des droits de
l'homme..................................................................................................91
B. La participation active des ONG dans la réalisation
de la mission............................93
Conclusion............................................................................................95
Bibliographie............................................................................................98 Table
des
matières.....................................................................................106
* 1 F. MAYOR, ancien
directeur général de l'UNESCO, in la DUDH, 40e
anniversaire 1948-1988, l'Harmattan, 1991 p.3
* 2 C. SCHREUER,
Régionalisme c. Universalisme, European Journal of international Law,
Vol.6 n° 3 1995
* 3 Lexique des termes
juridiques, Dalloz, Paris 2007.
* 4 J.C.GAUTRON, « Le
fait régional dans la société internationale »,
Régionalisme et universalisme dans le droitinternational contemporain,
Colloque de Bordeaux de la SFDI (1976), Paris, Pédone, 1977, pp.3-43.
* 5Boutros BOUTROS-GHALI,
« le système régional africain »,
régionalisme et universalisme dans le droit international contemporain
de la SFDI, Colloque de Bordeaux, 1977, Paris A. Pedone p.61-72
* 6Les Etats membres de la
CEDEAO sont les suivants : le Bénin, le Burkina Faso, la Côte
d'Ivoire, la Guinée, le Mali, le Niger, le Sénégal, le
Togo (pays francophones), le Ghana, la Gambie, le Libéria, le
Nigéria, la Sierra Leone (pays anglophones), le Cap vert, la
Guinée Bissau (pays lusophones) (NB : La Mauritanie s'est
retirée de l'organisation le 1 janvier 2001)
* 7 Art.2 du traité de
la CEDEAO
* 8La CEDEAO a adopté
en 1978 un Protocole de Non-Agression ; en 1981 un Protocole de Défense
et d'AssistanceMutuelle.Lors de la Conférence des chefs d'État et
de gouvernement en 1990, il fut décidé de mettre en place
l'ECOMOG. Celle-ci fut institutionnalisée par le Protocole relatif
auMécanisme de Prévention, de Gestion et de Règlement des
conflits signé en décembre 1999 à Lomé (Togo). Ses
principales tâches sont entre autres l'observation et la supervision des
cessez-le-feu, le maintien de la paix, l'intervention humanitaire, le
déploiement préventif, la construction de la paix, le
désarmement et la démobilisation Ce groupe de supervision est
intervenu dans les
guerres civiles du
Liberia,
de
Sierra
Léone et de
Guinée-Bissau.
* 9Voir les articles 1, 3 et
7 du Protocole additionnel A/SP.1/7/85 sur la Libre Circulation des Personnes,
le Droit de Résidence et d'Etablissement et les articles 1, 3, 10, 13,
14 et 16 du Protocole additionnel A/SP.1/7/86 Protocole sur la Libre
Circulation des Personnes, le Droit de Résidence et d'Etablissement
(disponible à
http://www.comm.ecowas.int
consulté le 12 janvier 2012)
* 10Déclaration de
Principes politiques A/DCL.1/7/91 de la CEDEAO adoptée par la
Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement le 6 juillet 1991
à Abuja
* 11 Paragraphe 4 du
Préambule du Traité révisé de la CEDEAO
* 12Babacar KANTE,
« démocratie et gouvernance, facteurs de
paix ? », Colloque international en hommage à Gerti
HESSELING, les 15 et 16 décembre 2011 à L'UGB (inédit)
* 13 Est
considéré comme citoyen de la communauté d'après le
protocole du 29 mai 1982 portant code de citoyenneté de la
Communauté : « toute personne qui, par la
descendance, a la nationalité d'un Etat membre et qui ne jouit pas la
nationalité d'un Etat non membre de la communauté »
* 14 A.SALL, la justice de
l'intégration. Réflexion sur les institutions judicaires de la
CEDEAO et de l'UEMOA, CREDILA, 2011, p.25
* 15Par exemple, les Etats
occidentaux ont une conception individualiste des droits de l'homme, les
asiatiques une conception cosmogonique alors que certains Etats africains
mettent au premier plan le groupe, la tribu, la famille.
* 16 L. FAVOREU (dir.),
Droit des libertés fondamentales, Paris, Dalloz, coll. Précis,
3ème éd., 2005, p. 2.
