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Sexe, contestation, drogue et rock'n'roll

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par Damien VAQUIE
Université Paul Valéry - Montpellier III - Maà®trise de musique 2003
  

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2. Contre-culture et médiatisation27

Afin de diffuser ses idées et l'état de ses actions, les partisans de la contreculture mettent en place différents moyens de communication, à savoir au travers de la musique et de la presse clandestine.

Dans un premier temps, le rock et la musique populaire des années 1960 constituent à eux seul l'expression la plus directe de la contestation, jusqu'à en être considérés comme une sorte de religion. Cette forme d'expression reste la plus diffusée durant cette période grâce en particulier à l'apparition du 45 tours en 1948, à l'essor des stations radiophoniques au lendemain de la seconde guerre mondiale mais surtout à la commercialisation des transistors à piles portatifs en 1964 permettant une écoute en n'importe quel lieu et en n'importe quel moment. L'archétype du chanteur contestataire par excellence se trouve en la personne de Bob Dylan avec des chansons comme I Shall Be Free, l'une des préférées des contestataires, dans laquelle il exprime la claustrophobie dans laquelle la société l'enferme. Par ailleurs, Bob Dylan s'inspirait de l'actualité découlant des contestataires noirs comme dans la chanson intitulée Oxford Town dans laquelle est évoquée la difficulté d'intégration des étudiants noirs dans les universités américaines et fait référence à James Meredith (première personne de couleur ayant accès à l'Université du Mississipi en 1962). Bob Dylan sait parfois adopter une attitude plus radicale contre l'ordre établi lorsqu'en 1964 il enregistre Times, They Are A-Changing dans laquelle la critique des politiciens véreux et du Congrès est violente. Cette dernière montre la voie ouverte du

27 Ibid, pp. 67-75.

changement social et elle est ainsi diffusée lors de grands rassemblements contestataires. La chanson préférée des contestataires de la côte Ouest, proches de la communauté hippie Haight-Ashbury de San Francisco, reste Mr Tambourine Man dans laquelle le rythme obsédant de la vie interprété musicalement conduit à explorer les paradis artificiels afin d'échapper à l'oppression de la vie quotidienne. En 1965, il fait scandale de par sa Ballad Of A Thin Man dans laquelle il présente un homme indifférent au conflit vietnamien sous le patronyme de Mr Jones pouvant être assimilé à la personne de Lyndon Baines Johnson, nouvellement promu Président des Etats-Unis : Something is happening here / But you don't know what it is / Do you, Mister Jones ? (NdT : Quelquechose se passe en ce lieu / Mais vous ne savez pas de quoi il s'agit / N'est-ce pas, Monsieur Jones ?). Selon l'auteur lui-même, ce mystérieux Mr Jones ne vise personne en particulier mais représente une mosaïque d'archétypes sociaux. Les contestataires étudiants de l'Université de Berkeley n'hésitent pas à surnommer Clark Kerr, président de l'Université de Californie, du nom de ce personnage dans le journal universitaire Berkeley Barb du 8 juin 1965. Des groupes de rock à scandale comme les Rolling Stones font écho dans le milieu contestataire avec des titres comme Satisfaction, 19th Nervous Breakdown ou encore Sister Morphine évoquant les incertitudes de l'avenir des jeunes incapables de s'exprimer dans une société aliénante les conduisant soit au suicide soit à l'univers des drogues. Le titre Street Fighting Man du même groupe reste la chanson la plus contestataire de cette formation. En effet, elle évoque la violence armée présente dans les rues ainsi que les souffrances existentielles de la jeunesse. Cette ode à la révolte date de 1968, année de toutes les manifestations contestataires (révoltes des campus aux Etats-Unis, Mai 1968 en France), correspondant si bien au climat de l'époque que les étudiants de Berkeley la consacrent chanson de l'année. La chanson A Hard Day's Night des Beatles datant de 1964 se défini comme une critique de l'oppression de la société tandis que leur All You Need Is Love de 1967 est considéré comme

l'hymne antimilitariste par excellence ainsi qu'une ode à l'amour et la fraternité. Les contestataires appréciaient des artistes comme Jimi Hendrix, Janis Joplin, Joan Baez, The Grateful Dead, Jefferson Airplane, Country Joe and the Fish, autrement dit des formations appartenant au mouvement psychédélique ou à la scène folk. Musique et contestation allaient de pair. Pour illustrer l'importance des musiques populaires à la fin des années 1960, 23 millions de jeunes Américains ont ainsi dépensé 40 milliards de dollars dans l'achat de substances illicites, de disques de rock ou de billets de concerts en 1968. Joseph P. Drakoulias fait paraître un article dans le Berkeley Barb du 7 janvier 1969 évaluant à environ 482 dollars la dépense effectuée par l'Américain moyen dans le domaine musical contre près de 52 dollars destinés à l'achat de drogues en tous genres en 1968 uniquement. Son échantillonnage s'appuie sur 1001 contestataires représentatifs selon lui du Mouvement.

La publication des journaux clandestins dits undergrounds correspond à une prise de conscience des contestataires de la manipulation par les massmédias d'une information qui perdait de son objectivité. Le nombre de création de tels périodiques était proportionnel à l'ampleur que prenait le mouvement contestataire. Entre 1965 et 1970, plus de 4 000 journaux parurent, parfois pour une seule édition et furent lus par plus de 15 millions d'Américains. La presse clandestine est née en 1955 avec la parution du Village Voice qui se faisait l'écho de la communauté de Greenwich Village sous l'éditorialiste Norman Mailer. Son contenu est sa prestation ne faisait pas de lui un journal à proprement parler underground à cause de son conventionnalisme. Par ailleurs, le Realist de Paul Krassner est un autre périodique apparu dans les années 1950. De 600 exemplaires en 1958 il est tiré à près de 100 000 dix ans plus tard. Ces deux journaux sont issus des milieux de gauche et portent une critique satirique envers les institutions. Ce dernier adopte un comportement plus engagé en 1964 en adoptant un langage hippie plus rêche et incluant des articles à caractère dadaïste. Cette presse underground était principalement financée par la publicité

à cause du coût important des frais d'impression. Le Berkeley Barb est fondé en 1965 par un ancien étudiant en sociologie de l'Université de Californie, Mark Scheer dont les collaborateurs proviennent du milieu estudiantin. Imprimé à près de 100 000 exemplaires, ce journal pouvait facturer jusqu'à 500 dollars une page de publicité contenant les informations les plus variées : adresse des magasins de vêtements en vogue, lieux où se procurer des substances illicites, dates des concerts à venir des groupes de rock. L'idée de créer un tel journal est né du fait que cet ancien étudiant ne cessait de faire des allers-retours entre son domicile et sa faculté afin de se tenir au courant des dernières nouvelles. La création d'un moyen de communication était nécessaire à la diffusion de la vie étudiante de Berkeley. Ainsi, le Berkeley Barb devint le porte-parole du campus et de toute une génération. Ce dernier possède même une rubrique informant sans tabous sur les problèmes sexuels en tout genre (maladies sexuellement transmissibles, effets de certaines substances sur les performances sexuelles), tenue par le docteur Hip Pocrates (jeu de mots basé sur l'adjectif hip se référant aux hippies et sur le serment d'Hippocrate). L'un des événements majeurs que ce journal couvrit reste l'épisode du People's Park en 1969. Ce terrain fut subtilisé par les étudiants à leur université afin de créer un espace de fraternité malgré le refus de cette dernière. Le périodique prit fait et cause pour les étudiants en les incitant à la mobilisation afin de construire le seul havre de paix présent au sein du campus. Divers journaux de ce même genre apparurent comme le Vietnam GI ou encore GI Voice qui comme leur nom l'indique se spécialisent dans la guerre du Vietnam. Screw et The New York Review of Sex quant à eux se préoccupent principalement des questions sur le sexe. Parmi les journaux les plus populaires, nous trouvons l'East Village Other de New York, très apprécié dans les milieux les plus défavorisés de la côte Est. Ce dernier employait des collages de bandes dessinées à caractère satirique et pornographique tandis que ses journalistes adoptaient un langage direct et incisif afin de se démarquer de la presse traditionnelle. Sur la côte opposée, The San Francisco Oracle se fait l'écho de la

communauté hippie d'Haight-Ashbury. Son impression en couleurs tentait de recréer les visions possibles sous emprise de LSD. Entre 1965 et 1968, chaque grande ville américaine possède son journal clandestin. La presse underground a connu un accueil mitigé. Pour certains, ce n'était qu'un ramassis d'images pornographiques, révolutionnaires ou hippies. Pour d'autres, elle représentait la seule presse totalement libre à oser s'élever contre le gouvernement et l'ordre établi. A partir de 1968, cette presse connut un essoufflement. Cette même année, le San Francisco Oracle disparut à cause d'un déficit financier, le Berkeley Barb se mis en grève en raison d'un désaccord entre Mark Scheer et ses collaborateurs qui voulaient instaurer au sein même du journal un démocratie de participation dans le choix des sujets à traiter tandis que le Los Angeles Free Press dut verser une amende de 43 000 dollars pour avoir divulgué l'identité ainsi que le domicile des membres de la brigade des stupéfiants de Californie.

Le mouvement contre-culturel s'éteint au début des années 1970 en raison principalement de la récession économique et du ralentissement des hostilités au Vietnam. La France a connu une telle révolte de la jeunesse lors de évènements de Mai 1968 mais ces derniers ne touchaient pas uniquement les étudiants mais tous les secteurs d'activité. Cette révolution n'est restée qu'au stade idéologique et ne s'est pas concrétisée matériellement. La révolution contre-culturelle ne s'est pas réalisée à cause de la difficulté du but à atteindre, à savoir changer des normes et des valeurs sociales aussi vieilles que l'humanité. Ce mouvement est plutôt resté très présent sur un plan artistique et en particulier au niveau musical.

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"Et il n'est rien de plus beau que l'instant qui précède le voyage, l'instant ou l'horizon de demain vient nous rendre visite et nous dire ses promesses"   Milan Kundera