1.4 - Quelques exemples de métis de
l'époque coloniale allemande
Dans la période précoloniale et dans les
premières années de la colonisation allemande, le
phénomène des mariages mixtes ne subissait aucun contrôle
officiel, et les enfants nés de telles unions voyaient, certes, leur
destin lié à la bonne ou à la mauvaise volonté du
géniteur blanc, mais en vérité, c'était
généralement la famille africaine de chaque mère qui,
riche ou pauvre, assurait avec cette dernière l'éducation et la
formation de l'enfant. Jusque dans les années avant la fin de la
colonisation, le comportement immoral et irresponsable des administrateurs
allemands était souvent dénoncé. Dans un article
du
Gold Coast Leader (1912), le journaliste
écrit à propos de la débauche des fonctionnaires
coloniaux37 allemands:
The Togo-Germans are destitute of moral training.
They are of German conscription and German militarism locked up in the fort for
years under a severe and rigid training; they have lost all their high
attainments of moralism. These barbarians here are brought in Africa to
contaminate the poor virgins of the Gold Coast and Togoland. If you want a
proof I will give you. [...]
Au fur et à mesure que s'amplifiait le
phénomène et qu'il s'accompagnait souvent de problèmes
sociaux (abandons, errance etc.) que tout le monde pouvait observer, la
nécessité de contrôler la situation s'imposait de plus en
plus. Au Togo, on peut considérer que le premier déclic
décisif pour l'administration fut la naissance de Josef Comla, fils du
gouverneur August Köhler en personne. C'était là une affaire
très délicate pour l'ensemble de l'administration coloniale, et
probablement très embarrassante pour l'administration coloniale à
Berlin, si jamais celle-ci venait à en être officiellement
informée. La documentation que nous avons rassemblée dans le
présent mémoire, prouve que la gestion de cette affaire fut
discrète.
1.4.1 - Josef Comla, fils du gouverneur August
Köhler : embarras et discrétion Le « mulâtre Josef Comla
», comme on l'appelait à l'époque, est né le 17 mars
1897 de l'Allemand August Köhler et de la Togolaise Douha (ou Doaha,
Johaha ou Dualia, selon les documents). A cette date, le père portait
encore le titre de « Landeshauptmann » (Chef de l'Administration du
Territoire) du Togo, avant de devenir officiellement quelques mois plus tard,
en 1898, « Gouverneur de la colonie du Togo ».
37 Gold Coast Leader du 6 juillet 1912, auteur:
Quashie«
Illustration n° 8a : le Gouverneur Köhler en
1901 (Source : Meinecke 1901: 2)
August Köhler, né le 30 septembre 1858
à Eltville (sur le Rhin, près de Wiesbaden), avait
été d'abord juge assesseur avant d'entrer à la Direction
des Affaires coloniales au Ministère des Affaires Etrangères
à Berlin, en février 1891. La même année il fait
partie de l'expédition de Curt von François dans le Sud-Ouest
Africain Allemand (aujourd'hui Namibie), en tant que Conseiller pour les
questions juridiques, à la suite de quoi il est demeuré
administrateur dans cette colonie juqu'en 1894. C'est en février 1895
qu'il est affecté au Togo38. Il venait donc de faire à
peine deux ans au Togo lorsque survint la naissance de Josef Comla. Ceci
suppose qu'il a eu cette liaison très peu de temps après son
arrivée. Or, en tant qu'autorité suprême de la colonie, il
avait la réputation d'être un
38 Köhler prenait ainsi la succession de Puttkamer
nommé gouverneur au Cameroun. Il sera d'ailleurs souvent appelé
à assurer l'interim de Puttkamer comme gouverneur du Cameroun (Sebald
1958:158)
40
homme sévère : « Er galt als
energischer Verfechter deutscher Sitte und Moral »39 (Il
était considéré comme un défenseur énergique
de la morale et des moeurs allemandes). Son portrait ornait des cartes
postales, comme on le voit dans l'illustration n° 8a. Il est mort le 20
janvier 1902, à Lomé40 et est enterré au
cimetière municipal de Lomé où sa tombe demeure la plus
prestigieuse parmi celles de tous les Allemands qui y reposent..
Deux actes historiques fondamentaux ont marqué
l'action d'August Köhler à la tête de l'administration
coloniale au Togo : c'est lui qui a signé et appliqué l'acte de
transfert de la capitale de la colonie d'Aného-Zébé
à Lomé le 06 mars 1897 ; c'est aussi sous lui que fut
décidée la construction du Palais du Gouverneur qui est devenue -
et qui reste encore aujourd'hui - l'une des plus belles réalisations et
attractions de la capitale Lomé.
Dans les documents officiels, le fils du gouverneur
est appelé tout court « Josef Comla ». Les auteurs des
documents évitent ainsi - autant que possible - de mentionner le nom du
père, August Köhler. Peu de temps après sa naissance, Josef
Comla est discrètement confié à un autre administrateur
allemand nommé Jacobi, assistant des douanes, nouvellement arrivé
dans la colonie, et qui a - pour ainsi dire - adopté l'enfant et «
épousé » sa mère avec laquelle il aura un autre
enfant nommé Paul Quakuvi Jacobi.
Pendant dix ans, les textes ne révèlent
rien de l'enfant du gouverneur, ni d'ailleurs de sa mère, sans doute
parce qu'il y a eu dès 1898 entre August Köhler et le douanier
Jacobi une sorte de « gentleman agrement » dont les termes
ne sont pas rendus publics. Une chose est certaine : monsieur Jacobi s'est bien
occupé de Josef Comla, comme il l'a fait de son propre fils Paul
Quakuvi. Lorsque dix ans plus tard, la prolifération des métis
allemands était devenue un problème public, le gouverneur Zech
prit des mesures pour gérer la situation. C'est dans ce contexte que
l'affaire du fils du gouverneur devient publique, puisqu'elle va faire l'objet
de procédures judiciaires dont les documents ici présentés
en retracent le contenu.
39 Petschull 1984 :124
40 H. Seidel écrit, sans doute par erreur
« à l'âge de 42 ans », cf. Heinrich Seidel in
Globus Band 81 (1902/1), pp. 208-209: Togo im Jahre 1901. Unser
Bericht über die letztjährige Entwicklung des Schutzgebietes muss
diesmal mit einer Todesanzeige beginnen. Im Januar verstarb in Lome der
bisherige Gouverneur A. Köhler, nur 42 Jahre alt, nachdem er beinahe 11
Jahre im Kolonialdienst thätig gewesen war. Er hatte zuerst in
Südwestafrika und dann - seit 1895 - in Togo gewirkt, zu dessen
höchstem Amt er 1898 aufgerückt war. Auf seinem Posten erwies er sich
stets als ein gerader, ehrlicher Charakter, dem das Gedeihen des Landes
ernstlich am Herzen lag. Sein Hingang bedeutet daher einen schweren Verlust
für die Kolonie, der er den Ruf verschafft hatte, dass sie von allen
unseren auswärtigen Besitzungen die am besten verwaltete sei. Bekannt und
geschätzt waren u.a. die klaren, eindringenden Berichte, die während
seiner Amtsführung von den Bezirks- wie Stationsleitern nach Deutschland
gesandt wurden. Sie gaben fast immer ein zutreffendes Bild der jeweiligen Lage
und wurden deshalb nicht selten als Muster für gewisse andere
Kolonialverwaltungen hingestellt. [...]»
