WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

La Cour de Justice de la CEDEAO à  l'épreuve de la protection des Droits de l'Homme

( Télécharger le fichier original )
par Thierno KANE
Université Gaston Berger de Saint- Louis Sénégal - Maitrises en sciences juridiques  2012
  

Disponible en mode multipage

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

THIERNO KANE : galoya2007@hotmail.com

LISTE DES ABREVIATIONS ET DES ACRONYMES

CADHP Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples

CEDEAO Communauté Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest

CEDH Convention européenne des droits de l'homme

CIADH Convention Interaméricaine des Droits de l'Homme

CIJ Cour de Justice Internationale

CJ CEDEAO Cour de Justice de la CEDEAO

CJCE Cour de Justice des communautés européennes

Cour EDH Coureuropéenne des droits de l'homme

EAC Communauté de l'Afrique de l'Est

ECOMOG Groupe de Contrôle du Cessez-le-feu de la CEDEAO

ECOWAS Economic Community of West African States

ONG Organisation Non Gouvernementale

ONU  Organisation des Nations Unies

PIDCP  Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques

PIDESC Pacte International relatif aux Droits Economiques, Sociaux et Culturels

SADC  Communauté de développement de l'Afrique australe

UAUnion africaine

UEUnion européenne

UEMOA Union économique et monétaire ouest africaine

SOMMAIRE

DEDICACES

REMERCIEMENTS 

LISTE DES ABREVIATIONS ET DES ACRONYMES

INTRODUCTION

TITRE 1 : L'EFFICACITE DE LA PROTECTION DES DROITS DE L'HOMME PAR LA COUR DE JUSTICE DE LA CEDEAO

Chapitre 1 : Un dispositif juridique pertinent et varié pour un contrôle juridictionnel de qualité

Section 1 :La pertinence des instruments juridiques à la base de l'action de la Cour

Section 2 : La référence aux instruments juridiques exogènes relatifs aux droits de l'homme

Chapitre 2 :les garanties statutaires de la Cour de justice communautaire

Section 1 :De l'indépendance des juges

Section 2 :Les garanties fonctionnelles de la Cour

TITRE 2 : LES LIMITES DE LA COUR DE JUSTICE DE L.A CEDEAO DANS SA MISSION DE PROTECTION DES DROITS DE L'HOMME

Chapitre 1 : Une Cour entravée dans son action

Section 1 :Les entraves juridico- institutionnelles de la Cour de justice

Section 2 :Les contraintes d'ordre politico-opérationnel

Chapitre 2 : Pour une juridiction communautaire plus efficace dans l'espace CEDEAO

Section 1 : La rationalisation du système communautaire de protection des droits del'homme

Section 2 :Les efforts à entreprendre au plan opérationnel

CONCLUSION

BIBLIOGRAPHIE

TABLE DES MATIERES

 « Le chemin qui conduit vers le développement économique et social et vers la consolidation des institutions (...) ne doit pas contourner les principes essentiels qui fondent la dignité de l'homme car après tout, la finalité du développement et le but de toute politique doivent tendre à la réalisation de l'humain ». K .MBAYE, Revue sénégalaise de droit, 1977 cité par G.AURENCHE , la dynamique des Droits de l'homme, édition Desclée de Brouwer, 1998 p.55

251658240251659264

INTRODUCTION

Lorsqu'elle est protégée, nourrie, la graine des droits de l'homme

finit par germer en dépit des vents contraires

dans toutes les terres où elle est semée1(*).

Le régionalisme serait-il devenu une panacée de l'universalisme ? Actuellement il semblerait qu'il tend à le supplanter eu égard à son action positivement appréciée et à l'incapacité de l'universalisme d'atteindre ses objectifs. En effet, « l'arène universelle est souvent perçue comme étant trop faible et incohérente pour une action efficace »2(*). Le régionalisme apparait ainsi comme une nécessité voire un palliatif à cette carence. Au seuil des temps nouveaux, l'impératif commande que les Etats sortant de leur politique autarcique (surtout africains) se regroupent au sein d'entités régionales en surmontant leurs divergences idéologiques. Il s'avère que ces Etats réunis autour de solidarités restreintes ont une meilleure compréhension de leurs problèmes spécifiques. Donc, sont-ils mieux placés pour apporter des solutions appropriées et idoines aux moult difficultés auxquelles ils font face. On doit considérer qu'une organisation régionale est de prime abord une organisation internationale définie comme « un groupement permanent d'Etats dotés d'organes distincts, destinés à exprimer sur des matières d'intérêt commun, une volonté distincte de celle des Etats membres »3(*).

Entité juridique structurée, l'organisation régionale présente des spécificités. Elle repose sur la contigüité spatiale et la communauté d'intérêts politiques. Néanmoins, il faut noter que dans ses dimensions contemporaines le critère géographique n'est pas toujours déterminant dans l'appréhension du fait régional. Il a été relativisé au profit de 3 autres facteurs4(*) ; Primo « l'aspect fonctionnel » qui traduit le besoin des Etats concernés et des objectifs précisés par l'organisation ; Secundo, « l'aspect structurel » qui consiste à donner une structure propre à l'organisation ; Tertio, « l'aspect psycho-social » du fait régional lequel nait de l'imitation d'un modèle préétabli qui peut être ici l'Europe ou l'Amérique. Le système régional est donc un système autonome qui répond aux exigences de solidarités restreintes entre un groupe limité d'Etats qui définissent leurs intérêts communs.

C'est pourquoi partout à travers le monde, des organisations régionales sont légion et interviennent dans des domaines variés. Loin d'obéir à un effet de mode mais plutôt à un projet politique mûrement réfléchi, l'Afrique n'a pas échappé à cette tendance intégrative. En effet, l'intégration régionale apparaît depuis quelques décennies et plus encore aujourd'hui pour les peuples d'Afrique, comme le meilleur moyen pour relever le défi du développement dans ce monde entièrement globalisé.

Cependant, le système régional africain se distingue du système mondial et présente des spécificités dont la meilleure illustration nous est fournie par l'ancien secrétaire général des nations unies, Boutros BOUTROS-GHALI5(*). Selon lui ;

1) C'est un système dans lequel le pouvoir se répartit entre les différents Etats d'une façon égalitaire

2) C'est un système qui repose sur un pluralisme régional

3) C'est un système qui est politiquement indépendant mais économiquement dépendant du système mondial

4) C'est un système dont les relations internes sont dominées par certains principes directeurs : appui aux mouvements de libérations, respect des frontières existantes, règlement des conflits inter-africains dans un cadre africain

C'est dans ce « pluralisme régional » qu'il faut situer le développement de la solidarité communautaire née entre les Etats ouest africains. La synergie des objectifs a abouti à la création de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'ouest (CEDEAO).

La CEDEAO est une organisation régionale à vocation économique née du traité de Lagos adopté le 28 mai 1975 au Nigéria entré en vigueur en juin de la même année. Elle regroupe huit (8) pays francophones, cinq ((5) pays anglophones et deux (2) pays lusophones6(*). L' organisation intergouvernementale ouest-africaine a pour but immédiat de «  promouvoir la coopération et l'intégration, conduisant à l'établissement d'une union économique en Afrique de l'Ouest afin d'élever le niveau de vie de ses peuples, à maintenir et améliorer la stabilité économique, favoriser les relations entre les États membres et de contribuer au progrès et au développement du continent africain ... »7(*).

Les pères fondateurs de l'organisation régionale ont entendu donc imprimer un rôle éminemment économique à la CEDEAO. Le préambule du traité et une litanie d'articles du corpus normatif témoignent de cet attachement des Etats membres de ladite organisation à la dimension économique de l'intégration. En vertu du principe de spécialité des organisations internationales, la CEDEAO s'est donc vue confiée la tâche de constituer un marché commun entre les Etats membres et de promouvoir de meilleures performances économiques et commerciales.

Cependant la difficulté de juguler les déséquilibres et de dégager des réponses adéquates aux moult problèmes soulevés dans la Communauté n'ont pas été à la hauteur des espérances. Ainsi, au gré de facteurs exogènes et endogènes, les Etats membres de la CEDEAO ont compris que la dynamique de l'intégration et de coopération c'est-à-dire la solidarité communautaire apparue à l'aune des indépendances politiques suppose au préalable un environnement stable, de paix et de sécurité. Ainsi, au frontispice des nouveaux objectifs fixés par la CEDEAO depuis la révision du traité le 24 juillet 1993, entré vigueur le 23 août 1995 une place est accordée à l'aspect sécuritaire8(*) pour assurer la stabilité de la sous-région en vue de permettre la flexibilité des échanges, encourager l'investissement et le développement à long terme.

Mais au regard d'un contexte marqué depuis le Sommet de Vienne (1993) par la « prégnance des droits de l'homme » dans la rhétorique internationale, les ensembles économiques ne peuvent pas rester rivés sur la seule donne mercantile ou sécuritaire. La CEDEAO va opérer une seconde mutation qui sera la promotion et la protection des droits de l'homme.

(Est-il besoin de rappeler que ces domaines économique et sécuritaire ont des liens très ténus avec la question des droits de l'homme ?). C'est dire à ce niveau que le plaidoyer pour relever le défi d'une intégration réussie ne peut se réaliser sans prise en compte des principes démocratiques qui promeuvent le respect des droits de l'homme.

Il faut donc constater que c'est récemment que les droits de l'homme sont devenus un objet de la CEDEAO. Le traité initial instituant la CEDEAO dans ses 65 articles ne faisait référence dans aucune de ses dispositions à la notion des droits humains. Ce sont les protocoles de 1985 et de 19869(*) qui vont introduire la notion expressisverbis dans l'ordre juridique communautaire mais de façon timide. C'est dans la Déclaration de Principes politiques de 199110(*) que la Communauté marque sa forte imprégnation au respect des droits humains, plus fondamentalement son attachement à l'Etat de droit, socle de toute bonne gouvernance. Les Etats membres sont ainsi « déterminés à conjuguer (leurs) efforts en vue de promouvoir la démocratie dans la sous- région sur la base du pluralisme politique et du respect des droits fondamentaux de l'homme tels que contenus dans les instruments internationaux en matière de droits de l'homme universellement reconnus et dans la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples ». Ces principes fondamentaux auxquels ont adhéré les Chefs d'Etat et de Gouvernement ont été incorporés au Traité révisé de la CEDEAO en 1993. Le Traité révisé fait spécifiquement référence aux droits de l'homme dès son préambule11(*). La Communauté s'engage en effet à faire respecter, à promouvoir et à protéger les droits de l'homme dans chaque Etat membre conformément à la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples.

Néanmoins, aussi résolument tournée vers une adaptation progressive aux exigences du moment, le cantonnement de l'organisation au discours incantatoire ne serait qu'une politique mal amorcée. Pour jauger l'efficacité de ces principes désormais consacrés dans le traité, l'organisation sous-régionale doit être dotée d'une institution autonome à caractère juridictionnel qui veillera au respect et à l'application des normes protectrices des droits de l'homme. Le professeur Kanté rappelle cette exigence matricielle qui fonde tout Etat de droit, dira-t-il : « il n'y pas d'Etat de droit si les droits des citoyens sont seulement reconnus et non juridictionnellementgarantis »12(*).C'est à ce titre que la CEDEAO avec l'adoption du Protocole A/SP.1/01/05 du 19 Janvier 2005 a donné compétence à sa juridiction dénommée Cour de justice de la CEDEAO de connaitre des cas de violation des droits de l'homme. Depuis cette grande réforme qui a élargi le champ de compétence de la Cour d'Abuja, les citoyens13(*) ouest africains victimes de violations de droits humains de la part d'un Etat membre de la Communauté peuvent désormais accéder au prétoire du juge communautaire. C'est dans cette perspective qu'il faut situer notre étude : la Cour de justice de la CEDEAO à l'épreuve de la protection des droits de l'homme.

Placée à la cinquième position dans la pyramide institutionnelle de la Communauté, la Cour de justice est l'organe judiciaire de la CEDEAO créée conformément au Protocole A/P1/7/91 du 6 juillet 1991. Il faut noter qu'à ce titre les articles 4 et 11 du traité originaire de 1975 prévoyaient la création d'un « Tribunal » ; il fallut attendre l'adoption du Protocole d'Abuja en 1991 pour que ses compétences et son fonctionnement soient réglementés et que sa dénomination soit transformée : le « tribunal » laissant place à la « Cour » avec le traité de révision de Cotonou du 24 juillet 1993. Le siège de la Cour se trouve à Abuja, au Nigeria.

Aux termes des articles 6 et 15 du traité révisé, la Cour connait des différends relatifs à l'application et à l'interprétation des normes communautaires.

La juridiction communautaire était donc exclusivement réservée aux Etats et les particuliers n'y avaient pas accès ; leur accès à cette juridiction était plutôt médiat ; la procédure devait être diligentée par l'Etat membre. Ainsi, selon l'article 9.3 du Protocole A/P.1/7/91 un Etat membre peut, au nom de ses ressortissants, diligenter une procédure contre un autre Etat membre ou une institution de la Communauté, relative à l'interprétation et à l'application des dispositions du Traité, en cas d'échec des tentatives de règlements à l'amiable.

Ce protocole sera modifié aux fins d'« accroitre la productivité de l'organe judicaire et de mieux le faire connaitre aux citoyens de la communauté »14(*).

Le « bond en avant » de la CEDEAO s'est traduit par l'adoption par la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement le 19 Janvier 2005 du Protocole additionnel A/SP.1/01/05 portant amendement du Préambule, des articles 1er, 2, 9, 22 et 30 du Protocole A/P1/7/91 relatif à la Cour de Justice de la Communauté. Ces modifications ont substantiellement élargi les compétences de la Cour. Le nouveau protocole permet à la juridiction communautaire de connaitre de tous les cas de violations des droits de l'homme intervenant dans le territoire de tout Etat membre et consacre en même temps un accès individuel direct au prétoire de la Cour.C'est effectivement cette possibilité offerte aux citoyens ou aux groupes de citoyens alléguant des cas de violations des droits de l'homme par un Etat membre de la Communauté de saisir la Cour qui constitue notre angle de réflexion.

Il s'agira donc à partir du droit positif de mettre en lumière les compétences de la juridiction communautaire de la CEDEAO en matière de protection des droits de l'homme. A ce titre, l'étude envisagée exclue le volet de l'intégration économique de la CEDEAO bien que celui-ci soit le soubassement de l'institution de l'organisation. En effet, quelque intérêt qu'eût représenté une telle étude, l'organe judicaire n'en serait pas révélateur en ce sens qu'il est rarement saisi d'affaires mettant en cause par exemple les principes communautaires tels que la liberté de circulation des personnes et des marchandises. A contrario, la tendance actuelle qui se dessine devant la Cour est la croissance exponentielle du contentieux des droits de l'homme, titre de compétence introduit seulement en 2005.

Afin de mener à bien cette étude qui se veut dynamique, il convient d'abord de cerner les contours de la notion des droits de l'homme, notion universellement choyée mais rebelle à toute approche définitionnelle. La difficulté de donner une définition satisfaisante des droits de l'homme résulte de la dilution de la notion en fonction des circonstances, des traditions religieuses ou culturelles et des régions15(*). Pour tenter de définir cette notion, il parait adéquat de la mettre en rapport avec d'autres notions voisines. Dans cette perspective, il s'agira de distinguer les notions « libertés publiques », « droits fondamentaux » considérées usuellement connexes à la terminologie retenue ici.

L'expression « libertés publiques » a longtemps été préférée par une partie de la doctrine à celle de droits de l'homme pour désigner lato sensu les droits et libertés attachés à la personne humaine. Des critères distinctifs ont été mis en lumière pour mieux appréhender l'opposition entre « droits de l'homme » et « libertés publiques ». Primo, on considère que les « libertés publiques » relèvent du droit positif et sont donc une réalité juridique tandis que les droits de l'homme relèveraient de la conception du droit naturel. Les droits de l'homme seraient donc de l'éthique. Secundo, on considère que les libertés publiques procèdent du droit interne alors que l'expression droits de l'homme est une émanation du droit international.

Classiquement utilisée en France, la notion « libertés publiques » correspond à l'Etat légal c'est-à-dire au règne de la loi. A l'orée, il s'agissait donc de protéger les droits et libertés attachés à la personne humaine contre l'arbitraire de la puissance publique. Le pouvoir législatif était le rempart destiné à assurer cette protection. Mais la protection des droits humains ne doit pas être le seul monopole du législateur ; Pour être efficace et obvier à toute dérive, elle doit se situer à tous les points névralgiques où les pouvoirs publics risqueraient d'attenter à ces libertés. La protection va désormais se situer à un niveau supra législatif d'où l'expression « droits fondamentaux ».

L'expression « droits fondamentaux » est issue du droit allemand et correspond à l'Etat de droit. La « fondamentalité » est liée à l'inscription de ces droits dans un texte de valeur constitutionnelle ou dans un texte international. Le doyen FAVOREU propose une définition simple et précise. Selon lui, les droits fondamentaux sont des « droits reconnus aux personnes physiques et morales par des textes et normes supralégislatifs comme des "permissions" opposables aux prérogatives des trois pouvoirs (législatif, exécutif et judiciaire) et même à celles des institutions supranationales »16(*). Le Conseil constitutionnel français, dans sa décision n°89-269 DC du 22 janvier 1989 utilise pour la première fois la notion « droits fondamentaux » pour traduire des droits « subjectifs » reconnus comme fondamentaux en cela que leur essence se trouve à la fois être inhérente à la nature humaine et la base indispensable de l'effectivité de l'État de droit.

Qu'ils soient des libertés publiques ou des droits fondamentaux, ils sont une ramification des droits de l'homme c'est-à-dire une détermination du régime juridique des droits de l'homme.

Cependant, il n'existe pas une définition satisfaisante des droits de l'homme. Le droit international employait l'expression « droit des Gens » pour désigner les obligations qui pesaient sur les Etats de respecter un certain nombre de garanties relatives à la protection des individus. Cette vision occidentale et individualiste des droits de l'homme est aujourd'hui partagée par de nombreux Etats et organisations internationales sous l'angle du prisme des droits retenus ou sur les principes de fond. Les terribles atrocités commises pendant la Seconde Guerre mondiale ont propulsé les droits de l'homme sur la scène internationale. Par souci d'idéalisme pragmatique, les Etats s'engagent à souscrire fidèlement à des valeurs communes garantissant les droits de l'homme, prélude à toute coopération internationale. Il s'agit alors de protéger la personne humaine contre l'arbitraire du pouvoir étatique. La Déclaration Universelle des Droits de l'Homme (DUDH) rédigée par la Commission des droits de l'homme, organe des Nations Unies, adoptée par l'Assemblée générale le 10 décembre 1948 traduit ce souci majeur exprimé par la communauté internationale de préserver ce « patrimoine commun de l'humanité » c'est-à-dire protéger les droits inaliénables, imprescriptibles, universels17(*) et inhérents à toute personne humaine. Nous sommes dans l'ère de l'Homo Universalis et la protection de ses droits s'impose plus que jamais. D'une manière générale donc, les droits de l'homme s'entendent ici comme un ensemble cohérent de principes juridiques fondamentaux communs à toute l'Humanité et qui ont pour but de protéger les prérogatives inhérentes à tout homme en raison de sa dignité et de sa condition humaines.

Que recouvre alors cette notion de protection ? Elle est synonyme de garantie, de sauvegarde et suppose dans un régime de droit écrit l'énonciation d'un droit dans un texte et la mise en oeuvre de mécanismes de sanctions lorsque des violations de ces droits sont commises. L'éminent juge Kéba MBAYE définit la protection des droits de l'homme en ces termes :«  est protection des droits de l'homme, tout système comportant à l'occasion d'une allégation d'une ou de plusieurs violations d'un principe ou d'une règle relatifs aux droits de l'homme et édictés en faveur d'une personne ou d'un groupe de personne, la possibilité pour l'intéressé de soumettre une réclamation (...), de provoquer unemesure tendant à faire cesser la violation ou à assurer aux victimes une réparation jugée équitable. »18(*). En d'autres termes, la protection des droits de l'homme s'entend donc comme l'ensemble des mesures destinées à assurer le respect réel et effectif des droits de l'homme par des voies de recours efficaces en cas de violation sur le plan interne comme sur le plan international19(*).

Eu égard à ces considérations qui précédent, l'étude de ce sujet revêt une importance particulière, à deux points de vue essentiellement.

D'abord, d'un point de vue théorique, l'introduction de ce nouveau chef de compétence dans le contentieux juridictionnel de la CJ CEDEAO relatif aux droits humains est indéniablement un fait nouveau dans la société internationale et déroge ainsi au classicisme institutionnel. Pièces maitresse de la réussite de l'intégration ou de la coopération, les juridictions régionales surtout africaines ont été caractérisées par l'importation du modèle européen qui fait figure d'emblème. La CJ CEDEAO, n'est pas un modèle « importé ». Elle est la seule juridiction d'une organisation internationale à vocation économique qui a reçu un mandat explicite pour se prononcer sur des cas de violation des droits de l'homme et ce, sans épuisement des voies de recours internes20(*).

La consécration formelle d'une action individuelle directe devant la cour est perçue comme une aubaine dans la sous-région. Dans cette veine, le changement de paradigme dont la juridiction communautaire est porteuse traduit des valeurs d'exemplarité et ancre désormais les Etats membres de la Communauté dans la nouvelle religion des temps modernes à savoir la « démocratie de protection des droits de l'homme »21(*). L'ouverture du prétoire de la juridiction aux particuliers est censée représenter une formule flexible pour permettre à ceux-ci de surmonter les inconvénients des systèmes de protection nationaux et au-delà du système régional.

La protection des droits de l'homme par la Cour de justice ouest africaine est originale et se différencie ainsi des autres juridictions régionales et même internationales. En effet, elle introduit une entorse au traditionnel principe de l'épuisement de voies de recours internes. Elle peut être saisie directement sans au préalable que le litige ne soit porté devant le juge national. L'autre spécificité est relative à ses instruments de référence. Saisi d'un différend relatif aux droits de l'homme, le juge communautaire applique des textes non sécrétés ou générés par la CEDEAO. Elle travaille sur des bases textuelles hétérogènes. A ce titre, le requérant peut invoquer des instruments universels et régionaux protecteurs des droits de l'homme tels que la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, les deux Pactes de 1966 et la Charte Africaine des Droits de l'Homme et du Peuple.

Sur le plan institutionnel, il s'agit de voir également comment la Cour, organe judicaire qui devait se limiter à l'interprétation et l'application des textes de l'organisation elle-même soumise au principe de spécialité arrive à se prononcer sur un contentieux réservé traditionnellement à des juridictions spécialisées. Il semble que l'extension des compétences de la Cour aux cas de violations de droits humains soit une action complémentaire à l'action économique, principal objectif de la CEDEAO. La compétence de la Cour en matière de protection des droits de l'homme ne saurait dès lors être enserrée à ce qu'il est convenu d'appeler un effet de mode mais elle correspond plutôt à la volonté affichée par la Communauté ouest africaine d'assainir le cadre sous-régional par la garantie juridictionnelle des droits de l'homme, prélude à une intégration aboutie.

D'un point de vue pratique, la réflexion met l'accent sur l'activisme de la Cour de justice de la CEDEAO. Sur ce point, l'appréciation ne peut être que provisoire étant donné que la compétence de l'organe judiciaire en matière de protection des droits de l'homme est encore récente. Comme le souligne le professeur A.SALL « c'est au fil des saisines et du temps que les juges se pénètrent de leurs missions, forgent leur démarche, affinent leurs concepts, esquissent éventuellement une politique jurisprudentielle »22(*). Nous prenons toutefois le défi de jauger l'efficacité de la garantie des droits de l'homme par l'organe judiciaire de la CEDEAO. Dans la perspective de construction ou de consolidation de l'Etat de droit en Afrique de l'ouest, le juge communautaire apparait comme la clé de voûte car appelé à dire le droit et se hisser au-delà de toute considération d'ordre politique. La mission est noble mais la réalité fait apercevoir un tableau contrasté. Le factuel semble décrire un fossé d'avec le formel.

Opportunément donc, une série de question mérite d'être posée : La Cour de justice communautaire de la CEDEAO sera-t-elle à l'aise dans les habits neufs que l'organisation lui a préparée ? Comment assure-t-elle la protection des droits de l'homme ? Quels sont les moyens dont dispose cette juridiction communautaire pour garantir d'une manière effective les droits humains ? Peut-elle faire face durablement à l'explosion du contentieux des droits de l'homme devant son prétoire ?

Autant de questions qui sont importantes les unes que les autres mais que la pédagogie de l'essentiel nous commande de regrouper en une seule. La protection des droits de l'homme par la Cour de justice de la CEDEAO est-elle efficace ?

Sous l'angle du prisme des textes et aussi de la pratique communautaire, une réponse positive s'impose. En effet, le juge « des droits de l'homme » de la CEDEAO est mis dans une situation optimale aussi bien sur le plan normatif et institutionnel pour assurer d'une manière efficace la protection des droits humains des citoyens ouest africains.

Néanmoins, Reconnaissons-le-ouvertement. La Cour n'est pas exempte de toute critique. Des facteurs exogènes et endogènes sont à l'origine de l'inefficience de la Cour dans le cadre de sa mission de protection des droits humains. La pusillanimité de la juridiction est consubstantiellement liée à la toute-puissance des Etats. Sans prétendre disposer du remède miracle, nous proposons des solutions aux problèmes ci-mentionnés

Ce cadre défini, la présente étude tournera essentiellement autour de ces deux centres d'intérêt : L'efficacité de la protection des droits de l'homme par la Cour de Justice de la CEDEAO(TITRE 1);Les limites de la Cour de Justice de la CEDEAO dans sa mission de protection des droits de l'homme(TITRE 2).

TITRE 1:

L'EFFICACITE DE LA PROTECTION DES DROITS DE L'HOMME PAR LA COUR DE JUSTICE DE LA CEDEAO

La Communauté Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) est devenue une communauté des droits de l'homme sans renoncer à l'esprit communautaire initial qui la sous-tendait. Elle s'est inscrite dans un processus d'intégration plus dynamique dont les fonds baptismaux ont été posés par le Protocole Additionnel A/SP.1/01/05 du 19 Janvier 2005 portant amendement du Protocole A/P /17 /91 relatif à la Cour de justice de la Communauté. Ce qui ouvre un droit d'accès direct des justiciables au prétoire du juge communautaire de la CEDEAO. En effet, la nouvelle mission de la Cour de justice de la CEDEAO est de trancher des différends relatifs aux droits de l'homme c'est-à-dire des droits dont les individus sont directement titulaires. Contrairement donc aux Cours de justice de la SADC et de l'EAC qui ont un mandat implicite pour la protection des droits de l'homme, la Cour de justice de la CEDEAO a reçu un mandat clair et explicite en matière de droits de l'homme.

Cette mutation substantielle et qualitative qui a vu une extension matérielle de l'organe judiciaire, ne s'est pas accompagnée d'une « charte » des droits de l'homme spécifique à la Communauté. Dans cette veine en l'absence d'un texte relatif aux droits de l'homme sécrété par la CEDEAO, la Cour de justice communautaire convaincue de l'impérative protection des droits de l'homme travaille avec une panoplie d'instruments juridiques internationaux et régionaux. Ainsi, ce dispositif juridique pertinent et varié garantit un contrôle juridictionnel de qualité (Chapitre 1).

De même au risque d'affadir les bonnes intentions affichées par la CEDEAO, il est nécessaire que l'environnement dans lequel se déploie l'action du juge communautaire soit corrélé à des principes clairs, gage d'une efficience de la protection des droits de l'Homme. A ce niveau aussi, l'autonomie structurelle de la Cour et les voies et moyens mises en oeuvre contribuent à garantir d'une manière efficace les droits de l'Homme. Ces garanties statutaires sont un bond qualitatif pour une protection effective des droits de l'homme (Chapitre 2).

Chapitre 1 : Un dispositif juridique pertinent et varié pour un contrôle juridictionnel de qualité

La réforme de 2005 même si elle n'a pour but cardinal d'apporter une solution globale et pérenne aux différents problèmes rencontrés par la communauté initie une véritable politique d'intégration avec comme vecteur fondamental la protection des droits de l'homme par un juge communautaire.

Cette réforme audacieuse tend à faire tomber les rideaux de la souveraineté qui plaçaient l'Etat à la pyramide suprême. En effet, l'approfondissement du processus d'intégration dans la sous-région doit être perçu comme une thérapeutique qui tend à résorber tant bien que mal certains maux dont souffrait la communauté à raison d'un inter-étatisme fort reléguant l'individu à la périphérie. Le Droit comme instrument de l'intégration sous-régionale doit désormais permettre d'assainir à des degrés variables l'ordre public communautaire.

D'abord, les textes juridiques à la base de l' action de la Cour constituent une véritable avancée dans la protection des droits de l'homme. En effet, l'arsenal juridique avec lequel travaille la Haute Juridiction communautaire est d'une pertinence indéniable. L'originalité de la réforme de 2005 est indiscutablement liée à la possibilité offerte aux citoyens ouest africains d'accéder directement au prétoire du juge communautaire.

Au-delà de la pertinence de ces instruments juridiques à la base de l'action de la Cour (Section 1), la Cour de Justice de la CEDEAO, en l'absence d'un texte spécifique des droits de l'homme sécrété par la CEDEAO, travaille avec une mosaïque d'instruments juridiques exogène relatifs aux droits de l'homme (Section 1). Ces textes régionaux et universels énoncent des valeurs communes et supérieures aux Etats créant ainsi des obligations objectives qui s'imposent à eux.

Section 1 : La pertinence des instruments juridiques à la base de l'action de la Cour

L'originalité de la réforme introduite en 2005 est indiscutablement liée à la reconnaissance d'un droit de recours individuel aux citoyens de la communauté victimes de violations des droits de l'homme. En effet, à la lecture du protocole élargissant la compétence ratione materiae de la Cour de justice de la CEDEAO, un droit de recours est ainsi ouvert de plein droit aux ressortissants de la communauté se prétendant victimes de violation des droits de l'homme (Paragraphe 1). Clé de voûte de la garantie de l'intégration régionale et du système de protection des droits de l'homme, la Cour se veut proche des justiciables. Elle est à ce titre une institution de proximité (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : L'aménagement de voies de recours individuels devant la Cour

Le recours individuel est la pierre angulaire du mécanisme de protection des droits de l'homme aménagé par la CEDEAO. Les personnes physiques ont la possibilité de saisir directement la Cour de justice communautaire de la CEDEAO (A). Celle-ci procédera à un examen « sérieux » des requêtes individuelles présentée devant elle (B).

