Les facteurs politiques exogènes concernent
essentiellement la politique coloniale Belge et les problèmes
accentués et nés au Nord Kivu avec l?assaut des
réfugiés et rebelles rwandais, Burundais et Ougandais autour des
années 1994.
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Lorsque nous nous inspirons des faits historiques dans le
processus de construction de la violence directe au Nord Kivu, l?administration
sous la colonisation Belge reste un fait saillant. En effet, si la violence a
escaladé au Nord Kivu, c?est en partie lié à
l?intervention de la Belgique dans la gestion des ethnicités et de
l?éducation.
i)- La manipulation des identités
ethniques
Dans sa politique coloniale, la Belgique, selon que le jeu
lui était favorable, a créée des tensions entre les
groupes ethniques. Ces tensions seront le socle des barbaries liées aux
multiples scènes de violence s?observant au Nord Kivu.
En effet, selon une théorie des invasions successives
préconisée par l?explorateur John Speke en 1863 dans le cadre du
mythe hamitique, les administrateurs coloniaux Belges classèrent la
population en Hamite, Bantou et Pygmée.
Selon des distinctions caricaturales, les Hamites dont les
représentants seraient les Tutsis furent considérés comme
une race de géants aux allures aristocratiques. Tandis que, les Bantous
représentés par les Hutus étaient décris comme des
gens trapus aux cheveux crépus et au nez épaté. De leur
côté, les Pygmées représentés par les Twa
sont qualifiés de « grotesques
petites créatures »111
vouées à la disparition tel que le souligne Gahama. Cette
critériologie de classification conduisit aux jugements moraux sur les
ethnies. Par exemple, les Tutsis étaient considérés comme
des gens intelligents, ayant des aptitudes de commandement, tandis que les
Hutus étaient considérés comme des gens moins
intelligents.
Autour des années 1930, des premiers signes de clivages
s?observent entre Hutus et Tutsis, lorsque dans son administration, la Belgique
décide de s?appuyer sur les Tutsis en destituant toutes les
autorités traditionnelles Hutus. Aussi, dans cette même
période, les écoles construites pour former les auxiliaires
d?administration accueillent en majorité les Tutsi. De là, cette
élite grandit en se nourrissant du mythe hamitique. Mais, autour de
1950, le discours opère un retournement. Les Tutsi n?étaient plus
dans le plan d?action Belge. Ils étaient dès lors
qualifiés de mauvais, d?envahisseurs venus coloniser les Hutus. A ce
moment, les Hutus furent la priorité de la Belgique notamment dans la
mise en ouvre de sa politique coloniale. Pour renforcer l?idée de haine,
la Belgique construis dans l?imaginaire Hutu l?idée de victimes des
exactions des Tutsi féodaux112. Dès lors, les tensions
inter Hutu-Tutsi qui s?enchaînent au Nord Kivu dans les années
1960, 1990 et 2000, ainsi que les génocides Hutu-Tutsi dans toute la
région des grands Lacs sont comprises sous ce prisme.
La gestion des ethnicités par l?administrateur
colonial favorisait la haine interethnique selon le principe classique de
diviser pour mieux régner. Cette gestion a aussi eu d?autres
paramètres notamment dans la politique de l?éducation.
111 Gahama, op.cit p104
112 Id p.105
ii)- la politique de l'éducation
Dans toute la RDC en générale et au Nord Kivu
particulièrement, la Belgique a défavorisé
l?éclosion d?une élite intellectuelle. Comme l?asserte Pondi,
« l'enseignement dispensé au Congo
excluait systématiquement toute formation d'une élite
»113. Les administrateurs coloniaux avaient
à cette période créée un système
d?éducation pyramidale. Ils y avaient édifié un
enseignement primaire très largement diffusé, un enseignement
secondaire très réduit et, «
orienté vers des domaines de formation
professionnelles tel que relieurs pour bibliothèque...
»114. Tandis que, le sommet de la pyramide
était presque inexistant. La manifestation en est que, sous la
colonisation Belge, la RDC n?a connue qu?un seul universitaire, Thomas
Kanza115. La raison en était que le colon Belge croyait
former des agitateurs si les noirs accédaient à
l?éducation. C?est pourquoi il institua le paternalisme, bien plus que
les systèmes français et anglais où, quelqu?en soit la
situation, les noirs devaient respect, docilité, reconnaissance et
collaboration loyale au colon.