Le 21 mars 1907 (Josef Comla avait alors 10 ans et son
père était décédé depuis 5 ans), le
gouvernemeur Zech demanda aux héritiers allemands du feu gouverneur
Köhler de s'occuper des frais de scolarité et d'hébergement
de son enfant métis. Certes, la garde de l'enfant avait
été confiée à l'assistant des douanes Jacobi qui,
jusque là, s'en occupait assez bien, mais les dépenses
effectuées ne lui étaient pas remboursées, ni par la
famille Köhler, ni par l'administration coloniale. Dans un document en
date du 16 août 1909, l'assistant des douanes Jacobi
déclare41:
Je ne reconnais aucune obligation de prendre soin de
l'enfant métis Josef Komla. L'enfant était
néavant mon arrivée dans la colonie. Dans
l'intérêt de la mère de Komla, je suis prêt à
acheter pour
l'enfant métis Paul dont je suis le
géniteur, la moitié-arrière du lot acquis pour Komla, si
l'accès à cette moitié-arrière est garanti par un
passage légal dûment notifié, et si je suis
autorisé, en contrepartie, à construire sur le reste du lot de
Komla une maison d'une valeur minimale de 250 marks. Komla sera
propriétaire de cette maison, cependant, mon enfant et sa mère
doivent avoir le droit d'y vivre au moins 5 ans.
Cette déclaration suppose qu'il y a eu une
plainte, mais il n'est pas facile de savoir de qui elle provenait: de la
mère de Josef Comla et Paul Quakuvi ou des parents maternels du fils du
gouverneur qui auraient appris que les héritiers de ce dernier avaient
droit à une part d'héritage ou de dédommagement, ou encore
de la part de la Mission Catholique à Lomé qui avait pris
l'enfant en charge dans son école. Cela n'est pas facile à
établir avec certitude à partir des documents relatifs à
cette affaire. Quoi qu'il en soit, une note officielle en date du 6 aôut
1907 précise42
L'argent n'est pas encore parvenu. Jusqu'à
présent, Jacobi n'a pas encore introduit de requête de liquidation
et déclare à ce sujet, qu'il ne peut pas le faire. Il propose
d'acheter au jeune-homme, avec l'argent de l'héritage de Köhler, un
terrain sur lequel il pourrait vivre avec sa mère : La Mission
Catholique accorde depuis un an le gîte et le couvert à Jos.
Köhler, elle va formuler aussi ses prétentions [à
l'héritage], dès qu'elle sera informée de l'arrivée
de l'argent. La meilleure solution devrait être de prendre le jeune homme
comme pensionnaire de l'nécole gouvernementale.
Jacobi mourut en 1912 à Leipzig, laissant
derrière lui un fils métis, Paul Quakuvi, à qui il
a fait don d'un terrain et d'une maison pour respecter la coutume des
Européens de dédommager les enfants issus de rapports
extra-conjugaux avec une indigène. Selon les
41 Irgendeine Verpflichtung, für das
Mulattenkind Josef Komla zu sorgen, erkenne ich nicht an. Das Kind war vorher
geboren, bevor ich ins Schutzgebiet kam. Im Interesse der Mutter des Komla bin
ich bereit, die hintere Hälfte des für Komla erworbenen
Grundstückes für das von mir erzeugte Mulattenkind Paul zu kaufen,
falls der Zugang zu dieser Hälfte durch eine entsprechende
Weggerechtigkeit gesichert und mir gestattet wird, als Entgelt auf dem dem
Komla verbleibenden Restgrundstück ein Haus im Werte von mindestens 250 M
zu errichten. Komla soll das Eigentum an diesem Haus haben, jedoch soll mein
Junge und die Mutter auf mindestens 5 Jahre ein Wohnrecht in dem Haus
behalten.«
42 Das Geld ist noch nicht eingetroffen. Jacobi
hat bislang noch keine Liquidation eingereicht und erklärt sich hierzu
ausser Stande. Er schlägt vor, dem Jungen von dem Geld der
Köhlerschen Erben ein Grundstück zu kaufen, auf dem er mit seiner
Mutter wohnen könnte. Die Kath.Mission gibt seit einem Jahr dem Jos.
Köhler Wohnung und Essen, sie wird mit ihren Ansprüchen kommen,
sobald sie von dem Eintreffen des Geldes Kunde hat. Es dürfte am
zweckmässigsten sein, den Jungen als Kostschüler in die
Regierungsschule aufzunehmen.«
notes d'archives du commissaire de police Bähr en
date du 14 avril 1913, le fils de Jacobi aurait été
embauché à la direction d'une l'entreprise, et Josef Comla
continuerait à fréquenter l'école de la mission
catholique, et il n'y aurait plus d'argent auprès du gouvernement
colonial pour ces deux enfants.
Illustration n° 8b : Köhler, père et
fils, jamais réunis !
Face à la confusion qui règne dans les
documents allemands au sujet de cette affaire, il est important de prendre en
considération le seul témoignage direct dont nous disposons sur
elle : l'interview que le fils du gouverneur, Josef Comla, a donnée
à monsieur Simtaro en 1981 et à travers laquelle nous apprenons
qu'en fait, sa mère s'appelait Duaha (ce qui signifie « à
côté de la ville ») et qu'elle fut baptisée Hanna
(Simtaro 1982 :673).
Lorsque le journaliste allemand Jürgen Petschull,
pour les besoins du Centenaire de la colonisation allemande en Afrique en 1984,
effectua un voyage au Togo et rendit visite à Josef Comla, ce dernier,
vieux et malade, l'accueillit avec ces mots appris par coeur : « Ich
bin Joseph Köhler, der Sohn des Gouverneurs » (Je suis
Joseph Köhler, le fils du gouverneur »)43. En
réalité, il n'a jamais eu le droit de porter ce nom du temps des
Allemands, et rien de sa vie ne porte la marque du rang du gouverneur qui fut
son géniteur. Qu'a-t-il gardé comme
43 Cité in Petschull 1984 :124
souvenir de son père ? Ce dernier l'a-t-il
jamais pris une fois dans ses bras ? L'a-t-il reconnu comme son enfant,
même extra-conjugal ? S'est-il occupé de lui ? Dans le jugement
final qui a clôturé l'affaire de Josef Comla - du moins selon les
documents ici présentés - ce dernier devait payer à sa
mère une partie des sommes que Jacobi avaient investies pour son
éducation et la construction de son logement, car Jacobi avait
déclaré devant le juge Dr. Asmis44 :
Mais je m'engage à faire au profit de Josef
Komla des dépenses supplémentaires au delà des 250 marks,
uniquement à condition que Josf Komla prenne l'engagement de rembourser
à sa mère Tohaha, dès qu'il le pourra, le montant des
dépenses supplémentaires engagées pour lui. Jusqu'au
remboursement total de cette dette, Tohaha doit avoir le droit d'utiliser aussi
l'habitation de Komla.
Josef Comla aura ainsi à payer, dès
qu'il aura commencé à travailler, une somme estimée
à plus de 530 marks à l'époque. Il y a de quoi penser que,
depuis son enfance, il doit avoir vécu sa naissance comme un mauvais
sort qui lui fut jeté.
