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Sexe, contestation, drogue et rock'n'roll

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par Damien VAQUIE
Université Paul Valéry - Montpellier III - Maà®trise de musique 2003
  

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E. Sex and drugs and rock'n'roll37

Dès le début, le rock'n'roll affiche une image peu en accord avec les normes et les valeurs sociales. En un premier temps, le sexe est devenu le principal leitmotiv de ce genre artistique. Le déhanchement subjectif du jeune Elvis Presley suffisait à provoquer aussi bien les cris admiratifs de son public, dont la plupart est composée de filles, que les foudres de l'establishment. Par ailleurs, certaines chansons durant les années 1960 sont censurées de par le contenu de leurs paroles. Ainsi Let's Spend The Night Together des Rolling Stones doit devenir à la demande des producteur du Ed Sullivan Show Let's Spend Some Time Together lors de leur passage à l'émission en janvier 1967. Le chanteur Mick Jagger trouve la parade afin de ne rien changer aux paroles en adoptant une prononciation mal articulée. Mais ce procédé n'est pas nouveau. Ainsi, les Rolling Stones utilisèrent cette façon de parler sur leur succès Satisfaction en 1965 afin d'éviter toute protestation des autorités. Mais le rocker qui a la plus mauvaise image auprès de l'establishment reste Jim Morrison, chanteur et auteur des Doors. Ce dernier fut arrêté dix fois entre 1963 et 1969 pour divers motifs (conduite en état d'ébriété, prestation obscène et impudique, etc).

A la fin des années 1960, des campagnes contre le rock virent le jour. Ces dernières furent pour la plupart l'initiative des stations de radio. En mai 1967, un employé de l'entreprise radiophonique Mc Lendon Corp's avertit son patron des dangers du rock après avoir écouté le contenu des paroles de Let's Spend The

37 Cette partie a été influencé par l'ouvrage suivant : BENETOLLO Anne, Rock et Politique, Censure, Opposition, Intégration, Paris, L'Harmattan, 1999, pp. 95-147.

Night Together, titre que possédait sa fille alors âgée de neuf ans. Une campagne contre les paroles outrageantes se mit aussitôt en place. Des articles parurent dans les journaux alertant la multiplication des paroles à caractère sexuel. Mc Lendon lui-même invite les diffuseurs à revoir leur programmation. Ce dernier montre l'exemple à suivre en supprimant les passages de Penny Lane des Beatles, de Candy Man des Nitty Gritty Dirt ainsi que ceux de Sock It To Me de Mitch Ryder and The Detroit Wheels de ses six stations radiophoniques. Mais les diffuseurs hertziens ne sont pas les seuls à censurer le rock. Les maisons de disque font parfois office de censeur auprès des artistes. Ainsi, Janis Joplin dut changer le titre de son album Sex, Dope And Cheap Thrills en Cheap Thrills en 1968. L'année précédente, le label EMI refusa de commercialiser le premier album de John Lennon et de Yoko Ono intitulé Two Virgins parce qu'ils apparaissaient nus sur la pochette.

Le sexe n'est pas le seul élément montré du doigt chez les rockers. L'usage de substances illicites qu'affirme certaines personnalités du monde du rock est montré du doigt par les autorités. De plus, l'avènement du phénomène hippie met en avant l'exploration des paradis artificiels. Ces derniers permettent à l'individu de se connaître soi-même ainsi qu'un plus grand respect aux autres. De plus, certains penseurs affiliés à la contre-culture comme Allen Ginsberg, Ken Kesey ou encore Jack Kerouac encouragent à la consommation de ces substances. En réaction à l'augmentation fulgurante de la consommation de drogues, le Président Johnson exige un contrôle redoublé du FBI sur le trafic et l'usage des stupéfiants le 2 mars 1966. Il est vrai que les saisies de marijuana effectuée par la police new-yorkaise ont été multipliées par 17. Entre 1965 et 1966, l'usage de substances illicites a augmenté de 140 % en Californie, touchant principalement les collèges ainsi que les universités. Dans cette même période, plus de 15 % des usagers de LSD sont étudiants dans la ville de Los Angeles. Certaines chansons se réfèrent par allusions aux drogues comme Happiness Is A War Gun des Beatles (« J'ai besoin d'un fixe / Parce que je suis