La résultante de cette absence d?élite
intellectuelle s?observe en premier au lendemain de l?indépendance,
où la RDC vit un chao suite à la fragmentation du pouvoir qui
fait passer le nombre de province de 6 à 21. Pourtant, la classe
politique congolaise était médiocre à cause du manque de
formation dans le domaine de l?administration publique. Aussi, suite aux
meurtres de Léopold ville le 06 juillet 1960 qui ont mis sur le Caro
quelques Belges, l?appareil administratif essentiellement dirigé par
ceux-ci se vide. « Sur les 8200
fonctionnaires Belges présents au Congo avant le 30 juin 1960, on
n'en dénombrait que 1600 au mois d'aoit de la meme année
». L?appareil administratif étant vidé, il
fallait le reconstituer le plus vite possible avec le personnel disponible,
lequel ne jouissait pas toujours d?une formation adéquate.
Dans une perspective chronologique et historique, la violence
directe au Nord Kivu remonte donc à cette gouvernabilité
désastreuse des ethnies et de l?éducation. La sous scolarisation
et les irrédentismes identitaires voire ethniques qui se posent comme
frein inconditionnel au développement pluridimensionnel de cette
région de la RDC, s?observent et s?analysent sous cet angle. Toutefois,
d?autres facteurs tels que les violences politiques dans les Etats voisins
fournissent des informations supplémentaires sur la question.
113 Pondi, op.cit p.11
114 Ibid
115 Ibid
b. Les instabilités politiques dans les Grands
Lacs
Les Grands Lacs africains sont empreints à des
séries de violence depuis les années 1960 c?est-à-dire
après l?acquisition des indépendances des Etats de cette
région. De par la proximité géographique, les alliances
ethniques transfrontalières, le Nord Kivu subit le contre coup de ces
violences. Essentiellement, Les instabilités politiques au Burundi, en
Ouganda et au Rwanda autour des années 1994 accélèrent la
violence directe au Nord Kivu. C?est dans cette perspective que Pamphile
Sebahara pense que la paix et la stabilité restent fragiles à
cause entre autre de la présence de groupes armés étranger
et de milices ainsi que de soupçon des troupes étrangères
sur le territoire de la RDC116.
En juin 1993, des élections présidentielles et
législatives se déroulent au Burundi «
dans des conditions exemplaires et elles aboutissent à
une alternance politique délicate mais impeccable
»117. A l?issu de ces élections,
Melchior Ndadaye est élu avec 2/3 de voix, ravivant ainsi la victoire
à l?ancien président Buyoya.
Dans la nuit du 20-21 octobre 1993, un coup d?Etat mené
par le 11è bataillon blindé éclate et, le président
Melchior Ndadaye (Hutu) est assassiné. Débute alors une vaste
opération de massacres, un génocide interethnique entre Hutu et
Tutsi. Ce génocide crée un vide juridique, administratif et
politique au Burundi entraînant les populations à se
réfugier en majorité vers le Rwanda et le Nord Kivu. Les
problèmes qui naîtront avec les réfugiés Burundais
au Nord Kivu seront liés à la gestion des ressources naturelles,
à l?accès aux biens et services ainsi qu?à la constitution
des jeux d?alliance interethnique.
L?Ouganda quant à elle fait face à des tensions
internes dès le début des années 1980, qui s?accentuent
autour des années 1995. En effet, plusieurs groupes rebelles sont en
combats en Ouganda. Tout d?abord, le LRA depuis 1986 lorsque Museveni prend le
pouvoir. Le LRA voudrait replacer l?ancien gouvernement sous la base des 10
commandements divins118. A partir de 1995, le WNBF basé au
Nord Kivu commence les combats pour faire revenir le régime de Idi Amin
au pouvoir. Il s?associe à l?ADF basé sur le même
territoire pour intensifier ses attaques contre le gouvernement Ougandais. Ces
groupes de rebelles, repliés vers le territoire du Nord Kivu lance des
raids permanents contre leur gouvernement central. Dans ce cas, ce gouvernement
qui ne prétend pas abandonner son contrôle politique réagit
par
116 Sebahara, Pamphile : la conférence internationale
sur les Grands Lacs, enjeux et impacts sur la paix et le développement
en RDC. GRIP, 2006/2
117 Chrétien, Jean Pierre et Mukuri, Melchior :
Burundi, la fracture identitaire, logiques de violence et certitudes «
ethniques ». Karthala, Paris, 2002, p.17
118 Bercovitch, op.cit. p.106
des contre attaques armées, et vas jusqu?à la
base de ces groupes de rebellions pour les traquer. Ces offensives participent
alors à l?instabilité au Nord Kivu.
Bien plus, dans la perspective des instabilités dans
les Grands Lacs, le génocide Rwandais est un événement
profond qui tourbillonnera la paix au Kivu. Cette influence du génocide
Rwandais sur la paix au Nord Kivu se résume en 3 principaux
éléments : l?assaut des réfugiés, l?intensification
des conflits internes et l?interventionnisme du gouvernement Rwandais.
Le génocide Rwandais a entraîné plus d?un
million de réfugiés Hutu et Tutsi dans les Kivus et
principalement au Nord Kivu. Ces réfugiés étaient
essentiellement constitués de civils, d?ex FAR et
d?Interahamwe119 taxés d?avoir commis le génocide. En
plus de la pression démographique, ces Rwandophones ont accru les
tensions internes existantes au Nord Kivu. Avant le génocide de 1994 au
Rwanda, un conflit opposait déjà, comme les
Banyarwanda120, d?un côté, et, de l?autre, les Nande,
les Hunde et Nyanga au Nord-Kivu. Mais, «
avec l'arrivée massive dans cette province des
réfugiés rwandais encadrés par les milices hutu
extrémistes Interahamwe et des éléments des FAR, les
alliances locales changèrent de nature : dans le Masisi, par exemple,
Tutsi et Hunde combattirent en commun contre les Hutu congolais et rwandais
(ex-FAR et Interahamwe) »121. Vers mai
1996, presque tous les Tutsi de Masisi avaient pu trouver refuge au Rwanda
où dominait maintenant le FPR, à l?exception de 2 000
déplacés122 cantonnés dans deux
localités du Nord-Kivu, Kichanga et Mokoto. Le 12 mai, la
dernière fut attaquée par les milices rwandaises et les ex-FAR
qui y tuèrent une centaine de Tutsi. Un fait aussi important à
noter est que les réfugiés rwandais (sous le contrôle des
ex-FAR et des Interahamwe) avaient formé une alliance avec les Hutu
congolais pour combattre contre les autres ethnies du Masisi. C?est ainsi que
les Hunde et Nyanga étaient aussi victimes des attaques hutu et certains
ont dû se réfugier au Rwanda. Bien plus, la formation des
alliances locales entre Hutu et Nande, Tutsi et Nyanga ou entre Hutu et
119
Les Interahamwe constituent la plus importante des milices
rwandaises créées dès 1992 par le président
Rwandais Juvénal Habyarimana. Interahamwe signifie « ceux qui
combattent ensemble » en Kinyarwanda. Ces milices sont responsables de la
plupart des massacres pendant le génocide de 1994. Lorsque l?APR prend
le pouvoir au Rwanda, les interahamwe se refugient pour la plupart au Nord Kivu
où ils continuent leurs exactions. Ceux-ci recrutent civiles rwandais et
congolais. Ils forment l?armée de libération du Rwanda et se
retrouvent plus tard dans les FDLR.
120 Ce mot de la langue Swahili désigne les
populations d?origine rwandaise à savoir les Hutu et les Tutsi.
121 Rusamira, op.cit p.7
122 Reyntjens, Filip (dir.) : L'Afrique des
Grands Lacs : annuaire 1999-2000. L?Harmattan, Paris, 2000, p.7
cité par Rusamira op.cit
Hunde a fait naître des milices revendiquant des droits
congolais officiellement123. C?est dans cette perspective que, le
gouvernement central Rwandais dans une innovation de guerre
préventive, mènera des opérations militaires contre
la RDC sous prétexte de traquer les réfugiés Hutu et
Interahamwe qui constituent une menace contre son régime. Aussi, le
Rwanda soutient que, la zone du Nord Kivu fait partie intégrante de son
territoire. Sa mission en RDC et au Nord Kivu est donc double : traquer les
génocidaires Hutu et récupérer son territoire à la
RDC. Ceci débouchera sur le soutien aux factions de rébellion
à travers la fourniture d?armes et d?autres logistiques et moyens de
guerre pour combattre le gouvernement congolais. Et, le fait le plus marquant
reste, l?appui voire la construction de l?AFDL qui défiera les 32 ans de
règne de Mobutu Sesse Seko en 1997.
Les instabilités politiques dans les Grands Lacs ont
favorisé les violences par le processus de «
diffusion »124 au Nord
Kivu des tensions propres aux Etats de cette région. Les rebellions des
pays voisins utilisent ce territoire comme base de leur insurrection.
Ajouté à cela, les liens d?ethnicité entre peuples des
pays de cette région africaine par le processus des alliances accentuent
la violence directe au Nord Kivu. De là, présent sur ce
territoire des revendications et autres protestations vont naître ;
protestations visant l?acquisition de droits et autres avantages, ce qui
entretient le cycle de la violence.