Nous aurions voulu connaître bien de choses sur
la vie de Josef Comla Köhler, mais il n'est pas certain que ses desendants
soient disposés, à l'instar des autres familles de métis,
à étaler sur la place publique, leur version de l'histoire du
« fils du gouverneur », encore moins celle de sa mère qui fut
sans aucun doute la double victime dans cette affaire : deux enfants à
charge fils de deux pères différents, aucun vrai statut de
conjointe reconnue, identité totalement occultée et niée.
Qu'a-t-elle été toute sa vie : une «maîtresse »,
une « concubine », une « épouse », ou tout
simplement une « fille-mère » ? En effet, non seulement il
règne la plus grande confusion dans les textes au sujet de son nom
(Tohaha, Dohaha, Dualia), mais à travers ces documents allemands, on
n'apprend pratiquement rien sur son origine et sur sa famille, sur sa vie et
sur son parcours. Et surtout rien sur sa liaison avec le gouverneur
Köhler. Comme si elle n'avait pas existé !
August Köhler ne fut pas le seul gouverneur du
Togo à avoir engendré un métis au Togo. Le dernier
gouverneur du Togo, Adolf Friedrich Herzog zu Mecklenburg, eut lui aussi un
fils nommé Koffi (Simtaro 1982 : 896). Il est connu au Togo sous le nom
de Herzog Koffi, bien que « Herzog » ne soit pas le nom de famille de
son père allemand. C'est pourquoi, dans ce cas aussi, le secret fut bien
gardé. Le Vice-Gouverneur Hans-Georg von Doering eut aussi plusieurs
enfants dont un fils connu sous le nom de « Vondoli », une
déformation du nom de son père allemand, et une fille
nommée Luise von Doering.
44 Zu den Mehrleistungen über den Betrag von
250M hinaus zu Gunsten des Josef Komla verpflichte ich mich aber nur unter der
Bedingung, dass Josef Komla verpflichtet wird, den für ihn aufgewandten
Mehrbetrag an seine Mutter Tohaha zurückzuzahlen, sobald er erwachsen ist.
Bis zur Tilgung dieser Schuld soll die Tohaha für sich berechtigt sein,
auch den Komla'schen Raum zu Benutzen.«
1.4.2 - Les enfants de Hans Gruner
Hans Gruner est arrivé au Togo en 1892 et
devint le chef de la Station de Misahöhe. Docteur en philosophie, le
lieutenant de réserve Gruner, resté célèbre au Togo
par son poids et sa remarquable connaissance des coutumes évhé de
Palimé.« (Cornevin 1969:148), il est nommé chef de
l'expédition allemande vers l'hinterland du Togo
(Togo-Hinterland-Expedition«) de 1894 à 1895, et devint ainsi
l'initiateur de la plupart des traités signés avec les souverains
de l'intérieur du pays qui donneront lieu aux négociations pour
la formation territoriale du Togo allemand. Comme cette expédition
partie de Misahöhe le 5 novembre 1894 le mena jusqu'au fleuve Niger, Hans
Gruner peut aussi se vanter d'avoir été l'un des premiers
administrateurs coloniaux allemands à sillonner la quasi-totalité
du Togo allemand. Il participa aussi aux diverses guerres de conquête de
1896-1897, notamment en pays bassar, konkomba, tchiokossi. Par contre,
malgré son titre de docteur en philosophie qui faisait de lui - a
priori - plutôt un intellectuel, il a très peu publié
de contributions scientifiques45 sur le Togo où il a pourtant
vécu, de manière presque continue, de 1892 à 1914. Il n'a
d'ailleurs jamais pu terminer et publier ses notes de voyages qui n'ont
été éditées et publiées qu'en 1997 sous le
titre Vormarsch zum Niger. Die Memoiren des Leiters der
Togo-Hinterland-expedition 1894/1895. Dans le commentaire de l'historien
Ulrich van der Heyden, éditeur de la collection Cognoscere dans laquelle
paraît cette publication (p. 412), les documents publiés sont
considérés comme une forme de rencontres culturelles«
(Kulturkontakt« entre les Allemands et les pays étrangers
concernés. Dans le cas de Hans Gruner, ses Mémoires ne peuvent
guère être lus comme une rencontre entre la culture allemande et
la culture togolaise, mais plutôt comme une documentation
détaillée des méthodes et des moyens mis en oeuvre dans la
tentative allemande de conquête de l'hinterland du Togo en
1894-1895.
45 Cornevin (1969) signale de lui seulement un
commentaire d'une carte (H. Gruner: Begleitworte zur Karte des
Sechsherrenstocks [Amandeto], in : Mitteilungen von Forschungsreisenden und
Gelehrten aus den deutschen Schuztgebieten, 26, 1913, p. 26) et deux
co-publications (H. Gruner/A. Mischlich, v. Seefried/V. Danckelmann : Über
das Harmattanphänomen inTogo, in : Mitteilungen von
Forschungsreisenden und Gelehrten aus den deutschen Schuztgebieten, 12,
1899, p. 1, et H. Gruner/E. Baumann : Die Resultate der meteorologischen
Beobachtungen in Misahöhe, in : Mitteilungen von Forschungsreisenden
und Gelehrten aus den deutschen Schuztgebieten, 9, 1896, p.
53.).
Illustration n° 9a : Les trois « héros
de l'expédition de 1894-1895 : Dr. Hans Gruner assis au milieu, Ernst
von Carnap-Quernheimb debout à droite et Dr. med. Richard Doerung
debout à gauche (source : Gruner 1997:9)
A propos de Gruner lui-même, Ulrich van der Heyden
écrit (p. 413)46:
Gruner avait une capacité d'observation
intacte et n'avait pas, comme plusieurs de ses semblables de caste et de
profession, des préjugés envers les Africains. Il n'était
à proprement parler, ni un ami, ni un admirateur des Africains, ni un
défenseur de leurs droit face aux exactions de conquête des
Allemands, mais il restait un observateur lucide et
intelligent.
En réalité, les mémoires de Hans
Gruner ne concernent que la toute première partie de sa traversée
de l'Afrique, et comme il s'agissait en grande partie d'un document
destiné à l'opinion publique, il s'était bien gardé
d'y mentionner les événements personnels de sa vie privée.
