2.6.1- Résumé du document en
français
Le 18 septembre 1912, s'est tenue une réunion
du Conseil de gouvernement de la colonie au domicile du gouverneur Adolf
Friedrich zu Mecklenburg, avec comme 5ème point de l'ordre du
jour, la question des métis et des mariages mixtes. À l'issue de
cette séance, il ressort que tous les participants sont unanimement
contre les mariages mixtes. Au terme de la séance, le conseil du
gouvernement a donc demandé au gouvernement
1 De faire cesser le plus tôt possible les mariages
mixtes dans la colonie.
2 De redéfinir les lois concernant les droits des
enfants hors mariage auxquels le code civil ne peut être
appliqué.
2.6.2 : Texte original allemand
"Niederschrift über die am 18. Sept. 1912 im
Gouverneurshaus zu Lome abgehaltene Gouvernementsratssitzung" unter Vorsitz des
Gouverneurs Adolf Friedrich zu Mecklenburg: 5. [Punkt] Stellungnahme zur
Mischlings- und Mischehenfrage." "Regierungsrat Hermans führt
folgendes aus: Nach einer im Reichstag eingebrachten Resolution sollen
Mischehen in den Kolonien gestattet sein. Die Regierung wäre dagegen. Das
Reichskolonialamt wünsche Stellungnahmen zu dieser Frage durch die
Gouvernementsräte. In Togo sei der Rassenunterschied bisher scharf gewahrt
worden und man sei gut dabei gefahren. Die Gestattung der Mischehe würde,
wenn auch zur Zeit hier im Schutzgebiet Ehen zwischen Schwarzen und Weisse in
absehbarer Zeit nicht in Frage kommen, das scharfe Rassengefühl, welches
wir unbedigt brauchen, schwächen. Die Mischehenfrage kann nicht aus
ethischen und religiösen Gesichtspunkten, sondern vor allem aus
rassenpolitischen Gesichtspunkten beantwortet werden. Die Missionen in
Südwestafrika wären sämtlich dagegen.
Planzungsdirektor Wöckel ist auch der
Ansicht, dass Mischehen in den Kolonien verboten werden sollen, dass
insbesodere dadurch das Ansehen der weissen Frau geschädigt
werde.
Missionar Däuble erklärt, vom
christlichen Standpunkt sei gegen Mischehen nichts einzuwenden. Aber vom
natürlichen und gesellschaftlichen Standpunkt aus müsse man dagegn
ankämpfen.
Präfekt Schönig schliesst sich den
Worten der Vorredner an und führt aus, dass eine Ehe zwischen Schwarzen
und Weissen schon deshalb untunlich sei, weil nach kath. Auffassung die Ehe
unlöslich sei. Ein Europ.[äer] aber, der hier eine Eingeb.[orene]
heirate, sei aus klimatischen Gründen über kurz oder lang
genötigt, die gemässigte Zone aufzusuchen, was angesichts der
praktischen Unmöglichkeit, ein eingeb.[orenes] Weib
dorthin mitzunehmen, die Lösung der Ehe zur Folge
habe. Ebenso wendet er sich auch scharf gegen die illegitimen Ehen.
Der Vorsitzende ist auch der Meinung, dass man nur
einen ablehnenden Standpunkt einnehmen könne.
Der Referent bemerkt, dass die Gestattung der
Mischehe auf das Zusammenleben von Europäern mit eingeb. Weibern in keiner
Weise Einfluss ausüben werde.
Alle Anwesenden halten eine Regelung des Rechtes
der unehelichen Kinder im Schutzgebiet für wünschenswert.
Es wird hierauf folgende Resolution einstimming
angenommen:
Der Gouvernementsrat ersucht das Gouvernement,
daraufhinzu wirken, dass die Eingehung [sic!] von Mischehen im Schutzgebiet
unter allen Umständen unmöglich gemacht wird und hält eine
Regelung des Rechtes derjenigen unehelichen Kinder, auf welche das
Bügerliche Gesetzbuch zur Zeit nicht Anwendung findet, für
erwünscht."