A. La saisine directe de la Cour par les personnes physiques

Avant la réforme introduite par le Protocole de 2005, l'accès des particuliers à la juridiction communautaire était médiat ; la procédure devait être diligentée par l'Etat membre. Ainsi, selon l'article 9.3 du Protocole A/P.1/7/91 un Etat membre peut, au nom de ses ressortissants, diligenter une procédure contre un autre Etat membre ou une institution de la Communauté, relative à l'interprétation et à l'application des dispositions du Traité, en cas d'échec des tentatives de règlements à l'amiable. Dans un souci de se rapprocher davantage des particuliers, les Etats membre de la CEDEAO comptent élargir les compétences de leur organe judicaire commun aux cas de violation de droits humains. Les individus pourront le saisir mais ce sera après épuisement des voies de recours interne.23(*)

Finalement, la révolution viendra du Protocole Additionnel A/SP.1/01/05 du 19 Janvier 2005 portant amendement du Protocole A/P /17 /91 relatif à la Cour de justice de la Communauté qui va concrétiser cet espoir. Ce nouveau texte introduit la dimension droits de l'homme dans le nouveau chef de compétence de la Cour de Justice de la CEDEAO. Désormais les particuliers ont la possibilité d'intenter des recours pour demander la cessation de violations de l'homme ou le redressement de leurs droits.

Cette réforme fait désormais disparaitre l'écran étatique et met fin à la jurisprudence Afolabi24(*). Elle confère indiscutablement la qualité de droit des gens à l'individu25(*). (Celui-ci demeure néanmoins toujours un sujet mineur ou dérivé de droit international).

A défaut de mécanismes garantissant une application effective du respect des droits de l'homme qui d'abord doit se concrétiser par l'accès au prétoire de la juridiction par le justiciable, tout droit proclamé parait dénué de sens. La condition d'effectivité est liée principalement sur un recours de droit individuel qui ne décime pas le justiciable dans un labyrinthe de procédure et qui se traduit par la suppression de certaines futilités. Sous ce rapport, la CEDEAO a déployé un véritable Plan Marshall.

La Cour, en vertu de l'article 9 (4) et 10 (d) du protocole a compétence pour se prononcer sur des cas de violation de droits humains à condition que la demande ne soit pas anonyme et que l'affaire ne soit pas pendante devant une autre juridiction internationale.

La première exigence consacrée aussi par d'autres juridictions26(*) va de soi ne serait-ce que pour des raisons de crédibilité de l'institution et aussi pour éviter divers abus. Pour que la requête soit donc recevable, elle doit spécifier le nom et l'adresse du demandeur, la désignation de la partie contre laquelle la demande est effectuée, le sujet des poursuites et un résumé des allégations en droit sur lesquelles la demande est fondée etc.27(*)

Selon la deuxième exigence, la saisine d'une autre instance juridictionnelle à caractère international rend irrecevable la requête individuelle devant la Cour. Cette condition est prévue dans tous les mécanismes internationaux d'enquête ou de règlement28(*). Cette règle ne se limite pas seulement au principe de non bis in idem mais englobe également le cas de litispendance. Elle a été expressément posée pour « exclure le cumul de procédures internationales »29(*). Elle repose sur un souci d'éviter une contrariété de jurisprudence. En effet en dépit de la prolifération des juridictions internationales, il n'existe aucune hiérarchie entre elles comme dans les systèmes judiciaires internes des Etats. Aucune d'entre elle n'est compétente pour réviser la décision d'une autre instance internationale30(*).

Mais c'est surtout, plus spécifiquement au niveau de règles procédurales que la Cour de justice de la CEDEAO se singularise. En effet, le système de protection communautaire ne s'inscrit pas dans la lignée des procédures suivies par les autres juridictions régionales. L'innovation est audacieuse et précieuse et se distingue du dispositif institué par l'Europe, pionnière de la protection régionale des droits de l'homme et de l'Amérique avec la Cour de Jan José, la « petite soeur » de la Cour européenne. Ni commission de filtrage des requêtes individuelles, ni exigence de l'épuisement de voies de recours internes à l'image de ses ainés31(*), le système de protection des droits de l'homme apparait comme efficient. Le requérant est donc dispensé de prouver avoir utilisé dans son pays d'origine les recours internes, considérés comme un handicap, une règle contraignante pour les individus désireux de saisir les juridictions internationale. Sur ce point la CEDEAO a osé en dérogeant au traditionnel principe de l'épuisement de voies de recours interne.

La célérité de la procédure est une rampe de lancement et non une pierre d'achoppement pour une garantie effective des droits du citoyen ouest africain. Le labyrinthe procédural pour l'accès à la justice est désormais résorbé par cette technique. Ce qui sans doute explique l'afflux croissant des requêtes auxquelles la Cour fait face depuis 2005.

La CJ CEDEAO, dans l'affaire « Dame Hadijatou Mani Koraou c/ la République du Niger »32(*)tout en reconnaissant le caractère subsidiaire de sa juridiction n'a pas suivi la partie défenderesse  qui estimait que « la saisine de la juridiction communautaire est subordonnée à l'épuisement des voies de recours internes »33(*). La Cour estima à bon droit que la protection des droits de l'homme par des mécanismes internationaux tout en demeurant subsidiaire peut s'accommoder avec une interprétation très souple de la règle de l'épuisement des voies de recours internes. C'est même la position de la Cour Européenne des Droits de L'Homme dans l'affaire Wilde, Ooms et Versyp c/ la Belgique du 18 juin 1971 lorsqu'elle déclare « conformément à l'évolution de la pratique internationale, les Etats peuvent bien renoncer au bénéfice de la règle de l'épuisement des voies de recours internes »34(*). Il s'agit là d'une jurisprudence constante de la Cour de justice de la CEDEAO. Les particuliers n'ont pas besoin d'épuiser les recours internes pour pouvoir accéder au prétoire du juge communautaire.

(Curieusement à la lecture de certaines décisions de la Cour communautaire, il est singulier de constater que les Etats incriminés de violations de droits humains se défendent souvent en affirmant que les requérants n'ont pas épuisé les voies de recours internes35(*)).

En accordance avec sa jurisprudence de principe, la CJ CEDEAO n'exige toujours pas l'épuisement de voies de recours interne. Ce qui risquerait évidemment d'obérer la protection des droits de l'homme.

Il ressort de de cette analyse que le mécanisme de protection institué par la CEDEAO pour préserver les droits de l'homme des citoyens ouest africains est à bien des égards révolutionnaire. Celui-ci tient principalement à la simplicité, à la lisibilité de l'édifice institutionnel. Saisi d'un litige relatif à une violation des droits humains, le juge procède à un examen du caractère « sérieux » de la requête

B. L'examen du caractère « sérieux » des requêtes individuelles

L'exercice d'un droit de recours individuel est subordonné à la qualité de victime. Seule une personne « victime » d'une violation des droits garantis par les instruments juridiques faisant partie du droit positif des Etats peut exercer un recours individuel.

Le demandeur peut être considéré comme une victime dès lors qu'il existe un lien suffisamment direct entre lui et la violation alléguée. A cet égard, pour que le requérant puisse se prétendre victime, il faut qu'il produise des indices raisonnables et convaincants de la probabilité de la réalisation d'une violation en ce qui le concerne personnellement, de « simples suspicions ou conjectures étant insuffisantes à cet égard  »36(*). Par conséquent, seule une décision ou une mesure interne lésant concrètement les droits du requérant peut justifier un tel recours. Mais la notion de victime doit dès l'abord être mise en corrélation avec le statut du citoyen. La victime doit être un ressortissant de la Communauté c'est-à-dire « toute personne qui, par la descendance, a la nationalité d'un Etat membre et qui ne jouit pas la nationalité d'un Etat non membre de la communauté »37(*).

Dans le contexte de « l'ordre juridique communautaire intégré de la CEDEAO »38(*), le juge se veut pragmatique dans sa démarche en interprétant les dispositions dégagées par le législateur communautaire dans un esprit de plus en plus favorable aux individus. Il en ainsi dans l'affaire Hissein Habré c/ Etat du Sénégal39(*) où la Cour a constaté l'existence d'indices concordant de probabilité de réalisation de nature a violé les droits de l'homme du requérant sur la base des réformes constitutionnelles et législatives entreprises par l'Etat du Sénégal. Si on sait qu'une loi a priori se détermine dans l'abstrait, (C'est un truisme de rappeler qu'une loi se caractérise par la généralité et l'impersonnalité) le cas concret devenant difficile à constater, on peut dire ici que le juge communautaire a fait montre de hardiesse et de témérité. La Cour a interprété de façon autonome la notion de victime de sorte que le recours individuel est largement ouvert. Cet arrêt rappelle à bien des égards l'affaire Marcks où les juges européens ont admis la notion de victime potentielle ou éventuelle. Selon la Cour de Luxembourg, « un individu peut se prétendre victime du seul fait de l'existence d'une législation dont il risque de subir les effets mais indépendamment de toute application effective »40(*).

Le requérant individuel doit avoir en outre un intérêt personnel à agir. Cet intérêt à agir est apprécié en fonction de l'incidence de l'acte attaqué. Il faut également que les conséquences du traitement préjudiciable atteignent le requérant à titre particulier. Selon la Cour, la violation d'un droit de l'homme ne s'apprécie pas in abstracto mais in concreto et se constate a posteriori c'est-à-dire lorsqu'elle a déjà eu lieu. Par conséquent seule une décision lésant concrètement les droits de l'individu peut justifier un recours devant la Cour communautaire.

Cela s'explique par le fait que la Cour de Justice communautaire n'a pas pour rôle d'examiner les législations des États membres de la Communauté in abstracto, mais plutôt d'assurer la protection des droits des individus lorsque ceux-ci sont victimes de violations de ces droits qui leur sont reconnus, et ce, par l'examen des cas concrets présentés devant elle41(*).

Cette condition s'explique à notre avis par le souci de ne pas encombrer la juridiction communautaire par des recours nombreux. Sous ce rapport, il ne faut pas se méprendre ; La Cour de céans demeure certes une vitrine des droits de l'homme mais refuse de devenir une vox populi en transformant les recours en une actiopopularis qui risquerait de froisser la susceptibilité des Etats.

Aussi, pour que la requête soit recevable, elle doit être dirigée contre un Etat membre de l'organisation. Le défendeur ne peut donc être qu'un Etat. En effet, seul un Etat membre peut faire l'objet d'une requête devant la Cour. Est donc irrecevable, toute requête dirigée contre un particulier.En quête d'une protection effective des droits de l'homme dans la sous-région ouest africaine, la Cour est devenue une juridiction de proximité.

Paragraphe 2 : La Cour de Justice de la CEDEAO, une juridiction de proximité

Au regard du traité de la CEDEAO et ses protocoles y afférents, on peut dire que la justice communautaire est une justice de proximité (A). La délocalisation des audiences hors d'Abuja est une véritable aubaine dans la sous-région (B).

A. Le fondement du caractère forain de la justice communautaire

S'inscrivant dans la dynamique de permettre à sa juridiction de remplir efficacement son office sous tous les angles utiles, la CEDEAO n'a pas manqué de faire de la CJ CEDEAO une juridiction mobile au même titre que les autres juridictions internationales42(*).

En effet, aux termes de l'article 26 du Protocole de 1991 relatif à la Cour, « la juridiction communautaire peut se déplacer lorsque des circonstances l'exigent en tout lieu autre que celui de son siège ». Instituée dès l'abord pour des questions liées à l'intégration économique, c'est dans le cadre de la protection des droits de l'homme que cette possibilité de siéger hors les murs d'Abuja prend tout son relief. En effet, en ce qui concerne les questions relatives à la violation des droits humains, les circonstances qui peuvent justifier le déplacement de la CJ CEDEAO sont diverses. Il peut s'agir par exemple de raisons liées à l'état impécunieux du justiciable pour accéder au juge ou alors pour l'audition des témoins. Cette aide juridictionnelle est accordée à la personne dont l'action n'apparait pas manifestement irrecevable ou dénuée de tout fondement.

Ainsi, «  pour que l'accès au juge ne soit pas que vain principe et paravent d'incurie »43(*)afin que le droit à la justice soit un droit pour tous, et non un « privilège », le temple de la justice doit être ouvert à toutes les victimes, de quelque position sociale qu'elles soient pour une meilleure protection des droits de l'homme. Donc «il ne faut pas, comme l'affirme Me Bane,que la justice communautaire soit une justice des riches. Il faut que ça soit la justice de toute la population de l'espace de la CEDEAO »44(*).

Le citoyen ouest africain bénéficie d'un droit d'accès assez particulier pour que sa cause soit entendue. La CJ CEDEAO peut se transformer en une juridiction foraine, qui peut se déplacer pour siéger hors les murs du Nigeria le cas échéant. En effet, l'éloignement du justiciable de la juridiction peut constituer un obstacle majeur. C'est pourquoi dans l'affaire Dame Hadijatou Mani Koraou c/ République du Niger pour montrer que la justice de l'intégration n'est pas « éthérée »45(*), le juge a accédé à la demande de la requérante en raison de son « état d'impécuniosité » et la nécessité d'entendre les témoins résidant au Niger. Ainsi, comme le fait remarquer le professeur Renucci, « le justiciable ne doit en aucun cas être dissuadé d'accéder à la justice pour des raisons matérielles ».46(*)

Le rayonnement de la Cour de justice communautaire de la CEDEAO, son prestige, est intimement lié à ce système d'assistance juridictionnelle. La solidarité dont elle fait montre avec les indigents, la discrimination positive qu'elle instaure entre les citoyens de l'espace communautaire sont gages d'une efficience certaine de la protection des droits de l'homme dans l'espace ouest africain.

Donc, on peut dire ce qui pouvait constituer un caractère rédhibitoire à l'accès au juge communautaire trouve désormais une alternative dans la mobilité de la Cour. Une véritable aubaine dans l'espace communautaire.

B. Une aubaine dans l'espace ouest africain

« Ce sont toujours les plus faibles qui aspirent au droit et à l'égalité, les plus forts ne s'en soucient pas » disait le grand philosophe grec, Aristote. Si la victime, à cause de son état impécunieux ne parvient pas à saisir un juge, cela fait une injustice de plus mise sur son dos. On peut dire que cette possibilité offerte par la CEDEAO constitue indubitablement une aubaine pour le justiciable ouest africain, si on sait qu'en Afrique la plupart des populations vit sous le seuil de la pauvreté. Selon Delphine d'ALLIVY KELLY, avec le caractère forain de la Cour, la CEDEAO a levé le voile pour permettre une « accessibilité pratique et économique »47(*). L'on est amené à cet effet à dire qu'avec ce système d'assistance juridictionnelle, l'indigence n'est plus un handicap pour accéder à la justice communautaire.

A la lecture des arrêts rendus jusque-là par la CJ CEDEAO, on constate que les ressortissants nigérians sont les principaux requérants. Cela s'explique, pas parce que le Nigéria soit le mauvais élève de la CEDEAO en matière de protection des droits l'homme mais simplement par le fait que le siège de la Cour se trouve à Abuja. La proximité avec la justice permet ainsi d'accéder plus facilement au prétoire du juge. L'obstacle financier, pour ceux qui se trouvent hors d'Abuja, est ainsi endigué par cette mobilité de la Cour de justice communautaire.

Par rapport aussi au système africain de protection des droits de l'homme, nous pouvons dire que l'existence de la CJ CEDEAO est un véritable havre pour les citoyens ouest africains, victimes de violations de droits humains. Entre la juridiction communautaire et la juridiction régionale, nous sommes persuadés que le citoyen ouest africain choisira sans anicroche la première48(*).

Sans être un pourfendeur aux idées nihilistes du système africain de protection des droits de l'homme, nous pouvons relever certaines faiblesses institutionnelles qui semblent annihiler l'efficacité de ce contrôle. En effet, la Commission peine encore à imposer la protection des droits de la Charte par les Etats. La procédure des communications est emblématique du mandat de protection de la Commission. C'est par ce biais quasi-judiciaire que celle-ci est censée concrètement faire respecter les droits de la Charte par les Etats parties. Mais cette procédure est longue et les décisions prises au titre des communications sont trop souvent inappliquées par acteurs étatiques. Par exemple, la décision Diakité c/ Gabon a été rendue en 2000 alors que l'affaire avait été portée devant la Commission en 1990.

Ce sont ces lacunes non exhaustives qui semblent à nos yeux justifier la mise en place d'un organe judicaire qui complétera le travail de la Commission. Là aussi, s'il est vrai qu'avec la mise en place de la CADHP49(*), l'Afrique peut « s'enorgueillir d'une véritable juridiction à l'échelle régionale en matière de protection des droits et libertés »50(*), il n'en demeure pas moins qu'elle prête elle aussi le flanc à la critique.

D'abord, il serait illusoire dans la quête permanente d'une protection effective des droits de l'homme de prévoir un système de déclaration facultative unilatérale de la part des Etats qui acceptent la compétence de la Cour pour examiner les requêtes individuelles51(*). Le mimétisme hérité du modèle de la Convention européenne de 1950 abandonné en 1998 peut-il faire long feu en Afrique ? Nous estimons que ce système juridictionnel d'importation ne peut pas prospérer en l'état dans la réalité actuelle africaine. Qu'on se rappelle ! La France n'avait-elle pas attendu 1981 pour faire une telle déclaration alors que la convention existait depuis 1950 ? Les Etats africains sont encore très jaloux de leur souveraineté pour permettre à leurs citoyens d'accéder au prétoire de la juridiction régionale. En introduisant la procédure de déclaration supplémentaire de compétence concernant les requêtes individuelles, le Protocole semble donc opérer un recul dans la pratique du système actuel de protection des droits de l'homme. Depuis l'entrée en vigueur du Protocole établissant la CADH, seuls 26 Etats sur 54 membres de l'UA l'ont ratifié et parmi eux seulement 5 Etats ont accepté la déclaration autorisant les individus et les ONG à saisir la Cour régionale52(*).

Une justice encline à condamner les violations des droits de l'Homme doit dès l'abord être généreuse sur le plan principiel avec les justiciables. Faute de quoi, elle reste à l'état virtuel. La CEDEAO déroge fondamentalement aux mécanismes de protection des droits de l'homme prévus à l'échelle régionale. Sur le plan principiel, elle est généreuse avec les justiciables.

A la lumière donc de ce qui précède, l'on retient que l' « organe mère » - la CEDEAO- a secrété des instruments juridiques pertinents qui sont à la base de l'action de la Cour. Le recours individuel est symptomatique des nouvelles ambitions de la CEDEAO ; la construction d'une Communauté fondée sur le droit. Sur le même registre de ce principe sacro-saint de protéger les citoyens ouest africains, ces derniers peuvent invoquer une panoplie d'instruments exogènes pour étayer le bien-fondé de leurs prétentions.

Section 2: La référence aux instruments juridiques exogènes relatifs aux droits de l'homme

Le Protocole du 19 janvier 2005 a élargi les compétences de la Cour aux cas de violations des droits humains mais l'extension de la compétence rationae materiae ne s'est pas accompagnée d'une « charte » des droits de l'homme spécifique à la Communauté. A ce titre, la Cour de justice de la CEDEAO doit trancher des litiges relatifs à la violation des droits humains en se référant à des textes exogènes. Elle s'appuie ainsi dans son office aux instruments juridiques universels de protection des droits de l'homme (Paragraphe 1) ainsi qu'aux normes régionales africaines relatives aux droits de l'homme (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : La reconnaissance des instruments internationaux de protection des Droits de l'Homme

Par essence, les droits de l'homme sont universels. L'homme parce qu'il est homme bénéficie de droits inaliénables et imprescriptibles qui ne peuvent être altérés. C'est pourquoi le temple de la Cour de justice ouest africaine n'est pas réfractaire à l'invocation de droits humains inscrits dans les instruments juridiques universels à portée générale (A) ou à objet particulier (B)

A. La référence aux instruments juridiques universels à portée générale

Le  buissonnement juridictionnel nous enseigne L.B Larsen est à son zénith dans toutes les parties du monde53(*). Le processus d'autonomisation et de développement des juridictions régionales et sous-régionales s'est matérialisé par l'adoption de « convention » devant être le texte référence de la juridiction même si ces juridictions peuvent se référer aux instruments universels.

Ad exemplum, la Cour africaine, ainsi que ses homologues européen et interaméricain, est compétente pour interpréter et appliquer l'instrument régional général de protection des droits de l'Homme. A cet effet, la Cour africaine54(*) est instituée pour le respect de la Charte africaine des droits de l'Homme et des peuples et ses Protocoles, la Cour européenne55(*) pour l'interprétation et l'application de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et ses Protocoles. Il en est de même de la Convention américaine des droits de l'Homme dans le cas de la Cour interaméricaine56(*). La CJCE s'est dotée également en 2000 d'un texte spécifique, la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne. Il en est de même pour d'autres juridictions. C'est le cas depuis le 26 juillet 2002 pour la Communauté andine qui est ainsi pourvu de son propre texte de référence, la Charte Andine de Promotion et de Protection desDroits de l'homme.

Donc, on peut retenir que chaque juridiction régionale s'appuie ou s'inspire sur un texte de référence endogène pour se prononcer sur des cas de violation des droits de l'homme.

Quant à la juridiction communautaire de la CEDEAO, elle déroge à cette ontologie classique en s'appuyant sur un corpus extrêmement large, une mosaïque de textes exogènes. Cela s'explique par le fait que les autorités communautaires n'ont envisagé que tardivement la question desdroitsfondamentaux et de leur protection. Cette apathie justifie sans doute l'absence d'un texte adopté par la CEDEAO relatif à la protection des droits de l'Homme destiné à la pérennisation des droits fondamentaux dans l'ordre juridique communautaire.

En effet, à l'orée, le tribunal de la CEDEAO crée en 1975 qui va devenir plus tard la Cour de justice de la Communauté après le traité de révision de Cotonou en 1993 était le garant la réussite de l'intégration économique. Le Traité (lato sensu) constituait à cet égard la seule source de référence s'agissant de l'interprétation et de l'application des normes communautaires. Les droits de l'homme n'y figuraient pas encore dans le Traité.

C'est pourquoi la Cour de justice de la CEDEAO dans son office travaille avec des instruments généraux tels que la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme de 1948, les deux pactes sur les droits Civils et Politiques de 1966. Au-delà des quolibets qu'on pourrait en porter sur ce schéma d'externalisation, force est de reconnaitre que le souci majeur est d'entrebâiller les portes de la protection des droits de l'homme pour une action efficace. Après tout, all men are createdequal57(*).

Dans le nouveau paradigme posé par la CEDEAO, le requérant peut invoquer des instruments juridiques universels tels que la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme et les deux pactes pour arguer sur des cas de violations des droits humains. La généralité des textes et l'absence d'une définition précise et univoque de la notion des droits de l'homme sont une aubaine pour les citoyens ouest africains victimes de violations de droits de l'homme. Cette conception extensive des droits de l'Homme (droits civils et politiques, économiques, sociaux et culturels, droit des peuples) est favorable aux saisissants. En effet, la DUDH, « universelle par son inspiration, par son expression, par son contenu, par son champ d'application, par son potentiel »58(*) proclamée le 10 décembre 1948 forme le portique du monument des droits de l'homme édifié par les Nations Unies. Les bienfaits de cet idéal commun se sont ruisselés dans presque toutes les contrées du monde. Il s'est donc agi de permettre aux ressortissants de l'espace communautaire de la CEDEAO de puiser dans ce trésor inépuisable pour une défense plus effective de leurs droits. Ce texte de portée universelle considéré par Bidegaray comme « le meilleur article d'exploitation de la pensée politique »59(*)  des Etats de notre époque a ouvert une brèche dans laquelle presque tous les Etats se sont engouffrés pour rendre la société des hommes plus juste et plus généreuse. Il est considéré à juste titre comme le patrimoine commun, la Magna Carta de l'humanité. Les Etats ouest africains en faisant référence dans le préambule de leur constitution aux principes et droits de l'homme tels que définis par la DUDH lui confèrent valeur de droit positif.

Au chapitre de cette faculté offerte aux victimes, les requérants, faute d'une définition prétorienne par le juge communautaire et textuelle opérée par la CEDEAO, ne manquent pas de se situer dans la « généralité » pour faire constater que leur droit a été violé par un Etat membre de l'organisation. Le juge sous-régional se pose de ce fait en véritable juge d'un droit universel.

Cette déclaration n'ayant pas de valeur juridique obligatoire fut complétée par deux pactes adoptés par l'Assemblée générale de l'O.N.U. le 16 décembre 1966 : d'une part, le Pacte relatif aux droits civils et politiques, d'autre part, le Pacte relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Ils constituent comme la Charte des Nations Unies et à la différence de la Déclaration une convention internationale qui met à la charge des Etats l'obligation juridique de respecter les droits proclamés Le protocole sur les droits civils et politiques (PIDCP) adopté le 16 décembre 1966, entré en vigueur le 23 mars 1976 reflète la pensée collective de la communauté internationale. Ce texte impose déjà dans son préambule aux Etats l'obligation de promouvoir le respect universel et effectif des droits et des libertés de l'homme. Le Pacte relatif aux droits économiques, sociaux et culturels entré en vigueur la même année poursuit les mêmes objectifs. En effet, les deux Pactes interdisent dans des termes identiques toute discrimination fondée sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion, l'opinion politique ou toute autre opinion, l'origine nationale ou sociale, la fortune, la naissance ou toute autre situation (article 2 al.1Pacte relatif aux droits civils et politiques et article 2 al.2 du Pacte relatifs aux droits économiques, sociaux et culturels)

Outre ces instruments juridiques à portée générale la Cour travaille avec les textes internationaux à objet spécifique.

B. Les textes internationaux à objet spécifique

La Cour ne se réfère pas uniquement aux normes internationales à portée générale. Elle peut également être amenée à juger les violations par un Etat partie de tout autre instrument de protection des droits de l'Homme, international ou africain, ratifié par celui-ci. La compétence de la Cour s'appuie donc sur un champ large d'instruments juridiques, permettant de compléter ces textes et d'en combler éventuellement les lacunes.

Un requérant peut ainsi saisir la Cour de justice communautaire en invoquant la violation des dispositions d'une convention ratifiée par l'Etat en cause qui garantitun éventail de droits plus étoffé que ceux visés dans ces instruments.

Ces dispositions malgré leur résonance particulière développent une approche globale et plus détaillée des droits dont l'individu peut se prévaloir. Au titre de sa compétence relative à l'examen des cas de violations des droits de l'homme, la Cour peut être amenée à déterminer si un Etat a violé ou non une de ses dispositions. La Cour se fondera bien évidemment sur l'interprétation donnée à ces instruments par les organes conventionnels qu'ils établissent.

A cet égard sans prétendre dresser une liste exhaustive des instruments pertinents, dont le respect pourrait être contrôlé par la CJ CEDEAO lorsqu'ils sont ratifiés par l'Etat partie concerné, nous pouvons en énumérer quelques-uns.

D'abord, on peut citer la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, adoptée le 18 décembre 1979, entrée en vigueur le 3 septembre 1981. Cette convention a été passée au peigne fin dans une retentissante affaire mettant en cause la dame Koraou et la République du Niger60(*). Dans la même décision, le juge s'est référé à la convention relative à l'esclavage du 25 septembre 1926 et la convention supplémentaire relative à l'abolition de l'esclavage, de la traite des esclaves et des instituions et pratiques analogues à l'esclavage du 7 septembre 1956.

Ces textes peuvent aussi être cités pour arguer du bien- fondé d'une prétention relative à une violation des droits de l'homme : La Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, adoptée le 21 décembre 1965, entrée en vigueur le 4 janvier 1969. La Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, adoptée le 10 décembre 1984, entrée en vigueur le 26 juin 1987. La CJ CEDEAO a fait référence à cette convention dans sa décision du 16 novembre 2010 Musa Saidykhan, c. République de Gambie. But not the least, on peut évoquer la Convention relative aux droits de l'enfant, adoptée le 20 novembre 1989, entrée en vigueur le 2 septembre 1990.

A la lumière de ce qui ce qui précède, l'on constate que la Cour de céans travaille avec une panoplie d'instruments juridiques pertinents eu égard aux droits qu'ils consacrent et l'étendue de leur champ d'application. En plus de ces instruments, la Haute Cour de justice communautaire se réfère aux normes régionales africaines de protection des Droits de l'Homme.

Paragraphe 2 : L'affirmation des normes régionales africaines de protection des Droits de l'Homme

L'insertion de la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples au Traité de la Communauté donne pouvoir à la Cour en vertu de l'article 19 de son Protocole de connaitre des cas de violation des Droits de l'Homme énoncés dans la Charte Africaine (A). Cette Charte, même si elle est une source privilégiée dans l'ordre juridique communautaire, la Cour l'utilise d'une manière autonome (B)

A. La Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples

Considérée comme « un espoir pour l'homme et les peuples africains »61(*) dont le pragmatisme des rédacteurs fut d'essayer de « conceptualiser les droits de l'homme à partir des circonstances et données propres aux sociétés africaines »62(*) en cherchant à insérer « l'homme africain » dans « ce bouillonnement universel » - selon KébaMbaye, il devient ainsi tout à fait normal que cette Charte soit une source privilégiée du juge communautaire.

En effet, la CAHDP dite Charte de Banjul adoptée le 27 juin 1981 entrée en vigueur le 21 octobre 1986 est un texte de référence auquel le requérant peut s'appuyer pour faire constater qu'un Etat membre de la CEDEAO a violé un de ces droits reconnus ou proclamés par ladite convention régionale. En vertu de l'article 19 du Protocole relatif à la Cour, le citoyen peut se référer aux cas de violations des droits de l'homme énoncés dans la Charte Africaine. En effet, aux termes de l'article 4 $ g du Traité de la Communauté, les Etats membres se sont engagés à adhérer aux principes juridiques fondamentaux tels que « respect, promotion et protection des Droits de l'homme et des Peuples conformément aux dispositions de la Charte africaine ». C'est dire que le législateur communautaire a intégré cet instrument régional dans le droit applicable devant la Cour de justice de la CEDEAO. Cette possibilité est d'autant plus intéressante en ce sens que cette Charte fait partie du droit positif de tous les Etats membres de la CEDEAO.

Dans l'affaire Hon. Dr. Jerry Ugokwe v. République fédérale du Nigéria63(*), la Cour a déclaré que la référence à la Charte africaine dans son article 4 du Traité révisé de la CEDEAO aussi bien que dans les autres dispositions permettent à la Cour de « faire intervenir l'application de ces droits catalogués dans la Charte Africaine ». Dans d'autres affaires toutes aussi importantes, la Cour s'est fondée sur les droits garantis par la Charte africaine des droits de l'Homme et des peuples. Il en est ainsi dans l'affaire ChiefEbrimahManneh c/ la République de Gambie64(*). Elle a ainsi jugé que cet Etat était responsable de l'arrestation et de la détention arbitraire du requérant, enfermé in communicado sans jugement. Ce qui est aux antipodes des principes consacré dans la Charte Africaine notamment en ses articles 6 et 7. Dans cette affaire touchant la liberté d'expression, la Cour a, de manière cohérente et convaincante, protégé la libre parole en raison du rôle crucial que joue celle-ci dans le bon fonctionnement de la démocratie.

Toutefois même si le législateur communautaire fait de la Charte une partie intégrante du droit applicable par la Cour de Justice de la CEDEAO, celle-ci l'utilise d'une manière autonome.

B. L'autonomie de la Cour dans l'utilisation des modalités de la Charte

La Haute Cour de justice communautaire de la CEDEAO jouit à l'égard de la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples de pouvoirs que l'on pourrait qualifier de souverains. Elle ne se trouve pas liée par certaines conditions posées par la charte régionale. C'est l'affirmation de l'autonomie de la Cour vis à vis de la CADHP.