en train de descendre ») ou encore You Got Me Floatin de Jimi Hendrix (« Oui tu me fais voler tout autour / Toujours en haut, tu ne me laisseras jamais descendre / Et je t'embrasse quand ça me plaît / Tu me fais voler [...] »). Ce dernier exemple peut prévaloir d'évoquer les sensations ressenties lors d'un vol en avion et ne pas correspondre aux allusions d'un éventuel trip. A partir du milieu des années 1960, certaines stations de radio interdisent la diffusion de chansons dont les paroles évoqueraient les drogues. De ce fait, les textes dans lesquels des mots comme stoned, high et trip figurent étaient suspectes de contenir un message qui valorise l'utilisation de drogues. Ainsi, Rainy Day Woman de Bob Dylan fut interdite de diffusion pour deux raisons. La première est que le texte se réfère à la drogue en général : « mais si j'étais toi je ne me sentirais pas si seul / Tout le monde doit se défoncer ». La seconde raison est que le titre lui-même est le nom donné à la cigarette de marijuana. Pour contrecarrer cette censure, les artistes jouent sur des références ambiguës. Par exemple, Eight Miles High des Byrds peut être entendu comme l'évocation d'un voyage en avion à Londres sans que cela ne renvoie à quelconque substance illégale : « Tu planes à dix kilomètres / Et quand tu atterris / Tu t'aperçois / Que tu es plus étranger ». Afin de faciliter le travail des programmateurs des maisons radiophoniques, Bill Gavin crée un guide sous le nom Gavin Report répertoriant toutes les chansons portant sur les drogues. Ce classement fut utilisé par plus de 10 000 stations radiophoniques sur le sol américain. Quelquefois les revendications des groupes de rock aux sujets des substances illicites sont claires comme dans la chanson Take A Whiff des Byrds (« Renifle un coup, renifle un coup avec moi [...] / J'ai rejoint la rue Centrale par la Quatrième Rue / Pour trouver de la bonne cocaïne). De plus certains artistes ne cachent plus leur goût prononcé pour les substances illicites comme Mick Jagger et Keith Richards qui furent souvent arrêtés pour détention et usage de stupéfiants. Les chansons portées sur les drogues devenaient un tel problème que le Président Nixon ainsi que son vice-président Spiro Agnew donnèrent une conférence à caractère plus

informatif que répressif en décembre 1969. Ces deux personnalités politiques proclamèrent Timothy Leary, ancien professeur d'Harvard qui se fait l'apôtre du LSD, comme l'homme le plus dangereux des Etats-Unis. Cela dit, certaines chansons dénoncent les effets négatifs de certaines substances comme Amphetamine Annie de Canned Heat (« Ton esprit peut penser qu'il vole / Grâce à ces petites pilules / Mais tu devrais savoir qu'il meurt / Parce que [...] l'amphétamine tue ! » ou encore The Pusher (NdT : Le Dealer) de Steppenwolf (« tu sais j'ai vu beaucoup de gens aller et venir / Avec des pierres tombales dans les yeux / Mais le dealer s'en fiche / Que tu sois mort ou vivant / Si j'étais le Président de ce pays / je déclarerais la guerre totale au dealer / Au diable le dealer »). Cette paranoïa du contenu des paroles des chansons par rapport à certaines substances suscite parfois des erreurs. Lucy In The Sky With Diamonds des Beatles est souvent montrée comme le symbole de l'évocation du LSD. Or ce mythe est erroné. Le fait que les initiales forme le nom de cette substance est un simple hasard. Cette chanson fut écrite par John Lennon en 1967 à partir de l'un des dessins de son fils Julian qui avait imaginé une sorte de fée nommée Lucy volant dans un ciel constellé de cristaux38.

Cette louange des substances illicites est due au fait que la dangerosité de ces produits (tels que le LSD, la cocaïne et l'héroïne) est méconnue. Il faut attendre la toute fin des années 1960 pour constater les premiers décès sous overdoses. L'image de la drogue noircit en 1970-1971, période marquée par la disparition de trois personnalités du rock sous l'emprise de la drogue, à savoir Janis Joplin, Jimi Hendrix et Jim Morrison, évènements qui annoncent la fin des années 1960, une décennie définie par un sorte d'insouciance.

38 Cette explication de John Lennon a été rapportée de l'ouvrage suivant : THE BEATLES, The Beatles Anthology, traduction de Philippe Paringaux, Paris, Seuil, 2000, p. 242.

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus