2. Mods, hippies et yippies
Les années 1960 connurent des mouvements plus ou moins
rebelles vis à vis de la société. Cette décennie
fut marquée par une accélération dans le processus
évolutif des mentalités, ce qui a été
marqués par les différents courants de la jeunesse. Bien que les
années 1940 et 1950 aient connu un seul groupe rebelle au travers des
beatniks (ainsi que leurs confrères britanniques teddy
boys) les années 1960 multiplièrent les communautés
juvéniles.
Les mods et les rockers apparaissent tous
deux vers 1963-1964 et sont en constante opposition. Ces premiers doivent leur
appellation à cause de leur goût pour le modern-jazz,
genre très populaire en Angleterre grâce à des figures
très présentes sur la scène londonienne comme Alexis
Korner et Cyril B. Davis et leur formation, The Blues Incorporated,
qui sera par ailleurs une institution formatrice pour beaucoup de musiciens
célèbres en devenir comme les Rolling Stones, Eric Clapton ou
encore Jimmy Page. Les mods sont issus des classes laborieuses et des
classes moyennes les plus basses. La plupart de ces jeunes sont
âgés entre 15 et 18 ans et vivent dans le centre des grandes
villes. Concentrés dans les art schools, ils adoptent des
tenues à la française souvent onéreuses, les
scooters italiens ainsi qu'un air faussement détaché. Ce
sont des adeptes de l'existentialisme de Jean-Paul Sartre et du cinéma
français et italien. Leurs lieux de rencontres sont les clubs musicaux,
la rue et les coffee bars. Ils revendiquent l'usage de certaines
substances illicites, notamment les amphétamines leur permettant de
tenir la danse lors de longs week-ends, mais aussi l'alcool et le cannabis.
Leurs groupes musicaux de prédilection sont les Beatles, les Rolling
Stones mais surtout les Who. Ils ne possèdent pas de message politique
sinon de mourir avant de devenir « vieux » ( devenir un adulte
responsable). Les rockers quant à eux portent blousons noirs,
rouflaquettes, sont coiffés d'une banane et conduisent des grosses
cylindrées. Ils proviennent des
classes laborieuses prolétarisées et habitent la
périphérie des grandes villes. Ils traînent dans les gares,
les coffee bars et la rue et ont le même âge que les
mods. Leur préférence musicale se porte sur les grandes
figures du rock'n'roll américain des années 1950 ainsi
que le cinéma issu des beatniks.
Parmi les mods, certains adoptent des attitudes plus
radicales avec une violence accentuée. Ces hards mods,
vêtus de jeans, de boots et de chemises, apparaissent
dès 1964 et seront à l'origine d'un autre mouvement, les
skinheads en 1968 qui conservent le goût des tenues exclusives,
des scooters et de la musique, en l'occurrence le ska, et
proviennent des classes populaires les plus défavorisées. En
1967, les adolescents issus des classes populaires noires britanniques venant
de la Jamaïque adoptèrent le même comportement vestimentaire
que les mods. Ils constituèrent ainsi ce qui fut nommé
rude boys et sont à l'origine de la musique ska.
Les hippies apparaissent aux alentours de 1965 dans
la baie de San Francisco et apportent un nouveau mouvement culturel, à
savoir le rock psychédélique. Le terme même de
hippie fut employé pour la première fois cette
même année dans le journal local de San Francisco intitulé
Examiner en se référant à l'argot hip
qui désigne à la fois une rythmique jazzistique et le fumeur de
haschisch. La plupart provient des classes moyennes et du monde estudiantin.
Tout comme les beatniks, le thème du voyage est très
important dans la culture hippie. Ce dernier ne représente plus
un échappatoire à la société de consommation mais
se définit comme une extension de la conscience. Les communautés
ne sont pas structurées au niveau de l'effectif et viennent ainsi
quelques compagnons de passage. L'une des plus connues et des plus grande au
niveau de son effectif reste Haight-Ashbury dans la baie de San Francisco.
L'idéologie hippie repose sur l'amour et la paix
(«peace and love» est l'un des slogans hippies les
plus connu) ainsi que sur une entière confiance entre chaque individu.
Ces jeunes contestataires revendiquent de nouvelles relations humaines en
prônant la liberté sexuelle, l'abolition de la
propriété privée dans tous les
domaines, le partage, la consommation de produits illicites (en
particulier le LSD et le haschisch) ainsi qu'un profond respect à
l'environnement et un intérêt pour les philosophies orientales
(principalement la religion bouddhiste et
hindouiste). Ce mouvement connaît un certain
succès en Angleterre d'oücertains slogans comme
«haight is love» (NdT : « haight est amour ») ou
encore
«make love not war» (NdT : « faites
l'amour, pas la guerre ») vont alimenter la scène
américaine. Certains groupes musicaux appartenant plutôt à
l'image mods s'insèrent dans ce mouvement comme les Beatles
avec leur album conceptuellement précurseur Sergent Pepper Lonely
Hearts Club Band ou les Rolling Stones de manière spontanée
au travers de leur unique album psychédélique intitulé
Their Satanic Majesties Request, tous deux parut en 1967. Les
yippies détiennent la même idéologie que les
hippies à la différence qu'ils s'impliquent plus
activement à la politique. Ce terme est issu des initiales du
groupuscule politique Youth International Party (NdT : Parti
International Jeune) qui sera très présent lors de la
contestation contre la guerre du Vietnam. Le mouvement hippie reste
dans l'opinion publique le plus célèbre et le plus
représentatif des années 1960. Il s'étend tout d'abord du
milieu de cette décennie jusqu'à l'année 1972 avec son
apogée entre 1967 (qui marque une hégémonie aussi bien
quantitative que qualitative des productions de rock
psychédélique) et 1969 qui frappe le glas des années 1960.
Cette année-ci, les Rolling Stones créèrent un festival en
Californie en réponse à celui de Woodstock à Altamont. Le
6 décembre un jeune spectateur Noir, Meredith Hunter, fut
assassiné d'un coup de poignard par un hells angel14
(NdT : ange des enfers) employé pour assurer la sécurité
tandis que les Rolling Stones interprétaient leur célèbre
Sympathy For The Devil. Durant toute la soirée, les hells
angels ivres persécutèrent aussi bien le public que les
artistes sur scène. S'en était fini de la paix et de l'amour, de
l'idéologie hippie et de cette sorte
14 groupuscule né à la fin des
années 1950, proche des beatniks dans leur attitude et leur
goût musical, se baladant sur le territoire américain toujours en
bandes organisées et prônant la violence comme acte
contreculturel.
d'insouciance ambiante qui régnait lors du festival de
Woodstock quatre mois plus tôt.
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