La Cour de justice communautaire n'est pas dans un lien de subordination hiérarchique avec la cour régionale. Elle défend de ce fait son « pré-carré » jurisprudentiel, emblème de l'autonomie/spécificité de la Cour vis à vis des juridictions internationale sans se situer néanmoins dans un nombrilisme avilissant.

Faisant une lecture généreuse de cet instrument, elle indiqua dans son arrêt de principe65(*) qu'elle assure la protection des droits énoncés dans la Charte sans pourtant procéder de la même manière que la Commission Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples.

Dans ce présent arrêt qui restera à jamais dans les annales judiciaires, la Cour, alors que même la pratique de l'économie des moyens aurait pu la conduire à s'en tenir aux textes endogènes, a jugé bon dans la mesure où cela servait son dessein pédagogique de se lancer dans l'expéditive. Ceci dans un but d'établir et d'asseoir son autonomie dans l'utilisation des modalités de la Charte. En effet, l'Etat Nigérien, défendeur en l'espèce a soulevé une exception d'irrecevabilité relative à l'épuisement des voies de recours internes. Selon cet Etat incriminé, la condition d'épuisement des voies de recours internes ne figure pas parmi les conditions de recevabilité des cas de violations des droits de l'homme. En raison de cette lacune, les juges doivent s'inspirer de l'article 56 de la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples en exigeant préalablement la saisine du juge national. Mais le juge n'a pas suivi l'Etat Nigérien dans ses prétentions. Il estime en effet que l'absence d'instruments juridiques de la CEDEAO relatifs aux droits de l'homme, fait de la Charte son instrument privilégié pour se prononcer sur des cas de violations des droits de l'homme. Mais ajoute-t-il qu'une distinction doit être faite entre l'énoncé des principes fondamentaux de la Charte (première Partie) et les modalités de mise en oeuvre de ces droits (deuxième partie). En effet, dès lors que cette seconde partie concerne les modalités d'application de la Charte par la Commission africaine, qui en outre, n'est pas une juridiction, il est logique qu'elles ne trouvent pas à s'appliquer à la CJ CEDEAO.

La Cour assure ainsi la protection des droits énoncés dans la Charte sans pourtant procéder de la même manière que la Commission Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples. Cette approche privilégiée par la CJ CEDEAO qui refuse ainsi d'imposer des contraintes procédurales montre la hardiesse et la témérité du juge communautaire. En accordance avec sa jurisprudence de principe, la Cour se complait jusqu'à présent dans cette attitude pragmatique pour demeurer un « bon juge » c'est-à-dire ne pas être ni au service des Etats ni au service des citoyens mais au service exclusif des droits de l'homme.

A la lumière de tout ce qui précède, il est permis de dire que l'arsenal juridique avec lequel travaille la Haute Juridiction communautaire est d'une pertinence indéniable et garantit ainsi une protection efficace des droits de l'homme. L'individu est au coeur de la « nouvelle » CEDEAO. Les textes régionaux et universels énoncent des valeurs communes et supérieures aux Etats créant ainsi des obligations objectives qui s'imposent à eux. Les « textes » de la CEDEAO offrent ainsi plus de droits aux citoyens de l'espace ouest africain en leur permettant d'accéder directement au prétoire du juge communautaire. Egalement sur le plan statuaire, la haute juridiction communautaire bénéficie de garanties pour un contrôle juridictionnel efficace.

Chapitre 2: Les garanties statutaires de la Cour

Le livret de bonne foi des Etats ayant décidé d'élargir le champ de compétence de la Cour de justice communautaire de la CEDEAO doit être aussi lu à l'aune des principes qui s'y attachent. La quintessence de la bonne action de la Cour est intrinsèquement liée à l'armature institutionnelle. En effet ayant pris conscience que le manque ou le défaut d'indépendance peut constituer une épée de Damoclès d'ordre institutionnel, il est apparu opportun de doter la Haute juridiction communautaire d'une certaine autonomie.

En effet, la proclamation des droits de l'homme et l'affirmation de la protection juridictionnelle de ces droits s'accommodent mal avec une certaine organisation de la juridiction. Le cadre institutionnel doit être placé sous l'empire du droit et bâti sur des principes clairs qui ne prêtent à aucune forme d'ambigüité et d'amalgames. A ce titre, les charpentes structurelles actuelles de la Cour permettent ainsi de considérer que le contrôle des droits de l'homme semble bien assuré. La Cour est indépendante des Etats ainsi que des autres institutions de la Communauté. La valeur de l'exemplarité de l'indépendance est un rempart solide qui permet à juste titre de juguler un déraillement du processus de contrôle déjà amorcé. . En effet, un système de protection des droits de l'homme n'est crédible que si Etats et les juges jouent un franc-jeu. Seule la compétence avérée et la non connivence doit être le pivot dans le choix des juges. Ces derniers doivent être indépendants et intègres.

La promotion de l'Homo universalis est plus que jamais engagée. Il est donc nécessaire d'intégrer, d'introniser des éléments en commun que partage la communauté des juridictions internationales au sein de l'ordre communautaire. Sous ce même registre, la Cour fait bon office quant au caractère contraignant et du suivi de l'exécution des décisions qu'elle rend.

En toile de fond, on peut dire que la mesure de bon augure s'apprécie d'abord en amont par l'existence de garantie d'indépendance dans le recrutement des juges (Section1) et en aval par l'existence de garanties fonctionnelles octroyées à la Cour (Section 2).

Section 1 : De l'indépendance des juges

Parce qu'elle est un baromètre important pour mesurer l'efficacité, jauger la crédibilité et l'autorité de la Cour, il est nécessaire que l'indépendance soit garantie. Cette tâche exige, à l'aune d'une protection qui se veut efficace, des modalités de recrutement axées sur une base compétitive confiées à un organe spécialisé qui devra ainsi procéder à l'audition des candidats. A la lumière de la procédure actuelle, cette garantie d'indépendance est désormais assurée (Paragraphe 1). Elle trouve son prolongement dans l'exercice des fonctions des juges qui bénéficient à cet égard d'une intégrité dans leurs actions leur permettant de remplir leurs missions de manière optimale (Paragraphe 2).

Paragraphe 1: Les garanties d'indépendance dans le mode de recrutement des juges

Jusqu'en 2006, les Etats jouaient un rôle de premier plan dans la procédure de recrutement et de nomination des juges qui composent l'organe judiciaire communautaire (A). Toutefois dans les élans de garantir sous tous les angles utiles les droits de l'homme des citoyens vivant dans l'espace ouest africain, le recrutement est désormais confié à un Conseil judicaire (B).

A. Une ancienne modalité de recrutement des juges aux mains des Etats

Avant l'élargissement des compétences de la Cour aux cas de violations des droits de l'homme, les Etats intervenaient en amont et aval du processus de recrutement et de nomination des juges. En effet lorsque les Etats membres de la Communauté Economique des Etats de l'Afrique ont consenti de mettre en place un système pleinement judiciaire, ils ont affiché en même temps leur volonté d'asseoir une parfaite maitrise dans le processus de recrutement des juges qui doivent animer l'organe juridictionnel.

Aux termes de l'article 3(6) du protocole de la Cour de justice A P.7.1.91 relatif à la Cour de justice, « la Conférence des Chefs d'Etats et de Gouvernement nomme les membres de la Cour à partir d'une liste de quatorze personnes présélectionnées sur proposition du Conseil. Elle se compose de sept juges indépendants, désignés par l'Autorité des chefs d'État et de gouvernement de la CEDEAO à partir d'une liste comptant deux juges proposés par État-membre » Il s'agit du Conseil des Ministres de la Communauté composé du ministre des affaires étrangères de la CEDEAO ou de tout autre Etat membre de la Communauté.

En toile de fond, il apparait que ce sont essentiellement des organes politiques qui interviennent dans le mode de désignation et de nomination des juges.

Cette situation peut préjuger une certaine mainmise de l'appareil politique sur le système judiciaire. Même si le principe de la collégialité contribue à neutraliser les individualités et peut ainsi rassurer les Etats sur le caractère prudent des décisions rendues, les risques sont bien latents. La crédibilité de l'institution et son autorité risquent de souffrir des procédures initiées par les Etats, souvent politisées, pour la nomination de ses juges.

Cette situation peut entrainer de ce fait deux conséquences dommageables majeures ; les juges choisis n'auront pas les compétences techniques et les capacités requises pour exercer leurs fonctions ou alors être à la solde d'un Etat et soupçonnables de complicités indignes. Donc, sous ce rapport, des craintes légitimes peuvent être mises en avant qui risquent d'entrainer une relative indépendance ou neutralité des juges ainsi choisis. Ne se croiraient-ils pas être mandataires de leurs propres pays en oubliant que leur mission est de contribuer, par la qualité de leurs décisions, à la construction d'un droit communautaire susceptible de consolider et d'accélérer le processus d'intégration régionale ?

On le voit donc que les conditions de la nomination des juges peuvent faire douter fortement de leur indépendance si bien qu'à la proximité recherchée par une impartialité bien comprise peut se substituer un procès fantoche. La crainte d'un risque de versalité des juges est bien réelle même si l'indépendance collégiale de la Cour est assurée. (Ces risques sont plus réels en droit interne. Il y a un viel adage français qui va en ce sens puisque l'on dit souvent « juge unique, juge inique »).

Ces risques auront des répercussions négatives sur l'image de la Cour et la mise en oeuvre d'une jurisprudence cohérente et convaincante sur les droits humains.

Sous peine donc de voir les juges communautaires devenir de « pâle(s) machine(s) à considérants »66(*)ou de simples figurants serviles des Etats, de juges dociles pour ainsi dire, il est nécessaire pour obvier à cette carence de confier la désignations des juges à un organe spécialisé en la matière et totalement indépendant des Etats membres.

B. Un nouveau mode de recrutement des juges confié à organe spécialisé

Le développement continu du droit dans une société de plus en plus complexe et aux valeurs multiples et concurrentes appelle à l'existence de « juges chargés à la fois de régler les différends et d'identifier des valeurs et principes communs à tous »67(*). Certaines normes sont devenues plus techniques et spécialisées ; elles se contredisent, se chevauchent, se superposent à d'autres tant et si bien que le juge est naturellement sollicité de plus en plus pour décider de leur interprétation, leur champ d'application, combler les lacunes et résoudre les contradictions éventuelles. Une bonne justice nécessite préalablement donc de bons juges pétris de compétence juridique et mais qui sont également intègres (pour ne pas être embarqués dans un micmac). Pour ce faire, il est nécessaire de définir les critères objectifs quant aux choix des juges qui doivent animer l'institution. Les critères de qualification et d'expérience ont été clairement définis pour permettre le recrutement de juges capables de contribuer, par la qualité de leurs décisions, à la construction d'un droit communautaire susceptible de consolider et d'accélérer le processus d'intégration régionale. Dans cette veine, des modalités de recrutement des juges axées sur une base compétitive constituent la condition sine qua none pour garantir ainsi la crédibilité et l'autorité de la Cour.

La Cour a choisi ses juges. Ils doivent être des personnes de haute valeur morale(...) possédant les qualifications requises dans leur pays respectifs pour occuper les plus hautes fonctions juridictionnelles, ou qui sont des jurisconsultes notoires en matière de droit international.68(*)

La Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement a institué en 2006 un Conseil judiciaire de la Communauté pour procéder à la sélection des candidatures afin que ces critères soient mieux respectés. Ce Conseil a pour objectif de « gérer le processus de recrutement des juges de la Cour de justice de la Communauté et des questions disciplinaires »69(*). Il est composé des Présidents des juridictions suprêmes de l'ordre judiciaire ou de leurs représentants, ressortissants des Etats auxquels les postes de juges n'ont pas été attribués. Le Conseil, dans le cadre du recrutement des juges à la Cour, présélectionne trois candidats par Etat membre parmi les postulants. Il auditionne les candidats présélectionnés et fait des recommandations à la Conférence pour la nomination des juges à la Cour de justice de la Communauté. A ce titre, par cette nouvelle procédure de recrutement des juges de la CJ CEDEAO, les Etats n'ont plus le pouvoir de désigner les juges de leur nationalité70(*). Le professeur A.SALL a pu dire « retirer aux Etats la maitrise de tout le processus de désignation des juges, dans des organisations dont on s'est longtemps complu à déplorer la faiblesse constitue un acte audacieux. »71(*). Nommé à titre individuel suite à un appel à candidature, les juges ne représentent pas les Etats dont ils sont les ressortissants. Ce serait injurieux de porter un tel jugement à leur égard. Ce choix de la composition de la Cour et du recrutement des juges est dicté donc par un souci d'éviter une mainmise de l'appareil politique sur le système judiciaire. Par ricochet, il s'est agi d'améliorer les performances de la Cour de Justice de la Communauté et l'amener à contribuer réellement au processus d'intégration. Le Conseil doit donc veiller à la recherche de bon profil. La fonction essentielle des juges étant celle de dire le droit, ils ne pourront s'y consacrer que s'ils sont compétents et intègres

Les critères de moralité et d'indépendance ont été mieux précisés pour s'assurer que les juges possèdent une haute valeur morale à leur entrée en fonction. Pour garantir l'observation de cette valeur pendant toute la durée de leur mandat, il est prévu à la place de la procédure qui habilitait la Cour à s'occuper elle-même des questions de discipline concernant ses propres membres, un mécanisme de règlement de ces questions, ainsi que de celles relatives à l'incapacité physique et mentale des membres de la Cour. Ce mécanisme qui s'inspire de la pratique en cours dans les juridictions nationales, fait intervenir le Conseil judiciaire de la Communauté composé dans ce cas, des Présidents des juridictions suprêmes de l'ordre judiciaire ou de leurs représentants, des Etats dont les ressortissants ne sont pas membres de la Cour et d'un représentant de la Cour, élu pour un an par ses pairs.

L'impact réel du système sous-régional de protection des droits de l'homme se mesure à l'aune du caractère de l'institution mise en place mais également de ceux qui l'anime. Le mode de désignation des juges proposé par la CEDEAO est une balise qui permet d'exciper une certaine versalité des membres pour que la Cour fasse florès.

Ayant été recrutés sur une base compétitive, les juges bénéficient également d'une intégrité dans leurs actions.

Paragraphe 2 : De l'intégrité des juges dans leurs actions

Chargés de promouvoir un véritable espace juridique ouest africain, les juges doivent être dotés de garanties leur permettant de mener à bien leurs missions. L'indépendance (A) et l'impartialité (B) sont les deux mamelles qui concourent à garantir ce sacerdoce.

A. L'indépendance des juges

L'indépendance et l'impartialité sont les deux éléments essentiels de tout procès équitable ainsi que le stipule clairement l'article 10 de la Déclaration universelle des droits de l'homme : « Toute personne a droit, a pleine égalité, à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal indépendant et impartial ». En effet, L'indépendance valorise et consolide le rôle du juge. Elle est selon le dictionnaire Salmon « le fait pour une personne ou une entité de ne dépendre d'aucune autre autorité que la sienne propre »72(*). La juridiction communautaire est à ce titre indépendante car ne dépendant d'aucune autre institution de la Communauté73(*). Corolaire de l'indépendance de la Cour, l'indépendance des juges est consacrée à l'article 3 du Protocole sur la Cour de justice.

Au niveau institutionnel, la juridiction est composée de « sept (7) juges indépendants qui ont juré solennellement d'exercer leurs fonctions et leurs pouvoirs de membres de la Cour de façon honorable et loyale »74(*). Cette garantie d'indépendance n'est pas sans intérêt. Elle permet au juge de statuer en toute liberté. Pour le requérant, la crédibilité de l'institution se trouve assurée en ce sens que les juges ne subissent aucune influence ou pressions extérieures. L'indépendance signifie que les membres de la Haute Juridiction ne sont pas dans un lien de subordination et doivent rendre leur décision en ne subissant aucune influence extérieure. Dans l'affaire, Etim Moses Essien c. la République de Gambie et l'université de Gambie75(*), les deux défenderesses ont dans une curieuse démarche demandé au Président de la Commission de la CEDEAO d'intervenir en leur faveur pour pouvoir interjeter appel de la première décision rendue par la Cour communautaire. Si on sait qu'une telle voie est impossible en l'état actuel de notre droit communautaire, on peut penser que cette initiative vise à soumette l'autorité judiciaire aux ordres de l'autorité politique. Malgré cette complainte, la Cour de céans n'a pas fléchi et est restée fidèle à sa démarche pragmatique consistant à dire le droit sans pour autant froisser la susceptibilité de l'Etat.

L'indépendance est en effet le gage de la crédibilité et de la légitimité auprès des parties et de l'opinion publique. Le juge ne doit pas ainsi accepté d'être dans un deal de compromis ou de compromission. La force du droit doit résister au droit de la force.

Au carrefour de multiples formes d'influence que leur Etat d'origine souhaiterait exercer, on peut dire que les juges sont mis à l'abri (en raison entre autres des privilèges, immunités, incompatibilité de la fonction de juges avec d'autres activités de nature à porter atteinte aux exigencesd'indépendance ou d'impartialité de la profession judiciaire ). Son statut le protège de la malléabilité. En raison de son importance qualitative, la Cour ne doit pas être politisée même si son existence est du fait des Etats. Elle doit faire montre d'un devoir d'ingratitude (Est-il besoin de rappeler que l'heureuse formule est celle de R.BADINTER).

La question de l'indépendance sous l'angle de la nationalité du juge ne semble pas a priori poser problème pour au moins deux raisons évidentes ; Le juge communautaire n'est pas le représentant de son Etat et il n'est pas la continuation de la politique de son Etat par d'autres moyens (heureusement que le principe de la collégialité fait écran à toute velléité de ce genre); il est le grand serviteur exclusif de toute la Communauté.

Dans cette veine, la protection des droits de l'homme se trouve garantie et le saisissant est assuré que sa requête sera traitée avec diligence. Pour que cette exigence soit pleinement remplie, il est nécessaire que le juge soit impartial car un juge peut être indépendant et complètement partial dans son jugement.

B. L'impartialité des juges

Nous l'avons déjà dit. Etre indépendant pour un juge, c'est se trouver dans une situation garantie par un statut qui lui permet de ne pas être soumis à un rapport de subordination et de résister aux pressions extérieures. Toutefois l'indépendance est distincte de l'impartialité. L'impartialité est une qualité interne au juge. Elle fait partie des « vertus du juge » c'est à dire qu'elle renvoie plus à son éthique intérieure moins à son comportement extérieur.

Selon Kojève qui est le grand théoricien de cette distinction portant sur ces deux notions « est impartial celui qui ne préjuge pas une question et qui ne manifeste pas de préférence pour une partie »76(*). Sous l'angle juridique, cette idée est plus explicite. D'après le dictionnaire de droit international, l'impartialité est « l'absence de parti pris, de préjugé et de conflit d'intérêt chez un juge, un arbitre, un expert ou une personne en position analogue par rapport aux parties se présentant devant lui ou par rapport à la question qu'il doit trancher »77(*).

Au sens strict du terme, l'impartialité ne peut être saisie par le droit. Contrairement à l'indépendance, elle n'est pas une situation externe mais tient au « for interne du juge »78(*) . Mais la parfaite rectitude exigée du juge est qu'il n'ait pas de préjugé sur l'affaire qui lui est soumise. A ce titre, le juge devra s'évertuer autant que faire se peut à dompter ses doses de subjectivité qui tenteraient de l'emporter. Aussi, le juge ne doit pas s'identifier émotionnellement aux victimes ; une telle attitude est la traduction évidente d'une absence possible d'impartialité.La collégialité semble même endiguer cette possible impartialité même si d'aucuns y voient « une simple addition des partialités »79(*).

Le juge est un tiers pouvoir impartial et désintéressé  qui est le pendant des parties, qui, elles, sont définies « comme étant personnellement intéressées » au procès80(*). Cette ascèse est fondamentalement recherchée par la CEDEAO en vue d'une meilleure protection des droits de l'homme. Pour y voir plus clair, il faut se référer à la jurisprudence de la Haute juridiction. Les juges procèdent par une démarche très casuistique pour trancher les différends relatifs aux droits de l'homme qui leur sont soumis. En fonction des circonstances, la notion évolue et le juge l'adopte à la situation nouvelle. La vérité judicaire se dégageant aussi sous d'autres cieux, le juge communautaire s'y réfère pour consolider sa position. Le juge communautaire n'est donc pas enfermé dans un carcan pour faire prévaloir sa position. Il est ouvert au monde de la justice pour ne pas appréhender partiellement ou partialement les droits de l'homme. En témoigne les nombreux renvois à la jurisprudence internationale.

La justice doit rester toujours cette femme aux yeux bandés, inflexible et tenant les deux plateaux équilibrés de la balance ou sous la forme inverse d'un oeil unique (justitiae oculus). Cet idéal est également recherché à travers la mise en oeuvre de garanties fonctionnelles.

Section 2 : les garanties fonctionnelles de la Cour de justice

Ces garanties fonctionnelles se manifestent au niveau des rapports entre la Cour et l'ordre communautaire (paragraphe 1) et la reconnaissance de l'autorité des décisions de la Cour (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Les rapports de la Cour avec l'ordre communautaire

Pour permettre à la Cour de justice communautaire de remplir efficacement sa mission, elle bénéficie d'une autonomie à l'égard des institutions communautaires (A) mais également des Etats membres (B).

A. L'autonomie structurelle de la Cour vis à vis   des institutions communautaires

Est-il besoin de rappeler les liens très ténus entre la Cour de justice communautaire et l'organisation sous-régionale ? Point n'est besoin ici d'insister sur cet aspect car le lien qui l'unit à l'organisation de rattachement est indéfectible, c'est évident. Le cordon ombilical entre la Cour et l'organisation qui a été à l'origine de sa naissance n'est pas coupé une fois celle-ci réalisée. Le fonctionnement effectif des juridictions régionales, leur succès dans une large mesure comme éventuelles évolutions, est entièrement conditionné par les contraintes propres de l'organisation-mère. Etcomme le fait remarquer magistralement le professeur Larson  « dépendance n'est pas allégeance. Le cordon juridique entre les juridictions et leurs organisations est de nature organique, non hiérarchique »81(*)Le fait est que la reconnaissance explicite d'un lien de dépendance ne signifie pas nécessairement subordination ou asservissement. Le lien de dépendance reconnu n'empêche pas l'émancipation possible du juge et de la juridiction.

La Cour de justice de la CEDEAO est l'organe judiciaire principal de cette communauté créée par le protocole A.P1.7.91 du 6 juillet 1991 et confirmée par l'article 15 du traité révisé du 24 juillet 1993. Elle n'est pas une instance reléguée à la périphérie de l'organisation. Elle est placée à la cinquième position dans la pyramide institutionnelle de l'organisation sous-régionale. Selon la hiérarchie, la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement vient en première position, en deuxième position le Conseil des Ministres, respectivement en troisième et quatrième position le Parlement et le Conseil Economique et Social. A l'égard de toutes ces institutions communautaires, la Cour de justice bénéficie d'une autonomie et l'article 15 (3) du traité le confirme en ces termes « dans l'exercice de ses fonctions, la Cour de justice est indépendante....des Institutions de la Communauté ».

Erigée en « institution » la CJ CEDEAO est à l'instar des organes de type exécutif ou de type parlementaire garante de la réussite de l'intégration. Pour ne pas ainsi apparaitre comme une juridiction timorée, fébrile, cette insertion dans le maillage institutionnel permet ainsi aux juges d'Abuja de ne subir aucun diktat du pouvoir politique. Les desseins sont ambitieux et se manifestent également dans le fonctionnement et l'organisation de la cour. Ceux-ci, une fois nommés, disposent d'un nombre certain de procédures dont ils pourront tirer profit au maximum afin de mener la politique judiciaire de leur choix. Parmi celles-ci, le pouvoir d'auto-organisation de la Cour est essentiel. Si les juridictions sont indépendantes pour élaborer et amender à leur guise leur règlement intérieur, elles pourront se passer, pendant un temps, de l'accord des Etats pour provoquer des changements dont la raison d'être est exclusivement judiciaire. Il s'agit donc là d'une marge de manoeuvre procédurale liée à l'autonomie structurelle de la Cour.

Toutefois, il ne faut pas se lasser de rappeler qu'excepté le « pré-carré » juridictionnel qui se manifeste dans la maîtrise du Règlement intérieur, il apparaît clairement que la décision d'opérer des réformes d'envergure, comme leur mise en oeuvre, relèvent in fine des instances politiques au sein desquelles les Etats sont maîtres.

Ce caractère indépendant de la Cour a été rappelé dans l'affaire Etim Moses Essien c. la République de Gambie et l'université de Gambie. En l'espèce, les deux défenderesses ont dans une curieuse démarche demandé au Président de la Commission de la CEDEAO d'intervenir en leur faveur pour pouvoir interjeter appel de la première décision rendue par la Cour communautaire. Si on sait qu'une telle voie est impossible en l'état actuel de notre droit communautaire, on peut penser que cette initiative vise à soumette l'autorité judiciaire aux ordres de l'autorité politique. Malgré cette complainte, la Cour de céans n'a pas fléchi et est restée fidèle à sa démarche pragmatique consistant à dire le droit sans pour autant froisser la susceptibilité de l'Etat.

Cette situation s'explique sans doute par la montée en puissance du juge de la CEDEAO surtout dans sa mission de protection des droits humains. En effet si la justice ne joue pas de rôle significatif, on se préoccupe peu de l'influencer mais si, en revanche, elle s'émancipe et prend de l'importance on cherche beaucoup plus à la juguler. Donc cette réaction de la République de Gambie traduit la montée en puissance des juges d'Abuja dans leur rôle de protection des droits de l'homme. C'est ce sentiment de crainte selon, R. Badinter  qu' « éprouve tout pouvoir politique face à une justice qui puisse lui être durablement hostile et qui peut conduire ce même pouvoir à tenter d'avoir des juges dociles »82(*). Eu égard à ces considérations, la consécration de l'indépendance de la Cour à l'égard également des Etats membres se justifie pleinement.

B. Le caractère indépendant de la Cour vis à vis des Etats membres

La viabilité des objectifs assignés à l'organe judiciaire communautaire est étroitement liée au caractère indépendant de l'institution vis à vis non seulement des Institutions de la Communauté mais également des Etats membres. Certes, le pouvoir des juges internationaux est dû fait des États eux-mêmes mais ils ne sont pas dans un lien de subordination.

Ainsi aux termes de l'article 15 du traité « dans l'exercice de ses fonctions, la Cour de justice est indépendante des Etats membres ». Cette disposition est importante à maints égards et ce serait faire preuve d'angélisme que de pas la prévoir expressisverbis. Elle rappelle que les États, si engagés solennellement ne sont pas toujours dans une logique de justice et ils peuvent finir par réaliser et craindre que la logique juridictionnelle qu'ils ont ainsi générée puisse leur échapper en partie et se retourner contre eux. En effet, pour des nécessités pratiques et des besoins concrets liés au prestige de la Cour, la puissance des Etats à défaut d'être contrôlée peut induire une fébrilité de la Cour de céans. Caractérisée ainsi par une « orthodoxie juridictionnelle internationale »83(*) selon L.B.LARSON la Cour de justice de la CEDEAO se place à leur égard des Etats et des particuliers et comme un tiers pouvoir désintéressé et impartial. Ce statut revêt une double portée ; il permet de situer ce pouvoir dans l'exercice de sa fonction de juger et dans son extériorité par rapport aux autres acteurs internationaux plus spécifiquement les Etats. Donc pour être réellement ce tiers, il doit demeurer autonome de toute pression des pouvoirs extérieurs et de tout lien de subordination notamment des Etats. Ces derniers n'ont aucun moyen pour pénétrer le canal juridictionnel en vue de pouvoir exercer une quelconque influence sur la cour de justice de la CEDEAO. D'autre part les arrêts qu'elle rend sont revêtus de l'autorité de la chose jugée. Elle s'impose aux Etats et ceux-ci n'ont à l'heure actuelle aucune voie de recours pour faire appel.

L'architecture institutionnelle de la Cour de céans est symptomatique d'une volonté ferme des Etats membres de bâtir une politique communautaire en matière de protection des droits de l'homme conforme aux exigences internationales. Dans cette veine, il est plus que nécessaire qu'on reconnaisse une autorité aux décisions de la Cour.

Paragraphe 2 : La reconnaissance de l'autorité des décisions de la Cour

La condition d'effectivité de la protection des droits de l'homme est essentiellement liée à la force obligatoire des décisions de la juridiction communautaire (A) mais également à la mise en place d'une politique cohérente dans l'exécution des arrêts de la Cour (B).

A. Le caractère obligatoire des décisions de la Cour

C'est un pléonasme que de le dire car d'une façon tout aussi classique, un arrêt rendu par une juridiction doit s'imposer ergaomnes avec la force contraignante qui sied. Cette exigence participe au premier chapitre à une protection efficace des droits visés dans les différents instruments internationaux et régionaux relatifs aux droits humains. Ainsi, les décisions rendues par la Cour de céans sont obligatoires. Sur ce point on peut dire que la Cour communautaire n'a véritablement pas innové mais a rappelé des principes déjà reconnus et consacrés par les systèmes juridictionnels régionaux de protection des droits de l'homme.

Mais, il faut noter qu'il n'en était pas ainsi dans l'ancien article 11 du Traité de la CEDEAO de 1975 qui ne mentionnait pas la force obligatoire des décisions de la Cour. Source de droit, la jurisprudence communautaire, sous peine d'être vidée de sa substance doit être frappée du sceau de l'obligatoriété. Ainsi le droit positif de la CEDEAO affirme que les arrêts de violation des droits humains sont obligatoires pour les Etats condamnés qui sont tenus de les exécuter. En effet, le protocole de 1991 relatif à la Cour en son article 19(2) et le Traité révisé en son article 15 (4) précisent clairement la portée du caractère obligatoire des décisions de la Cour à l'égard des Etats membres, des Instituions de la Communauté et des personnes physiques et morales. Les décisions sont donc définitives et exécutoires immédiatement. Aux termes de l'article 62 du règlement intérieur de la Cour l'arrêt a force obligatoire à compter du jour de son prononcé.

En outre, on peut remarquer que l'arrêt rendu par la Cour de justice communautaire ne pourra jamais faire l'objet d'un recours devant une autre autorité, qu'elle soit nationale ou surtout internationale. En réalité seule une révision des traités pourrait permettre de contrer la jurisprudence communautaire. Une telle possibilité est pour l'instant hypothétique.

La législation communautaire stipule en son article 76.2 du Traité révisé que la décision de la Cour de justice communautaire est exécutoire et sans appel. Cette valeur définitive des décisions de la Cour a été rappelée dans l'affaire Pr Etim Moses c. République de Gambie et l'université de Gambie du 29 octobre 2007. En effet l'Etat Gambien frustré par la première décision, celle du 14 mars 2007 a adressé une lettre au Président de la Commission pour leur permettre d'interjeter appel (Quelle curieuse démarche!). La Haute juridiction communautaire dans une deuxième décision avant-dire-droit rappelle « qu'en l'état actuel de ses textes de procédures, les décisions qu'elle rende ne sont pas susceptibles d'appel mais seulement la demande en révision ». Les Etats signataires du protocole élargissant les compétences de la CJ CEDEAO semblent bien comprendre cette ligne de conduite. Ainsi dans l'affaire Dame Hadijatou contre Etat du Niger, le ministre nigérien de l'Intégration africaine, SaidouHachimou, avait affirmé que «  l'Etat du Niger se soumettra à la décision de la Cour de justice de la CEDEAO en s'engageant à verser le montant prévu »84(*).