* 17 La CIJ a affirmé
que tous les Etats avaient un intérêt juridique à ce que
ces droits soient protégés. V. arrêt de la CIJ du 5
février 1970, Barcelona Traction,
Dans son Discours à l'occasion de la
cérémonie de remise du prix des droits de l'homme de la
République française le 11 décembre 2009, M. B.KOUCHNER
rappelait ce principe universel« Non, les Droits de l'Homme ne
varient pas au gré des cultures ! Non, ils nedoivent pas être
relativisés au nom de valeurs prétendument
traditionnelles ». L'éminent défenseur des droits de
l'homme des premières heures René Cassin à l'annonce de
son prix Nobel de la Paix en 1968 affirmait : « Il n'y aura
pas de paix sur cette planète tant que les droits de l'Homme seront
violés en quelque partie du monde que ce soit »
* 18 K.MBAYE, les droits de
l'homme en Afrique noire, A.Pedone 1992, p.76
* 19 Dictionnaire de droit
international public, (dir. Jean SALMON), Bruylant/AUF Bruxelles 2001, p.901
* 20 En Europe, La CJCE peut
connaitre des différends relatifs aux droits fondamentaux mais
l'accès des particuliers à la juridiction reste très
limité en la matière. Les Cours de justice de la SADC et de la
CEAE ont un mandat implicite en matière de droits humains même si
elles engagent les parties au respect des droits de l'Homme, à
ladémocratie, à l'Etat de droit, à la
non-discrimination.
* 21 L'expression est du
professeur B.KANTE, ibid.
* 22 A.SALL, la justice de
l'intégration. Réflexion sur les institutions judicaires de la
CEDEAO et de l'UEMOA, CREDILA, 2011, p.20
* 23Le Protocole
A/SP.1/12/01 sur la démocratie et la bonne gouvernance additionnel au
protocole relatif au mécanisme de prévention, de gestion, de
règlement des conflits, de maintien de la paix et de la
sécurité,Voir l'art. 39 :« Le Protocole A/P.1/7/91,
adopté, à Abuja le 6 juillet 1991, et relatif à laCour de
Justice de la Communauté, sera modifié aux fins de l'extensionde
la compétence de la Cour, entre autres aux violations des droits de
l'Homme après épuisement, sans succès, des recours
internes. » Pour une lecture détaillée de ce protocole,
lire I.M.FALL et A.SALL « Une constitution régionale pour
l'espace CEDEAO : Le Protocole sur la démocratie et la bonne
gouvernance » in http// :
www.laconstitution-en-afrique.com(consulté
le 20 janvier 2012)
* 24Mr AFOLABI OLAJIDE
c/ la République Fédérale du Nigeria du 27 avril 2004.
C'est le premier arrêt rendu par la Cour de justice de la CEDEAO qui sera
rejeté en l'absence de saisine directe de la Cour par les particuliers
selon l'article 9.3 du Protocole de 1991
* 25Nous avons retenu cette
notion pour rendre « le droit communautaire à ses origines
internationalistes » pour dire que le succès de bon aloi du
droit communautaire de quelque aspect fut-il en la matière est
intrinsèquement lié au droit international.
* 26 Art.35 para.1 de la
CEDH
* 27Pour connaitre tout le
formalisme. V .http://www.claiminghumanrights.org/ecowas
* 28 Art. 35.2.b de la
Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des
Libertés Fondamentales ; Art. 56.7 de la Charte Africaine des
Droits de l'Homme ; Art.46.c de la Convention Américaine des Droits
de l'Homme et des Peuples ; Art. 5.2.a) du Premier Protocole facultatif
relatif au Pacte international relatifs aux droits civils et politique
* 29 COHEN-JONATHAN in
« La convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme
et de libertés fondamentales », Economica, Paris 1989,
P.143
* 30 La CJCEDEAO a
déjà eu à se prononcer sur cette condition par sa
décision en date du 14 mai 2010Hissein Habré c. Etat du
Sénégal. Elle a affirmé que l'UA n'est pas une Cour de
justice internationale au sens de la loi, et par conséquent, son
rôle n'est pas d'administrer la justice ou de dire le droit. Ensuite,
cette affaire étant déjà sous examen devant le
comité des Nations unies contre la Torture, la Haute juridiction
communautaire aborde la condition posée par l'article en posant que ce
Comité n'est pas non plus une juridiction. Son rôle se limite
à la surveillance de la mise en oeuvre par les Etats signataires, des
dispositions issues de la Convention contre la torture. En tant que tel, il est
un simple organe d'alerte dont les « recommandations » et
autres « injonctions » restent dénuées de
toute force exécutoire
* 31 Article 35 1.de la
CEDH : La Cour ne peut être saisie qu'après
l'épuisement des voies de recours internes, tel qu'il est entendu selon
les principes de droit international généralement reconnus, et
dans un délai de six mois à partir de la date de la
décision interne définitive.
* 32 CJ CEDEAO Dame
Hadijatou Mani Koraou c/ République du Niger du 27 octobre 2008
* 33V. page 36 de cette
présente étude
* 34Cit. par le juge de la
CEDEAO dans l'arrêt, Dame Hadjijatou Mani Koraou c/ la République
du Niger
* 35 Les langues de certains
Etats membres de l'organisation s'étaient déliées pour
exiger l'épuisement préalable des voies de recours internes avant
la saisine de la Cour et la soumission des décisions de celle-ci
à une procédure d'appel (une demande avait été
introduite par la Gambie au niveau des instances communautaires). La riposte
n'avait pas tardé puisque des organisations non gouvernementales et des
citoyens ouest africains avaient saisi la Cour en 2009 aux fins de
déclarer illégales et contraires aux principes de la CEDEAO les
demandes introduites par la Gambie
* 36CJ CEDEAO, aff.Hissein
Habré c .Etat du Sénégal du 18 novembre 2010
* 37 Est
considéré comme citoyen de la communauté d'après le
protocole du 29 mai 1982 portant code de citoyenneté de la
Communauté : « toute personne qui, par la
descendance, a la nationalité d'un Etat membre et qui ne jouit pas la
nationalité d'un Etat non membre de la communauté »
* 38 CJ CEDEAO, aff. Hon.
Dr. UGOGWE C. République fédérale du Nigeria du 7 octobre
2007, para 32
* 39 CJ CEDEAO Hissein
Habré c/ République du Sénégal du18 novembre
2010
* 40 Voir F.SUDRE,. Droit
international et européen des droits de l'homme, 10 édition PUF,
2006 p. 300
* 41CJ CEDEAO, aff.Hadijatou
Mani Koraou c/ Rép. Niger, 27 octobre 2008
* 42 Selon l'article 19 de
la CEDH1. Le siège de la Cour est fixé à Strasbourg,
siège du Conseil de l'Europe. La Cour peut toutefois, lorsqu'elle le
juge utile, exercer ses fonctions en d'autres lieux du territoire des Etats
membres du Conseil de l'Europe. 2. La Cour peut décider, en tout
état d'instruction d'une requête, qu'il est nécessaire
qu'elle-même ou l'un ou plusieurs de ses membres procèdent
à une enquête ou accomplissent toute autre tâche en d'autres
lieux.
* 43 M. A.FRISON-ROCHE, le
droit d'accès à la justice et au droit, in libertés et
droits fondamentaux, 12e édition pp. 521-540
* 44www.
lesenegalais.net
(consulté le 21- 02-2012)
* 45 L'expression est
empruntée au professeur A.SALL
* 46 J.F RENUCCI, Droit
européen des Droits de l'Homme, 2e édition, L.G.D.J,
2001 p.179
* 47D.A.KELLY,
« Le juge africain est entré dans l'Histoire »
(Commentaire de l'arrêt du 27 octobre 2008, Hadijatou Mani Koraou c/
Niger de la Cour de justice de la CEDEAO,) in
combatsdroitshomme.blog.lemonde.fr (consulté le 20 janvier
2012)
* 48 Dans l'affaire
ChiefEbrimahManneh c/République de Gambie du 5 juin 2008, on peut lire
par exemple qu'un des témoins avait conseillé au requérant
de saisir la CJ CEDEAO au détriment des autres juridictions.
* 49 Les Etats africains
soucieux d'améliorer le système régional de protection des
droits de l'homme ont signé le 9 juin 1998 le protocole de Ouagadougou
créant la Cour Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples qui va
entrer en vigueur le 25 janvier 2004. Cette cour est opérationnelle
depuis 2009.
* 50 A.B.FALL, op.cit.
* 51Aux termes de l'article
5 § 3 du Protocole, « ont qualité pour saisir la Cour : a) la
Commission ;b) l'Etat partie qui a saisi la Commission ; c) L'Etat partie
contre lequel une plainte a été introduite devant la Commission ;
d) l'Etat partie dont le ressortissant est victime d'une violation des droits
de l'homme, e) les organisations inter-gouvernementales africaines ».
* 52Selon le professeur
Babacar Kanté, même « la décision prise par les
Chefs d'Etat ou de gouvernement de fusionner la Cour africaine des droits de
l'homme et la Cour de justice de l'Union Africaine n'est pas
nécessairement de nature à garantir une protection plus efficace
des droits fondamentaux. B. KANTE « la production d'un
nouveau constitutionnalisme en Afrique : Internationalisation et
régionalisation du droit constitutionnel » in Land, Law
and Politics in Africa, MediatingConflict and Reshapping the State,
Leiden-Boston 2011 pp.240-257
* 53L'expression est de
L.B.LARSEN, « Le fait régional dans la juridictionnalisation
du droit international », Colloque de Lille de la SFDI, la
juridictionnalisation du droit international, Pedone, 2003, pp.203-264.
L'auteur relève que l'Asie qui est exempte de toute trace
de juridictionnalisation.La palme de prolifération est
décernée au continent africain qui compte douze juridictions
régionales. Les continents américain et européen en
comptent respectivement quatre. (V. l'intéressante étude de
L.B .LARSEN, art.précit.)
* 54 La Charte africaine des
droits de l'homme et des Peuples du 27 juin 1981 n'avait pas institué de
juridiction ; elle s'est contentée de prévoir une simple
Commission africaine des droits de l'homme. Les Etats africains soucieux
d'améliorer le système régional de protection des droits
de l'homme ont signé le 9 juin 1998 le Protocole de Ouagadougou
créant la Cour Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples qui est
entré en vigueur le 25 janvier 2004.
* 55 La Cour
européenne des droits de l'homme (CEDH) a été
fondée en 1959 dans le but d'appliquer la Convention européenne
de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le
modèle européen du fait de son originalité est
considéré comme « le plus achevé », F.
Sudre, Droit international et européen des droits de l'Homme,
7ème éd. refondue, PUF, coll. Droit fondamental, 2005, n°
289, p. 531.
* 56 Le continent
américain a précédé l'Europe dans la reconnaissance
des droits de l'homme grâce à la Charte constitutive de
l'Organisation des États américains du 30 avril 1948, en
revanche, il faut attendre la convention du 22 novembre 1969 pour instituer une
Cour interaméricaine habilitée à recevoir les
requêtes des personnes pour violation des droits de l'homme. Cette Cour
n'est entrée en fonction qu'en 1978
* 57 Jules FERRY dans des
propos iniques affirment que « les droits de l'homme ne sont pas
faits pour les Nègres » (cit. par Edem KIDJO,...Et demain
L'Afrique, Stock 1985, p.168). Oublie-t-il que « les droits de
l'homme ne sont étrangers à aucune culture; ils appartiennent
à tous les pays; ils sont universels ». (Kofi A. Annan, ancien
Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies.
Allocution prononcée à l'Université de
Téhéran le 10 décembre 1997, à l'occasion de
laJournée des droits de l'homme)
* 58R. CASSIN,
« L'homme sujet de droit international et la protection universelle
de l'homme », Mélanges Georges Scelle, La technique et les
principes du droit public,L.G.D.J., 1950, T. 1, p. 77.
* 59 C.BIDEGARAY, la
définition constitutionnelle des droits et libertés en France in
Droit constitutionnel et Droits de l'Homme (Sous la Dir. de L. Favoreux,
Economica), 1987,p. 14-38
* 60 Affaire Hadijatou Mani
Koraou c/ Rép. Niger, 27 octobre 2008
* 61Paul-François
GONIDEC, « Un espoir pour l'homme et les peuples africains ? La
Charte africaine des droits de l'homme et des peuples », Le Mois
en Afrique, juin-juillet 1983, p. 23
* 62 A.B.FALL, « La Charte africaine des
droits de l'homme et des peuples : entre universalisme
etrégionalisme », Pouvoirs n°129/2 avril 2009
p.77-100
* 63 CJ CEDEAO,
aff.Hon.Dr.JerryUkogwe c. République fédérale du
Nigériadu 7 octobre 2005, (para.29)
* 64 CJ CEDEAO 5 juin 2008
ChiefEbrimahManneh c/ République de Gambie
* 65 CJ CEDEAO Dame
Hadijatou Mani Koraou c/ la République du Niger » du 27
octobre 2007
* 66L'expression est
d'Honoré Balzac cité par E. JOUANNET,
« Actualité des questions d'indépendance et
d'impartialité des juridictions internationales : La consolidation d'un
tiers pouvoir international ? » Collection Contentieux International
indépendance et impartialité des juges internationaux, (sous la
dir. deHélène Ruiz Fabri et Jean-Marc Sorel)Editions Pedone,
2010, p.271-302
* 67 J. Chevallier,
L'État post-moderne, Paris, LGDJ, 2004, pp. 133ss.
* 68 Art.3 du protocole sur
la Cour de justice.