Ses Mémoires donnent donc de lui, l'image d'un homme sérieux et
rigoureux,
46 Gruner verfügte indes über eine
unbelastete Beobachtungsgabe und war weit weniger voreingenommen gegenüber
den Afrikanern als viele seiner Standes- und Berufsgenossen. Er war kein
ausgesprochener Freund oder Bewunderer der Afrikaner oder ein Verteidiger ihrer
Rechte gegenüber den kolonialen Eroberungsgelüsten Deutschlands, aber
er war ein nüchterner und intelligenter Beobachter.«
46
intègre et irréprochable. Cela est moins
vrai pour l'autre page de sa vie d'administrateur colonial. Donc deux vies,
deux faces. Selon Robert Cornevin (1969: 172), Hans Gruner fait partie des
premiers administrateurs [qui] ont laissé dans le souvenir
des indigènes une marque profonde. A Palimé, dans les palabres,
on invoque longtemps le souvenir du Dr Gruner. « Mais Cornevin, un
des administrateurs français qui ont pris la relève des Allemands
au Togo, ne précise pas la nature exacte des souvenirs que la population
garde de Hans Gruner. Et pour cause ! Cet administrateur allemand avait
visiblement un goût immodéré pour les filles du pays. Ses
« frasques sexuelles » ont fait l'objet de critiques publiques dans
le journal Gold Coast Leader de cette époque qui affirme qu'il
avait un vrai harem« au Togo. Dans le Gold Coast Leader du 30
décembre 1911, un journaliste écrit sur l'immoralité des
fonctionnaires coloniaux allemands, et particulièrement leur vie
sexuelle, en citant Hans Gruner comme prototype : «Go to Kpalime and
you will see Dr. Grunar there, surrounded by his proud secretaries. Go to the
Government House at Misahoe, and you will see him surrounded by a host of black
girls, and yet he hates the black man.» 47 Dans un autre
article du Gold Coast Leader (1912), le journaliste reprend à
propos de la débauche des fonctionnaires coloniaux48:
Grunar, the King of Valanie, with his Harems of young girls, he has since
married [1912 a German wife]49. Comme on peut le voir
sur une photo coloniale (illustration n° 9b), sa favorite du moment est
visiblement le principal objet d'exhibition de l'administrateur. Elle a
posé torse nu, les seins nus exposés aux regards de tout le
monde, même des jeunes garçons qui servaient le maître comme
elle-même. Mais a-t-elle posé volontairement ou selon la
volonté de son « maître »? Nous avons ici une
illustration partielle de l'esprit d'immoralité et de débauche
que dénoncent les journalistes du Gold Coast Leader, qui sont
d'ailleurs des Togolais exilés en Gold Coast à cette
époque. Désormais maîtres du pays dans toute la colonie,
les administrateurs coloniaux se comportaient en véritables potentats
locaux, assurés de l'impunité en ce qui concerne les questions de
moeurs, car ils ne faisaient qu'imiter la plus haute autorité de la
colonie : le gouverneur.
47 Gold Coast Leader du 30 décembre 1911,
Quashie
48 Gold Coast Leader du 6 juillet 1912,
Quashie
49 Il faut noter que Hans Gruner ne dit aucun mot sur
ses frasques amoureuses au Togo dans ses Mémoires parus sous le titre
Gruner, Hans, 1997 : Vormarsch zum Niger. Die Memoiren des Leiters der
Togo-HinterlandExpedition 1894-189 Berlin : Edition Ost,
édité par Peter Sebald.
Illustration n° 9b : Dr. Hans Gruner, chef du
District de Misahöhe (source : Trotha 1994 : 85). Légende de la
photo (en noir & blanc) 50: Stationsleiter Dr. Hans Gruner
vor dem im Bau befindlichen Hauptgebäude der Station Misahöhe mit
(stehend v.l.n.r.) Max Bruce, Diener, William Bruce, Koch und Diener, Karl
Garber, Dolmetscher, Foli, Diener, Fritz Togbe, Diener«
Apparemment, dans une troisème phase de sa vie,
ce qui est historiquement décrit comme « frasques » dans la
vie de l'administrateur Hans Gruner, a manifestement un peu changé,
puisque sa vie dans la colonie s'est couronnée par des liaisons qui ont
donné une famille togolaise parfaitement honorable, avec deux enfants
devenus des Togolais respectés : Johannes Kodjo Gruner et Hans Komla
Gruner (Simtaro 1982: 695, interview n° 9). Hans Gruner - selon les
témoignages ultérieurs - a assumé avec une
honorabilité exemplaire, ses responsabilités
paternelles.
50Source: Staatsbibliothek
Preußischer Kulturbesitz, Berlin, Nachlass 250 (Dr. Hans Gruner), Kasten
23
48
Illustration n° 9c : « Hans Komla Gruner »
à Lomé (dans les années 1980) avec les photos de ses
parents
Selon les propos de Hans Komla Gruner lui-même,
il est né le 26 octobre 1910, cela correspond approximativement à
la période où son père Hans Gruner semble s'être
assagi après, presque 20 ans après son arrivée dans la
colonie du Togo.
Dans l'interview qu'il a accordée au
journaliste Petschull à Lomé, Hans Komla Gruner51
raconte comment son père Hans a connu sa mère Nutsua à
Kuma-Tokpli, dans le Kloto52:
Mon père fit, avec sa troupe allemande, son
entrée à cheval dans un village situé dans
l'arrière-pays du Togo, près de Misahöhe. Pour l'accueillir,
il fut organisé par les indigènes un grand tam-tam. Les hommes
battaient le tam-tam et les femmes dansaient. Mon père jeta dans la
foule, en guise de cadeau, des pièces de monnaie. C'est là que
mon père a vu ma mère pour la première fois. En effet,
contrairement aux autres, elle ne s'est pas baissée pour ramasser les
pièces; elle est restée debout à regarder les
étrangers d'un air de rejet, presque
d'hostilité.«
51 Comme dans la descendance d'Eccarius, le fils porte le
prénom (ou un des prénoms) du père!
52 Mein Vater ritt mit seiner deutschen Truppe in
ein Dorf ein, das im Hinterland von Togo bei Misahöhe liegt. Zu seiner
Begrüßung veranstalteten die Eingeborenen ein großes Tamtam.
Die Männer schlugen die Trommeln, und die Frauen tanzten. Mein Vater warf
als Dank Pfennigstücke in die Menge. Dabei hat mein Vater meine Mutter zum
erstenmal gesehen. Die hatte sich nämlich im Gegensatz zu den anderen
nicht nach den kleinen Geldstücken gebückt; sie ist stehengeblieben
und hat die Fremden abweisend, beinahe feindselig angeblickt.«
(Petschull 1984 :119)
Et le journaliste ajoute ce commentaire avec une ironie
à peine voilée53:
Hans Gruner [junior] raconte tout cela
dans un allemand parfait et d'une manière détaillée, comme
si lui-même avait assisté à la scène. Il dit que sa
mère lui a raconté cette scène plusieurs fois. `Ma
mère appartenait à l'ethnie ewe. Elle était la fille d'un
chef de village. C'était une belle femme. Le soir -même de cette
visite de la troupe allemande, son père a envoyé un adjudant au
chef de village pour lui annoncer, qu'il souhaite faire la connaissance de sa
fille et l'épouser. Quelques jours plus tard, le mariage a
été célébré selon les usages du pays. Avec
tam-tam et danse, beaucoup de danse et beaucoup de tam-tam.' Un mariage qui,
selon le droit allemand, n'en était pas un.
Effectivement, la « description africaine »,
romantique et idyllique, que Hans Komla Gruner donne de la rencontre historique
de ses parents, correspond probablement très peu à la
réalité. En tout cas, comme le souligne à juste titre
Jürgen Pettschull, le mariage africain qui fut
célébré entre ces deux personnes, n'avait aucune
validité aux yeux de la législation allemande, et cela
constituait déjà un fardeau fatal pour les enfants à
naître de ce couple mixte. Hans Komla Gruner raconte d'ailleurs qu'il n'a
qu'un seul souvenir de son père (p. 120)54:
Il n'a de son père qu'un seul souvenir,
mais un souvenir intensif: `je devais avoir environ trois ans et demi ou quatre
ans. Mon père m'a pris dans ses bras et m'a jeté plusieurs fois
en l'air, si haut que j'ai eu le vertige et que j'ai tremblé de peur.
Puis mon père a dit à ma mère, d'une voix forte et
lugubre: `Tout ce que tu fais, fais-le pour notre fils. Il doit être pour
toi, plus important que toi-même.' Ensuite son père serait
allé à la guerre. Il aurait été fait prisonnier par
les Français en 1914, après la bataille perdue pour la
défense de la station télégraphique allemande de Kamina,
dans la haute plaine du Togo. Relâché quelques mois plus tard, il
aurait rejoint l'Allemagne. Mais il avait versé auparavant, à la
Caisse d'Epargne à Lomé, 300 marks. Nutsua devait en utiliser les
intérêts pournourrir et élever leur fils.
Hans Komla Gruner fréquenta l'école de
la Mission de Brême à Lomé, sortit major de sa promotion au
concours de 1927, devint plus tard instituteur et eut une longue
carrière et une nombreuse famille (11 enfants). Après sa retraite
en 1966, il eut l'opportunité d'aller à Jena en Allemagne pour
faire la connaissance de son demi-frère Wilhelm Gruner, né du
mariage du père après la première guerre mondiale. Il
commente cette rencontre historique en ces termes (p. 121): « Ich
wurde aufgenommen, als hätte ich schon immer zur
53 Hans Gruner [junior] erzählt in
perfektem Deutsch, so detailliert, als sei er selber dabei gewesen. Seine
Mutter, erklärt er, habe ihm diese Szene viele Male geschildert. `Meine
Mutter gehörte zum Ewe-Stamm. Sie war die Tochter des Dorfhäuptlings.
Sie war eine schöne Frau. Noch am Abend nach dem Einzug der deutschen
Schutztruppler hat sein Vater einen Adjudanten zum Dorfhäuptling geschickt
und ihm ausrichten lassen, dass er seine Tochter kennenlernen und heiraten
wolle. Ein paar Tage später ist bereits nach Landessitte Hochzeit gefeiert
worden. Mit Trommeln, Tanz und viel Tamtam. Eine Hochzeit, die nach deutschem
Recht keine war.«
54 An seinen Vater hat er nur eine einzige, aber
intensive Erinnerung: `Ich muß dreieinhalb oder vier Jahre alt gewesen
sein. Mein Vater hat mich auf den Arm genommen und ein paarmal so hoch in die
Luft geworfen, dass mir schwindlig geworden ist und ich vor Angst gezittert
habe. Dann hat mein Vater mit lauter, dunkler Stimme zu meiner Mutter gesagt:
`Alles, was du tust, tue für unseren Sohn! Er muß für dich
wichtiger sein als du selbst'. Danach sei sein Vater in den Krieg gezogen.
1914, nach der verlorenen Schlacht um die deutsche Funkstation Kamina auf der
Hochebene Togos, sei er in französische Gefangenschaft geraten und ein
paar Monate später nach Deutschland entlassen worden. Zuvor habe er noch
auf der deutschen Sparkasse in Lomé 300 Reichsmark eingezahlt. Von den
Zinsen sollte Nutsua den gemeinsamen Sohn ernähren und
großziehen.«
Familie gehört. Am liebsten wäre ich in
Deutschland geblieben. (J'ai été accueilli comme si j'avais
toujours fait partie de la famille. De préférence, j'aurais voulu
rester en Allemand«).
Hans Komla Gruner semble être le seul
métis allemand du Togo qui a eu la possibilité d'aller en
Allemagne au pays de son père, et de faire connaissance avec la famille
allemande de ce dernier. C'est à juste titre que dans son interview
recueillie par Dr. Simtaro (encadré n° 2), il parle de son
père et de ses frères avec fierté :
Vous savez, nous étions quatre frères
Gruner: deux Allemands et deux Métis:
1. Mon frère aîné Johannes Kodjo
Gruner (métis), né à Akposso-Tomegbé de Aku,
originaire d'Akposso-Tomegbé, mort en 1952 à Kpalimé et
enterré au cimetière protestant.
2. Moi-même Hans Komla Gruner (métis),
né le 26 octobre 1910 de Woegblo Nutsua à
AgoméTomégbé.
3. Mon frère Hans Gruner Junior (Allemand),
né le 12 mai 1912, tombé au front le 8 novembre
1943.
4. Mon frère Wilhelm Gruner (Allemand),
âgé de 65 ans« (Simtaro1982: 695).
Peu de métis allemands« du Togo peuvent
s'estimer aussi heureux que lui. C'est donc l'exemple modèle qui permet
de présenter l'histoire des métis allemands« de
l'époque coloniale comme des enfants « comme tous les autres
».
Encadré n° 2
Entretien avec M. Hans Komlan Gruner, à son domicile
à Lomé, 28, rue Bugeaud (quartier des
Etoiles), le 17 mars 1981 à partir de 17 heures et le 19 mars à
partir de 16 heures 15'.
Agé de 71 ans, l'ancien instituteur et
Directeur d'Ecole Hans Komlan Gruner, retraité depuis le 1er
janvier 1966, est fils métis-allemand du Dr Hans Gruner, ancien
Bezirksamtmann (Commandant de Cercle) de Misahöhe (actuelle
circonscription administrative de Kloto). Mon informateur est aussi
Vice-président de l'Association des métis du Togo.
Après mon passage au début du mois de
février 1981 dans son village natal de
Tomégbé (dans le Kloto) où j'interviewe son
vieil oncle maternel, le très hospitalier Emil Kossi Kuma Nutsua, et
l'octogénaire Mme Yoho Biaku, mère d'un métis
allemand (Schwinger), j'arrive le 17 mars, dans la matinée,
au domicile de M. Gruner à Lomé, 28, rue Bugeaud,
près du boulevard circulaire, non loin du commissariat central. La
charmante Mme Gruner (métis) m'accueille. Son mari est sorti. Je vais
repasser entre 16h30' et 17 heures. L'après-midi donc je suis au
rendez-vous à l'heure. M. Gruner m'attend dans son fauteuil sur sa
terrasse. Aussitôt l'objet de ma visite exposé explicitement, mon
informateur tout souriant et visiblement intéressé par mon
enquête, se lance dans un passionnant récit qu'il illustre par des
photos et des papiers de ses albums et archives personnels qu'il me
fait voir ainsi que les grands portraits de ses parents,
accroché au mur du salon. C'est dans la même atmosphère
cordiale et détendue que notre agréable
interview, interrompue à la tombé de la nuit, reprendra quarante
huit heures plus tard.
Gruner :- Eh bien, ma femme m'a dit que vous alliez
revenir ce soir, et je vous attendais. Je n'avais pas très bien compris
le but de votre visite. Vous savez, je suis toujours très heureux de
voir nos jeunes gens qui travaillent sérieusement,
qui font des recherches qui seront un jour utiles
à notre pays, à notre histoire. Votre enquête
sur le souvenir des Allemands au Togo m'intéresse
particulièrement. Vous êtes courageux mon ami, car
c'est très difficile de parcourir tout le pays pour
recueillir des souvenirs et témoignages. Je vous
souhaite d'avantage de courage et de
persévérance. On dit bien " Qui cherche, trouve ! "...
Je suis particulièrement heureux que vous
ayez interrogé mon oncle Nutsua au
village et que vous soyez venu me voir. Je
crois que le vieux vous a raconté des tas de choses. Seulement avec
l'âge, il mélange un peu tout parfois... Eh
oui, c'est mon oncle maternel, le frère cadet de ma mère
Woegblo.