Examinant même les décisions rendues par les juridictions nationales suprêmes relatives à des questions de droits de l'homme, les juges d'Abuja font montre d'une hardiesse et d'une témérité exemplaire. Certains observateurs avertis n'ont pas hésité à affirmer que « le juge communautaire désavoue sans conteste le juge constitutionnel »85(*). L'arrêt du 7 octobre 2011 Isabelle ManaviAmeganvi et autres c/ Etat du Togo contre Etat du Togo86(*) est exemplatif à juste titre. Contrairement au juge interne qui affirme que les députés en cause doivent être considérés comme ayant démissionné de l'hémicycle, le juge communautaire considère en l'espèce que « les députés en cause n'ont jamais régulièrement exprimé leur volonté de démissionner de l'assemblée nationale ». Dans ce cas de figure, le juge communautaire, sommes-nous tentés de le dire avec quelques nuances, relativise l'autorité de la chose jugée des juridictions internes et réaffirme sa plénitude de juridiction en se parant d'être le juge de dernier ressort.

Sous l'empire du droit communautaire, les autorités nationales doivent donc respecter les engagements auxquels ils ont souscrit notamment en se conformant aux décisions rendues par la justice communautaires. En ratifiant le Traité de la CEDEAO, les Etats sont déterminés selon l'article 5, de se « garder de toute action pouvant entraver la réalisation des ... objectifs [de la Communauté] » et sont engagés « à honorer leurs obligations selon le présent Traité ».

Rendant ainsi des décisions qui s'imposent ergaomnes, les Etats membres et les institutions communautaires doivent sans délai prendre toutes les mesures nécessaires propres à assure l'exécution de celles-ci (art 22 para. 3)

B. Une efficacité recherchée dans l'exécution des arrêts de la Cour

La jurisdictio et l'imperium constituent les deux activités du juge. La première dimension est la capacité pour le juge à dire le droit tandis que la seconde consiste dans le pouvoir d'imposer une solution aux parties. « Se limitant donc à  « dire » le droit et non à le faire, l'exécution lui échappe »87(*). Comme les arrêts rendus par la CEDH, la CADH et la CIJ, ceux de la CJCDEAO ont un caractère fondamentalement déclaratoire, faute de «police générale»88(*). Mais ce « discours n'est là qu'en vue d'aboutir à une solution concrète. Il est un moyen et non une fin »89(*). Nous pouvons à ce titre paraphraser François TUKENS qui affirme qu' « un arrêt (...) est la promesse d'un changement pour l'avenir, le début d'un processus qui doit permettre aux droits et libertés dans la voie de l'effectivité »90(*). En acceptant que les personnes physiques puissent s'adresser directement au juge communautaire, les Etats membres de la CEDEAO s'engagent à respecter les arrêts de la Haute juridiction communautaire. La réforme intervenue en 2005 offre ainsi tout un maillage pour une garantie effective des droits des citoyens ouest africains au niveau même de la voie de l'exécution des arrêts de la Cour. En effet, l'article 6 du Protocole AdditionnelA/SP.1/01/05 stipule que « les arrêts de la Cour qui comportent à la charge des personnes ou des Etats une obligation pécuniaire, constituent un titre exécutoire ».

L'autorité de la chose jugée de l'arrêt de la haute juridiction ajoutée aux principes de primauté et de l'effet direct renforcent cet idéal démocratique dont l'exécution ne peut se heurter au niveau national à aucun subterfuge juridique. Il faut relever à ce propos qu'il n'existe pas un ordre juridique hiérarchique entre la Communauté et les Etats membres mais un ordre juridique intégré et harmonisé. La CEDEAO a consacré en effet un monisme juridique sans nécessairement le primat du droit communautaire. Cependant, cela ne dispense pas les Etats membres de l'obligation de mette en exécution les décisions de la Cour de justice de la CEDEAO. Fonctionnant sur la base du principe de primauté du droit communautaire sur le droit interne, les Etats membres sont dans l'obligation de mettre en oeuvre les décisions de la Cour de justice de la CEDEAO. En effet la prévalence du droit communautaire sur le droit national induit que les autorités nationales prennent des mesures compatibles avec l'ordre juridique communautaire. Dans l'arrêt Mamadou Tandjan contre Etat du Niger91(*), le requérant dont « l'arrestation et la détention sont (jugés) arbitraires » demande l'exécution immédiate de la décision de la Cour en application de l'article 15 paragraphe 4 du Traité Révisé de la CEDEAO. Le juge communautaire a rappelé que les Etats membres de la CEDEAO ont l'obligation d'exécuter les décisions de la Cour conformément aux articles 22 du Traité Révisé et 24 du Protocole Additionnel relatif à la Cour. Qu'à ce titre les Etats doivent prendre toutes les dispositions nécessaires pour se conformer à ces dispositions ; qu'ainsi la Cour n'a point besoin d'ordonner l'exécution immédiate de ses propres décisions qui sont « exécutoires à l'égard des Etats dès leur notification ». Sur ce point la Cour est très explicite. On peut citer l'affaire ChiefEbrimah contre la République de Gambie92(*) où les juges d'Abuja demandent aux autorités gambiennes de libérer le prévenu dès réception de la décision. Il en est de même dans une autre affaire mettant un autre ressortissant gambien. Dans cette affaire, la Cour de justice de la CEDEAO a établi que l'arrestation du journaliste Musa Saidykhan, et son placement en détention par les autorités gambiennes étaient illégaux et portaient atteinte à son droit à la liberté personnelle et à un procès équitable, garantis par les articles 6 et 7 de la Charte africaine des droits de l'Homme et des peuples. La Cour ordonne a ordonné à cet effet sa libération93(*).Dans une autre décision rendue le 7 octobre 2011 Isabelle ManaviAmeganviet Autres contre Etat du Togo, la Cour a ordonné à l'Etat du Togo de réparer la violation des droits de l'homme et de payer à chacun des députés « démissionnaires » le montant de trois millions de francs CFA.

Il appartient à l'Etat mis en cause de tirer les conséquences de la violation d'un droit de l'homme en permettant à la partie lésée de recouvrer ses droits ou concomitant en cas d'impossibilité d'ordonner le versement d'une indemnité. L'exécution des arrêts de la Cour est réalisée par le biais du Tribunal de l'Etat membre concerné, en appliquant les Règles de Procédure Civile en vigueur dans ledit Etat membre. Les Etats membres désigneront l'autorité nationale compétente pour recevoir ou exécuter la décision de la Cour et notifieront cette désignation à la Cour. La formule exécutoire est apposée sans autre contrôle que celui de la vérification de l'authenticité du Titre, par l'autorité nationale que le Gouvernement de chacun des Etats membres aura désignée à cet effet94(*). Les Etats membres sont tenus de désigner l'autorité nationale compétente pour recevoir ou exécuter les décisions de la Cour conformément aux règles de procédure civiles en vigueur dans ces Etats. La Cour de justice communautaire a donc besoin nécessairement du concours des Etats membres pour l'application effective des règles communautaires. En effet, comme le fait remarquer Abdoulaye Dièye « la juridiction communautaire et les juridictions des Etats membres de la CEDEAO sont appelées à entretenir des rapports de coopération »95(*) pour une meilleure protection des droits de l'homme.

Les décisions de la CJ CEDEAO vont même souvent jusqu'à « neutraliser le pouvoir de révision des Etats membres »96(*) en indiquant aux Etats la voie à suivre. Dans l'affaire Hissein Habré contre Etat du Sénégal, le juge communautaire estime que même si le Sénégal « a reçu mandat de l'Union Africaine pour juger Monsieur Habré au nom de l'Afrique, la procédure de jugement ne doit pas être confiée aux juridictions nationales déjà existantes au risque de porter atteinte aux droits dont l'ancien président tchadien est titulaire ». Selon la Haute Cour de justice l'expression «...juridiction compétente...» contenue dans ce mandat ne signifie rien d'autre que la mise en place d'un cadre judiciaire ad' hoc dont la création et les attributions trouveraient leur bas-relief dans les dispositions de l'article 15. 2 du Pacte International sur les Droits Civils et Politiques et que le Sénégal est charge de proposer au mandant les formes et modalités de mise en place d'une telle structure. Ce qui signifie que « la mise en oeuvre du mandat de l'Union Africaine doit se faire selon la coutume internationale qui a pris l'habitude dans de telles situations de créer de juridictions ad hoc ou spéciales ». Par cette interprétation du mandat de l'Union africaine, la haute Cour de justice ordonne au Sénégal le respect du principe absolu de la non-rétroactivité. Dans cette présente décision, les juges d'Abuja se sont comportés en de véritables conseillers, de pédagogues avisés mettant en garde l'Etat incriminé contre toute forme de subterfuge juridique ou de manoeuvre dilatoire. Selon la Cour « toute autre entreprise du Sénégal en dehors d'un tel cadre violerait, d'une part, le principe de la non rétroactivité de la loi pénale, consacré par les instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme comme étant un droit intangible et d'autre part, ferait obstruction au respect du principe de l'impunité consacré par les mêmes textes internationaux ».

En cas de non-respect de cette obligation relative à l'exécution des décisions de la Cour, la réforme de 2005 prévoit la possibilité d'exécution forcée. A cet effet l'article 77 (1) du traité donne pouvoir à la Conférence d'imposer des sanctions par contre un État membre qui ne remplit pas ses obligations envers la Communauté. La panoplie de moyens coercitifs énumérés par cette disposition et la crainte de leur application poussent les Etats à ne pas être récalcitrant quant à la nécessité de se conformer aux décisions de la Cour. En effet, la Cour commune de justice de la CEDEAO peut refuser d'entendre toute requête introduite par l'État membre incriminé jusqu'à un tel Etat applique sa décision. La suspension de mesure d'exécution forcée ne peut être relevée qu'en vertu d'une décision de la Cour. L'obligation d'exécuter les arrêts de la Cour suit donc le régime de la responsabilité internationale dont l'engagement entraine trois conséquences. Obligation de la cessation de l'illicite, obligation de réparer, obligation de non-répétition de l'acte.

Eu égard à tout ce qui précède, le constat qui s'impose à ce stade de l'analyse est clair. L'on retient que même si la cour de justice de la CEDEAO n'est pas une juridiction spécialisée dans la protection des droits de l'homme à l'instar de la CEDH, la CIDH ou la CADH, elle baigne néanmoins dans une plénitude démocratique apparente. Suivant le cadre normatif et institutionnel dans lequel s'adosse son action, la protection des droits de l'homme se trouve ainsi garantie. Ainsi, on peut s'accorder avec Franca OFOR pour « dire sans possibilité de contradiction qu'il ya des mesures adéquates provisoire dans le cadre de la CEDEAO pour la protection des droits de l'homme dans la sous-région ».97(*) Qu'il nous soit ainsi permis de paraphraser ici l'ancien Secrétaire général des Nations Unis, Boutros Boutros-Ghali qui déclarait que « la Haye est la capitale mondiale du droit ». Sommes-nous tentés de dire également qu'Abuja (siège de la CJ CEDEAO) est à l'heure actuelle la capitale sous-régionale de protection des droits de l'homme.

Toutefois, ce serait faire preuve d'angélisme que ne pas occulter les limites de cette protection juridictionnelle des droits de l'homme. En effet, si une vue d'ensemble nous donne une première impression assez positive, on peut néanmoins relever quelques insuffisances.

TITRE 2 :

LES LIMITES DE LA COUR DE JUSTICE DE LA CEDEAO DANS SA MISSION DE PROTECTION DES DROITS DE L'HOMME

Le droit reconnu aux personnes physiques de déférer des requêtes relatives à la violation des droits de l'homme à la Haute Cour de justice communautaire est une véritable révolution amorcée par la CEDEAO. Néanmoins ce bond qualitatif se heurte à certains obstacles. En effet, même si les droits de l'homme sont devenus l'une des premières occupations majeures de la Communauté, il est tout de suite apparu que « les murs de l'oppression ne s'effondraient pas à la première sonnerie de clairon »98(*).

C'est pourquoi il faut convenir avec l'éminent professeur Philippe Ardant pour dire que « celui qui étudie les droits fondamentaux ne peut se permettre d'être complaisant. Il doit décrire, montrer les forces comme les faiblesses, proposer peut-être des thèmes de réflexions, des solutions parfois »99(*).

Suivant cette logique, l'on constate malgré l'imposant arsenal normatif, les insuffisances de la protection sont manifestes et pourraient hypothéquer le fonctionnement et l'efficacité de la « nouvelle » Cour. Ainsi, la protection des droits de l'homme par la CJ CEDEAO n'est pas encore achevée ; elle est en perpétuelle construction. Et c'est un truisme que d'affirmer que la Cour est entravée dans son action par différents facteurs (Chapitre 1).

Alors que faire pour remédier à cette situation et rendre perfectible ou moins imparfaite la protection des droits de l'homme ? Sans prétendre disposer l'antidote susceptible de résorber tous les maux, nous nous proposons de donner quelques solutions pour une protection des droits de l'homme plus efficace (Chapitre 2).

Chapitre 1 : Une Cour entravée dans son action

L'adhésion de la CEDEAO à la protection des droits de l'homme est un brevet de démocratie et augure une nouvelle ère visant à accorder une place primordiale à l'individu afin qu'il ait directement voix au chapitre lorsque les acteurs étatiques menacent ses droits.

Néanmoins, en dépit de tous les efforts déployés par l'organisation internationale et particulièrement par l'organe judiciaire pour le renforcement de la protection des droits de l'homme dans l'espace CEDEAO, de réelles insuffisances peuvent être relevées. Ce qui obère l'action de la Cour dans sa mission de protection des droits de l'homme.

Les causes de ces insuffisances sont nombreuses et diversifiées. On peut les aborder en distinguant les causes exogènes (des carences au niveau institutionnel et normatif) et endogènes (du comportement des Etats). Les causes exogènes renvoient aux entraves juridico- institutionnelles de la Cour de justice (Section 2) et les causes endogènes correspondent aux contraintes d'ordre politico-opérationnel (Section 2).

Section 1 : Les entraves juridico- institutionnelles de la Cour de justice

La Cour de justice de la CEDEAO connait depuis 2005 des cas de violation de droits humains. Cependant l'introduction de ce titre de compétence n'a pas entrainé une mutation substantielle de l'organisation et du fonctionnement de la juridiction communautaire. Le cantonnement de la CJ CEDEAO au « classicisme » obère donc la protection des droits humains. On peut donc relever l'existence de contraintes juridiques (Paragraphe 1) et des défaillances institutionnelles du mécanisme de contrôle juridictionnel (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Les contraintes juridiques

A ce niveau, il faut remarquer que l'efficacité de la protection des droits de l'homme est limitée en raison de la surabondance des textes de référence (A). Cette diversité des normes de référence risque de déboucher sur une divergence d'interprétation (B).

A. Une efficacité relative en raison de la surabondance des textes de référence

Aux termes du nouvel article 9 du Protocole du 19 janvier 2005 portant amendement du Protocole A/P /17 /91 relatif à la Cour de Justice de la Communauté, la juridiction de la CEDEAO est compétente pour connaître des cas de violation des droits de l'Homme dans tout Etat membre. Cette formulation elliptique, lapidaire ouvre pourtant un champ de compétence indéterminée Les règles qui délimitent les compétences de cette instance sont actuellement fragmentées et parfois obscures, en l'absence d'une précision de la notion des droits de l'homme et d'un catalogue ouest africain de ces droits. Pis encore, les juges d'Abuja n'ont pas encore procédé à l'élucidation conceptuelle de la notion de droits humains, tâche qui aurait certainement permis de mieux assurer plus efficacement le contrôle des droits humains. Une situation dûe certainement à la configuration institutionnelle de la Cour qui, rappelons-le, n'est pas une juridiction spécialisée dans la protection des droits de l'homme ; elle est rattachée à une organisation internationale dont l'objectif premier est l'intégration économique. A ce titre, elle est doit veiller à l'application et à l'interprétation des normes communautaires.

On peut relever que les juridictions spécialisées dans la protection des droits de l'homme travaillent avec des instruments endogènes pertinents qui constituent les textes de référence essentiels des juges. Ce qui n'exclue pas la possibilité d'invoquer des instruments exogènes. Ad exemplum, la Cour africaine, ainsi que ses homologues européen et interaméricain, est compétente pour interpréter et appliquer l'instrument régional général de protection des droits de l'Homme. La Cour africaine doit veiller à l'interprétation et à la bonne application de la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples, la Cour européenne poursuit les mêmes objectifs avec la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales de même que Cour interaméricaine avec la Convention américaine des droits de l'Homme. Chacun de ses instruments établit donc son propre mécanisme permettant de contrôler sa mise en oeuvre. De fait, il s'est agi d'une affirmation d'une Europe, d'une Afrique et d'une Amérique des droits de l'homme comme un ensemble spécifique au plan universel. Même la CJCE s'est dotée en 2000 d'un texte spécifique, la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne.100(*)

La juridiction de la CEDEAO, elle déroge à cette ontologie classique en s'appuyant sur un corpus de règles extrêmement large, sur des bases textuelles hétéroclites (la DUDH, les deux pactes, la Charte africaine des droits de l'homme et des Peuples, les textes à objet particulier etc.). En effet, la réforme de 2005 qui s'est traduite par l'élargissement de la compétence de la haute juridiction communautaire aux violations des droits de l'homme n'a pas généré ou sécrété un texte spécifique relatif aux droits de l'homme auquel le juge communautaire peut se référer.

L'absence d'un catalogue ouest africain des droits de l'homme avec des mécanismes de sanctions propres peut entrainer, à notre avis deux conséquences dommageables majeures. La première conséquence liée à cette extensibilité des sources est la dilution de la notion des droits de l'homme ; ce qui débouchera inexorablement à sa banalisation par les requérants. En effet, la tendance actuelle est la croissance exponentielle des requêtes fantaisistes et imprécises présentées devant le prétoire du juge communautaire. Ainsi, en l'absence d'un standard jurisprudentiel des droits de l'homme, tout droit violé par un Etat membre est supposé être un droit de l'homme. D'ailleurs, de nombreuses requêtes examinées par la Cour sont qualifiées souvent par les requérants comme étant de violations de droits humains alors qu'au fond elles sont loin de l'être. C'est par exemple, le cas dans la décision rendue par la Cour le 12 octobre 2007 (Affaire Sieur Moussa Léo Keita contre Etat du Mali). Dans cet arrêt, le requérant n'a spécifié aucun droit (droits civils et politiques, droits économiques, sociaux et culturels, droits dits troisième et de quatrième génération) dont la violation aurait été commise par l'Etat du Mali. Ce qui laisse songeur, c'est que le requérant semble dire est que le fait ne pas avoir obtenu satisfaction des juridictions nationales qui constitue une transgression des droits de l'homme. Cette situation est pernicieuse pour la Cour car elle risque de se répercuter sur le raisonnement des juges ou alors entrainer un encombrement de son prétoire. Dans d'autres affaires toutes aussi singulières, des relations contractuelles entre particuliers ont été qualifiés à tort de droits de l'homme (affaire Chief Frank C.Ukor contre Sieur Rachad Laleye et le gouvernement de la République du Bénin 2 novembre 2007). Dans l'affaire Mrs Alice Raphael Chukwudolue et Cie contre la République du Sénégal du 22 novembre 2007 aucun droit de l'homme n'a été spécifié. Parfois, c'est sous le couvert d'une violation des droits humains que les requérants saisissent la Cour pour des affaires relevant au fond du contentieux électoral101(*).

La généralité dans la formulation «  des droits de l'homme » peut aussi avoir des effets négatifs sur l'office du juge lui-même, sur son raisonnement. Si la requête ne présente pas avec toute la clarté souhaitable les faits et les problèmes juridiques, le débat judiciaire risque d'en pâtir. L'élévation d'un débat judicaire est en un impératif. L'arrêt Hon. Dr Jerry Ugokwe du 7 octobre 2005 est symptomatique de cette incurie. En effet, la requête invoque la violation du « droit à un procès équitable » mais ne précise pas une telle violation. A la recherche de l'identification du problème qui lui est posé, la Cour d'Abuja oscille dans son raisonnement entre la question du contentieux électoral et celle de la violation du droit à un procès équitable. La Cour s'est lancée dans des développements qui ne se rapportent pas nécessairement à son office in casu ; le contentieux électoral. Dans certaines affaires, les saisissants mettent en mal le juge communautaire et le juge interne en ne visant pas les dispositions pertinentes relatives à la protection des droits de l'homme. Ainsi, les formulations sont souvent vagues, générales, imprécises et les requêtes ne sont pas assez « circonstanciées ».Certaines demandes présentées devant le prétoire de la Cour donnent parfois à penser que le juge communautaire serait appelé à corriger le juge national suprême. Ce qui laisse croire que la Cour de justice communautaire est une juridiction de cassation ou un troisième degré de juridiction censurant ainsi les décisions des juridictions suprêmes des Etats membres. A titre illustratif on peut citer l'arrêt du 12 octobre 2007, Sieur Moussa Léo Keita contre Etat du Mali. Le requérant insatisfait de la décision de la juridiction suprême de son pays a saisi le juge de la CEDEAO sans spécifier les droits dont la violation aurait été commise par l'Etat du Mali. Celui-ci serait appelé donc à «statuer sur la décision rendue par la Cour suprême du Mali ». Dans ce présent arrêt, heureusement la Cour a affirmé qu'elle « n'a pas compétence pour statuer sur les décisions rendues par les juridictions des Etats membres ». Pourtant dans d'autres décisions, la Cour de la Communauté a désapprouvécertaines décisions des juridictions nationales. Dans l'affaire Isabelle ManaviAmeganvi et Autres contre Etat du Togo du 7 octobre 2011, le juge communautaire est allé à contre-courant du juge constitutionnel togolais en estimant que « les députés n'ont jamais exprimé régulièrement leur volonté de démissionner de l'Assemblée nationale ».

On le voit, c'est la réforme opérée en 2005 qui porte une dynamique pernicieuse, des effets pervers susceptibles d'affaiblir le contrôle juridictionnel des droits humains.

L'absence d'un catalogue des droits humains aurait donc pour fâcheuse conséquence d'entrainer une dilution de la notion des droits de l'homme. Submergée par des requêtes fantaisistes et imprécises, la Cour en pâtira et affaissera ainsi son contrôle, si on n'y prête pas garde.

Egalement, la diversité des normes de référence risque de générer une divergence d'interprétation. Ce qui nuit gravement à la protection des droits de l'homme.

B. Un risque latent d'une divergence d'interprétations des textes

Devant l'imprécision de la notion des droits de l'homme, la multiplicité des textes de référence, la consécration d'un « ordre juridique autonome » de la CEDEAO, une divergence d'interprétation entre la Cour de justice communautaire et les autres Cours internationales pourrait se poser. La Cour aime rappeler le plus souvent son autonomie. Elle a eu à affirmer que malgré que la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples soit son instrument privilégié, elle n'est liée pas par toutes les conditions posées par ladite Charte régionale102(*). De même, elle a affirmé son autonomie par rapport à la jurisprudence des autres Cours103(*). Ce qui est tout à fait normal à condition que les juges ne soient pas enfermés dans un nombrilisme dévastateur.

Selon le professeur H.Ascensio, « les imprécisions, les lacunes, les incertitudes ne constituent nullement au « dire » du droit. La fonction du juge est d'y pourvoir »104(*). En effet, les droits de l'homme n'étant pas des notions absolues et statiques, mais toujours très étroitement liés aux sociétés qui les appliquent, chaque juge interprétera un texte en fonction de sa formation, du milieu où s'applique le traité. C'est dire donc sous ce registre que « la technique d'interprétation est indissociable de la subjectivité de l'interprète »105(*). La subjectivité de l'interprète va se matérialiser par le choix de techniques interprétatives permettant soit la préservation de l'intérêt étatique ou alors de l'intérêt individuel. Cependant, prévient P.Bercis une « conception statique des droits de l'homme dans un monde dynamique est par avance voué à l'échec »106(*). Mais une interprétation « dynamique » ou « évolutive » ne risquerait-elle pas d'aboutir sur une contrariété de jurisprudence» ? Si des divergences existent sur l'interprétation d'un même texte, quid si le juge travaille avec une panoplie d'instruments ayant chacun son propre mécanisme de sanction ? Comme le dit éloquemment Ascensio, il est admis que « l'activité juridictionnelle n'est pas un jeu de loterie, ni un automatisme107(*) », mais relève d'une dynamique d'interprétation en fonction des cas présentés. Ce qui laisserait a priori ouverte la possibilité d'une interprétation autonome dans le cadre de la CJ CEDEAO. L'interprétation d'un texte ne relèverait-elle alors de la culture des juges et du milieu de sécrétion des instruments. Le contenu évolutif des traités influe obligatoirement sur les méthodes d'interprétation. Instruments vivants, « les traités droits de l'homme doivent selon S.Touzé être continuellement mis à jour afin de rester dans les aspirations dans lesquelles ils évoluent, s'appliquent et sont invoqués »108(*). A cette fin, les organes de protection peuvent réévaluer le critère finaliste objectif aux dépens des critères de l'intention initiale des parties. Le choix du référentiel peut se fonder sur l'interprétation téléologique qui pourra de ce fait étendre la portée des droits garantis. La démarche qui peut dépendre de facteurs extra-juridiques est développée sur la base d'une alternative interprétative oscillant entre l'interprétation assurant le meilleur droit en l'espèce et un équilibre entre intérêt général et droits individuels. En effet, au regard des différentes conventions « droits de l'homme », les organes juridictionnels et quasi-juridictionnels de protection des droits de l'homme disposent d'une compétence générale d'interprétation et, ce à ce titre, peuvent mettre en oeuvre l'ensemble des techniques interprétatives à leur disposition (directives interprétatives de la Convention de vienne de 1969). (La question est de savoir si pour interpréter une convention internationale, il faut se tourner vers le passé ou vers l'avenir).

On peut donner comme exemple de divergence jurisprudentielle en se référant aux rapports entre la Cour de Strasbourg et la Cour de Luxembourg sur l'interprétation et l'application de la CEDH. La Cour de justice des Communautés n'est pas juridiquement liée par l'interprétation des articles de la Convention donnée par les organes de Strasbourg109(*). Naturellement donc ceci peut entrainer des divergences d'interprétation. Il peut s'agir de divergences réelles. Par exemple, la Cour de justice a jugé que le droit au respect du domicile ne s'appliquait pas aux locaux commerciaux110(*) contrairement à la Cour européenne des droits de l'homme111(*). Il peut s'agir également de divergences virtuelles. Au libéralisme qui caractérise l'interprétation de l'article 8 de la CEDH (protection de la vie privée et familiale) effectuée par la Cour de Strasbourg112(*) sur le traitement de la question de l'homosexualité, répond le conservatisme de la Cour de Luxembourg113(*). On le voit, l'uniformité du Droit européen est menacée.On relèvera à ce propos également un passage intéressant dans l'arrêt Grant contre South -West trains Ltd du 17 février 1998 ; la Cour de justice des Communautés européennes affirme ne pas être tenue de s'aligner sur la signification que le Comité des Droits de l'Homme semblait avoir reconnu à la notion de « discrimination fondée sur le sexe » telle qu'elle figure aux articles 2 et 26 du PIDCP. Selon la Cour de justice , « cet organe [le Comité des Droits de L'Homme ] qui n'est d'ailleurs pas une instance juridictionnelle , et dont les constatations sont dépourvues de valeur juridique contraignante s'est borné à faire une observation en ce sens sans motivations particulières ».

Le même raisonnement peut être fait s'agissant de l'organe judiciaire de la CEDEAO. La haute Cour de justice fait référence à la CAHDP et non à l'interprétation donnée par la Cour africaine. La CJ CEDEAO et la Cour africaine deviendront-elle des « soeurs-ennemies » ? Ce qui risquerait d'aboutir sur une anarchie jurisprudentielle ou pire encore une « guerre des juridictions ». Mais on pourrait se demander si la Charte peut être séparée de son interprétation, lorsqu'on songe un tant soit peu à la jurisprudence de Cour continentalequi a toujours affirmé que la Charte est un instrument vivant et doit être interprétée à la lumière du progrès du monde moderne. Une divergence de jurisprudence peut donc naitre en l'absence d'une coordination et d'un minimum de centralisation entre les deux juridictions (notre propos n'est nullement de dire que la CJ CEDEAO doit allégeance et révérence à la Cour africaine). On s'imagine sans peine le désarroi du justiciable confronté à des législations concurrentes et potentiellement dissonantes. Si la CJ CEDEAO interprète le contenu d'un droit fondamental d'une manière différente de celle de la Cour africaine, il y a un réel danger que l'autorité de l'une des deux soit ébranlée. Gare à celui qui rendra une mauvaise jurisprudence car prévient l'éminent professeur Karagiannis « une mauvaise jurisprudence en droit international ne pouvant pas être facilement corrigée, le juge qui l'aura rendue risquera de la trainer pendant longtemps comme un boulet »114(*). Une contrariété de jurisprudence surtout en matière de protection des droits humains ne se trouverait pas ainsi affaiblie au moment où celle-ci doit être de plus en plus renforcée ?

Au-delà des contraintes juridiques, on peut relever des défaillances d'ordre institutionnel qui limitent considérablement l'efficacité de la protection des droits de l'homme.

Paragraphe 2 : Les défaillances institutionnelles du mécanisme de contrôle juridictionnel

Le mécanisme de contrôle juridictionnel souffre actuellement de deux déficiences tenant d'une part à l'incertitude de la procédure de règlement à l'amiable et de médiation (A) et d'autre part à l'absence d'un mécanisme de filtrage approprié(B).

A. L'incertitude de la procédure de règlement à l'amiable et de médiation

Le Protocole relatif à la Cour de justice de la CEDEAO subordonnait l'action devant celle-ci à l'échec d'une tentative de règlement amiable. La capacité contentieuse des personnes privées étaient donc fortement limitée. Plus désespérant encore, ce protocole ne définissait pas les modalités de ce préalable amiable. En effet, le protocole ne précisait pas celui qui doit entreprendre l'initiative et le professeur A. Sall se pose à ce titre les questions suivantes115(*) ? Est-ce que ce sont les plaignants, personnes privées, qui doivent engager une démarche conciliatrice auprès de l'Etat membre ou de l'institution incriminée ou fallait-il que ce fût l'Etat membre dont ils sont ressortissants qui accomplît cet acte ? Est que ce que la Cour pourrait-elle vérifier l'existence de cette procédure et en cas d'échec y pourvoir ? Sur toutes ces questions, le protocole était muet. La réforme initiée en 2005 a levé toutes ces incertitudes. Les articles 9 et 10 du nouveau protocole (Protocole additionnel du 19 janvier 2005) ne mentionnent pas le préalable amiable. Ce qui consacre un droit à agir directement devant la Cour et la relégation de la procédure de règlement au magasin des accessoires, à la périphérie dans la résolution des différends.

Il est vrai que l'importance du droit au juge est considérable dans la mesure où il n'est autre que la conséquence de la prééminence du droit : s'il n'était pas consacré, il serait illusoire de parler de bonne justice et de procès équitable. Loin s'en faut ! Mais le réalisme aurait également voulu eu égard au caractère très sensible des droits de l'homme (Aucun Etat ne veut être attrait devant une juridiction internationale pour cause de violation de droits humains) qu'on réajusta le cadre institutionnel de la Cour pour une protection effective des droits de l'homme. Sous ce rapport, on peut regretter l'inexistence d'une procédure de règlement à l'amiable des différends relatifs à des cas de violation des droits de l'homme au sein de l'armature institutionnelle de la haute cour de justice communautaire de la CEDEAO.

Le règlement à l'amiable reflète une tradition africaine, illustrée par le jugement sous « l'arbre à palabres », où la conciliation est privilégiée par rapport à la confrontation. C'est pourquoi la Cour africaine insiste sur ce règlement des différends à l'amiable116(*). Il s'est agi ainsi d'avoir pour leitmotiv le dialogue car « l'Africain serait davantage attaché aux modes transactionnels qu'aux modes juridictionnels qui aboutissent à une condamnation ouverte, à une sanction indexant l'une des parties »117(*).

Un règlement amiable est un accord entre les parties qui est de nature à mettre un terme à la requête. Lorsque le requérant et l'Etat concerné se mettent d'accord pour clore le litige les opposant, en faisant des concessions réciproques, le plus souvent cela se traduit par le versement d'une somme d'argent au requérant. La procédure de règlement amiable vient tempérer le caractère juridictionnel des juridictions et présente un avantage par rapport au système juridictionnel. Les procédures juridictionnelles sont souvent synonymes de « chicane » et de « paperassie » ; cette voie permet ainsi de résoudre la question sous un terrain politique. Elle suppose nécessairement que les deux Parties soient en accord sur la solution définitive fût-elle injuste, comme le dit le viel aphorisme « un bon arrangement vaut mieux qu'un bon procès ».

Cette procédure facilite dès l'abord la résolution des litiges, ensuite lorsqu'un accord est trouvé, cela permet à la Cour de se désengorger d'un certain nombre de requêtes. En effet, après avoir examiné les termes du règlement amiable, et si elle estime que le respect des droits de l'homme ne justifie pas le maintien de la requête, la Cour raye l'affaire du rôle.

La CEDH a ainsi prévu pour la Cour EDH un mécanisme de règlement des différends à l'amiable. Si la Cour déclare une requête recevable, elle se met à la disposition des intéressés en vue de parvenir à un règlement amiable de l'affaire118(*). La Chambre prend alors toutes mesures appropriées pour faciliter la conclusion d'un tel règlement selon l'article 62-1 du règlement intérieur de la Cour. Ces négociations, qui impliquent des concessions réciproques, sont importantes car les tentatives de médiation peuvent être souvent fructueuses surtout dans le système ouest africain.

Toutefois, des limites existent car le règlement amiable doit s'inspirer du respect des droits de l'homme: les solutions à l'amiable doivent être respectueuse des droits fondamentaux lesquels ne sauraient être sacrifiés sur l'autel du dialogue et de la conciliation. C'est dire que toute transaction sur les droits garantis par les textes est interdite et seule la réparation est négociable. Si le règlement amiable est signé, la Cour raye l'affaire du rôle par une décision qui se limite à un bref exposé des faits et de la solution adoptée. Dans le cas contraire, la procédure suit son cours.

Au-delà de cette déficience, on peut relever également que l'absence d'une chambre de filtrage des requêtes individuelles constitue un obstacle à la garantie des droits de l'homme.

B. L'absence d'un mécanisme de filtrage approprié

Nous sommes convaincus que la voie la plus parfaite pour assurer la protection des droits l'homme est constituée par la possibilité reconnue aux individus de recourir directement à un juge. Le système institué par la CEDEAO pour la garantie de ces droits est à bien des égards salutaire. Néanmoins, l'absence d'une structures spécifique chargée du filtrage des requêtes individuelles risque de handicaper lourdement la tâche des juges de la CEDEAO ; si elle ne l'est pas déjà ! En effet, le système judicaire de la CEDEAO tel qu'il est structuré ne donne à la Cour de se prononcer à la fois sur la recevabilité et l'examen des requêtes individuelles (on rappelle que les requérants n'ont pas besoin d'épuiser les voies de recours internes pour saisir la Cour). Cette structuration actuelle peut entrainer deux effets pervers majeurs, nuisibles à toute garantie juridictionnelle des droits de l'homme ; une croissance exponentielle des requêtes fondée à tort ou à raison sur une violation des droits de l'homme et une lenteur dans l'examen des requêtes déposées au prétoire de la Cour. Depuis la réforme intervenue en 2005 qui a permis aux personnes physiques de saisir la justice communautaire pour faire constater qu'un Etat membre a violé un ou des droits de l'homme, la Cour d'Abuja est submergée de requêtes ayant essentiellement trait à ce nouveau titre de compétence119(*). Le contentieux massif auquel la Cour doit faire face soulève une appréhension justifiée, d'autant plus que l'extension légitime de la compétence rationeloci et ratione materiae de la Cour confère au juge d'Abuja la responsabilité de Juge suprême pour l'ensemble des Etats membres de la CEDEAO.

Juge de première instance de 15 Etats en matière de violation des droits de l'homme, en ce sens que l'Etat ne fait plus écran et l'épuisement des voies de recours internes n'étant pas une condition exigée pour faire valoir ses prétentions, il est de plus en plus sollicité par les citoyens ouest africains. Ces derniers ne sont pas dupes ; ils en profitent eu égard au manque de confiance des juges internes et à la complexité de saisine du juge régional. L'ouverture de cette brèche dénote, on l'imagine sans aucun doute un usage chicanier et frivole du droit de recours individuel. On ne peut manquer à la lecture de la jurisprudence communautaire de relever la carence, l'incurie et la mauvaise foi de certains requérants ; des requêtes fantaisistes ou fantoches fondées à tort sur une violation des droits de l'homme. Des personnes privées sont attrait à la Cour alors que le Protocole ne vise que les Etats membres. Parfois c'est le système judicaire interne qui est mis en cause120(*). Un litige relatif au mode de rémunération a été qualifié de violation de droits humains121(*). Il en est ainsi du contentieux électoral122(*). Il revient à la Cour de justice de la CEDEAO, seule, de statuer sur des cas de violations des droits de l'homme présentées devant elle. La Cour est, faut-il le rappeler, submergée de requêtes individuelles. Ce faisant, l'efficacité recherchée par ce contrôle juridictionnel des droits de l'homme se trouve ainsi compromis. Les requêtes individuelles fantaisistes risquent d'asphyxier le contrôle juridictionnel des droits de l'homme.

Par ricochet donc, la croissance exponentielle des requêtes relatives aux cas de violation des droits de l'homme présentées au juge d'Abuja aura certainement des incidences négatives. Il s'agit en effet d'une lenteur dans l'examen des requêtes ; l'appareil institutionnel fonctionnerait au ralenti à raison du nombre de requêtes à traiter. La consécration d'un droit de saisine des particuliers comporte un risque d'asphyxier la Cour et un risque d'allongement des délais de règlement des litiges. La notion de délai raisonnable risque ainsi d'être vidée de ton son sens. Ce qui obère l'action de la Cour dans sa mission de protection des droits de l'homme.Victime de son propre succès, la Cour ne risque-t-elle d'être inadaptée face à ce flot de requêtes individuelles à traiter ? C'est dans cette perspective de tarir le flot de requêtes présentées dans la Cour Européenne des Droits de l'Homme en vue de garantir une protection juridictionnelle des droits de l'homme que fut adoptée le Protocole n° 14123(*).

Le problème des retards judiciaires est en effet de nature à entrainer un discrédit sur l'institution judiciaire et érode la foi des citoyens sur le pouvoir judiciaire. La Cour doit donc s'assurer que les allégations de violations des droits humains soient traitées efficacement et avec diligence. Il y va de la crédibilité de l'institution judiciaire qui cherche à asseoir son autorité aux yeux des Etats et des particuliers. La célérité dans le traitement des affaires est gage d'une efficacité certaine de la protection des droits de l'homme.

Il y a cependant d'autres problèmes qui, s'ils ne sont pas correctement traités peuvent conduire à des retards dans la poursuite des requêtes. Un d'eux est le problème de la traduction des documents déposés à la Cour. L'article 32 (2) prévoit la traduction de pièces de procédure déposées par les institutions. Aucune disposition similaire n'a été faite à l'égard de pièces de procédure déposées par des personnes privées et morales. La Cour a donc la lourde responsabilité de traduire des documents déposés dans les langues de travail de la Cour (anglais, français et portugais). Le résultat de ceci est que la poursuite des cas peut être ajournée si les documents n'ont pas été traduits en raison de la charge de travail sur les traducteurs. Il est donc nécessaire de revoir la prestation de cet article.

Eu égard à ces considérations qui précédent, il apparait clairement que la protection des droits de l'homme par la Cour de justice communautaire est limitée du fait des insuffisances d'ordre juridico-institutionnel. Au-delà de ces entraves, il existe également des contraintes d'ordre politico-opérationnel.

Section 2 : Les contraintes d'ordre politico-opérationnel

Le mécanisme de protection des droits de l'homme si élaboré soit-il n'empêche cependant pas que dans certains cas certaines caractéristiques des relations internationales diminuent l'efficacité des décisions de la Cour. Il s'agit de contrainte d'ordre politique (Paragraphe 1) et opérationnel (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Les contraintes d'ordre politique

La principale limite de la protection de la protection de droits de l'homme est le manque de collaboration des autorités étatiques (A). Dans certains cas, ce manque de collaboration est plus criard car les Etats tendent à remette en cause l'autorité de la Cour d'où la question de savoir si cette situation ne va pas entrainer une déliquescence de l'autorité du juge communautaire (B).

A. Le manque de collaboration des autorités étatiques

La première hypothèque de l'efficacité des droits de l'homme est le manque de collaboration des acteurs étatiques. En dépit des déclarations, des énonciations formelles et de l'ingénierie institutionnelle, il est triste de constater que les Etats rechignent à respecter des engagements auxquels ils ont librement consentis. Ainsi on proclame ses professions de foi mais on ne les applique pas. Le fossé entre théorie et pratique en matière surtout de protection des droits de l'homme reste très profond. Si ce n'est pas la persistance de la violation des droits de l'homme124(*) qui est ainsi relevée c'est le refus d'exécuter les sentences judicaires prononcées par la CJ CEDEAO. L'image n'est pas le reflet que le miroir renvoie

Pourtant, à travers leur loi fondamentale et la référence aux textes juridiques régionaux et internationaux, les Etats membres de la CEDEAO s'étaient engagés dans une croisade en faveur d'une société solidement démocratique, condition sine qua none pour la réussite de l'intégration. Mais le paradoxe des droits de l'homme c'est que « l'Etat constitue à la fois le protecteur et le principal responsable de leurs violations »125(*) au nom de ses intérêts souverains de puissance publique.

Selon l'ancien secrétaire exécutif de la CEDEAO AbassBundu, il n'existe pas encore « une culture d'intégration dans la région »126(*)ouest africaine. Certains Etats, malgré même qu'ils soient convaincus de « l'importance de la Cour de Justice dans l'élimination des obstacles à la réalisation des objectifs de la Communauté et l'accélération du processus d'intégration »127(*) refusent même de comparaitre ou d'être représentés à la Cour de justice de la CEDEAO. On pense à l'attitude de la République de Gambie, qui à deux reprises s'est signalée de très mauvaises manières128(*). Cette mauvaise volonté est de nature à dérailler le mécanisme de protection des droits de l'homme amorcé récemment par la CEDEAO. On pourrait aussi citer l'affaire KalawoleO.O.James c/ Le Conseil des Ministres de la CEDEAO, Parlement de la CEDEAO, Commission de la CEDEAO 16 mai 2008 même si la requête n'était pas relative à une violation des droits de l'homme. En l'espèce, le juge relève que « les défendeurs n'ont ni comparu ni été représenté ». Cette situation doit être déplorée. Elle démontre les limites de la « Communauté fondée sur le droit » que l'on a entendu mettre en place à travers la création d'une juridiction communautaire permanente.

Egalement le mécanisme de protection des droits de l'homme si élaboré soit-il n'empêche cependant pas que dans certains cas certaines caractéristiques des relations internationales diminuent l'efficacité des décisions de la Cour. La modulation de la portée des engagements souscrits du fait de la souveraineté étatique est donc une épée de Damoclès qui risque d'annihiler toute efficacité de la protection juridictionnelle des droits de l'homme. On peut donner ici l'exemple de la République de Togo qui a refusé la réintégration des neuf députés de l'ANC129(*) ou la position de la République du Sénégal qui relève que l'arrêt de la Cour de justice de la CEDEAO n'est pas une contrainte d'ordre interne. Tout en gardant à l'esprit son devoir de respecter son obligation conventionnelle, il affirme qu'il n'en est pas moins soumis à l'autorité de la décision de cette Cour communautaire130(*).

Le succès de bon aloi d'une juridiction surtout à caractère international demeure intrinsèquement lié à l'acceptation si dure soit elle de la décision rendue par la partie la plus forte. Ici les Etats. C'est l'expression simple de l'adage paterelegemquamipsefecisti (respecte la loi que tu t'es toi-même donnée).

Enfin, un certain nombre d'atteintes graves aux droits de l'homme continuent d'être perpétrés malgré l'adhésion formelle. L'Afrique contemporaine demeure donc toujours considérée comme une zone de non droit, de la violation systématique des droits de l'homme131(*).

Sous un autre registre, les Etats ont manifestement (hélas !) transposé au niveau de l'ordre juridique communautaire leurs mauvaises habitudes. Cette situation ne va-t-elle pas entrainer une déliquescence de l'autorité du juge communautaire ?

B. Vers une déliquescence de l'autorité du juge communautaire ?

En acceptant l'élargissement de la compétence au domaine sensible de la violation des droits de l'homme, les Etats membres de la CEDEAO ont consenti à mettre en place un système pleinement judiciaire fonctionnant selon les règles de l'Etat de droit. Or, la principale caractéristique d'une Cour de justice dans un système régi par l'Etat de droit, c'est la confiance que les justiciables, qu'ils soient étatiques ou particuliers, accordent à cette juridiction. Ce qui signifie que « le droit, ce n'est pas le juge »132(*) mais son respect dépend essentiellement de la volonté et de la bonne foi des acteurs étatiques et des particuliers. Cependant, ce principe universel n'est pas tout à fait appliqué et les Etats ont transposé hélas, leurs mauvaises habitudes au niveau supranational d'où une crainte bien légitime d'un affaissement progressif de l'autorité du juge communautaire. En effet, avouons-le ouvertement, le fait d'interpeller la justice de la CEDEAO illustre jusqu'à quel point la justice nationale des pays membres perd la confiance du justiciable. Si le citoyen désabusé choisit de s'adresser à une instance extérieure, c'est qu'il la juge plus crédible que celle de son propre pays. Mais ne faut-il pas craindre de la voir un jour muselée par les politiques qui l'ont créée à cause de son succès ? Il semble à la lecture de certaines décisions rendues par la Cour de justice de la CEDEAO que les Etats commencent à fausser les règles du jeu initial en s'attaquant même à l'autorité du juge.

Le comportement de la République de Gambie est significatif à cet égard. Dans l'affaire Etim Moses Essien contre la République de Gambie et l'Université de Gambie du 29 octobre 2007, le juge relève que « les défenderesses ainsi que leurs avocats n'ont ni comparu ni été représentés ». Elles ont tenu à adresser à deux reprises des lettres au Président de la Commission pour exprimer leur mécontentement de la décision rendue par la Cour de justice de la Communauté et pour « demander au Président de la Commission d'intervenir pour leur permettre d'interjeter appel »133(*). Selon le professeur Alioune SALL, en adoptant cette attitude « déplacée », l'Etat Gambien a « superbement défié la Cour »134(*). En effet, suggérer que l'autorité politique intervienne dans la sphère judiciaire à un moment où la procédure suit son cours normal, c'est d'une part n'accorder aucun crédit à l'autorité judicaire (remise en cause même de ses attributs) et d'autre part suggérer que les juges soient placés sous l'autorité des institutions politiques. Cette suggestion implicite de la supériorité processuelle et substantielle de la décision politique sur la décision juridictionnelle est préjudiciable pour la Cour car elle nuit gravement à la protection des droits de l'homme.

Dans une autre affaire rendue 5 juin 2008 mettant en cause le même Etat ; Ebrimah contre République de Gambie, la défenderesse a adopté le même comportement vis à vis de la Cour. L'Etat gambien a refusé de comparaitre « malgré tous les efforts déployés par la Cour pour l'amener à prendre part au procès »135(*). Dans l'affaire relative aux vrais faux démissionnaires de l'Assemblée Nationale, saisie en omission de statuer, la juridiction communautaire a refusé d'aller plus loin que dans sa précédente décision136(*). La Cour de Justice de la CEDEAO affirme en effet que les députés n'ont jamais démissionné et que leurs droits de l'homme ont été violés par l'Assemblée Nationale et  la Cour Constitutionnelle, citant en appui le point 15 de l'Arrêt « A cet égard la Cour observe que son arrêt appelé en omission de statuer a admis la violation d'un droit de l'homme, précisément le droit des Requérants à être entendu par la plénière de l'Assemblée Nationale, et même ultérieurement par la Cour Constitutionnelle. »Se référant au point 14 de l'Arrêt le juge communautaire s'autolimite : « La Cour note que dans ce contexte, la réintégration des requérants à l'Assemblée Nationale Togolaise apparait simplement comme une conséquence éventuelle d'une violation d'un droit de l'homme pouvant être constatée au détriment des Requérants, et non comme un chef de demande sur lequel la Cour doit statuer en tant que tel. ». Elle s'est abstenue de se prononcer sur le mode de réparation du préjudice résultant des conséquences politiques du remplacement irrégulier des neuf députés. La Cour refuse systématiquement de prononcer le mot réintégration.

Pour qu'un Droit (surtout le droit international ou régional) s'impose, il est nécessaire que toutes les parties c'est à dire les destinataires des sentences judicaires soient disposées à respecter celles-ci. La Cour semble être prudente et timide voire contrariée quand un Etat vicie les règles élémentaires qui gouvernent son office. En effet, il est de constat général que « le juge ouest africain n'exerce pas son pouvoir d'interprétation dans des conditions tout à fait stabilisées »137(*). Mis devant une telle situation, le juge préfère se refuser dans l'autolimitation afin de ne pas être accusé de favoriser le spectre d'un « gouvernement des juges » au sein de l'ordre communautaire. C'est également le cas du juge de l'UEMOA qui a fait preuve de timidité et de manque de courage dans l'affaire Eugène YAI en se pliant aux ordres de la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement. Le professeur SY faisant le commentaire de cette décision à p écrire : « cette décision est révélatrice des difficultés du juge communautaire qui doit faire respecter la légalité communautaire, faire avancer l'intégration économique, et aussi tenir compte de la volonté des Chefs d'Etat et de Gouvernement »138(*).

Sans s'incliner toujours dans une forme de « self-restraint », les juges d'Abuja doivent s'affirmer tout en restant fidèles et adossés au « pré-carré » préétabli. Ils auraient pu rappeler à l'Etat Gambien les obligations liées à son engagement international ou l'importance de la fonction juridictionnelle dans une entreprise d'intégration. Ils auraient également pu afin de redorer le blason de la Cour rappelé l'indépendance de la Cour vis à vis des Etats mais également et surtout des institutions de la Communauté.

C'est dire que les réformes ne servent à rien et l'adoption d'un traité idéal a peu d'importance si les Etats membres ne se décident pas à considérer la protection des droits de l'homme comme une importante entreprise nationale. Les droits de l'homme, sont à  la fois un objectif de l'organisation et un moyen pour atteindre les objectifs de l'intégration. Au niveau opérationnel également des contraintes peuvent être relevées.

Paragraphe 2 : les contraintes d'ordre opérationnel

Ces contraintes sont relatives d'une part à la méconnaissance de la Cour (A) et d'autre part au caractère incertain de l'exécution des arrêts de la Cour (B).

A. La Cour de la justice communautaire, une juridiction méconnue

Régie par le protocole A/P1/7/91 du 06 Juillet 1991 amendé par le protocole A/P1/01/05 du 19 Janvier 2005, la Cour de justice de la Communauté joue un rôle majeur dans la création et le maintien d'un environnement juridique propice à la réalisation des objectifs de la CEDEAO. Elle a, entre autres, pour mission de promouvoir l'intégration judiciaire, le règlement des différends dont elle est saisie, l'interprétation et l'application du Traité, les conventions, les protocoles et autres instruments juridiques de la Communauté. Elle a aussi pour mission la détermination des cas de violation du droit humain dans tous les pays membres de la CEDEAO et d'autres mandats auxiliaires, de manière efficace et opportune.

Pourtant malgré que les compétences de la Cour soient diverses, il est patent de constater que cette juridiction reste méconnue. En effet la Haute cour de justice communautaire n'est pas très bien connue de ses ressortissants voire même des Etats en ce qui concerne les règles procédurales. En effet, il est arrivé que des Etats, devant la Cour de la CEDEAO, se trompent sur les procédures en vigueur: un Etat a, à un stade de la procédure, au moins évoqué la possibilité d' « interjeter appel 139(*)»; un autre a parlé de la règle de l' « épuisement des voies de recours internes »140(*), nullement consacrée pourtant. Ces quelques exemples montrent bien que le droit sous régional en général, et les règles du contentieux en particulier, méritent d'être mieux connues, que leur pédagogie s'impose donc. L'insuffisante connaissance de celles-ci pourrait bien être un facteur explicatif de lenteur d de la gestation d'un droit jurisprudentiel de l'intégration.La protection des droits de l'homme ne peut dans ces conditions que faire défaut, ce qui est préjudiciable à leurs titulaires.

Au niveau même des milieux judicaires et universitaires, il est symptomatique de constater que le nouveau titre de sa compétence relatif aux droits de l'homme est ignoré. Le colloque organisé à Dakar sur les droits communautaires ouest africain141(*) n'aborde pas d'une manière approfondie cette dimension de la protection des droits de l'homme. L'occasion était pourtant très belle pour apprécier sur le principe si la Cour mènera à bien sa mission avec l'intégration de ce nouveau titre de compétence relatif aux cas de violation des droits de l'homme. La pertinence pourrait ainsi être appréciée. Les rares communications qui abordent cette dimension manquent de précision et sont souvent en décalage avec la nouvelle réalité communautaire. A titre exemplatif, on peut se référer à la communication de Babacar SARR142(*) où l'auteur rappelle l'ancien article 9 alinéa 3 du Protocole de la Cour qui subordonnait la saisine de la Cour par les ressortissants par l'entremise de leurs Etats. Le protocole de 2005 qui définissait la compétence de la Cour a été révisé en 2005 et un nouvel article 10 introduit qui élargit le champ d'intervention de la haute juridiction communautaire à la violation des droits humains. Toujours sous l'aspect opérationnel, on peut noter l'exécution des arrêts de la Cour n'est pas satisfaisante d'où son caractère incertain.

B. Le caractère incertain de l'exécution des décisions de la Cour

Nous sommes convaincus que la bonne foi et la volonté des Etats constituent les gages d'une protection effective des droits de l'homme. Cependant au-delà de cet aspect, il y a lieu de s'interroger si les pouvoirs du juge et l'armature institutionnelle telle qu'aménagée sont de nature à permettre une protection plus efficace des droits de l'homme. La première interrogation consiste à se demander si la Haute cour de justice dispose de moyens coercitifs ou de pouvoirs d'injonction pour un respect plus scrupuleux de ses arrêts. Faute de « police générale » et en raison du caractère déclaratoire de ses décisions, la Cour de céans n'a aucune emprise sur les Etats ni aucun moyen coercitif pour s'assurer de la bonne exécution de ses arrêts. Le juge communautaire ne serait alors qu'un aiguilleur laissant la latitude aux Etats qui risque d'affadir selon leur humeur les bonnes intentions affichées. Les Etats ont certes, l'obligation d'exécuter les décisions rendues par la Cour, mais l'exécution des arrêts est subordonnée à la bonne volonté des Etats parties qui ont été condamnés.Cette marge d'appréciation laissée aux Etats peut altérer l'application des décisions de la Cour. Certains Etats peuvent refuser systématiquement d'exécuter les décisions ainsi rendues, d'autres peuvent se complaire dans une exécution partielle en se parant de subterfuges pour échapper à une exécution totale. Tel est le cas dans l'arrêt Isabelle ManaviAmeganvi et Autres contre Etat du Togo du 7 octobre 2011. Dans cette affaire, les autorités nationales togolaises ont estimé que le juge communautaire n'a point parlé d'une réintégration des députés mais d'une réparation en valeur vénale. Pourtant dans sa décision, le juge malgré les critiques qu'on peut lui reprocher dans cet arrêt a affirmé que « les députés n'avaient jamais régulièrement exprimé leur volonté de démissionner ». Donc ce qui signifie aux yeux de la Cour « qu'il y a violation par l'Etat du Togo du droit fondamental des requérants à être entendu tel que prévu aux articles 10 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme et 7 de la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples ». En effet, en matière de protection des Droits humains, la réparation d'un droit violé exige que la victime soit complètement rétablie dans ses droits, c'est-à-dire qu'elle soit placée « in statu quo ante », en d'autres termes, dans l'état où les choses étaient auparavant. Cela suppose donc le rétablissement de la situation préexistante, et dans le cas d'espèce que les Neuf (09) députés exclus doivent être mis dans les conditions d'être entendus sur leur prétendue démission, d'où leur retour à l'Assemblée Nationale qui s'impose a priori143(*). Cette exécution partielle de la décision de la haute cour de justice communautaire est la preuve d'une mauvaise foi de certains Etats caractérisée par le refus de se soumettre totalement. Le manque de volonté de certains Etats, à respecter les arrêts de la Cour pour une meilleure garantie des droits de l'homme semble remettre en question la pertinence de la protection des droits de l'homme par la CJ CEDEAO. Certes, les textes prévoient une panoplie de sanctions qui peuvent aller même jusqu'à l'exclusion de la CEDEAO d'un Etat qui n'exécute pas la décision de la Cour. Des sanctions politiques (mise à l'écart de la CEDEAO) qui viennent appuyer la force des décisions rendues au plan juridictionnel. Mais on voit mal l'exclusion d'un Etat de l'organisation du seul fait qu'il n'a respecté une décision de la Cour (on le rappelle encore l'objectif premier de la CEDEAO n'est pas la garantie des droits de l'homme mais l'intégration économique).

La deuxième question renvoie à l'existence d'un organe de suivi chargé de vérifier si l'Etat incriminé à honorer ses engagements ou non. Une réponse négative s'impose à ce niveau. En effet d'après la législation communautaire, il appartient à l'Etat de tirer les conséquences d'une décision de justice. Or, une telle marge de manoeuvre peut susciter des suspicions de la part des citoyens de la manière dont l'Etat s'acquitte de ses obligations. Rien ne garantit à la Cour dans l'esprit et la lettre de son arrêt, qu'elle a été suivie. L'utilisation individualisée d'un pouvoir d'enquête confié à un organe indépendant de la Cour permettrait à cet effet de demander à chaque Etat membre de la CEDEAO incriminé de fournir des explications sur la manière dont il applique les décisions de la justice communautaire.

En outre, il faut relever qu'au sein de certaines communautés interétatiques, les textes régissant les Cours de Justice ont indiqué la manière d'exécuter ce genre de condamnation. Il en est ainsi en ce qui concerne la Cour EDH selon l'article 50 de la CEDH « Si la décision de la Cour déclare qu'une décision prise ou une mesure ordonnée par une autorité judiciaire ou toute autre autorité d'une partie contractante se trouve entièrement ou partiellement en opposition avec des obligations découlant de la présente Convention, et si le droit interne de ladite partie ne permet qu'imparfaitement d'effacer les conséquences de cette décision ou de cette mesure, la décision de la Cour accorde, s'il y a lieu, à la partie lésée, une satisfaction équitable ». Les Etats membres de la CEDEAO n'ont pas prévu de pareille disposition dans les protocoles régissant la Cour de Justice. Les parties peuvent, dans ces conditions, s'accorder librement sur la façon de réparer en nature les conséquences politiques des violations. Notons cependant que ce tempérament dans l'exécution des arrêts des juridictions internationales n'est pas l'apanage exclusif des Etats africains. Le mécanisme de protection des droits de l'homme très élaboré n'empêche cependant pas que dans certains cas certaines caractéristiques des relations internationales144(*)

Les considérations qui précèdent montrent que cette garantie juridictionnelle des droits de l'homme n'est pas encore tout à fait effective. La première critique tient d'abord à des facteurs endogènes (surabondance des textes de référence, modicité des moyens d'exécution etc.) qui ont pour conséquence d'affaiblir le contrôle juridictionnel des droits de l'homme. La deuxième critique est liée à des facteurs exogènes. Il s'agit du comportement peu élégant des justiciables étatiques qui refusent manifestent de se plier à l'autorité de la Cour et à honorer leurs engagements relativement à l'exécution de ses arrêts.

Afin de dissiper les incohérences et corriger ainsi les insuffisances d'ordre factuel relevé, il devient nécessaire d'optimiser la protection juridictionnelle des droits de l'homme assuré par la Cour de justice de la CEDEAO

Chapitre 2 : Pour une juridiction communautaire plus efficace dans l'espace CEDEAO

Considérant que la garantie de la paix et de la sécurité et la bonne gouvernance, facteurs essentiels de la croissance économique passe inévitablement par la lutte contre l'impunité et le respect inconditionnel des droits de l'Homme ; la mise en place de la Cour de justice de la CEDEAO est porteuse d'espoir pour les citoyens ouest africains. La protection des droits de l'homme se range aujourd'hui encore parmi les principaux objectifs de la Communauté. Elle est désormais fondée sur les principes de liberté, de démocratie, des droits de l'homme et de l'Etat de droit, c'est-à-dire sur les principes qui trouvent leur expression juridique dans le droit africain et international actuel dans le domaine des droits de l'homme.


Tout en laissant entrevoir à l'horizon une lueur d'espoir, la protection des droits de l'homme suscite néanmoins de sérieuses interrogations. En effet, malgré l'imposant arsenal normatif et la volonté des Etats membres, les insuffisances de la protection sont manifestes et pourraient hypothéquer le fonctionnement et l'efficacité de la nouvelle Cour.

Alors que faire pour remédier cette situation ?Il serait fastidieux dans le cadre de cette étude de donner une avalanche de solutions susceptibles de garantir une protection effective des droits de l'homme. Loin s'en faut ! Ainsi sans prétendre à l'exhaustivité se bornera -t-on à donner quelques solutions, celles que nous avons jugées être plus pertinentes.