* 69 Le Conseil judiciaire
de la Communauté a été créé par la
Décision (A./DEC.2/06) de la Conférence des Chefs d'Etat et de
Gouvernement du 14 juin 2006
* 70Les membres de la Cour
sont nommés par la Conférence et choisis sur une liste de
personnes désignés par les Etats membres (Art 3(4). C'est le
secrétaire exécutif qui préparait la liste des candidats
désignés (art.3(5)
* 71 A.SALL, Op.cit., p.53
* 72 Dictionnaire de droit
international public, Op.cit. p.570
* 73Article 15 du
Traité de la CEDEAO
* 74 L'article 5 (2) du
Protocole sur la Cour de justice
* 75 CJ CEDEAO 29 octobre
2007 Etim Moses Essien c/ République de Gambie et l'Université
de Gambie
* 76A.Kojève,
Esquisse de phénoménologie du droit, p.75
* 77Dictionnaire de droit
international, op.cit., p.562
* 78 A. GARAPON, J.ALLARD et
F. GROS, les vertus du juge. Notons que l'impartialité est
dénoncée par pure illusion car le juge de se déciderait
qu'en fonction de ses préférences politiques ou même
d'après certains, selon ses intuitions, ses états d'âmes du
moment encore suivant le petit déjeuner selon J. Hutcheson cité
par E.JOUANNET, op.cit.p.295
* 79 M.-A. FRISON-ROCHE,
« L'impartialité du juge », Dalloz, 1999, Chron.,
n°26, p. 53.
* 80Dictionnaire de droit
international public, op. cit., p. 805.
* 81L.B.LARSEN,
« le fait régional dans la juridictionnalisation du droit
international » in la juridictionnalisation du Droit International,
Colloque de Lille de la SFDI (2002), Paris, Pedone, , pp.203-264.
* 82 R. Badinter, «
Une si longue défiance », Pouvoirs, Les Juges,
n° 74, 1995, p. 9
* 83 L. B.LARSEN,
« Le fait régional dans la juridictionnalisation du droit
international », Colloque de Lille de la SFDI, la
juridictionnalisation du droit international, A.Pedone, 2003, pp.203-264
* 84Selon une
dépêche de l'Agence de Presse Africaine (APA-Dakar) en date du 5
avril 2009, l'on apprend que cette amende a été
honorée :« le Niger a exécuté un
arrêt de la Cour de justice de la Communauté économique des
Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) le condamnant à payer 10 millions
de francs CFA (20.000 dollars) à Hadijatou Mani Koraou, une citoyenne
nigérienne qui avait porté plainte contre l'Etat pour violation
de ses droits fondamentaux.
* 85Stéphane BOLLE,
« La Cour de Justice de la CEDEAO: une cour (supra)constitutionnelle
? » In -
www.la constitution- en -afrique.com
* 86 CJ CEDEAO 7 octobre
2011 Isabelle ManaviAmeganvi et autres c/ Etat du Togo
* 87 S.ROSENNE,
« l'exécution et la mise en oeuvre des décisions de la
Cour Internationale de Justice » RGDIP, 1953, pp.532-583
* 88 F.Q.MAJZOUB,
« l'option juridictionnelle de la protection des droits en Afrique,
étude comparée autour de la Cour Africaine des Droits et des
peuples » Revue trimestrielle des droits de l'homme, 2000
pp.729-785
* 89 E.SPITZ,
« l'acte de juger », RDP, 1995, pp.289-302
* 90 F.TUKENS Cité
par Elisabeth Lambert ABDELGAWAD, « l'exécution des
décisions des juridictions européenne (Cour de justice des
Communauté européenne et Cour européenne des droits de
l'homme », AFDI, 2006,p. 677-724
* 91 CJ CEDEAO8 novembre
2010, Mamadou TANDJAN contre Etat du Niger
* 92 Dans l'affaire
ChiefEbrimahManneh du 8 juin 2008 la Cour a ordonné à la
République de Gambie de remettre en liberté et sans délai
ChiefEbrimahManneh et ce, dès réception de la
décision.