Unterschriften: zu Mecklenburg, Geh. Reg.-Rat von
Doering, Assessor Clausnitzer, Assessor Dr. Fleischhauer, landwirtsch. Beirat
Sauerwein, Stabsarzt Dr. Rodenwaldt, Kaufmann Armerding, Pflanzungsdirektor
Woeckel, Präses Däuble, Präfekt Schönig, Bauunternehmer
Starcke, Sekretär Schnecko als Protokollführer.
2.6.3 : Traduction intégrale du texte en
français Procès-verbal de la séance du Conseil de
Gouvernement tenue le 18 septembre 1912 dans la maison du gouverneur à
Lomé, et présidée par le Gouverneur Adolf Friedrich zu
Mecklenburg.
Cinquième point [de l'ordre du jour] : Prise de
position sur la question des mulâtres et des mariages mixtes.
Le conseiller du gouvernement Hermans explique ce qui
suit : d'après une résolution introduite au Reichstag, il est
demandé que les mariages mixtes soient autorisés dans les
colonies. Le gouvernement serait contre cela. L'administration coloniale
impériale souhaite donc des prises de position sur cette question
à travers les conseils de gouvernement [des colonies]. Selon Hermanns,
au Togo, la différence entre les races est très clairement
observée jusqu'à présent et la situation a
été bien maîtrisée. Même si une autorisation
des mariages mixtes n'est pas envisagée ici dans la colonie dans
l'immédiat, une telle mesure affaiblira le sentiment racial qui demeure
une nécessité. La question des mariages mixtes ne peut pas
être abordée et résolue d'un point de vue éthique ou
religieux, mais surtout du point de vue de la politique raciale. Les
sociétés de mission dans le Sud-OuestAfricain Allemand sont toute
contre cela.
Woeckel, Directeur de plantation est aussi de l'avis
que les mariages mixtes doivent être interdites dans les colonies,
particulièrement parce qu'ils portaient atteinte à la
considération envers la femme blanche.
Le missionnaire Däuble [de la Mission Protestante
de Brême au Togo] explique que du point de vue religieux, il n'y a rien
à dire contre les mariages mixtes, mais que du point de vue naturel et
social, il faut combattre cela.
Le préfet apostolique Mgr Schönig [de la
mission catholique de Steyl] se rallie à l'opinion de l'orateur
précédent et explique qu'un mariage entre des Noires et des
Blancs est déjà impensable en soi, parce que l'Eglise catholique
considère le mariage comme indissoluble, alors qu'un Européen qui
serait marié ici à une indigène sera tôt ou tard
amené à retourner dans une zone tempérée, et
l'impossibilité d'emmener une femme indigène conduirait
inévitablement à la dissolution du mariage. De même, le
missionnaire catholique est strictement contre les mariages
illégitimes.
Le président de séance est aussi d'avis
que seule une prise de position négative doit être
envisagée.
Le rapporteur fait remarquer que l'autorisation de
mariages mixtes n'aura aucune influence sur la vie commune des Européens
avec les femmes indigènes.
Toutes les personnes présentes
considèrent qu'il est souhaitable d'élaborer une
réglementation des droits des enfants nés hors-mariage dans la
colonie.
Sur ce, la résolution suivante a été
adoptée à l'unanimité :
Le Conseil de Gouvernement demande au gouvernement de
faire cesser par tous les moyens les mariages mixtes dans la colonie et
souhaite une réglementation des droits des enfants hors mariages pour
lesquels le code civil [allemand] ne peut pas, pour le moment, être
appliqué.
Ont signé: zu Mecklenburg, le Conseiller de
Gouvenement von Döring, l'Assesseur Clausnitzer, l'Assesseur Dr.
Fleichhauer, l'Assistant agricole Sauerwein, le Médecin Dr. Rodenwaldt,
le Commerçant Armerding, le Directeur de plantation Wöckel, le
Missionnaire Däuble, le Missionnaire Schönig, l'Entrepreneur Starcke,
le Secrétaire Schnecko en tant que Rapporteur de
séance.
Commentaire succinct
Ce qui ressort essentiellement de cette séance
du Conseil de Gouvernement, c'est l'hypocrisie flagrante des membres de ce
Conseil qui campent sur des positions tranchées et font la politique
de l'autruche en face de la réalité du terrain : alors qu'il
est
unanimement reconnu que le mariage mixte existe bel et
bien au Togo - avec beaucoup de mauvais exemples certes, mais avec quelques cas
encourageants - tous les membres de cette instance s'efforcent de nier cela.