Tout d'abord, au plan juridico-institutionnel des réaménagements doivent être engagés pour une protection effective des droits de l'homme. En effet pour impérative que soit une reconnaissance explicite des droits fondamentaux, il convient également de veiller au renforcement de la protection des droits par des politiques et par des mesures structurelles y ayant trait. Ici donc la proposition consisterait en la rationalisation du système communautaire de protection des droits del'homme (Section 1).Ensuite, au plan opérationnel, les limites déjà situées doivent être solutionnées. A ce niveau, il s'agira d'entreprendre des efforts au plan opérationnel (Section 2).

Section 1 : La rationalisation du système communautaire de protection des droits de l'homme

La CEDEAO s'est lancée dans une croisade pour la protection des droits de l'homme. A cet effet, il est essentiel d'optimiser le mécanisme de protection mis en place. Cette rationalisation exige d'emblée un renforcement des garanties institutionnelles (paragraphe 1) et une articulation des voies de recours et d'exécution (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Le nécessaire renforcement des garanties institutionnelles

Pour un contrôle juridictionnel des droits humains plus efficace, il est nécessaire de renforcer les compétences du juge communautaire (A) et d'adopter par conséquent un catalogue ouest africain des droits de l'homme (B).

A. Le renforcement de la compétence du juge communautaire

La CEDEAO s'est lancée dans une croisade pour la protection des droits de l'homme. Au regard des droits de l'homme, le rôle du juge communautaire est de plus en plus important, même si cette préoccupation pouvait paraitre a priori marginale compte tenu de la finalité du droit communautaire. Le système judiciaire est assurément entré dans une nouvelle ère malgré sa relative jeunesse. Et il devient nécessaire pour un contrôle juridictionnel optimal que les compétences de la Cour de justice communautaire soient élargies.

Cette extension pourrait d'abord concerner les obligations communautaires des Etats en vertu du Traité. Le droit positif de la CEDEAO ne permet pas aux particuliers de saisir la Cour pour faire constater qu'un Etat a manqué à une des obligations communautaires. Seuls les Etats et le Secrétaire exécutif y sont admis145(*). La raison serait liée au fait que « l'action en manquement repose sur des fondements différents de ceux qui motivent la responsabilité internationale des Etats »146(*). Mais si l'on considère les fonctions remplies par l'action en manquement, il est tout à fait envisageable que les particuliers puissent saisir la juridiction de la CEDEAO. En effet, elle permet non seulement de sanctionner un Etat qui aurait commis une infraction vis à vis des obligations communautaires mais aussi d'assurer une application effective et uniforme du droit communautaire sur l'ensemble du territoire communautaire.

Le manquement peut donc résulter d'un comportement positif, d'une abstention ou d'un refus de prendre les mesures juridiques qui s'imposent. Pour des raisons politiques évidentes, « les Etats hésitent à prendre formellement l'initiative de faire constater par (la Cour) qu'un Etat a manqué à une des obligations en vertu du Traité »147(*).

A la lumière de toutes ces considérations qui précédent, il serait opportun que les particuliers puissent saisir le juge communautaire sur le fondement de l'action en manquement (seulement pour des obligations communautaires relevant des droits de l'homme).

Chargés de promouvoir un droit communautaire, il est paradoxal que les juges refusent systématiquement de trancher des litiges en se référant aux textes communautaires. Dans l'affaire Hissein Habré contre Etat du Sénégal148(*), le demandeur estimait qu'il y a violation liée sur l'interprétation du Protocole sur la Démocratie et la Bonne Gouvernance et reproche au droit sénégalais d'être contraire au droit communautaire de la CEDEAO et de violer le principe de non rétroactivité de la loi pénale ainsi que le principe de convergence constitutionnel. Toutefois la Cour rejettera ce grief formulé par Monsieur Hissein Habré aux motifs que s'agissant d'un manquement à une obligation communautaire par un Etat membre, le Requérant, personne physique, n'est pas habilité à saisir la Cour aux termes de l'article 10 du Protocole Additionnel relatif la Cour. Pourtant, ce protocole sur la démocratie et la bonne gouvernance considéré en raison des principes et valeurs qui y sont incorporés comme « le texte de référence du constitutionnalisme régional »149(*) ne peut être invoqué par un citoyen ouest africain pour faire constater qu'un Etat membre a failli à ses obligations communautaires.

Il s'avère dès lors nécessaire à la lumière de ces considérations que d'élargir le champ matériel de la Cour d'Abuja en donnant possibilité aux personnes physiques de l'invoquer pour une adaptation de l'ordre juridique national aux exigences évolutives du droit communautaire ouest africain.

En outre, les compétences de la Cour de justice communautaire pourraient s'étendre aux cas de violations graves et massives ou persistantes150(*) des droits humains. Sur des questions d'une extrême gravité, la Cour pourrait être saisie par les ONG de défense des droits de l'homme ou par les victimes elles-mêmes au lieu de porter les affaires au niveau des tribunaux pénaux internationaux.

Il est également nécessaire de maintenir le statu quo en ne permettant seuls aux citoyens ouest africain de saisir de la Cour ; La Cour, on le rappelle, n'est pas une juridiction spécialisée dans la protection des droits de l'homme. Néanmoins cela ne l'exonère pas de la nécessité d'adopter un texte juridique contraignant de droits de l'homme propre à la CEDEAO.

B. L'indispensable adoption d'un catalogue ouest africain des droits de l'homme

La CEDEAO doit s'affirmer comme un ensemble spécifique au plan universel en adoptant un texte relatif aux droits de l'homme. Au frontispice des objectifs qu'il est appelé à remplir, on retrouve la protection des droits de l'homme par son organe judiciaire. Il est impératif, pour affirmer les droits de l'homme dans la « nouvelle CEDEAO », d'adopter un texte qui permettrait aux particuliers de s'en prévaloir. La réforme opérée en 2005 doit être poursuivie pour permettre ainsi à la Cour d'Abuja de mener à bien sa mission de protection des droits de l'homme. La CJCE et la Cour EDH n'ont-elles pas dégagé une conception typiquement européenne des droits fondamentaux qui a fini par s'imposer progressivement aux juridictions nationales.151(*)Construire ainsi son propre système de protection c'est au fond garantir une légitimité politique et morale à l'Organisation. Ce texte des droits de l'homme doit incorporer les traditions constitutionnelles communes aux Etats membres, normes régionales et universelles, le droit communautaire primaire et dérivé, la jurisprudence de la CJ CEDEAO.

Cette charte ne doit pas néanmoins constituer une forme de codification de l'ensemble des droits dans un seul texte. La charte sous-régionale doit faire des simplifications et d'actualisation des instruments juridiques pertinents et réaliser également une extension à certains droits économiques et sociaux en rappelant l'indivisibilité des droits et en traduisant « de nouveaux consensus » en matière de droits de l'homme.

Sous l'effet de l'adoption de la Charte, le catalogue communautaire des droits de l'homme va s'émanciper des textes exogènes. L'adoption d'un tel instrument permettra ainsi sans nul doute de donner un contenu plus précis aux droits de l'homme. L'autonomie du droit de la Communauté est sauvegardée et, partant, l'autonomie interprétative de la Cour d'Abuja.

Ce qui permettrait à la Cour de promouvoir le droit de la CEDEAO et le risque d'évanescence du droit communautaire du fait de l'invocabilité des normes non strictement communautaires sera évité. Le professeur A.SALL relève à ce propos que « l'épanouissement et le renforcement du droit communautaire passent certainement par la référence à des règles rigoureusement communautaires ». La Communauté doit dès lors viser à créer ce qu'on pourrait appeler un « espace commun des droits de l'homme ».

Certes, la Cour de justice n'est pas une juridiction spécialisée dans la protection des droits de l'homme mais elle pourrait fonctionner en suivant sur un certain nombre de point le modèle européen152(*) et américain153(*) tout en gardant une certaine originalité. La CEDEAO pourrait suivre la même voie et adopter un instrument contraignant pour tous les Etats membres, qui énonce des droits et des libertés dont il reviendra à la Haute juridiction d'en garantir le respect.

En tant qu'instance chargée de faire respecter un droit spécial, de contrôler et de veiller à la bonne application de ce seul texte, cet organe judiciaire contribue sans nul doute au développement et à la promotion de son droit communautaire. Pour asseoir donc ainsi, l'autonomie de la Cour, tarir subséquemment les requêtes fantaisistes, une législation communautaire spéciale en matière de protection est nécessaire pour circonscrire la notion des droits de l'homme et ce faisant le juge pourra être amené au fil des saisines à donner une définition prétorienne des droits de l'homme. En effet, sur un même objet, il vaut mieux que toutes les questions soient réglées et entièrement par un seul et unique texte non pas parce que la compréhension est plus facile pour le requérant mais encore et surtout la Cour est ainsi à même d'apercevoir dans toutes leurs étendues les conséquences des principes posés par le législateur communautaire.

La Charte des droits de l'homme de la CEDEAO sera conçue au sein même de l'organisation et ne sera pas donc « importée » de l'extérieur. Ce texte permettrait donc d'obtenir une protection analogue tant au niveau des droits protégés que de leur interprétation. A défaut de cohérence, les bénéficiaires des droits protégés à la fois par la Charte et les autres instruments juridiques relatifs aux droits de l'homme, pourraient rencontrer bien des difficultés pour comprendre le contenu des libertés fondamentales auxquelles ils ont droit.Il faut donc un système original pour définir les droits garantis par la convention. Ce qui facilitera la tâche aux parties et au juge. Les Etats parties doivent solidairement y consentir tous les moyensnécessaires, si leur volonté politique (normalement respectueuse desvoeux de leur population...) est bien d'aboutir à une Communautéde droit et à une véritable garantie collective des droits de l'homme.

Dépourvus actuellement d'un panel de droits propres à l'ordre juridique ouest africain et en attendant l'adoption d'une mesure de bon augure, les juges d'Abuja doivent s'atteler à l'élucidation conceptuelle des droits de l'homme afin que leur office ne soit banalisé. Une définition prétorienne des droits de l'homme s'impose. Si déjà les mots ne conviennent pas pour désigner les problèmes, naîtront forcément des ambiguïtés, des équivoques et des incompréhensions qui rendront les solutions plus difficiles à trouver.

En sus de l'adoption de cet instrument, la reconnaissance d'un standard minimum suppose de tenir aussi compte de la jurisprudence des autres cours internationales qui interprète d'une manière constructive les droits de l'homme. En effet, le régionalisme juridictionnel ne peut passer sous silence le phénomène de « contagion » qui l'imprègne. Il est patent de constater que la Cour EDH a très vite été érigée comme juridiction « parangon » de protection des droits des droits à cause de son dynamisme. Elle a largement inspiré la CJCE dans le cadre de sa réforme rendue nécessaire par l'encombrement de son prétoire et le ralentissement consécutif de ses procédures154(*).

On le voit l'adoption d'un texte spécifique aux droits humains par la CEDEAO est susceptible de résorber certains maux dont souffre le mécanisme de protection des droits humains. Egalement, pour permettre à la CJ CEDEAO de faire florès dans sa mission de protection, il est nécessaire de réaménager les voies de recours et d'exécution.

Paragraphe 2 : L'opportunité de l'articulation des voies de recours et d'exécution

Dans le but de favoriser aussi une protection optimale des droits de l'homme, la Cour d'Abuja doit procéder à la priorisation des requêtes individuelles par le système de filtrage(A) et définir ainsi les modalités d'une application satisfaisante de ses décisions (B).

A. La nécessaire priorisation des requêtes individuelles par le système de filtrage

Un aménagement du système actuel de protection des droits est nécessaire. La CEDEAO a ouvert le prétoire de la Cour à plus 300 millions de personnes. Ces dernières, lorsqu'elles sont victimes de violations de droits de l'homme peuvent ainsi saisir directement la juridiction communautaire sans épuiser les voies de recours internes. C'est pourquoi depuis la réforme opérée en 2005, la tendance qui se dessine est la croissance exponentielle des requêtes individuelles. Dans cette perspective, pour alléger la tâche de la Cour et faire montre d'une célérité dans le traitement des requêtes, il est nécessaire de créer une chambre qui se chargera exclusivement du filtrage des requêtes. En effet, toute amélioration ou « survie » du mécanisme contentieux devant la Cour suppose que soit en grande partie résorbé un obstacle de caractère structurel. La Cour, si on n'y prête pas garde sera submergée de requêtes relatives à des cas de violations de droits de l'homme.

Face à un afflux massif de requêtes, la Cour européenne des droits de l'homme a dû procéder également à quelques modifications. Le Protocole n° 14, qui vise à garantir l'efficacité à long terme de la Cour en optimisant le filtrage et le traitement des requêtes, prévoit notamment la création de nouvelles formations judiciaires pour les affaires les plus simples et un nouveau critère de recevabilité (l'existence d'un « préjudice important »). Il est entré en vigueur le 1er juin 2010.

Cette future chambre de filtrage de la CJ CEDEAO aura fondamentalement pour fonction de décharger la Cour des requêtes qui sont manifestement irrecevables. Il s'agit en outre d'affaires susceptibles d'être recevables et bien fondées. Selon donc ce schéma, l'examen des affaires portées devant la Cour suivra deux étapes principales : la recevabilité et le fond de l'affaire c'est-à-dire l'examen des griefs.Ce filtrage efficace permettra ainsi une meilleure priorisation des requêtes par le rejet des requêtes manifestement mal fondées. De la sorte, il nous semble que la plus grande partie du contentieuxserait apurée. La fonction de cette chambre serait d'apurer lecontentieux et de se prononcer sur la recevabilité des requêtes individuelles. Par la suite, les requêtes jugées recevables seraient examinées, principalement sur le fond. A ce titre, la Cour n'aurait ainsi à rendre qu'un nombre limité de « grands arrêts » par an. Sa tâche principale concernerait le fond du droit, et elle ne retiendrait que les affaires les plus importantes ou les plus graves. Elle concentrera de ce fait sur les affaires les plus intéressantes et de rendre des grands arrêts de principe.

Voilà un ensemble de révisions minima, susceptibles peut-êtred'assurer la survie d'un mécanisme de protection qui a déjà donné espoir aux citoyens de la Communauté. De même, il est nécessaire revoir les revoir les modalités de l'application des décisions de la Cour.

B. La définition des modalités d'une application satisfaisante des décisions

En dépit du caractère déclaratoire de ses arrêts et de l'absence d'un pouvoir d'injonction, la Cour de justice de la CEDEAO se doit de préciser plus clairement la portée de ses arrêts en vue d'en faciliter l'exécution. Elle pourrait sous ce rapport indiquer la meilleure forme de réparation ou alors en posant une alternative à l'Etat. En effet, il est important pour éviter une diversité d'interprétation que la Cour de justice de la CEDEAO soit plus précise dans les arrêts qu'elle rende. En effet malgré que les Etats aient acceptés que leurs citoyens puissent s'adresser directement au juge communautaire, il ne faut pas perdre de vue qu'ils ne sont pas encore des démocraties mais en transition démocratique. Sous ce rapport, les juges d'Abuja sont invités à produire une jurisprudence claire et exemplaire dénuée de toute ambigüité. La Cour doit s'efforcer d'indiquer plus explicitement et plus précisément les enseignements généraux qui découlent de ses arrêts, dans le but d'éviter des violations répétitives.

A l'égard des Etats coupables d'avoir violé des droits de l'homme, la Cour de céans se montre souvent, assez « réservée » (peut-être c'est dans le but de ne pas froisser la susceptibilité de ces Etats). Elle n'indique très rarement les conséquences de violations constatées (contrairementà d'autres juridictions internationales ou au Comité des droitsde l'homme des Nations Unies), sauf dans l'hypothèse un peutrop banalisée de l'octroi de dommages et intérêts. La Cour de Justice de la CEDEAO saisie d'une requête introduite par Neuf (09) anciens députés de l'Union des Forces de Changement (UFC) exclus de l'Assemblée Nationale, constate la violation, par l'Etat togolais, d'une liberté fondamentale des requérants, notamment le droit d'être entendu, prévu par les articles 10 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme et 7 de la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples.155(*)Elle note en effet que les députés n'ont jamais exprimé leur volonté de démissionner de l'Assemblée Nationale. Par conséquent, l'Etat Togolais doit réparer le préjudice et allouer des dommages et intérêts aux victimes. Les autorités togolaises tirant prétexte du « flou artistique » de la décision de la Cour ont refusé  la réintégration des députés déchus à l'hémicycle. Elles estiment en effet que la Cour de justice communautaire n'a point parlé de réintégration mais de réparation (compris seulement comme étant l'octroi de dommages-intérêt fixés à trois (3) million de francs CFA). Les requérants semblent même être en phase avec le défendeur. Ils ont introduit une demande en révision dont le but est d'amener la juridiction communautaire de « remédier à l'omission qu'elle en a faite sur le chef de demande relatif à leur réintégration à l'hémicycle »156(*).

Une telle interprétation pouvait être évitée si le juge communautaire avait pris le soin de dire ce qu'il voulait dire en des termes plus simples. En matière de protection des Droits humains, la réparation d'un droit violé exige que la victime soit complètement rétablie dans ses droits, c'est-à-dire qu'elle soit placée « in statu quo ante », en d'autres termes, dans l'état où les choses étaient auparavant. Cela suppose donc le rétablissement de la situation préexistante, et dans le casd'espèce que les Neuf (09) députés exclus doivent être mis dans les conditions d'êtreentendus sur leur prétendue démission, d'où leur retour à l'Assemblée Nationale quis'impose a priori. Elle suit en cela le régime de la responsabilité internationale ; l'engagement de la responsabilité entraîne trois obligations : l'obligation de cessation de l'illicite, l'obligation de réparation (effacer les conséquences passées du fait internationalement illicite), enfin l'obligation d'éviter des violations semblables (obligation de non-répétition de l'illicite).

Au sein de certaines communautés interétatiques, les textes régissant les Cours de Justice ont indiqué la manière d'exécuter ce genre de condamnation. Il en est ainsi en ce qui concerne la Cour Européenne des Droits de l'Homme, de l'article 50 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « Si la décision de la Cour déclare qu'une décision prise ou une mesure ordonnée par une autorité judiciaire ou toute autre autorité d'une partie contractante se trouve entièrement ou partiellement en opposition avec des obligations découlant de la présente Convention, et si le droit interne de ladite partie ne permet qu'imparfaitement d'effacer les conséquences de cette décision ou de cette mesure, la décision de la Cour accorde, s'il y a lieu, à la partie lésée, une satisfaction équitable ». Les Etats membres de la CEDEAO n'ont pas prévu de pareille disposition dans les protocoles régissant la Cour de Justice. Les parties peuvent, dans ces conditions, s'accorder librement sur la façon de réparer en nature les conséquences politiques des violations. Il faut pallier à cette carence en prévoyant dans le système normatif la satisfaction équitable. Par contre, il faut saluer l'audace dont elle fait montre dans certaines décisions. On peut à ce titre citer l'affaire Hissein Habré contre Etat du Sénégal et Mamadou Tandja contre Etat du Niger et l'affaire ChiefEbrimahManneh.

D'autre part, on ne dira jamais assez que l'information sur les arrêts de la Cour et leur traduction est, le plus souvent, mal assurée. Comment veut-on, dans ces conditions, que les juridictions nationales, à tous les niveaux, tiennent véritablement compte du droit de la CEDEAO? Il faudrait satisfaire ce besoin par un bulletin régulier sur les enseignements des arrêts de la Cour. De tels procédés devraient être généralisés. Ceci est important, mais n'incombe pas directement à la Cour, sauf à l'inciter à avoir une jurisprudence encore plus claire et exemplaire.

Dans le nouvel ordre juridique communautaire intégré de la CEDEAO, la Cour d'Abuja doit s'affirmer en invitant les Etats membres à exécuter totalement et de bonne foi ses décisions.

Mais c'est surtout au plan opérationnel qu'il faut déployer les efforts.

Section 2 : les efforts à entreprendre au plan opérationnel

La Cour de justice de la CEDEAO n'est pas assez bien connue. Elle doit donc être vulgarisée pour une meilleure visibilité des droits de l'homme (Paragraphe 1). Egalement envue d'une protection des droits de l'homme plus efficace, il est nécessaire d'associer plus étroitement les acteurs étatiques et les ONG (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : La vulgarisation de la Cour pour une meilleure visibilité des droits de l'homme

La vulgarisation doit dès l'abord passer par une amélioration des activités promotionnelles de la Cour auprès de l'opinion (A). Les milieux universitaires et judiciaires peuvent constituer logiquement un tremplin pour une meilleure connaissance de la Cour communautaire et par ricochet une meilleure diffusion des droits ainsi protégés (B).

A. L'amélioration des activités promotionnelles de la Cour auprès de l'opinion

Il faut rendre hommage à la CEDEAO pour ses efforts permanents entrepris dans le sens de faire connaitre davantage sa juridiction. Cependant, en dépit de toutes les stratégies entreprises pour la vulgarisation de l'Institution judiciaire, il n'en demeure pas moins que celle-ci n'est pas bien connue dans la sphère communautaire ouest africaine onze ans après sa création. En effet une frange importante de la population ouest africaine méconnait la Cour ou que ceux qui la connaissent ne s'approprient pas son rôle et ses missions.(La CEDEAO est plus connue grâce à ses actions de maintien de paix. Le titre de compétence relatif à la protection des droits de l'homme n'est pas assez connu).Il est plus que jamais nécessaire de remédier à cette situation afin que les citoyens puissent tirer pleinement profit de cette aubaine. L'objectif est d'améliorer l'accessibilité de l'institution en communiquant afin de mieux se rapprocher de ses justiciables. Une pédagogie de l'intégration à la base s'impose.

La démarche du juge communautaire peut, en raison de la perspective non seulement juridictionnelle mais aussi pédagogique, constituer un facteur extrêmement important de vulgarisation du droit en vigueur entre les Etats membres. L'adhésion psychosociale aux normes communautaires relève ainsi d'une construction jurisprudentielle.

Il s'agira de créer une nouvelle synergie de communication qui associe étroitement les acteurs sociaux de tous les Etats membres (médias, société civile...). Dans cette perspective, il importe de cadrer les actions communes des Etats membres et de définir les stratégies de communication à entreprendre afin d'assurer une meilleurs diffusion du droit, de la procédure suivie devant la Cour, des décisions ainsi rendues.

La promotion implique la diffusion, la vulgarisation des droits de l'homme afin que les différents compartiments de la société les aient constamment à l'esprit. La protection, c'est elle qui conditionne l'effectivité de ces droits car elle induit l'intervention de mécanismes en vue de contrôler le respect des engagements pris par les Etats, Il faut dire que les frontières entre la promotion et la protection sont poreuses ; Les deux démarches s'emboîtent, et le même organe peut faire l'une et l'autre chose. Ainsi la Cour peut jouer ces deux missions pour une visibilité maximale des droits de l'homme. Elle peut oeuvrer pour sa propre visibilité dans les Etats membres.

Il faut promouvoir l'éducation et la sensibilisation aux droits de l'homme dans les Etats membres; d'identifier d'éventuelles insuffisances dans le droit et la pratique des Etats membres en ce qui concerne le respect des droits de l'homme et de contribuer à la promotion du respect effectif et de la pleine jouissance des droits tels qu'ils sont définis par les différents instruments internationaux et régionaux relatifs aux droits de l'homme. Ce qui permettrait à la fois de satisfaire le besoin de rappeler la continuité et la cohérence de la jurisprudence communautaire, et d'autre part -- d'une manière qui reste à préciser -- de servir de guide pour orienter une requête. Elle donnerait en outre à la Cour un moyen supplémentaire d'avoir une politique judiciaire plus efficace et plus lisible pour le public.

Le développement d'une véritable « culture des droits de l'homme » est, de ce point de vue, primordial Une véritable protection des droits de l'homme ne peut être atteinte sans que s'instaure dans la société une réelle « culture des droits de l'homme ». On peut rappeler au public, par des campagnes concrètes, les raisons d'être d'un système de protection des droits de l'homme.

Il est, par conséquent, crucial de faire la promotion de la juridiction communautaire d'une manière qui permette à chacun de la connaître. Les milieux judicaires et universitaires peuvent jouer un rôle essentiel en la matière.

B. La promotion de la Cour de justice de la CEDEAO dans les milieux judiciaires et universitaires

Les milieux universitaires et judiciaires devaient constituer logiquement un tremplin pour une meilleure connaissance de la Cour communautaire et par ricochet une meilleure diffusion des droits ainsi protégés. En effet, il est de constat général qu'un faible degré d'appropriation du droit communautaire par le monde universitaire et judiciaire est préjudiciable à la connaissance de ce droit157(*). Ce qui est susceptible d'avoir des répercussions sur l'ensemble de la population.

Pour obvier à cette carence en vue de rendre plus visible la CJ CEDEAO et donner plus d'amplitude au Droit, la solution passe d'abord par l'enseignement du droit communautaire dans les universités en tant que discipline autonome. La connaissance du droit communautaire dans les universités profitera à ceux qui font des études de droit autant que ceux qui l'enseignent.

Le Droit généré par la CEDEAO doit être mieux connu, appris par ceux qui font des études de Droit, autant que par ceux qui rendent la Justice c'est-à-dire, il doit être intégré dans les programmes de formation des gens de justice, avocats et magistrats notamment.. L'appropriation des normes communautaires par les acteurs du monde judiciaire (avocats, magistrats...) peut se faire par le biais des séminaires de sensibilisation au droit communautaire.

Ensuite, la promotion peut passer par l'organisation régulière de rencontres scientifiques telles que les colloques et de séminaires de formation, et sensibilisation au Droit de la CEDEAO.

Des séminaires de formation, des colloques et autres rencontres scientifiques, y compris les rencontres inter-juridictionnelles des cours communautaires, peuvent être organisés sur des termes aussi variés que divers. Ces rencontres qui réunissent des experts universitaires et/ou des personnalités du monde judiciaire (magistrats et avocats) sont des espaces de sensibilisation, de formation continue aux normes communautaires mais aussi des lieux de réflexions approfondies.

Enfin pour réussir cette mission il est plus que jamais nécessaire d'assurer la publication et la traduction régulières des décisions rendues par la juridiction communautaire de la CEDEAO. Le professeur Aubert nous apprend en effet que « la recherche juridique, source d'appropriation du droit doit elle-même êtrealimentée par l'information et la documentation juridiques »158(*). L'objectif du recueil est de fournir aux étudiants, avocats, professeurs et autres groupes une sélection des arrêts rendus par la juridiction communautaire. Ce qui contribuera incontestablement à une meilleure vulgarisation de la Cour.

Il ne faut pas commettre l'erreur de considérer les droits de l'homme comme le domaine exclusif des avocats, des décideurs et des mécanismes judiciaires. L'expérience confirme une fois encore, que l'éducation et la sensibilisation aux droits de l'homme représentent des moyens essentiels de modifier les mentalités et de promouvoir la culture démocratique des droits de l'homme au sein du corps social. À cet égard, il faut mettre en oeuvre des stratégies concrètes, et beaucoup reste à faire - y compris par l'Organisation -, le plus important étant de coopérer avec la société civile mais le concours de l'Etat est plus décisif.

Paragraphe 2 : Le nécessaire concours de l'Etat et des ONG

Les Etats sont au premier plan les principaux acteurs pouvant garantir une protection effective des droits humains. Cela exige une réelle volonté de leur part (A). Le rôle des ONG n'est pas non plus négligeable (B).

A. La nécessité d'une réelle volonté étatique pour une mise en oeuvre effective des droits de l'homme

Pour importantes que puissent être les innovations induites par la réforme de 2005, aucune politique de promotion et de protection des droits de l'homme n'est efficiente si les Etats ne font pas montre d'une réelle volonté politique. Nonobstant le rôle crucial mené par l'organe judicaire, la protection effective des droits de l'homme commence et prend fin au plan national. Ainsi en tant que source du mal, ils en constituent également le remède. Ce sont encore les Etats qui modulent à volonté la portée de leurs obligations grâce aux règles classiques du droit des traités. Ce sont encore les Etats qui déterminent le degré de qualité procédurale des Cours de justice notamment à l'occasion de grands `rendez-vous réformateurs' Certes, les juges sont associés aux pourparlers et leur force de proposition est indéniable, mais s'ils proposent, ils ne disposent pas.

La volonté qui a accepté l'élargissement de la compétence de la Cour aux cas de violations des droits humains doit concomitamment avoir la probité d'accepter les sentences judicaires prononcées par celle-ci. Il est crucial par conséquent que les Etats acceptent de respecter les engagements auxquels ils ont librement consentis. C'est l'expression simple de l'adage paterelegemquamipsefecisti (respecte la loi que tu t'es toi-même donnée). Et comme l'affirme magistralement Guy Aurenche « les droits de l'homme ne sont pas contre le pouvoir politique(...)loin d'ébranler le pouvoir politique, la revendication des droits de l'homme contribue à conserver à celui-ci sa légitimité au regard des valeurs communément admises »159(*)

Le défi lancé aux Etats membres de la CEDEAO est le respect de l'Etat de droit. Préliminaire à toute protection supra-étatique (et interne également) des droits de l'homme, ils se doivent donner gage de leur bonne volonté et de leur bonne foi.

Si advenue l'audience de la Cour pour entendre les parties sur le fond, la partie défenderesse en l'occurrence l'Etat refuse de comparaitre et d'être représenté, il ne fait guère de doute qu'un problème plutôt pratique se pose au niveau de l'efficacité de la protection des droits de l'homme. En effet, au-delà de l'engagement à ne transgresser les droits de l'homme, le bon sens voudrait lorsqu'ils sont commis ou supposés violés, que les Etats comparaissent pour permettre au juge communautaire de remplir efficacement son office et de tirer au clair l'affaire qui lui est soumise. Le comportement inélégant de la République de Gambie est le reflet de ce manque de volonté qui à deux reprises a refusé systématiquement de comparaitre. Pour une effectivité des droits de l'homme, les Etats sont donc invités à répondre devant la Haute juridiction communautaire et d'adopter un comportement conséquent.

Mais c'est surtout à l'occasion de l'exécution des arrêts rendus par la Cour de céans que les Etats membres doivent adopter un comportement conséquent en tirant toutes les conséquences de la violation des droits de l'homme. On relèvera, à ce propos, certains remparts persistants de la souveraineté nationale qui constituent hélas une épée de Damoclès nuisible à l'efficacité de la protection des droits de l'homme.

Afin donc que nous puisons avoir un bilan reluisant à présenter loin de du tableau sombre présenté par le professeur R.DEGNI-SEGUI160(*)les Etats membres de la CEDEAO sont priés primo de ne ménager aucun effort pour éviter la violation des droits de l'homme ; s'ils sont commis, qu'ils acceptent de comparaitre devant le prétoire de la Cour de céans ;In fine, qu'ils exécutent de bonne foi les arrêts rendus par la juridiction communautaire. Pour atteindre tous ces objectifs, il est nécessaire d'associer les ONG.