* 93 CJ CEDEAO Musa
Saidykhan, c. République de Gambie du 16 novembre 2010
* 94 Art.6 du protocole de
2005 ou art.24 nouveau relatif au Protocole de la Cour de justice
* 95 A. Dièye,
« la Cour de justice de la Communauté CEDEAO et les
juridictions nationales des Etats membres : quelles relation »s
in Actes du Colloque sur les droits communautaires africains, Nouvelles annales
africaines, 187-197
* 96 S.BOLLE,
« Etes-vous CEDEAO compatible ? » in
www.laconstitution-en-afrique.com(consulté
le 20-08 2012)
* 97F.OFOR,«Protection
juridique des droits de l'homme dans le cadre de la CEDEAO: les
possibilités offertes par le juge communautaire»Lors d'un atelier
de formation sur le renforcement de la promotion et protection des droits de
l'homme en Afrique de l'Ouest par la Cour Communautaire de la CEDEAO,BAMAKO,
MALI 7-9 décembre 2006
* 98W. LAQUEUR et B. RUBIN,
Anthologie des Droits de l'Homme, Editions Nouveaux horizons, 1998 p.2
* 99 Ph. Ardant,
« les problèmes posés par les droits fondamentaux dans
les Etats en voie de développent », Collection de droit public
dirigé par L .Favoreu, Droit constitutionnel et Droits de l'Homme,
Economica 1987
* 100 Il s'agit du premier
document de l'Union européenne relatif aux droits de l'homme. Il
regroupe au sein d'un seul et uniquetexte les droits civils, politiques,
économiques, sociaux et sociétaux déjà
prévus pardivers supports internationaux, européens et nationaux.
Il a été proclamé conjointement par leConseil
européen, le Parlement européen et la Commission
européenne à Nice, les 7 et 9 décembre 2000. A la
différencedesconventions du Conseil de l'Europe, il n'a pas force
obligatoire et ne s'applique qu'à l'Union européenne.Cette Charte
est plus limitée que la CEDH car contrairement à la Cour
Européenne des droits de l'Homme, la CJCE ne peut-être saisie par
un particulier.
* 101 CJ CEDEAO 7 octobre
2005 Hon.Dr.JerryUgokwe c/ République Fédérale du
Nigeria
* 102 CJ CEDEAO, Dame
Hadjijatou Mani Koraou c/ la République du Niger du 27 octobre
2007
* 103C J CEDEAO,
ChiefEbrimahManneh contre la République de Gambie du 5 juin 2005. Dans
cet arrêt, le juge communautaire affirme qu'il n'est lié pas par
la jurisprudence des autres juridictions internationales même si elle
pouvait s'y référer.
* 104 H.ASCENSIO,
« la notion de juridiction internationale en question »,
SFDI, colloque de Lille, la juridictionnalisation du droit international,
A .Pedone 2003, p. 163-202
* 105 G.FIZTMAURE, dans son
opinion dissidente sous l'arrêt Cour EDH du 21 février 1975,
Golder c.Royaume Uni a indiqué que la démarche
interprétative des organes de protection des droits de l'homme repose
sur ce postulat général.
* 106 P.BERCIS, Guide des
droits de l'homme, la conquête des libertés, Hachette 1993,
p.110
* 107H.Ascensio, Op.cit.
* 108 Sébastien
TOUZE, « les techniques interprétatives des organes de
protection des droits de l'homme », in R.G.D.I.P
2011 p.517-532
* 109Voir A.PECHEUL, Droit
communautaire général, Ellipse, 2002, p.112.
* 110CJCE , 21
septembre 1989,Hoescht
* 111Cour.EDH, 30 mars
1989, Chappell c/ Royaume Uni
* 112Cour.EDH, Salgueiro da
Silva Moutac.Portugal du 21 décembre 1999
* 113 CJCE, Lisa Jacqueline
Grant c/ South -West Trains Ltd, arrêt du 17 février 1998
* 114 S.KARAGIANNIS,
« la multiplication des juridictions internationales, un
système anarchique ? » in la juridictionnalisation du
droit international, colloque de Lille, Paris, Pedone 2003, p.8-161
* 115SALL A., Les mutations
de l'intégration des Etats en Afrique de l'ouest : une approche
institutionnelle, l'Harmattan 2006
* 116Voir art.52 de la
Charte, art.6 du Protocole et art . 57 du règlement
intérieur de la Cour
* 117 A.D.OLINGA, l'Afrique
face à la globalisation des techniques de protection des droits
fondamentaux, RJP, avril 1990, EDIENA, P.67-84
* 118 Il faut noter
également que cette procédure prévue à l'art. 38
de la CEDH est confidentielle.
* 119 La Cour de justice de
la CEDEAO, a reçu entre 2005 et 2011, 81 requêtes avec 76
arrêts dont 46 qui concernent la violation des Droits humains. (
www.loffice.net consulté le 10
janvier 2012)
* 120Dans l'affaire du 2
novembre 2007 Chief Frank C.Ukor c/ Sieur Rachad Laleye Gouvernement de la
République du Bénin le requérant a saisi la Cour car
Lalayé aurait méconnu ses engagements contractuels et que l'Etat
du Bénin serait complice de cette escroquerie. Une ordonnance du
tribunal avait autorisé la saisie des marchandises et l'immobilisation
de la remorque. On sait que la Cour n'étant pas un troisième
degré de juridiction n'a pa compétence pour se prononcer sur des
décisions rendues par les juridictions nationales des Etats membres.