Plus ridicule encore est la position de ceux d'entre eux qui fondent leur
argumentation de refus sur le fait que le Blanc ne pourra pas emmener une femme
noire en Europe. En somme, tous préfèrent tolérer dans la
colonie ce qui n'est pas tolérable en Allemagne ! Une telle attitude
face à une réalité évidente et troublante ne
pouvait que compliquer toute solution au problème. Enfin, il faut
souligner que, vu rétrospectivement, les missionnaires des deux
confessions se sont discrédités en se rangeant sur les positions
colonialistes. Le pasteur Däuble, de la Mission de Brême, a bien
commencé sa réflexion en affirmant que « du point de vue
religieux, il n'y a rien à dire contre les mariages mixtes«,
mais en ajoutant que d'un point de vue naturel et social, il faut combattre
cela«, on se demande de quelle nature il parle, sinon de la nature
raciste qui guide ses opinions. En se ralliant à lui, le préfet
apostolique Mgr Schönig, de la mission catholique de Steyl, commet la
même erreur historique en affirmant qu'un mariage entre des Noires et
des Blancs est déjà impensable en soi«. Au nom de quel
dogme religieux une telle union estelle impensable? L'explication qu'il donne -
(«parce que l'Eglise catholique considère le mariage comme
indissoluble«) - n'a rien à voir avec la race des
mariés. Les églises chrétiennes, à travers la prise
de position de ces deux missionnaires, ce sont discrétées au Togo
sur la question du mariage mixte. Elles se sont ralliées à des
positions doctrinales qui n'ont rien à voir avec les dogmes religieux
(cf. également document n° 11 du présent mémoire).
Mais on comprend très bien la raison de cette attitude : tant que la
cohabitation entre Blancs et Noirs dans la colonie est fondée sur la
politique de la séparation des races, le gouvernement ne peut pas scier
la branche sur laquelle il est lui-même assis. Le racisme comme doctrine
coloniale ne peut pas officiellement cohabiter avec les mariages mixtes. Donc
le Conseil de Gouvernement offre une fin de non-recevoir à la demande
venue du Reichstag qui s'apprêtait à envisager l'autorisation des
mariages mixtes dans les colonies. De ce côté-là aussi, il
s'agissait sans doute également d'une demande hypocrite : le Reichstag
demande l'avis des gouverneurs coloniaux, en sachant que cet avis sera
négatif. En effet, cette question avait été
déjà débattue en 1911 au Reichstag, et c'est le Ministre
des Colonies en personne, Wilhelm Solf, qui était venu défendre
la pureté de la race devant les parlementaires en
s'écriant61: « Messieurs, je prie instamment de vous
laisser guider dans cette affaire,
61 Meine Herren, ich bitte Sie dringend, sich in
dieser Frage von Ihren Instinkten leiten zu lassen: Wünschen Sie, dass
Ihnen Ihre Söhne schwarze Schwiegertöchter ins Haus bringen?
Wünschen Sie, dass sie Ihnen wollhaarige Enkel in die Wiege legen? Nein
meine Herren, die ganze Nation wünscht das nicht.» (cité
in Petschull 1984:121)
par vos instincts. Souhaitez-vous que vos fils vous
ramènt à la maison des belles-filles noires?
Souhaitez-
vous qu'ils vous déposent dans le berceau des
petits-fils aux cheveux crépus? Non messieurs, la nation toute
entière ne souhaite pas cela.
C'est d'ailleurs pourquoi Solf, dans une
correspondance ultérieure, datée du 12 juillet 1913, salue la
décision du Conseil du Gouvernement du Togo en ces termes :
«Von der Entschliessung des Gouvernementsrats über die Mischehen-
und Mischlingsfrage habe ich seinerzeit mit Befriedigung Kenntnis
genommen.« [A cette époque, j'avais pris connaissance, avec
satisfaction,de la décision prise alors par le Conseil de gouvernement
au sujet de la question des mariages mixtes et des métis] (cf.
document n° 10 du présent mémoire).
|