B. La participation active des ONG dans la réalisation de la mission

Il est de constat général que les organisations non gouvernementales sont aujourd'hui l'un des acteurs les plus importants sur le terrain de la promotion et de la protection des droits de l'homme.Les ONG favorisent ainsi l'émergence d'une « conscience juridique internationale ». Et la CEDEAO gagnerait en les associant pus activement dans sa mission de protection des droits de l'homme dont l'organe judiciaire en est le garant. Cette participation peut se concevoir au triple plan :

D'abord sur l'application des arrêts de la Cour, elles peuvent constituer un puissant partenaire. En effet les Etats qui ne sont pas enclins à respecter les droits de l'homme cherchent à faire en sorte que les normes, les institutions et les procédures qui doivent assurer le respect de ces droits restent faibles et peu efficaces. Puissants partenaires, les ONG constituent un indispensable contre-poids dans de telles situations. La pression sur les gouvernements est alors d'autant plus forte que la démarche est relayée par les médias et par un réseau de militants, qui souvent sollicitent les élus. La mise en place d'un programme de plaidoyer et de sensibilisation de la société civile, avec un plan d'action peut pousser les Etats à appliquer les décisions de la Cour et sensibiliser les citoyens de la sous -région de l'existence de la cour. Beaucoup estiment que les médiocres résultats en matière de droits de l'homme sont dûs au manque de mécanismes de mise en oeuvre adaptés. Il appartient généralement à l'Etat de décider d'appliquer ou pas les recommandations. Dans de nombreux cas, le fait qu'un droit individuel ou de groupe soit garanti va dépendre de la pression exercée par la communauté internationale et, dans une large mesure, du travail des ONG

Ensuite, les ONG pourraient bénéficier d'un statut consultatif auprès de l'organe judicaire. Par le biais des avis consultatifs, les ONG peuvent contribuer à l'interprétation positive et extensive de l'ensemble des droits protégés. La fonction première des ONG de défense des droits de l'homme est de recenser et de faire connaître les violations des droits et libertés. Elles jouent en ce domaine un rôle irremplaçable grâce à la confiance qu'elles inspirent à ceux qui ne peuvent user de recours officiels ou publics. Par la collecte, l'analyse et la transmission de ces informations, elles contribuent à l'évaluation d'une situation. La transmission d'éléments factuels aux gouvernements se double fréquemment de suggestions ou d'« exigences » de réaction. C'est une contribution à l'évolution de la jurisprudence.

In fine, en termes de droits de saisine, une ONG pourrait avoir capacité pour saisir la Cour si elle -même est victime d'une violation de droit de l'homme de la part d'un Etat membre de la CEDEAO pour défendre ses propres intérêts.

Egalement les ONG devaient avoir qualité à agir pour dénoncer les violations graves de l'ensemble des droits garantis par les instruments juridiques relatifs aux droits de l'homme. En effet, ces organisations sont mieux informées ou avisées que les individus pour collecter les informations pertinentes ainsi que pour préparer et présenter les mémoires de défense.

L'action des ONG (propositions d'action ou du lancement d'initiatives sur le long terme...) peut s'avérer fructueuse en offre ainsi la possibilité de jouer la complémentarité avec la cour.

Eu égard aux considérations qui précédent, il est clair que de nombreux défis doivent être relevés pour une protection plus efficace des droits de l'homme. Afin de dissiper les incohérences et corriger ainsi les insuffisances d'ordre factuel relevé, il devient nécessaire d'optimiser la protection juridictionnelle des droits de l'homme assuré par la Cour de justice de la CEDEAO aussi bien au plan juridique que sur le plan opérationnel.

CONCLUSION

Au terme de cette étude qui n'avait point l'ambition d'être exhaustive, plusieurs enseignements peuvent être tirés. Il est significatif de remarquer que la CEDEAO est entrée dans une phase de maturité. Elle arbore un visage ouvert. Au frontispice de nouveaux objectifs dont elle entend jouer pleinement un rôle crucial figure en bonne place la protection des droits de l'homme. Ce projet ambitieux a été concrétisé par l'adoption du protocole du 19 janvier 2005 qui a élargi les chefs de compétence de la Cour d'Abuja aux cas de violation des droits humains. La métamorphose de la CJ CEDEAO, devenue au fil du temps une Cour qui protègeles droits individuels sans être une juridiction spécialisée en la matière à l'instar de la Cour de Strasbourg, de la Cour de San José ou de Banjul constitue une véritable aubaine pour les citoyens ouest africains.

L'ouverture du prétoire de la Cour communautaire aux particuliers est un témoignage de la conviction que l'intégration économique ne peut se réaliser sans un plaidoyer pour les principes démocratiques et surtout de la protection des droits humains. Aucune cloison étanche ne sépare la sphère économique de la sphère de la protection des droits de l'homme.

Une étude transversale du phénomène nous a permis ainsi de voir l'originalité de la protection des droits de l'homme par la Cour d'Abuja. Cette originalité est révélatrice de l'efficacité de la protection des droits l'homme.

D'abord, sur le plan institutionnel, il s'agit d'une véritable avancée dans la protection des droits de l'homme. Une audace si l'on ose dire. En effet, la Cour de justice communautaire est une juridiction régionale intégrée dans une organisation internationale d'intégration à vocation économique dont la vocation première est l'interprétation et l'application des normes secrétées ou générées par l'organisation internationale, la CEDEAO.

L'introduction du contentieux des droits de l'homme, bastion très sensible dans le chef de compétence de la juridiction communautaire vient ainsi parachever le processus d'intégration ouest africaine. Mais la grande réforme mise en oeuvre par la CEDEAO est certainement la possibilité accordée aux personnes physiques d'accéder au prétoire du juge de la CEDEAO sans épuiser les voies de recours internes pour de cas relevant de droits humains. Ce qui sans nul doute explique la croissance exponentielle des requêtes individuelles. En effet depuis 2005 l'activité de la Cour d'Abuja en la matière est au zénith. Le poids de la Cour de Justice dans l'architecture institutionnelle et le rôle qu'elle doit jouer dans l'atteinte des objectifs de la Communauté sont donc considérables. En effet, si la violation des normes adoptées doit rester sans sanction, on peut affirmer sans se tromper qu'il n'y aura point d'intégration effective ; un droit communautaire inopérant et illusoire au préjudice des objectifs de la communauté et partant, de l'économie des États membres.

Cependant pour louable qu'elle soit, on doit relativiser sans dévaloriser l'oeuvre accomplie. En effet, cette garantie juridictionnelle des droits de l'homme n'est pas encore tout à fait effective. Schématiquement deux raisons sont à l'origine de l'inefficience de la protection de droits de l'homme assurée par la juridiction communautaire de la CEDEAO

La première raison est relative à des facteurs endogènes (surabondance des textes de référence, modicité des moyens d'exécution, absence d'un organe de filtrage des requêtes etc.) qui ont pour conséquence d'affaiblir le contrôle juridictionnel des droits de l'homme. La deuxième critique est liée à des facteurs exogènes; C'est principalement la faible intériorisation de la contrainte juridique et procédurale par les Etats malgré qu'ils soient placés sous l'empire du droit. En effet, le comportement des justiciables étatiques est de nature à obérer l'action de la Cour. Le plus souvent, ils refusent manifestement de se plier à l'autorité de la Cour et à honorer leurs engagements relativement à l'exécution de ses arrêts. La volonté des Etats tient parfois les décisions de la Cour en l'état.

Afin de dissiper les incohérences et corriger ainsi les insuffisances d'ordre factuel relevés, il devient nécessaire d'optimiser la protection juridictionnelle des droits de l'homme assuré par la Cour de justice de la CEDEAO.

Le premier défi d'ordre juridico-institutionnel sera certainement de mettre en oeuvre un catalogue ouest africain des droits de l'homme. Cette Charte des droits de l'homme aura comme effet, à notre avis, de promouvoir davantage un droit communautaire de la CEDEAO. Elle permettra ainsi de définir un standard de droits dont la Cour doit en assurer la garantie. Ce qui évitera les recours abusifs ou relatifs à des affaires futiles. Il faut rappeler que la Cour de justice travaille avec une panoplie d'instruments juridiques relatifs à la protection des droits de l'homme faute d'un texte spécifique en la matière propre à la Communauté. Or, cette mosaïque de textes est de nature à obérer la protection des droits de l'homme car la généralité est porteuse de confusions. Cette situation nous parait non seulement abusive en soi mais également dangereuse pour les droits protégés en raison du double risque de banalisation trop importante de ces droits garantis (les droits de l'homme seraient dilués dans un ensemble flou) et de la dénaturation du mécanisme de protection.

Dans le but de favoriser aussi une protection optimale des droits de l'homme, la Cour d'Abuja doit être dotée d'une chambre chargée du filtrage des requêtes individuelles. La notion de délai raisonnable aura alors recouvert tout son sens. En effet, depuis l'ouverture du prétoire de la Cour aux particuliers, la Cour de céans est submergée de requêtes dont la plupart sont imprécises, fantaisistes et dénuées de tout fondement relatif à une violation des droits humains. Victime de son propre succès, la Cour risque d'en pâtir.

Le second défi d'ordre opérationnel est relatif au comportement des Etats. Il est admis en effet pour importantes que puissent être les innovations induites par la réforme, aucune politique de promotion et de protection des droits de l'homme n'est efficiente si les Etats ne font pas montre d'une réelle volonté politique. Nonobstant le rôle crucial mené par l'organe judicaire, la protection effective des droits de l'homme commence et prend fin au plan national. Ainsi en tant que source du mal, ils en constituent également le remède. Le Etats doivent donc exécuter de bonne foi les décisions de la Cour et ne doivent entraver de quelque manière que se soit l'action de la Cour. La Cour de justice de la CEDEAO doit également gagner la bataille de la visibilité car elle n'est pas bien connue. Ce qui discrédite également les efforts entrepris pour une protection efficace des droits de l'homme

In fine, l'on retient que la CJ CEDEAO s'est, on peut le penser, inscrite dans une croisade pour la protection effective des droits de l'homme. Elle cherche à travers une ambition renouvelée à atteindre cet idéal tant souhaité par René Cassin qui affirmait qu' « il faut protéger tout l'homme et protéger les droits de tous les hommes »161(*). Les juges d'Abuja sont la conscience éclairée de la « nouvelle » CEDEAO et devraient ainsi s'approprier au maximum de cette formule incantatoire du juge Bédjaoui qui disait « juges de la Terre, vous êtes des Dieux »162(*).

BIBLIOGRAPHIE :

ü OUVRAGES ET MANUELS :

Agir pour les droits de l'homme au XXIème (textes inédits réunis par F. Mayor en collaboration avec R.Pol-Droit), édition UNESCO 1990

AUBERT, J.-L., Introduction au droit et thèmes fondamentaux du droit civil. Paris, Armand Colin, 8è édition, 2000

BERCIS P., Guide des droits de l'homme, la conquête des libertés, Hachette 1993

BUERGENTHAL T., KISS A., la protection internationale des droits de l'homme, Edition Engel, 1991

CASSIN R., «  La déclaration universelle des droits de l'homme et la mise en oeuvre des droits de l'homme », Recueil des Cours de l'Académie de la Haye, 1951

CHEVALLIER, J. L'État post-moderne, Paris, LGDJ, 2004

Colloque international en hommage à Gerti HESSELING organisé à l'UGB les 15 et 16 décembre 2011 (inédit)

DAILLIER P., FORTEAU M., PELLET A., Droit international public, LGDJ 8ième édition, 20O9

Droit constitutionnel et droits de l'homme, (Collection de droit public dirigé par L. FAVOREUX), Economica 1987

Droit et Politique à la croisée des chemins, Mélanges Philippe ARDANT, L.G.D.J, 1999

KIDJO E,...Et demain L'Afrique, Stock 1985

Intégration et coopération régionales en Afrique (Sous la dir. de LAVERGNE), éditions Karthala, 1996

JONATHAN G.C, Libertés et droits fondamentaux, Montchrestien 1996

KABA S., L'avenir des droits de l'homme en Afrique

KABA S., Les droits de l'homme au Sénégal, édition Xam Sa Yoon, 1997

La Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, 40ième anniversaire, l'Harmattan 1991

Les dimensions universelles des droits de l'homme en Afrique (dir. A.LAPAEYRE, F.DETINGUY, K.VASAK), Bruylant 1990

Les droits de l'homme au seuil du 3e millénaire, Mélanges en hommage à Pierre LAMBERT, Bruylant, Bruxelles, 2000

MATHIEUX et MICHEL M. , Contentieux constitutionnel des droits fondamentaux, L.G.D.J, 2002

MBAYE K., Les droits de l'homme en Afrique, A.Pedone, 1992

MOURGEON J. Les droits de l'homme, PUF, « Que sais-je ? » n°1728, 1996

RENUCCI J.F , introduction à la convention européenne des droits de l'homme. Editions du Conseil de l'Europe, 2005

RENUCCI J.F, Droit européen des droits de l'homme, 2ième édition LGDJ, 2001

SALL A., La Justice de l'intégration. Réflexion sur les institutions judiciaires de la CEDEAO et de l'UEMOA, Dakar, Credila, 2011

SALL A., Les mutations de l'intégration des Etats en Afrique de l'ouest : une approche institutionnelle, l'Harmattan 2006

SEGUI R. D., Les droits de l'homme en Afrique noire francophone (théorie et réalité), Abidjan 1998

SUDRE F., Droit international et européen des droits de l'Homme, 7ème éd. refondue, PUF, coll. Droit fondamental, 2005

WASCHMANN P., Les Droits de l'Homme, 4ième édition Dalloz, 2002

ü ARTICLES :

Al-FALLOUJI I., « Pour une thèse plus humaniste de « tous les droits de l'homme », in Etudes et essais sur le droit international humanitaire et sur les principes de la Croix -Rouge en l'honneur de Jean PICTET, pp. 625-633

AMOUGOU J.- ATANGANA L., «  Avancées et limites du système africain de protection des droits de l'homme : la naissance de la Cour Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples » Droits fondamentaux, n° 3, janvier - décembre 2003

ASCENSIOH., «  La notion de juridictionnalisation internationale en question » in la juridictionnalisation du droit international SFDI, colloque de Lille, A.Pedone 2003, pp.163-202

BIDEGARAY C., « La définition constitutionnelle des droits et libertés en France » in Droit constitutionnel et Droits de l'Homme (Sous la Dir. de L. Favoreux, Economica), 1987

BOUTROS BOUTROS G. « Le système régional africain », régionalisme et universalisme dans le droit international contemporain de la SFDI, Colloque de Bordeaux, 1977, Paris A. Pedone p.61-72

CASSIN R., « L'homme sujet de droit international et la protection universelle de l'homme », Mélanges Georges Scelle, La technique et les principes du droit public, L.G.D.J., 1950

DIEYE A. « La Cour de justice de la Communauté CEDEAO  et les juridictions nationales des Etats membres : quelles relations ? », Nouvelles Annales Africaines n° 1  2007, pp.187-195

FALL A.B « La Charte africaine des droits de l'homme et des peuples : entre universalisme et régionalisme », Pouvoirs n°129/2 avril 2009

FALL I.M.et SALL A.,  « Une constitution régionale pour l'espace CEDEAO: Le Protocole sur la démocratie et la bonne gouvernance » in http// : www.laconstitution-en-afrique.com

FLAUSS J.F., « Le droit de recours individuel devant la Cour européenne des droits de l'homme. Le protocole n °9 de la CEDH », AFDI 1990 Edition du CNRS, Paris pp.507-519

FRISON-ROCHE M. A., « Le droit d'accès à la justice et au droit », in libertés et droits fondamentaux, 12e édition

GAUTRON J.C. , « Le fait régional dans la société internationale », Régionalisme et universalisme dans le droit international contemporain, Colloque de Bordeaux de la SFDI (1976), Paris, Pedone, 1977, pp.3-43.

GONIDEC P.-F., « Un espoir pour l'homme et les peuples africains ? La Charte africaine des droits de l'homme et des peuples », Le Mois en Afrique, juin-juillet 1983

JONOTHAN G.C , FLAUSS J. F. , «  Cour Européenne des Droits de l'Homme et droit international général », AFDI, 2003

KANTE B., «  Les juridictions constitutionnelles et la régulation des systèmes politique en Afrique » in Mélanges en l'honneur de Jean Gicquel pp.265-276

KANTE B., « Démocratie et gouvernance, facteurs de paix ? », Colloque international en hommage à Gerti HESSELING, les 15 et 16 décembre 2011 à L'UGB (inédit)

KANTE B., «  La production d'un nouveau constitutionnalisme en Afrique : Internationalisation et régionalisation du droit constitutionnel » in Land, Law and Politics in Africa, MediatingConflict and Reshapping the State, Leiden-Boston 2011 pp.240-257

KDHIR M., « Pour le respect des droits de l'homme sans droit d'ingérence », Revue trimestrielle des droits de l'homme 2002 pp.901-923

LARSEN L. B., « Le fait régional dans la juridictionnalisation du droit international », Colloque de Lille de la SFDI, la juridictionnalisation du droit international, A.Pedone, 2003, pp.203-264

MAJZOUB F. Q., « L'option juridictionnelle de la protection des droits de l'homme en Afrique : Etude comparée autour de la création de la Cour Africaine des Droits de l'homme » Revue trimestrielle des droits de l'homme, 2000 pp.729-785

MELEDJE DJEDJRO F., « L'appropriation des normes communautaires par les milieux universitaires et le monde judiciaires » Troisième rencontre inter-juridictionnelle des Cours communautaires de l'UEMOA, de la CEMAC, de la CEDEAO et de l'OHADA », Dakar, 4-6 mai 2010

QUASHIGAH E.K., « Les droits de l'homme et l'intégration » in Intégration et coopération régionales en Afrique (Sous la dir. Real LAVERGNE), éditions Karthala 1996, pp.302 et ss.

ROTA M., « Chronique de jurisprudence de la Cour Interaméricaine des droits de l'homme », CRDF, n° 6, 2007

SARR B., « L'implication du juge national dans la mise en oeuvre de la règle communautaire », Nouvelles Annales Africaines n° 1  2007, pp.102-112

SCHREUR C., « Régionalisme c. Universalisme », European Journal of international Law, Vol.6 n°3 1995

TOUZE S. , « Les techniques interprétatives des organes de protection des droits de l'homme », in R.G.D.I.P 2011 p.517-532

ü TEXTES OFFICIELS :

TEXTES OFFICIELS DE LA CEDEAO

Traité de la CEDEAO (1975)

Traité révisé de la CEDEAO (1993)

Protocole A/P.1/7/91 relatif à la Cour de justice de la Communauté

Protocole A/SP1/12/01 sur la démocratie et la bonne gouvernance additionnel au protocole relatif au mécanisme de prévention, de gestion, de règlement des conflits, de maintien de la paix et de la sécurité

Protocole de 2005 Protocole Additionnel A/SP.1/01/05 du 19 Janvier 2005 portant amendement du Protocole A/P /17 /91 relatif à la Cour de justice de la Communauté.

Règlement intérieur de la Cour de justice de la CEDEAO

Protocole additionnel A/SP.1/7/85 sur la Libre Circulation des Personnes, le Droit de Résidence et d'Etablissement

Protocole du 29 mai 1982 portant code de citoyenneté de la Communauté 

Déclaration de Principes politiques A/DCL.1/7/91 de la CEDEAO adoptée par la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement le 6 juillet 1991 à Abuja

TEXTES INTERNATIONAUX :

Déclaration Universelle des Droits de l'Homme du 10 décembre 1948

Déclaration Universelle des Droits de l'Homme et du Citoyen du 26 Aout 1789

Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, adoptée le 18 décembre 1979, entrée en vigueur le 3 septembre 1981.

Convention relative à l'esclavage du 25 septembre 1926 et la convention supplémentaire relative à l'abolition de l'esclavage, de la traite des esclaves et des instituions et pratiques analogues à l'esclavage du 7 septembre 1956

Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, adoptée le 21 décembre 1965, entrée en vigueur le 4 janvier 1969.

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, adoptée le 10 décembre 1984, entrée en vigueur le 26 juin 1987.

Convention relative aux droits de l'enfant, adoptée le 20 novembre 1989, entrée en vigueur le 2 septembre 1990.

AUTRES INSTRUMENTS JURIDIQUES

Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples

La Convention Européenne des Droits de l'Homme

La Convention américaine des Droits de l'Homme

La Charte des droits fondamentaux de l'UE

ü JURISPRUDENCE :

Ø Cour de Justice de la CEDEAO

CJ CEDEAO 27 avril 2004 M. AfolabiOlajide c/ République Fédérale du Nigeria

CJ CEDEAO 27 octobre 2008Dame Hadijatou Mani Koraou c/ République du Niger

CJ CEDEAO 18 novembre 2010 Hissein Habré c/ République du Sénégal

CJ CEDEAO 7 octobre 2005Hon.Dr.JerryUgokwe c/ République Fédérale du Nigeria

CJ CEDEAO 22 mars 2007 Sieur Moussa Léo Keita c /Etat du Mali

CJ CEDEAO 28 juin 2007 Alhaji HammaniTidjani c/ République Fédérale du Nigéria, République du Mali, République du Bénin, Procureur Général de l'Etat de Labos, Procureur Général de l'Etat d'Ogun

CJ CEDEAO 29 octobre 2007 Etim Moses Essien c/ République de Gambie et l'Université de Gambie

CJ CEDEAO 2 novembre 2007 Chief Frank C.Ukor c/ Sieur Rachad Laleye Gouvernement de la République du Bénin

CJ CEDEAO 22 novembre 2007 Mrs Alice Raphael Chukwudolue et autres c/ République du Sénégal

CJ CEDEAO 16 mai 2008 KalawoleO.O.James c/ Le Conseil des Ministres de la CEDEAO, Parlement de la CEDEAO, Commission de la CEDEAO

CJ CEDEAO 5 juin 2008 ChiefEbrimahManneh c/ République de Gambie

CJ CEDEAO 5 juin 2011 SirikuAladeC/ République Fédérale du Nigéria

CJ CEDEAO Isabelle ManaviAmeganvi et Autres contre Etat du Togo du 7 octobre 2011

CJ CEDEAO Isabelle ManaviAmeganvi et Autres contre Etat du Togo 13 mars 2012

CJ CEDEAO Mamadou Tandjan Contre Etat du Niger du 08 NOVEMBRE 2010

Ø Cour de Justice de l'UEMOA

Cour de l'UEMOA, Eugène Yaï c. Conférence des Chefs d'Etat et de gouvernement du 27 avril 2005, du 5 avril 2006 et du 30 avril 2008

Ø Cour de Justice des Communauté européennes

CJCE Hoescht 21 septembre 1989

CJCE Lisa Jacqueline Grant c/ South -West Trains Ltd, arrêt du 17 février 1998

CJCE Grant contre South -West trains Ltd du 17 février 1998 ;

Ø Cour européenne des droits de l'homme

Cour EDH Salgueiro da Silva Moutac.Portugal du 21 décembre 1999

Cour EDH Chappell c/ Royaume Uni 30 mars 1989

Cour EDH Papamichalopoulos et autres c/ Grèce du 31 octobre 1995

Cour EDHGolder c. Royaume Uni du 21 février 1975

Cour EDH Wilde, Ooms et Versyp c/ la Belgique du 18 juin 1971

Ø Cour Internationale de Justice

CIJ Belgique contre Etat du Sénégal 20 juillet 2012

CIJ Barcelona Traction du 5 février 1970

ü WEBOGRAPHIE :

www.droit-fondamentaux.org

www.aidh.org

www.fidh.org

www.allafrica.com

www.crin.org

www.la constitution- en -afrique.com

www.idc-afrique.org

www.claiminghumanrights.org

ü AUTRES SOURCES :

Dictionnaire du droit international public (Sous la dir. de J.SALMON), Bruylant /AUF, Bruxelles, 2001.

Lexique des termes juridiques, Dalloz, Paris 2007.

TABLE DES MATIERES

Sommaire..................................................................................4

Introduction...............................................................................6

TITRE 1 : L'EFFICACITE DE LA PROTECTION DES DROITS DE L'HOMME PAR LA COUR DE JUSTICE DE LA CEDEAO.......................................................17

Chapitre 1 :Un dispositif juridique pertinent et varié pour un contrôle juridictionnel de qualité....................................................................................................18

Section 1 : La pertinence des instruments juridiques à la base de l'action de la Cour......19

Paragraphe 1 : L'aménagement de voies de recours individuels devant la Cour.............19

A. La saisine directe de la Cour par les personnes physiques....................................19

B. L'examen du caractère « sérieux » des requêtes individuelles...............................23

Paragraphe 2 :La Cour de Justice de la CEDEAO, une juridiction de proximité............25

A. Le fondement du caractère forain de la justice communautaire............................25

B. Une aubaine dans l'espace ouest africain.......................................................26

Section 2 : La référence aux instruments juridiques exogènes relatifs aux droits de

l'homme..................................................................................................29

Paragraphe 1 : la référence aux instruments internationaux de protection des droits de l'homme..................................................................................................29

A. La référence aux instruments juridiques universels à portée générale.........................29

B. Les textes internationaux à objet spécifique.......................................................32

Paragraphe 2 : L'affirmation des normes régionales africaines de protection des Droits de l'Homme................................................................................................34

A. La Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples..................................34

B. L'autonomie de la Cour dans l'utilisation des modalités de la Charte.......................35

Chapitre 2 :Les garanties statutaires de la Cour de justice communautaire...................37

Section 1 :De l'indépendance des juges............................................................38

Paragraphe 1 : Les garanties d'indépendance dans le mode de recrutement des juges.......38

A. Une ancienne modalité de recrutement des juges aux mains des Etats........................38

B. Un nouveau mode de recrutement des juges confié à un Conseil judiciaire.................40

Paragraphe 2 : De l'intégrité des juges dans leurs actions........................................42

A. L'indépendance des juges........................................................................42

B. L'impartialité des juges...........................................................................43

Section 2 :Les garanties fonctionnelles de la Cour.................................................45

Paragraphe 1 : Les rapports de la Cour avec l'ordre communautaire.........................45

A. L'autonomie structurelle de la Cour vis à vis   des institutions communautaires............45

B. Le caractère indépendant de la Cour vis à vis des Etats membres.........................47

Paragraphe 2 : La reconnaissance de l'autorité des décisions de la Cour......................48

A. Le caractère obligatoire des décisions de la Cour............................................48

B. Une efficacité recherchée dans l'exécution des arrêts de la Cour..........................50

TITRE 2:LES LIMITES DE LA COUR DE JUSTICE DE LA CEDEAO DANS SA MISSION DE PROTECTION DES DROITS DE L'HOMME................................55

Chapitre 1 :Une Cour entravée dans son action...................................................56

Section 1 :Les entraves juridico- institutionnelles de la Cour de justice.........................57

Paragraphe 1 : Les contraintes juridiques........................................................57

A. Une efficacité relative en raison de la surabondance des textes de référence...............57

B. Un risque latent d'une divergence d'interprétations des textes................................60

Paragraphe 2 : Les défaillances institutionnelles du mécanisme de contrôle juridictionnel..63

A. L'incertitude de la procédure de règlement à l'amiable et de médiation....................63

B. L'absence d'un mécanisme de filtrage approprié...............................................65

Section 2 : Les contraintes d'ordre politico-opérationnel........................................68

Paragraphe 1 : Les contraintes d'ordre politique...................................................68

A. Le manque de collaboration des autorités étatiques..............................................68

B. Vers une déliquescence de l'autorité du juge communautaire ?...................................70

Paragraphe 2 : les contraintes d'ordre opérationnel...............................................73

A. La Cour de la justice communautaire, une juridiction méconnue..............................73

B. Le caractère incertain de l'exécution des décisions de la Cour .................................74Chapitre 2 : Pour une juridiction communautaire plus efficace dans l'espace CEDEAO.....78

Section 1 :La rationalisation du système communautaire de protection des droits de

l'homme..................................................................................................79

Paragraphe 1 : Le nécessaire renforcement des garanties institutionnelles.....................79

A. Le renforcement de la compétence du juge communautaire....................................79

B. L'indispensable adoption d'un catalogue ouest africain des droits de l'homme.............81

Paragraphe 2 : L'opportunité de l'articulation des voies de recours et d'exécution...........84

ALa nécessaire priorisation des requêtes individuelles par le système de filtrage..............84

B. La définition des modalités d'une application satisfaisante des décisions...................85

Section 2 :Les efforts à entreprendre au plan opérationnel....................................87
Paragraphe 1
 : La vulgarisation de la Cour pour une meilleure visibilité des droits de l'homme................................................................................................87

A. L'amélioration des activités promotionnelles de la Cour auprès de l'opinion.............88

B. La promotion de la Cour de justice de la CEDEAO dans les milieux judiciaires et universitaires..............................................................................................89

Paragraphe 2 : Le nécessaire concours de l'Etat et des ONG.....................................91

A. La nécessité d'une réelle volonté étatique pour une mise en oeuvre effective des droits de l'homme..................................................................................................91

B. La participation active des ONG dans la réalisation de la mission............................93

Conclusion............................................................................................95

Bibliographie............................................................................................98
Table des matières
.....................................................................................106

* 1 F. MAYOR, ancien directeur général de l'UNESCO, in la DUDH, 40e anniversaire 1948-1988, l'Harmattan, 1991 p.3

* 2 C. SCHREUER, Régionalisme c. Universalisme, European Journal of international Law, Vol.6 n° 3 1995

* 3 Lexique des termes juridiques, Dalloz, Paris 2007.

* 4 J.C.GAUTRON, « Le fait régional dans la société internationale », Régionalisme et universalisme dans le droitinternational contemporain, Colloque de Bordeaux de la SFDI (1976), Paris, Pédone, 1977, pp.3-43.

* 5Boutros BOUTROS-GHALI, « le système régional africain », régionalisme et universalisme dans le droit international contemporain de la SFDI, Colloque de Bordeaux, 1977, Paris A. Pedone p.61-72

* 6Les Etats membres de la CEDEAO sont les suivants : le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d'Ivoire, la Guinée, le Mali, le Niger, le Sénégal, le Togo (pays francophones), le Ghana, la Gambie, le Libéria, le Nigéria, la Sierra Leone (pays anglophones), le Cap vert, la Guinée Bissau (pays lusophones) (NB : La Mauritanie s'est retirée de l'organisation le 1 janvier 2001)

* 7 Art.2 du traité de la CEDEAO

* 8La CEDEAO a adopté en 1978 un Protocole de Non-Agression ; en 1981 un Protocole de Défense et d'AssistanceMutuelle.Lors de la Conférence des chefs d'État et de gouvernement en 1990, il fut décidé de mettre en place l'ECOMOG. Celle-ci fut institutionnalisée par le Protocole relatif auMécanisme de Prévention, de Gestion et de Règlement des conflits signé en décembre 1999 à Lomé (Togo). Ses principales tâches sont entre autres l'observation et la supervision des cessez-le-feu, le maintien de la paix, l'intervention humanitaire, le déploiement préventif, la construction de la paix, le désarmement et la démobilisation Ce groupe de supervision est intervenu dans les guerres civiles du Liberia, de Sierra Léone et de Guinée-Bissau.