* 121 CJ CEDEAO 29 octobre
2007 Etim Moses Essien c/ République de Gambie et l'Université de
Gambie
* 122 CJ CEDEAO 7 octobre
2005 Hon.Dr.JerryUgokwe c/ République Fédérale du
Nigeria
* 123Celui-ci vise à
garantir l'efficacité à long terme de la Cour en optimisant le
filtrage et le traitement des requêtes, prévoit notamment la
création de nouvelles formations judiciaires pour les affaires les plus
simples et un nouveau critère de recevabilité (l'existence d'un
«préjudice important »), et porte le mandat des juges à
neuf ans, non renouvelable. Il est entré en vigueur le 1er
juin 2010
* 124 Voir en ce sens R.
DEGNI-SEGUI, les droits de l'homme en Afrique noire francophone
(théories et réalités), Abidjan, 1998 p.127
* 125P.H.Imbert,
l'apparente simplicité des droits de l'homme : réflexions
sur les différents aspects de l'universalité des droits de
l'homme in Revue Universelle des Droits de l'Homme,VI 1989,p.21
* 126 A. Bundu, la
CEDEAO et l'avenir de l'intégration régionale en Afrique de
l'OuestOp.Cit. 51
* 127 Exposé des
motifs du Protocole du 19 janvier 2005
* 128CJ CEDEAO 29 octobre
2007 Etim Moses Essien c/ République de Gambie et l'Université de
Gambie et CJ CEDEAO 5 juin 2008 ChiefEbrimahManneh c/ République de
Gambie
* 129 CJ CEDEAO Isabelle
ManaviAmeganvi et Autres contre Etat du Togo du 7 octobre 2011
* 130 CIJ 20 juillet
2012 Belgique contre Etat du Sénégal
* 131 Lire à ce
propos « L'obstination du témoignage »
(Rapport annuel 2011 de l'Observatoire pour la protection des
défenseurs des droits de l'homme FIDH / OMCT) in
www.fidh.org (consulté le 20 juillet
2012)
* 132 M.KAMTO,
« les interactions des jurisprudences internationales et des
jurisprudences nationales » in la juridictionnalisation du Droit
International, colloque de la SFDI 2003, Edition Pedone p.393et s.
* 133 Dans la seconde
lettre adressée au Président de la Commission, on peut lire ce
qui suit ; « ... les défenderesses ne participeront
à aucune autre session de la Cour de Justice de la Communauté
jusqu'à ce que la question de compétence soit
réglée de manière effective par l'institution d'une Cour
d'Appel indépendante »
* 134A.SALL, Op.Cit. p.
338
* 135 L'affaire
ChiefEbrimahManneh c/ la République de Gambie, portait sur l'arrestation
le 11 juillet 2006 et la détention d'un journaliste gambien du Daily
Observer par les services secrets. Les avocats du requérant fondaient
leur saisine sur le caractère arbitraire de l'arrestation et de la
détention de leur client (art. 6 et 7 de la Charte africaine). La Cour a
jugé que la Gambie était responsable de l'arrestation et de la
détention arbitraire du requérant, enfermé in
communicadosans jugement.
* 136 CJ CEDEAO Isabelle
ManaviAmeganvi et Autres contre Etat du Togo 13 mars 2012
* 137Ibid, p.64
* 138 D.SY,
« L'activité de la Cour de justice de l'UEMOA », les
droits communautaires africains, Nouvelles Annales Africaines, 2006,
p.113-118
* 139arrêtEtim Moses
Essien c/ République de Gambie et l'Université de Gambie du 29
octobre 2007
* 140arrêt Dame
Hadijatou Mani Koraou c/ République du Nigerdu 27 octobre 2008
* 141 V. la revue Nouvelles
Annales Africaines n° 1 2007
* 142SARR B.,
« L'implication du juge national dans la mise en oeuvre de la
règle communautaire », Nouvelles Annales Africaines n°
1 2007, pp.102-112
* 143La Cour.EDH a ainsi
clairement affirmé dans l'affaire Papamichalopoulosqu'« un
arrêt constatant une violation entraîne pour l'Etat
défendeur l'obligation juridique au regard de la Convention de mettre un
terme à la violation et d'en effacer les conséquences de
manière à rétablir autant que faire se peut la situation
antérieure à celle-ci »Papamichalopoulos et autres c/
Grèce (article 50) du 31 octobre 1995
* 144 Lire à ce propos
J. MOURGEON, Les droits de l'homme, PUF, « Que
sais-je ? » n1728, 1996. L'auteur note à la page 10 que
« le pouvoir est simultanément le pourvoyeur et le fossoyeur
des droits de l'homme ».
* 145 Selon l'article 10
(a) :Peuvent saisir la Cour: tout Etat membre et, à moins que le
Protocole n'en dispose autrement, le SecrétaireExécutif pour les
recours en manquement aux obligations des Etats membres
* 146A.PECHEUL, Droit
communautaire général, Ellipses 2002, p.190
* 147 A.PECHEUL,
Op.cit.p.199
* 148CJ CEDEAO Hissein
Habré c/ République du Sénégal 18 novembre 2010
* 149 I.M.FALL et
A.SALL « Une constitution régionale pour l'espace CEDEAO:
Le Protocole sur la démocratie et la bonne gouvernance » in
http// :
www.laconstitution-en-afrique.com(
consulté le 12 janvier 2012)
* 150 Cette terminologie
« onusienne » doit cependant être utilisée
avec parcimonie car un Etat condamné sur ce fondement aura dû mal
à accepter la sentence judicaire et risque de créer plus de
problèmes qu'elle n'en résout.
* 151Babacar
KANTE, « la production d'un nouveau constitutionnalisme en
Afrique : Internationalisation et régionalisation du droit
constitutionnel » Op.Cit. pp.240-257
* 152 Selon le texte de la
Convention, la Cour européenne des Droits de l'Homme a été
instituée « afin d'assurer le respect des engagements
résultant pour les Hautes Parties contractantes de la présente
Convention » (ex-article 19). Dans cette perspective, Il faut invoquer un
ou plusieurs droits énoncés dans la Convention. La Cour ne peut
juger les plaintes alléguant des violations d'autres droits que ceux
contenus dans la Convention
* 153Affirmant la
spécificité du contentieux de protection des droits de l'homme,
le système interaméricain de protection des droits de l'homme est
basé sur ces mêmes postulats
* 154 On peut lire à
ce sujet la belle étude de L. B.LARSEN,« le fait
régional dans la juridictionnalisation du Droit
international », Op.Cit.
* 155 CJ CEDEAO Isabelle
ManaviAmeganvi et Autres contre Etat du Togo du 7 octobre 2011. La
décision est ainsi libellée dans son dispositif ; par ces
motifs... ; Au fond Dit qu'il y a violation par l'Etat du Togo du droit
fondamental des requérants à être entendu tel que
prévu aux articles 10 de la Déclaration Universelle des Droits de
l'Homme et 7 de la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples. En
conséquence, ordonne à l'Etat du Togo de réparer la
violation des droits de l'Homme des requérants et à payer
à chacun le montant de Trois Millions (3.000.000) Francs CFA.
* 156 CJ CEDEAO Isabelle
ManaviAmeganvi et Autres contre Etat du Togo 13 mars 2012
* 157 Lire à ce
propos l'importante contribution du Professeur Meledje DJEDJRO,
« l'appropriation des normes communautaires par les milieux
universitaires et le monde judiciaires » ;Troisième
rencontre inter-juridictionnelle des Cours communautaires de l'UEMOA, de la
CEMAC, de la CEDEAO et de l'OHADA », Dakar, 4-6 mai 2010. L'auteur
note que le droit communautaire n'est pas encore véritablement
intégré dans les programmes d'enseignement au titre de discipline
autonome contrairement à l'Europe où « le droit de l'UE
fait l'objet d'enseignements spécifiques dès la 3ème
année d'études dans les Facultés de Droit alors que qu'en
Afrique de l'ouest, l'enseignement de ces règles n'existe que dans deux
ou trois pays »
* 158Jean-Luc AUBERT,
Introduction au droit et thèmes fondamentaux du droit civil. Paris,
Armand Colin, 8è édition, 2000. pp. 57-58.
* 159G.AURENCHE , la
dynamique des Droits de l'homme, édition Desclée de Brouwer, 1998
p.177
* 160 L'auteur remarque en
effet que « les droits de l'homme en Afrique sont des droits
abondamment consacrés, insuffisamment protégés et
constamment violés »
* 161
CASSINRené, « la déclaration universelle des
droits de l'homme et la mise en oeuvre des droits de l'homme »,
Recueil des Cours de l'Académie de la Haye, 1951, pp. 240-362
* 162 BEDJAOUI M. le
50ième anniversaire de la CIJ, RCADI, 1996, p.2
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