Je suis né à
Agomé-Tomégbé (Kloto) près de
Misahöhe, le 26 octobre 1910 de ma mère Woegblo
née Nutsua. Mon père, le Dr. Hans Gruner était
effectivement le Commandant du Cercle de Misahohe, au temps des Allemands. Il
commandait tout Misahöhe (actuellement circonscription administrative de
Kloto) ainsi que les districts de Ho, Kpandu et
Kété-Kratchi dépendants de Misahöhe. Ces trois
régions font aujourd'hui partie du Ghana. Au temps des
Allemands tous ces districts à l'ouest étaient partie
intégrante du Togo. Ce sont les
Français et les Anglais qui ont
partagé le pays en deux à l'issue de la
guerre de 1914. La partie occidentale revenant aux
Britanniques et la partie orientale aux
Français... Pour en revenir à mon père, le Dr.
Hans Gruner, il résidait donc à Misahohe, chef-lieu de toute la
région. Son adjoint, le sous-lieutenant Smend,
chargé de la police, s'occupait du district de
Kété- kratchi. Il est le père de mon cousin métis
feu Julius Smend, comme vous l'a raconté mon oncle Nutsua. Lui
emboîtant le pas, le Dr. Gruner (mon père) épousa à
son tour ma mère Woegblo Nutsua, qui me mit au monde donc le
26 octobre 1910 à
Agomé-Tomégbé. Vous avez pu
constater qu'il y a beaucoup de familles métis [sic!] chez
nous là-haut. On peut dire que les Allemands avaient une
prédilection pour ce petit village
d'Agomé-Tomégbé dont les habitants,
paisibles et sympathiques, les avaient accueillis avec empressement.
On dit aussi qu'à coté de son charmant climat et ses hommes
très hospitaliers, le village de
Tomégbé avait aussi des filles fort belles !... ha, ha
!... Vous avez vue cette route de Misahohe qui serpente la montagne.
Vous avez un carrefour au niveau du poste de douane de Kloto : le tracé
de la route devait passer par le village de Kuma (vers la droite).
Mai le Dr. Gruner (mon père) avait dit de passer plutôt par
Agomé-Tomégbé (vers la
gauche). Les gens ont dit que cette
modification n'étonnait personne d'autant plus que
Tomégbé est le village de la femme du
Commandant de Cercle... Vous voyez !... Ce n'est
qu'après que le tronçon de route
fut poursuivi vers Kuma (à droite)...
A l'instar du Dr. Hans Gruner et du sous-lieutenant Smend, les
Allemands ont épousé beaucoup de filles de notre
village. Sur ce point, mon oncle vous a déjà tout
raconté. Je préciserai simplement que le Dr. Von Raven
qui épousa Konu Biassa, était adjoint au chef du
district de Kété- Kratchi. Von Raven n'a quitté le
Togo qu'en 1914, après la reddition des Allemands à
Kamina. Son épouse Konu Biassa a eu de lui une fille du nom de Grace
Abra et un fils, Kodjo. La métis [sic !] Grace Abra
aura pour fils un médecin-chirurgien du nom de Quist
qui travaille à l'Organisation Mondiale de la
Santé aux Antilles. Son frère métis Kodjo Raven, a eu lui
aussi un fils du nom
d'Edouard Kokou Raven, journaliste, chargé
de l'information aux Nation Unies à Lomé... Quant à la
vieille Yoho Biaku, ancienne épouse Schwinger, je ne savais
pas qu'elle était encore en vie. Il y a bien
longtemps que je ne suis plus allé au
village...
Je voudrais aussi rectifier quelque chose dans ce que mon
oncle vous a dit à propos de mon feu cousin Julius Smend, notamment sur
les circonstances dans lesquelles ce dernier avait retrouvé
les traces de sa famille paternelle en Allemagne. C'était par
un heureux hasard. C'était en 1963, lors d'une consultation
ophtalmologique chez un ophtalmologue allemand
alors en service au Centre National Hospitalier de Lomé, actuellement
CHU (Centre Hospitalier Universitaire). Le docteur s'appelait Schlitter. Julius
entre donc dans le cabinet du Dr. Schlitter et se présente. Le docteur
réagit spontanément à la surprise de voir un
métis Smend. « Vous êtes métis allemand ? lui dit -il.
Ma femme est née d'une famille Smend ! ». Julius Smend qui n'avait
jamais connu son père, raconte son histoire. L'ophtalmologue
allemand va raconter à son tour l'histoire à son épouse.
Le contact est alors né entre mon cousin Julius et la famille du Dr
Schlitter. Et c'est au cours d'un séjour de congés
d'été que Mme Schlitter (née Smend) fait des recherches
dans sa famille où elle obtient des photos du Sous-lieutenant Smend pour
Julius. C'est donc grâce à M. et Mme Schlitter que mon
cousin aura connu son père par l'image... Le Dr. Schlitter
était un homme très compétent et très
gentil. Il travaillait sans arrêt. Il y avait
constamment une foule de patients dans son couloir. Il travaillait sans repos.
C'était un vrai Allemand ! On a beaucoup regretté son
départ... Je vois que vous souriez, vous avez certainement entendu
parler de ce grand ophtalmologue ?
Simtaro - Oh, oui ! Non seulement j'ai entendu parler de lui,
mais je l'ai connu aussi, le Dr. Schlitter : c'est lui
qui m'a prescrit les verres médicaux en
août 1966 au C.N.H. de Lomé. Vous l'avez bien dit, c'est un
très grand ophtalmologue... Mais je ne voulais pas
vous interrompre, M. Gruner, car en tant que fils d'une ancienne
grande autorité allemande, vous devez avoir encore
sûrement beaucoup de choses à dire, sur votre père, le Dr
Gruner, en particulier et sur ce que vous avez retenu des Allemands en
général ?! ...
Gruner - Vous savez, le Dr. Hans Gruner était l'ami des
gens laborieux, des bons travailleurs. Ses pires ennemies
étaient les paresseux, les fainéants. Pour lui,
il était inconcevable de rester les bras croisés. Il
n'était pas question de se dérober aux travaux
d'intérêts publics. Bien entendu les travaux étaient
très durs. Mais le Dr. Gruner ne faisait pas punir n' importe qui. Seuls
les paresseux et les gens malhonnêtes méritaient des
fessées ou la prison, selon le degré de leurs
fautes...
Il faut reconnaitre que les Allemands ont
gagné le coeur des Togolais, ils ont
conquis le coeur des Togolais à cause de leur
caractère, dur certes, mais surtout juste et honnête. Les
Allemands ont été justes et honnêtes.