* 9Voir les articles 1, 3 et 7 du Protocole additionnel A/SP.1/7/85 sur la Libre Circulation des Personnes, le Droit de Résidence et d'Etablissement et les articles 1, 3, 10, 13, 14 et 16 du Protocole additionnel A/SP.1/7/86 Protocole sur la Libre Circulation des Personnes, le Droit de Résidence et d'Etablissement (disponible à http://www.comm.ecowas.int consulté le 12 janvier 2012)

* 10Déclaration de Principes politiques A/DCL.1/7/91 de la CEDEAO adoptée par la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement le 6 juillet 1991 à Abuja

* 11 Paragraphe 4 du Préambule du Traité révisé de la CEDEAO

* 12Babacar KANTE, « démocratie et gouvernance, facteurs de paix ? », Colloque international en hommage à Gerti HESSELING, les 15 et 16 décembre 2011 à L'UGB (inédit)

* 13 Est considéré comme citoyen de la communauté d'après le protocole du 29 mai 1982 portant code de citoyenneté de la Communauté : « toute personne qui, par la descendance, a la nationalité d'un Etat membre et qui ne jouit pas la nationalité d'un Etat non membre de la communauté »

* 14 A.SALL, la justice de l'intégration. Réflexion sur les institutions judicaires de la CEDEAO et de l'UEMOA, CREDILA, 2011, p.25

* 15Par exemple, les Etats occidentaux ont une conception individualiste des droits de l'homme, les asiatiques une conception cosmogonique alors que certains Etats africains mettent au premier plan le groupe, la tribu, la famille.

* 16 L. FAVOREU (dir.), Droit des libertés fondamentales, Paris, Dalloz, coll. Précis, 3ème éd., 2005, p. 2.

* 17 La CIJ a affirmé que tous les Etats avaient un intérêt juridique à ce que ces droits soient protégés. V. arrêt de la CIJ du 5 février 1970, Barcelona Traction,

Dans son Discours à l'occasion de la cérémonie de remise du prix des droits de l'homme de la République française le 11 décembre 2009, M. B.KOUCHNER rappelait ce principe universel« Non, les Droits de l'Homme ne varient pas au gré des cultures ! Non, ils nedoivent pas être relativisés au nom de valeurs prétendument traditionnelles ». L'éminent défenseur des droits de l'homme des premières heures René Cassin à l'annonce de son prix Nobel de la Paix en 1968 affirmait : « Il n'y aura pas de paix sur cette planète tant que les droits de l'Homme seront violés en quelque partie du monde que ce soit »

* 18 K.MBAYE, les droits de l'homme en Afrique noire, A.Pedone 1992, p.76

* 19 Dictionnaire de droit international public, (dir. Jean SALMON), Bruylant/AUF Bruxelles 2001, p.901

* 20 En Europe, La CJCE peut connaitre des différends relatifs aux droits fondamentaux mais l'accès des particuliers à la juridiction reste très limité en la matière. Les Cours de justice de la SADC et de la CEAE ont un mandat implicite en matière de droits humains même si elles engagent les parties au respect des droits de l'Homme, à ladémocratie, à l'Etat de droit, à la non-discrimination.

* 21 L'expression est du professeur B.KANTE, ibid.

* 22 A.SALL, la justice de l'intégration. Réflexion sur les institutions judicaires de la CEDEAO et de l'UEMOA, CREDILA, 2011, p.20

* 23Le Protocole A/SP.1/12/01 sur la démocratie et la bonne gouvernance additionnel au protocole relatif au mécanisme de prévention, de gestion, de règlement des conflits, de maintien de la paix et de la sécurité,Voir l'art. 39 :« Le Protocole A/P.1/7/91, adopté, à Abuja le 6 juillet 1991, et relatif à laCour de Justice de la Communauté, sera modifié aux fins de l'extensionde la compétence de la Cour, entre autres aux violations des droits de l'Homme après épuisement, sans succès, des recours internes. » Pour une lecture détaillée de ce protocole, lire I.M.FALL et A.SALL « Une constitution régionale pour l'espace CEDEAO : Le Protocole sur la démocratie et la bonne gouvernance » in http// : www.laconstitution-en-afrique.com(consulté le 20 janvier 2012)

* 24Mr AFOLABI OLAJIDE c/ la République Fédérale du Nigeria du 27 avril 2004. C'est le premier arrêt rendu par la Cour de justice de la CEDEAO qui sera rejeté en l'absence de saisine directe de la Cour par les particuliers selon l'article 9.3 du Protocole de 1991

* 25Nous avons retenu cette notion pour rendre « le droit communautaire à ses origines internationalistes » pour dire que le succès de bon aloi du droit communautaire de quelque aspect fut-il en la matière est intrinsèquement lié au droit international.

* 26 Art.35 para.1 de la CEDH

* 27Pour connaitre tout le formalisme. V .http://www.claiminghumanrights.org/ecowas

* 28 Art. 35.2.b de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales ; Art. 56.7 de la Charte Africaine des Droits de l'Homme ; Art.46.c de la Convention Américaine des Droits de l'Homme et des Peuples ; Art. 5.2.a) du Premier Protocole facultatif relatif au Pacte international relatifs aux droits civils et politique

* 29 COHEN-JONATHAN in « La convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et de libertés fondamentales », Economica, Paris 1989, P.143

* 30 La CJCEDEAO a déjà eu à se prononcer sur cette condition par sa décision en date du 14 mai 2010Hissein Habré c. Etat du Sénégal. Elle a affirmé que l'UA n'est pas une Cour de justice internationale au sens de la loi, et par conséquent, son rôle n'est pas d'administrer la justice ou de dire le droit. Ensuite, cette affaire étant déjà sous examen devant le comité des Nations unies contre la Torture, la Haute juridiction communautaire aborde la condition posée par l'article en posant que ce Comité n'est pas non plus une juridiction. Son rôle se limite à la surveillance de la mise en oeuvre par les Etats signataires, des dispositions issues de la Convention contre la torture. En tant que tel, il est un simple organe d'alerte dont les « recommandations » et autres « injonctions » restent dénuées de toute force exécutoire

* 31 Article 35 1.de la CEDH : La Cour ne peut être saisie qu'après l'épuisement des voies de recours internes, tel qu'il est entendu selon les principes de droit international généralement reconnus, et dans un délai de six mois à partir de la date de la décision interne définitive.

* 32 CJ CEDEAO Dame Hadijatou Mani Koraou c/ République du Niger du 27 octobre 2008

* 33V. page 36 de cette présente étude

* 34Cit. par le juge de la CEDEAO dans l'arrêt, Dame Hadjijatou Mani Koraou c/ la République du Niger

* 35 Les langues de certains Etats membres de l'organisation s'étaient déliées pour exiger l'épuisement préalable des voies de recours internes avant la saisine de la Cour et la soumission des décisions de celle-ci à une procédure d'appel (une demande avait été introduite par la Gambie au niveau des instances communautaires). La riposte n'avait pas tardé puisque des organisations non gouvernementales et des citoyens ouest africains avaient saisi la Cour en 2009 aux fins de déclarer illégales et contraires aux principes de la CEDEAO les demandes introduites par la Gambie

* 36CJ CEDEAO, aff.Hissein Habré c .Etat du Sénégal du 18 novembre 2010

* 37 Est considéré comme citoyen de la communauté d'après le protocole du 29 mai 1982 portant code de citoyenneté de la Communauté : « toute personne qui, par la descendance, a la nationalité d'un Etat membre et qui ne jouit pas la nationalité d'un Etat non membre de la communauté »

* 38 CJ CEDEAO, aff. Hon. Dr. UGOGWE C. République fédérale du Nigeria du 7 octobre 2007, para 32

* 39 CJ CEDEAO Hissein Habré c/ République du Sénégal du18 novembre 2010

* 40 Voir F.SUDRE,. Droit international et européen des droits de l'homme, 10 édition PUF, 2006 p. 300

* 41CJ CEDEAO, aff.Hadijatou Mani Koraou c/ Rép. Niger, 27 octobre 2008

* 42 Selon l'article 19 de la CEDH1. Le siège de la Cour est fixé à Strasbourg, siège du Conseil de l'Europe. La Cour peut toutefois, lorsqu'elle le juge utile, exercer ses fonctions en d'autres lieux du territoire des Etats membres du Conseil de l'Europe. 2. La Cour peut décider, en tout état d'instruction d'une requête, qu'il est nécessaire qu'elle-même ou l'un ou plusieurs de ses membres procèdent à une enquête ou accomplissent toute autre tâche en d'autres lieux.

* 43 M. A.FRISON-ROCHE, le droit d'accès à la justice et au droit, in libertés et droits fondamentaux, 12e édition pp. 521-540

* 44www. lesenegalais.net (consulté le 21- 02-2012)

* 45 L'expression est empruntée au professeur A.SALL

* 46 J.F RENUCCI, Droit européen des Droits de l'Homme, 2e édition, L.G.D.J, 2001 p.179

* 47D.A.KELLY, « Le juge africain est entré dans l'Histoire » (Commentaire de l'arrêt du 27 octobre 2008, Hadijatou Mani Koraou c/ Niger de la Cour de justice de la CEDEAO,) in combatsdroitshomme.blog.lemonde.fr (consulté le 20 janvier 2012)

* 48 Dans l'affaire ChiefEbrimahManneh c/République de Gambie du 5 juin 2008, on peut lire par exemple qu'un des témoins avait conseillé au requérant de saisir la CJ CEDEAO au détriment des autres juridictions.

* 49 Les Etats africains soucieux d'améliorer le système régional de protection des droits de l'homme ont signé le 9 juin 1998 le protocole de Ouagadougou créant la Cour Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples qui va entrer en vigueur le 25 janvier 2004. Cette cour est opérationnelle depuis 2009.

* 50 A.B.FALL, op.cit.

* 51Aux termes de l'article 5 § 3 du Protocole, « ont qualité pour saisir la Cour : a) la Commission ;b) l'Etat partie qui a saisi la Commission ; c) L'Etat partie contre lequel une plainte a été introduite devant la Commission ; d) l'Etat partie dont le ressortissant est victime d'une violation des droits de l'homme, e) les organisations inter-gouvernementales africaines ».

* 52Selon le professeur Babacar Kanté, même « la décision prise par les Chefs d'Etat ou de gouvernement de fusionner la Cour africaine des droits de l'homme et la Cour de justice de l'Union Africaine n'est pas nécessairement de nature à garantir une protection plus efficace des droits fondamentaux. B. KANTE «  la production d'un nouveau constitutionnalisme en Afrique : Internationalisation et régionalisation du droit constitutionnel » in Land, Law and Politics in Africa, MediatingConflict and Reshapping the State, Leiden-Boston 2011 pp.240-257

* 53L'expression est de L.B.LARSEN, « Le fait régional dans la juridictionnalisation du droit international », Colloque de Lille de la SFDI, la juridictionnalisation du droit international, Pedone, 2003, pp.203-264. L'auteur relève que l'Asie qui est exempte de toute trace de juridictionnalisation.La palme de prolifération est décernée au continent africain qui compte douze juridictions régionales. Les continents américain et européen en comptent respectivement quatre. (V. l'intéressante étude de L.B .LARSEN, art.précit.)

* 54 La Charte africaine des droits de l'homme et des Peuples du 27 juin 1981 n'avait pas institué de juridiction ; elle s'est contentée de prévoir une simple Commission africaine des droits de l'homme. Les Etats africains soucieux d'améliorer le système régional de protection des droits de l'homme ont signé le 9 juin 1998 le Protocole de Ouagadougou créant la Cour Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples qui est entré en vigueur le 25 janvier 2004.

* 55 La Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a été fondée en 1959 dans le but d'appliquer la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le modèle européen du fait de son originalité est considéré comme « le plus achevé », F. Sudre, Droit international et européen des droits de l'Homme, 7ème éd. refondue, PUF, coll. Droit fondamental, 2005, n° 289, p. 531.

* 56 Le continent américain a précédé l'Europe dans la reconnaissance des droits de l'homme grâce à la Charte constitutive de l'Organisation des États américains du 30 avril 1948, en revanche, il faut attendre la convention du 22 novembre 1969 pour instituer une Cour interaméricaine habilitée à recevoir les requêtes des personnes pour violation des droits de l'homme. Cette Cour n'est entrée en fonction qu'en 1978

* 57 Jules FERRY dans des propos iniques affirment que « les droits de l'homme ne sont pas faits pour les Nègres » (cit. par Edem KIDJO,...Et demain L'Afrique, Stock 1985, p.168). Oublie-t-il que « les droits de l'homme ne sont étrangers à aucune culture; ils appartiennent à tous les pays; ils sont universels ». (Kofi A. Annan, ancien Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies. Allocution prononcée à l'Université de Téhéran le 10 décembre 1997, à l'occasion de laJournée des droits de l'homme)

* 58R. CASSIN, « L'homme sujet de droit international et la protection universelle de l'homme », Mélanges Georges Scelle, La technique et les principes du droit public,L.G.D.J., 1950, T. 1, p. 77.

* 59 C.BIDEGARAY, la définition constitutionnelle des droits et libertés en France in Droit constitutionnel et Droits de l'Homme (Sous la Dir. de L. Favoreux, Economica), 1987,p. 14-38

* 60 Affaire Hadijatou Mani Koraou c/ Rép. Niger, 27 octobre 2008

* 61Paul-François GONIDEC, « Un espoir pour l'homme et les peuples africains ? La Charte africaine des droits de l'homme et des peuples », Le Mois en Afrique, juin-juillet 1983, p. 23

* 62 A.B.FALL, « La Charte africaine des droits de l'homme et des peuples : entre universalisme etrégionalisme », Pouvoirs n°129/2 avril 2009 p.77-100

* 63 CJ CEDEAO, aff.Hon.Dr.JerryUkogwe c. République fédérale du Nigériadu 7 octobre 2005, (para.29)

* 64 CJ CEDEAO 5 juin 2008 ChiefEbrimahManneh c/ République de Gambie

* 65 CJ CEDEAO Dame Hadijatou Mani Koraou c/ la République du Niger » du 27 octobre 2007

* 66L'expression est d'Honoré Balzac cité par E. JOUANNET, « Actualité des questions d'indépendance et d'impartialité des juridictions internationales : La consolidation d'un tiers pouvoir international ? » Collection Contentieux International indépendance et impartialité des juges internationaux, (sous la dir. deHélène Ruiz Fabri et Jean-Marc Sorel)Editions Pedone, 2010, p.271-302

* 67 J. Chevallier, L'État post-moderne, Paris, LGDJ, 2004, pp. 133ss.

* 68 Art.3 du protocole sur la Cour de justice.

* 69 Le Conseil judiciaire de la Communauté a été créé par la Décision (A./DEC.2/06) de la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement du 14 juin 2006

* 70Les membres de la Cour sont nommés par la Conférence et choisis sur une liste de personnes désignés par les Etats membres (Art 3(4). C'est le secrétaire exécutif qui préparait la liste des candidats désignés (art.3(5)

* 71 A.SALL, Op.cit., p.53

* 72 Dictionnaire de droit international public, Op.cit. p.570

* 73Article 15 du Traité de la CEDEAO

* 74 L'article 5 (2) du Protocole sur la Cour de justice

* 75 CJ CEDEAO 29 octobre 2007 Etim Moses Essien c/ République de Gambie et l'Université de Gambie

* 76A.Kojève, Esquisse de phénoménologie du droit, p.75

* 77Dictionnaire de droit international, op.cit., p.562

* 78 A. GARAPON, J.ALLARD et F. GROS, les vertus du juge. Notons que l'impartialité est dénoncée par pure illusion car le juge de se déciderait qu'en fonction de ses préférences politiques ou même d'après certains, selon ses intuitions, ses états d'âmes du moment encore suivant le petit déjeuner selon J. Hutcheson cité par E.JOUANNET, op.cit.p.295

* 79 M.-A. FRISON-ROCHE, « L'impartialité du juge », Dalloz, 1999, Chron., n°26, p. 53.

* 80Dictionnaire de droit international public, op. cit., p. 805.

* 81L.B.LARSEN, « le fait régional dans la juridictionnalisation du droit international » in la juridictionnalisation du Droit International, Colloque de Lille de la SFDI (2002), Paris, Pedone, , pp.203-264.

* 82 R. Badinter, « Une si longue défiance », Pouvoirs, Les Juges, n° 74, 1995, p. 9

* 83 L. B.LARSEN, « Le fait régional dans la juridictionnalisation du droit international », Colloque de Lille de la SFDI, la juridictionnalisation du droit international, A.Pedone, 2003, pp.203-264

* 84Selon une dépêche de l'Agence de Presse Africaine (APA-Dakar) en date du 5 avril 2009, l'on apprend que cette amende a été honorée :« le Niger a exécuté un arrêt de la Cour de justice de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) le condamnant à payer 10 millions de francs CFA (20.000 dollars) à Hadijatou Mani Koraou, une citoyenne nigérienne qui avait porté plainte contre l'Etat pour violation de ses droits fondamentaux.

* 85Stéphane BOLLE, « La Cour de Justice de la CEDEAO: une cour (supra)constitutionnelle ? » In - www.la constitution- en -afrique.com

* 86 CJ CEDEAO 7 octobre 2011 Isabelle ManaviAmeganvi et autres c/ Etat du Togo

* 87 S.ROSENNE, « l'exécution et la mise en oeuvre des décisions de la Cour Internationale de Justice » RGDIP, 1953, pp.532-583

* 88 F.Q.MAJZOUB, « l'option juridictionnelle de la protection des droits en Afrique, étude comparée autour de la Cour Africaine des Droits et des peuples » Revue trimestrielle des droits de l'homme, 2000 pp.729-785

* 89 E.SPITZ, « l'acte de juger », RDP, 1995, pp.289-302

* 90 F.TUKENS Cité par Elisabeth Lambert ABDELGAWAD, « l'exécution des décisions des juridictions européenne (Cour de justice des Communauté européenne et Cour européenne des droits de l'homme », AFDI, 2006,p. 677-724

* 91 CJ CEDEAO8 novembre 2010, Mamadou TANDJAN contre Etat du Niger

* 92 Dans l'affaire ChiefEbrimahManneh du 8 juin 2008 la Cour a ordonné à la République de Gambie de remettre en liberté et sans délai ChiefEbrimahManneh et ce, dès réception de la décision.

* 93 CJ CEDEAO Musa Saidykhan, c. République de Gambie du 16 novembre 2010

* 94 Art.6 du protocole de 2005 ou art.24 nouveau relatif au Protocole de la Cour de justice

* 95 A. Dièye, « la Cour de justice de la Communauté CEDEAO et les juridictions nationales des Etats membres : quelles relation »s in Actes du Colloque sur les droits communautaires africains, Nouvelles annales africaines, 187-197

* 96 S.BOLLE, « Etes-vous CEDEAO compatible ? » in www.laconstitution-en-afrique.com(consulté le 20-08 2012)

* 97F.OFOR,«Protection juridique des droits de l'homme dans le cadre de la CEDEAO: les possibilités offertes par le juge communautaire»Lors d'un atelier de formation sur le renforcement de la promotion et protection des droits de l'homme en Afrique de l'Ouest par la Cour Communautaire de la CEDEAO,BAMAKO, MALI 7-9 décembre 2006

* 98W. LAQUEUR et B. RUBIN, Anthologie des Droits de l'Homme, Editions Nouveaux horizons, 1998 p.2

* 99 Ph. Ardant, « les problèmes posés par les droits fondamentaux dans les Etats en voie de développent », Collection de droit public dirigé par L .Favoreu, Droit constitutionnel et Droits de l'Homme, Economica 1987

* 100 Il s'agit du premier document de l'Union européenne relatif aux droits de l'homme. Il regroupe au sein d'un seul et uniquetexte les droits civils, politiques, économiques, sociaux et sociétaux déjà prévus pardivers supports internationaux, européens et nationaux. Il a été proclamé conjointement par leConseil européen, le Parlement européen et la Commission européenne à Nice, les 7 et 9 décembre 2000. A la différencedesconventions du Conseil de l'Europe, il n'a pas force obligatoire et ne s'applique qu'à l'Union européenne.Cette Charte est plus limitée que la CEDH car contrairement à la Cour Européenne des droits de l'Homme, la CJCE ne peut-être saisie par un particulier.

* 101 CJ CEDEAO 7 octobre 2005 Hon.Dr.JerryUgokwe c/ République Fédérale du Nigeria

* 102 CJ CEDEAO, Dame Hadjijatou Mani Koraou c/ la République du Niger  du 27 octobre 2007

* 103C J CEDEAO, ChiefEbrimahManneh contre la République de Gambie du 5 juin 2005. Dans cet arrêt, le juge communautaire affirme qu'il n'est lié pas par la jurisprudence des autres juridictions internationales même si elle pouvait s'y référer.

* 104 H.ASCENSIO, « la notion de juridiction internationale en question », SFDI, colloque de Lille, la juridictionnalisation du droit international, A .Pedone 2003, p. 163-202

* 105 G.FIZTMAURE, dans son opinion dissidente sous l'arrêt Cour EDH du 21 février 1975, Golder c.Royaume Uni a indiqué que la démarche interprétative des organes de protection des droits de l'homme repose sur ce postulat général.

* 106 P.BERCIS, Guide des droits de l'homme, la conquête des libertés, Hachette 1993, p.110

* 107H.Ascensio, Op.cit.

* 108 Sébastien TOUZE, « les techniques interprétatives des organes de protection des droits de l'homme », in R.G.D.I.P 2011 p.517-532

* 109Voir A.PECHEUL, Droit communautaire général, Ellipse, 2002, p.112.

* 110CJCE , 21 septembre 1989,Hoescht

* 111Cour.EDH, 30 mars 1989, Chappell c/ Royaume Uni

* 112Cour.EDH, Salgueiro da Silva Moutac.Portugal du 21 décembre 1999

* 113 CJCE, Lisa Jacqueline Grant c/ South -West Trains Ltd, arrêt du 17 février 1998

* 114 S.KARAGIANNIS, « la multiplication des juridictions internationales, un système anarchique ? » in la juridictionnalisation du droit international, colloque de Lille, Paris, Pedone 2003, p.8-161

* 115SALL A., Les mutations de l'intégration des Etats en Afrique de l'ouest : une approche institutionnelle, l'Harmattan 2006

* 116Voir art.52 de la Charte, art.6 du Protocole et art . 57 du règlement intérieur de la Cour

* 117 A.D.OLINGA, l'Afrique face à la globalisation des techniques de protection des droits fondamentaux, RJP, avril 1990, EDIENA, P.67-84

* 118 Il faut noter également que cette procédure prévue à l'art. 38 de la CEDH est confidentielle.

* 119 La Cour de justice de la CEDEAO, a reçu entre 2005 et 2011, 81 requêtes avec 76 arrêts dont 46 qui concernent la violation des Droits humains. ( www.loffice.net consulté le 10 janvier 2012)

* 120Dans l'affaire du 2 novembre 2007 Chief Frank C.Ukor c/ Sieur Rachad Laleye Gouvernement de la République du Bénin le requérant a saisi la Cour car Lalayé aurait méconnu ses engagements contractuels et que l'Etat du Bénin serait complice de cette escroquerie. Une ordonnance du tribunal avait autorisé la saisie des marchandises et l'immobilisation de la remorque. On sait que la Cour n'étant pas un troisième degré de juridiction n'a pa compétence pour se prononcer sur des décisions rendues par les juridictions nationales des Etats membres.

* 121 CJ CEDEAO 29 octobre 2007 Etim Moses Essien c/ République de Gambie et l'Université de Gambie

* 122 CJ CEDEAO 7 octobre 2005 Hon.Dr.JerryUgokwe c/ République Fédérale du Nigeria

* 123Celui-ci vise à garantir l'efficacité à long terme de la Cour en optimisant le filtrage et le traitement des requêtes, prévoit notamment la création de nouvelles formations judiciaires pour les affaires les plus simples et un nouveau critère de recevabilité (l'existence d'un «préjudice important »), et porte le mandat des juges à neuf ans, non renouvelable. Il est entré en vigueur le 1er juin 2010

* 124 Voir en ce sens R. DEGNI-SEGUI, les droits de l'homme en Afrique noire francophone (théories et réalités), Abidjan, 1998 p.127

* 125P.H.Imbert, l'apparente simplicité des droits de l'homme : réflexions sur les différents aspects de l'universalité des droits de l'homme in Revue Universelle des Droits de l'Homme,VI 1989,p.21

* 126 A. Bundu, la CEDEAO et l'avenir de l'intégration régionale en Afrique de l'OuestOp.Cit. 51

* 127 Exposé des motifs du Protocole du 19 janvier 2005

* 128CJ CEDEAO 29 octobre 2007 Etim Moses Essien c/ République de Gambie et l'Université de Gambie et CJ CEDEAO 5 juin 2008 ChiefEbrimahManneh c/ République de Gambie

* 129 CJ CEDEAO Isabelle ManaviAmeganvi et Autres contre Etat du Togo du 7 octobre 2011

* 130 CIJ 20 juillet 2012 Belgique contre Etat du Sénégal

* 131 Lire à ce propos «  L'obstination du témoignage » (Rapport annuel 2011 de l'Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l'homme FIDH / OMCT) in www.fidh.org (consulté le 20 juillet 2012)

* 132 M.KAMTO, « les interactions des jurisprudences internationales et des jurisprudences nationales » in la juridictionnalisation du Droit International, colloque de la SFDI 2003, Edition Pedone p.393et s.

* 133 Dans la seconde lettre adressée au Président de la Commission, on peut lire ce qui suit ; « ... les défenderesses ne participeront à aucune autre session de la Cour de Justice de la Communauté jusqu'à ce que la question de compétence soit réglée de manière effective par l'institution d'une Cour d'Appel indépendante »

* 134A.SALL, Op.Cit. p. 338

* 135 L'affaire ChiefEbrimahManneh c/ la République de Gambie, portait sur l'arrestation le 11 juillet 2006 et la détention d'un journaliste gambien du Daily Observer par les services secrets. Les avocats du requérant fondaient leur saisine sur le caractère arbitraire de l'arrestation et de la détention de leur client (art. 6 et 7 de la Charte africaine). La Cour a jugé que la Gambie était responsable de l'arrestation et de la détention arbitraire du requérant, enfermé in communicadosans jugement.

* 136 CJ CEDEAO Isabelle ManaviAmeganvi et Autres contre Etat du Togo 13 mars 2012

* 137Ibid, p.64

* 138 D.SY, « L'activité de la Cour de justice de l'UEMOA », les droits communautaires africains, Nouvelles Annales Africaines, 2006, p.113-118

* 139arrêtEtim Moses Essien c/ République de Gambie et l'Université de Gambie du 29 octobre 2007

* 140arrêt Dame Hadijatou Mani Koraou c/ République du Nigerdu 27 octobre 2008

* 141 V. la revue Nouvelles Annales Africaines n° 1  2007

* 142SARR B., « L'implication du juge national dans la mise en oeuvre de la règle communautaire », Nouvelles Annales Africaines n° 1  2007, pp.102-112

* 143La Cour.EDH a ainsi clairement affirmé dans l'affaire Papamichalopoulosqu'« un arrêt constatant une violation entraîne pour l'Etat défendeur l'obligation juridique au regard de la Convention de mettre un terme à la violation et d'en effacer les conséquences de manière à rétablir autant que faire se peut la situation antérieure à celle-ci »Papamichalopoulos et autres c/ Grèce (article 50) du 31 octobre 1995

* 144 Lire à ce propos J. MOURGEON, Les droits de l'homme, PUF, « Que sais-je ? » n1728, 1996. L'auteur note à la page 10 que « le pouvoir est simultanément le pourvoyeur et le fossoyeur des droits de l'homme ».

* 145 Selon l'article 10 (a) :Peuvent saisir la Cour: tout Etat membre et, à moins que le Protocole n'en dispose autrement, le SecrétaireExécutif pour les recours en manquement aux obligations des Etats membres

* 146A.PECHEUL, Droit communautaire général, Ellipses 2002, p.190

* 147 A.PECHEUL, Op.cit.p.199

* 148CJ CEDEAO Hissein Habré c/ République du Sénégal 18 novembre 2010

* 149 I.M.FALL et A.SALL « Une constitution régionale pour l'espace CEDEAO: Le Protocole sur la démocratie et la bonne gouvernance » in http// : www.laconstitution-en-afrique.com( consulté le 12 janvier 2012)

* 150 Cette terminologie « onusienne » doit cependant être utilisée avec parcimonie car un Etat condamné sur ce fondement aura dû mal à accepter la sentence judicaire et risque de créer plus de problèmes qu'elle n'en résout.

* 151Babacar KANTE, «  la production d'un nouveau constitutionnalisme en Afrique : Internationalisation et régionalisation du droit constitutionnel » Op.Cit. pp.240-257

* 152 Selon le texte de la Convention, la Cour européenne des Droits de l'Homme a été instituée « afin d'assurer le respect des engagements résultant pour les Hautes Parties contractantes de la présente Convention » (ex-article 19). Dans cette perspective, Il faut invoquer un ou plusieurs droits énoncés dans la Convention. La Cour ne peut juger les plaintes alléguant des violations d'autres droits que ceux contenus dans la Convention

* 153Affirmant la spécificité du contentieux de protection des droits de l'homme, le système interaméricain de protection des droits de l'homme est basé sur ces mêmes postulats

* 154 On peut lire à ce sujet la belle étude de L. B.LARSEN,« le fait régional dans la juridictionnalisation du Droit international », Op.Cit.

* 155 CJ CEDEAO Isabelle ManaviAmeganvi et Autres contre Etat du Togo du 7 octobre 2011. La décision est ainsi libellée dans son dispositif ; par ces motifs... ; Au fond Dit qu'il y a violation par l'Etat du Togo du droit fondamental des requérants à être entendu tel que prévu aux articles 10 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme et 7 de la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples. En conséquence, ordonne à l'Etat du Togo de réparer la violation des droits de l'Homme des requérants et à payer à chacun le montant de Trois Millions (3.000.000) Francs CFA.

* 156 CJ CEDEAO Isabelle ManaviAmeganvi et Autres contre Etat du Togo 13 mars 2012

* 157 Lire à ce propos l'importante contribution du Professeur Meledje DJEDJRO, « l'appropriation des normes communautaires par les milieux universitaires et le monde judiciaires » ;Troisième rencontre inter-juridictionnelle des Cours communautaires de l'UEMOA, de la CEMAC, de la CEDEAO et de l'OHADA », Dakar, 4-6 mai 2010. L'auteur note que le droit communautaire n'est pas encore véritablement intégré dans les programmes d'enseignement au titre de discipline autonome contrairement à l'Europe où « le droit de l'UE fait l'objet d'enseignements spécifiques dès la 3ème année d'études dans les Facultés de Droit alors que qu'en Afrique de l'ouest, l'enseignement de ces règles n'existe que dans deux ou trois pays »

* 158Jean-Luc AUBERT, Introduction au droit et thèmes fondamentaux du droit civil. Paris, Armand Colin, 8è édition, 2000. pp. 57-58.

* 159G.AURENCHE , la dynamique des Droits de l'homme, édition Desclée de Brouwer, 1998 p.177

* 160 L'auteur remarque en effet que « les droits de l'homme en Afrique sont des droits abondamment consacrés, insuffisamment protégés et constamment violés »

* 161 CASSINRené, «  la déclaration universelle des droits de l'homme et la mise en oeuvre des droits de l'homme », Recueil des Cours de l'Académie de la Haye, 1951, pp. 240-362

* 162 BEDJAOUI M. le 50ième anniversaire de la CIJ, RCADI, 1996, p.2






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, c'est une idée dont l'heure est venue"   Victor Hugo