Certes nul ne peut nier la farouche résistance des
populations du Nord-Togo à la pénétration du
colonisateur et les dures répressions allemandes qui s'en
sont suivies. Vous avez surement entendu beaucoup de récits à ce
sujet auprès des vieux de ces régions de
l'arrière-pays. Compte-tenu de ces fâcheux
évènements de jadis, ce sont les peuples du Nord qui
devraient logiquement parlant, détester le plus les
Allemands. Or, on remarque que se sont plutôt ces gens du Nord
qui aiment ou admirent les Allemands. Je pourrais vous raconter des
tas d'anecdotes à ce sujet. A titre d'exemple, je vous citerai seulement
quelques expériences personnelles de mes séjours dans les
régions de Bafilo et de Bassar. En 1945, j'ai
séjourné à Bafilo en pays Kotokoli, dans la
famille Gado. Le vieux Gado était un ancien instituteur formé
à l'école allemande avant 1914. Le vieux Gado m'avait alors
accueilli avec beaucoup d'empressement. Il était visiblement très
heureux de faire la connaissance d'un fils du Dr. Gruner. Je n'en revenais pas
d'émotion. Le vieux ne voulait jamais croire que les Allemands avaient
perdu la guerre et étaient rentrés
définitivement. Il attendait toujours leur retour au Togo.
Cette mentalité était générale à
cette époque-là chez tous ceux qui avaient
connu jadis les Allemands... En tant qu'instituteur, j'ai travaillé un
an à Kabou où j'ai dirigé l'école
officielle. C'était en 1958, du temps où M. Bonfoh était
chef de circonscription à Bassar. J'avais alors eu l'occasion de visiter
tout le pays Bassar. J'avais aussi circulé dans toute la
vaste région Konkomba, à travers les
villages et cantons de Nwaré, Nandouta, Bapuré,
Katchamba, etc... Voyez-vous, j'ai circulé partout en
compagnie du Docteur Médecin de Bassar, un bon ami. Nous
avons visité tous ces coins reculés de la belle et vaste brousse
Konkomba. Mais ce que je voulais vous dire, c'est que je ne m'attendais pas du
tout à un accueil aussi aimable et hospitalier de la part des chefs
traditionnels et de leurs villageois que nous visitons.
Etant fils métis du Dr. Gruner qui avait eu jadis à briser
durement des résistances des guerriers Bassar et Konkomba, je
m'attendais à rencontrer un sentiment hostile de la part de ces
populations. Mais paradoxalement, j'étais vraiment surpris que certains
chefs, auxquels mon ami le Docteur me présentait, n'arrêtaient pas
d'échanger avec moi des salutations chaleureuses et me
donnaient même quelques cadeaux... Le
grand chef Konkomba de Bapuré m'avait même offert un
canard dodu et un gros coq, en précisant bien au Docteur :
« Ceci pour notre ami, le fils du blanc Djama !... »
Eh bien ces expériences-là, je les ai
vécues en personne. Vous voyez vous-même que
cette attitude dénuée de tout esprit de vengeance a
heureusement dissipé les mauvais préjugés que
je me faisais auparavant sur ces peuples. Car j'avais parfois peur d'être
une cible de leur vengeance. Je m'étais plutôt rendu
compte combien ces gens-là, à côté du
choc terrible des guerres coloniales, admiraient la fermeté
des Allemands dans le travail et l'honnêteté...
Voyez-vous, j'ai gardé un
agréable souvenir de mon séjour dans les
régions du Nord, et plus spécialement de mes
tournées en 1959 à travers le vaste pays Konkomba. En
plein coeur de pays jadis très guerrier, les
Allemands avaient construit un fort militaire, à l'entré du
village de Iboubou dans le canton de Nandouta. Je ne sais pas s'il
reste encore de nos jours quelques traces de ce fort, car il a
été détruit après les élections de 1958 par
un administrateur français de l'époque,
dont j'ignore le nom, soi-disant qu'il voulait remblayer
la route de Nandouta-Bapuré... c'était là un des rares
vestiges allemands qu'on rencontrait dans le
Nord-Togo. Je crois que ce sont des souvenirs concrets de
la présence allemande. Et je trouve votre recherche très
intéressante pour l'histoire de notre pays.
Simtaro - Vous avez parfaitement raison, M. Gruner. C'est
pour contribuer à l'enrichissement et à la propagation
de notre histoire qu'il nous faut récolter divers éléments
du passé, tant à travers les vestiges que
les souvenirs oraux. Voilà pourquoi vos
témoignages, en tant que «
Togolais descendant des Allemands » (si vous permettez cette
expression), sont fort intéressants. Vous comprendrez alors ma
curiosité de chercher si je vous demande de me parler du statut d'un
métis allemand, les souvenirs des siens, les relations avec sa famille
paternelle ou ses parents en Allemagne, avec l'administration
allemande, etc...
Gruner - Les métis issus d'un père allemand et
d'une mère togolaise gardent en
général de leurs familles
allemandes de très bons sentiments filiaux.
Vous savez, le Gouvernement impérial Allemand de jadis
avait exigé que tout sujet allemand qui
aurait marié une femme noire devait acheter un terrain et y
construire une maison d'habitation à son épouse et à son
enfant. Un Allemand qui voulait épouser une togolaise,
devait, selon les exigences du Gouvernement, remplir toutes les
formalités conformes aux us et coutumes de la région
concernée (dot, cadeaux, demande en mariage, etc..).
Le Gouverneur Adolf Duc de Mecklenbourg a
épousé lui-aussi une femme du pays et a eu d'elle un
fils métis, tout comme ses compatriotes le commandant de Cercle
Metzger, Kenzler, Paass.
Certaines femmes du pays, ne pouvant plus vivre
à Lomé après le départ de leurs époux
allemands, avaient tout simplement vendu les propriétés que leur
avaient procurées leurs maris-blancs. C'est l'exemple d'une femme
Kotokoli de la région de Sokodé dont j'oublie le nom.
Son fils métis est mort depuis. Elle avait vendu sa maison située
non loin de l'actuel Commissariat de Police du 1er Arrondissement, au bout de
la rue du 24 janvier, puis elle avait regagné son
village natal.
A part mon village natal
d'Agomé-Tomégbé, nous avons un
certain nombre de famille de métis allemands ici à Lomé.
Au village mon oncle Nutsua vous a déjà cité
les Gruner, Smend, Raven, Schwinger, etc... ici à
Lomé, vous avez les Herzog (le feu Herzog Koffi a
été le fils métis du Gouverneur Adolf-Friedrich
Herzog Zu Mecklenburg ; Koehler ( le vieux Josef Koehler,
fils du Gouverneur Koehler ; vous pouvez lui rendre visite) ; Gärtner ;
Brenner ; Krüger ; Hundt (à Aného) ;
Metzger ; Kentzer ; Paass ; Rinkleff (à Sokodé) etc...
il faut remarquer que la plupart des épouses des Allemands
étaient originaires de la région
d'Aného, première région où les
Allemands avaient séjourné...
Vous savez, nous avons une association de métis au
Togo et j'en suis le Vice-président. Nous entretenons avec
l'Ambassade de la République Fédérale
d'Allemagne de très bonnes relations amicales. Lors des
fêtes de la République Fédérale
d'Allemagne, notre association rend des visites de courtoisie
à l'Ambassadeur.
Certains d'entre nous entretiennent des relations
étroites avec leur famille paternelle en Allemagne. C'est le
cas de M. Rinkleff et de moi-même, etc... Vous voyez donc
que nous n'oublions point nos parents, tout comme les
Togolais n'oublient jamais les Allemands.
En ce qui me concerne personnellement, voyez-vous,
mon père le Dr. Gruner a épousé ma mère
Woegblo (née Nutsua) qui me donna le jour le 26
octobre 1910 dans mon village natal
d'AgoméTomégbé. Elle mourra en 1929
dans son coin natal où elle sera enterrée. Mon père, qui
était conseiller du gouvernement et commandant de cercle de
Misahöhe, avait donc rempli toutes les exigences conformes aux
normes coutumières pour épouser légalement ma
mère. Il nous avait aussi acheté des terrains et construit des
maisons ici à Lomé et au village où vous avez
pu voir la maison Gruner. Pour subvenir à nos besoins, il avait
déposé en 1912 auprès de la caisse
d'épargne (Banque Allemande de l'Ouest Africain) à
Lomé un testament au terme duquel un fonds de subsistance était
alloué à ma mère et à moi. On y avait
établit à ma mère un livret d'épargne
n° 267. Voyez, j'ai noté tout cela dans ce vieil
agenda. Le livret même doit se trouver quelque part dans mes
valises. Il, faudra que je le cherche après à tète
reposée... Tenez, j'ai encore dans ce vieux dossier, une copie
complètement jaunie de cette
procuration de mon père. Regardez : c'est
écrit en allemand avec traduction en français. Vous
pouvez garder cette copie si ça peut vous servir
à illustrer peut-être votre travail...
Voyez-vous, je n'ai pas connu vraiment les
Allemands. Je ne connais mon père que par la photo. Je
n'avais guère que cinq ans quand les Allemands quittaient le
Togo. Cependant, je me suis beaucoup renseigné sur
leur séjour et leurs activités chez nous au Togo. J'ai
recueilli beaucoup de souvenirs sur eux, tant auprès de ma mère
qu'auprès des vieux. J'ai fréquenté l'école
anglaise à Lomé et en Gold-Coast (Ghana) de 1915
à1920, puis l'école française à
Lomé de 1921 à1925 (école primaire). Après mes
études supérieures (1926-1930), j'entre après concours en
1930 dans le cadre supérieur des Instituteurs Africains, puis plus tard
en 1950, j'entre après concours dans le cadre des Instituteurs
Métropolitains. En 1957, j'obtins la Palme académique
avec mention honorable. J'ai pris ma première retraite le 1er
janvier 1966. Membre de comité de ville de Lomé, j'ai
été fait Officier de l'ordre du Mono le 24 avril 1971, n°
Mle 22/A/71, décret 71-69. Je suis père de onze enfants (sept
filles et quatre garçons dont un
décédé).
Mais tout ceci ne doit pas vous intéresser. Je vais
plutôt vous faire voir les photos-souvenirs de mon père et de mes
demi-frères. Vous savez je visite mes parents Allemands et ils me
visitent également. Mon dernier voyage
en Allemagne remonte en 1976 à Iéna en D.D.R.
(Allemagne de l'Est), chez mon demi-frère allemand Wilhelm
Gruner, Melanchthonstrasse 4-/69000 Iéna (D.D.R.). Agé
de soixante-cinq ans, il est en retraite depuis 1980. Voyez sa photo
en compagnie de notre père et celle que nous
avions prise lors de ma visite. Sur cette photo vous voyez un
clairon utilisé par mon père lors de son expédition en
pays Konkomba ainsi que des masques et ornements de cette
région du Togo.
A Iéna, j'ai visité la tombe de mon père
né le 10 mars 1865, décédé le 06 août 1943
(à l'âge de 78 ans).
Vous savez, nous étions quatre frères Gruner : deux
Allemands et deux Métis :
1) Mon frère aîné Johannes Kodjo Gruner
(métis), né à Akposso-Tomégbé de
Aku, originaire d'AkpossoTomégbé, Mort en
1952 à Kpalimé et enterré au cimetière
protestant.
2) Moi - même Hans Komlan Gruner (métis) né
le 26 octobre 1910 de Woegblo Nutsua à
Agomé - Tomégbé.
3) Mon frère Hans Gruner junior (allemand), né le
12 mai 1912, tombé au front le 08 novembre 1943.
4) Mon frère Wilhelm Gruner (allemand),
âgé de 65 ans.
Vous pouvez regarder toutes ces photos dans mes
albums. Vous avez aussi aux murs au salon, les photos et portraits
géants de mes parents (père et mère) etc...
Si les photos de mon père le Dr. Gruner peuvent vous
être utiles pour vos travaux, je pourrai vous en donner quelques-unes.
Parce que je trouve votre travail très intéressant et très
utile et je vous encourage vivement.
Simtaro - Merci bien, M. Gruner ! Merci infiniment pour vos
intéressants témoignages et vos archives
personnelles que vous m'avez montrées, et
surtout pour les photos et documents que vous me donnez pour m'aider
à concrétiser mes travaux. Votre gentillesse et la
spontanéité de notre entretien sont déjà pour moi
des éléments indispensables de satisfaction et
d'encouragement dans ma difficile, mais passionnante recherche. Je
souhaite que notre entretien se poursuive et s'enrichisse à travers des
échanges épistoliers, car beaucoup
d'éléments demanderont certainement à être
approfondis pour des recherches ultérieures.
Gruner - Il n'y a pas de quoi me remercier, mon ami.
C'est pour moi un plaisir de discuter avec le jeunes gens
des thèmes intéressants comme le vôtre. Je
suis donc toujours à votre disposition pour une
quelconque indication dont vous aurez besoin. Mon adresse
est simple : BP.1169 Lomé, Tél. 21.19.02 (28, rue
Bugeaud / quartier des étoiles). Revenez me voir
quand vous voudrez, téléphonez ou écrivez-moi.
Ca me fera plaisir.
Simtaro -Merci bien. Je vais repasser demain en fin
d'après - midi, vers 16 heures. Si ça vous va ?
J'aimerais
aussi que vous m'indiquiez la maison du
fils du gouverneur Koehler pour que je m'entretienne avec
lui.
Gruner -Oh, c'est simple. Venez seulement demain soir à
quatre heures. Je vous conduirez moi-même auprès du vieux Josef
Koehler. Il est toujours à la maison : il à plus de
quatre-vingt ans, il est un peu malade et ne sort plus.
Mais je crois que vous pourrez lui parler. Je vais vous introduire à
lui. Je vous attends donc demain soir à quatre heures.
Simtaro - Je vous suis très reconnaissant, M. Gruner. Au
revoir et à demain.
Illustration n° 9d : « Hans Gruner im hohen
Alter, um 1940 » (Hans Gruner dans la force de l'âge) (source :
Gruner 1997 :13)
1910 - année de naissance de Hans Komla Gruner -
semble avoir été l'année de
l'explosion démographique des « métis
allemands » au Togo.
Une des explications de cette explosion des
métis au Togo réside dans le constat suivant : l'administration
coloniale du Togo ne s'attaqua pas à la cause principale, à
savoir, la vie sexuelle débridée des administrateurs coloniaux.
Et pour cause : les plus hautes autorités coloniales étaient
impliquées et concernées. Alors, les autres allemands du Togo se
sentaient dans une impunité garantie, allant jusqu'à refuser de
payer pour l'entretien et l'éducation de leur enfant métis, ou
même vivant dans une forme évidente de polygamie
56
qui, certes, ne choquait pas les Africains, mais
était totalement interdite dans la culture et la religion des Allemands.
C'est le cas du commerçant Harry Grunitzky dont l'un des enfants est
devenu, malgré tout, une personnalité emblématique de la
politique togolaise : Nicolas Grunitzky.
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