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Sexe, contestation, drogue et rock'n'roll

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par Damien VAQUIE
Université Paul Valéry - Montpellier III - Maà®trise de musique 2003
  

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B. Du rock'n'roll au rock and roll : l'émergence de la Grande

Bretagne

Mais le rock'n' roll ne fut pas une musique uniquement diffusée sur le sol américain. Dès 1956, ce dernier connaît un vif succès sur le vieux continent grâce notamment au film Graine de violence dont le titre phare est Rock Around The Clock de Bill Halley mais aussi aux premiers films d'Elvis Presley comme King Creole ou encore Jailhouse Rock. La France et l'Angleterre font un accueil assez enthousiaste à ce courant musical. Pourquoi ces deux pays accueillent cette culture étrangère ? Nous sommes dans les années 1960 en pleine crise entre les Etats-Unis et le block soviétique, ce qui stoppe toute culture américaine aux frontières des pays d'Europe de l'Est. De plus, certains pays sont sous le joug d'une dictature bien souvent liée à un certain archaïsme comme en Espagne ou encore au Portugal, ce qui exclus toute connaissance des nouveaux modes d'expression. Entre autre, la France connaît une relation particulière avec les Etats-Unis. Au lendemain de la seconde guerre mondiale, les Américains donnent à ce pays dévasté par les bombardements une aide qui a pour but de reconstruire les infrastructures au travers du plan Marshall. Parallèlement à cela, les Etats-Unis exportèrent leur cinéma, leur musique, en somme une culture basée sur le commerce d'autant plus que les Américains sont omniprésents en Europe grâce au déploiement de bases militaires de l'OTAN sur l'ensemble du vieux continent. Les produits américains fascinent en ce temps-là les Européens qui ont connu six longues années de privations et dont l'Amérique reste un symbole de liberté d'où un fort désir d'appropriation et d'identification se fait alors ressentir notamment chez les adolescents. En Grande Bretagne, un engouement certain s'empare des jeunes britanniques lors des tournées de Fats Domino, de Little Richard ou de Gene Vincent. Ceci est dû à un fond prolétarien présent dans la société anglaise ouvert à une culture chargée de signes de rébellion et possédant une forte identité. De plus l'Angleterre possède une culture musicale populaire assez pauvre se limitant à quelques styles

folkloriques du XIXème siècle que peu de personnes ont essayé de prolonger à cause d'un faible intérêt du public. L'Angleterre est très liée aux Etats-Unis. En effet, ces deux pays parlent une même langue mais leur histoire se rejoint. Il ne faut pas oublier que les premiers colons qui s'installèrent en Amérique provenaient de la Grande Bretagne. De plus, les Etats-Unis furent une colonie anglaise avant de proclamer leur indépendance à la fin du XVIIIème siècle. Certains artistes français comme Johnny Hallyday ou encore les Chaussettes Noires firent connaître le rock'n'roll au travers de reprises dont les paroles furent francisées et parfois aseptisées dès le début des années 1960. De plus, l'esprit rebelle des rockers français est éteint par l'embrigadement militaire pour cause de guerre d'Algérie.

De ce fait, l'Angleterre pris le relais au rock'n'roll américain, lequel se confondant parfois à une sorte de musique de variété dont les paroles ont perdu de leur mordant. Les premiers rockers anglais sont des copies conformes des artistes américains. Ainsi Tommy Steele imite Elvis et Gene Vincent tout comme Billy Fury, Martin Wilde ou encore Rory Storme (qui a fait débuter sur scène Richard Starkey, futur Ringo Starr et batteur des Beatles). Mais une personnalité sort du lot parmi cette multitude de formations électriques. Il s'agit de Cliff Richard et de ses fameux Shadows. Son style est inspiré de la période Parker d'Elvis et il adopte l'attitude détendue des rockers blancs américains tout en faisant attention à ne pas effacer la prestation instrumentale de ses accompagnateurs menés par le guitariste Hank Marvin. Pour anecdote, certains futurs guitar-heroes anglais comme Brian May, guitariste du groupe Queen, ou encore Jeff Beck eurent la révélation en découvrant les performances du guitariste des Shadows. Hank Marvin, sosie de Buddy Holly, impose un nouveau style de guitare électrique plus brillant, plus propre, dont la sonorité se distingue en jouant sur le tremolo, l'écho et la résonance. S'en est alors fini du rock'n'roll américain qui cède peu à peu la place au rock and roll anglais et cela à partir de 1958. Leurs chansons remportent un succès énorme en Grande

Bretagne comme Apache (1960) ou encore Kon Tiki qui attirent ainsi l'attention d'un public parfois resté réticent à l'égard de cette musique afro-américaine.

Mais il faut attendre l'année 1962 et l'explosion du phénomène Beatles pour que la Grande Bretagne connaisse une véritable identité dans le monde du rock. Ces derniers prônent une image prolétaire avec un certain sens de l'humour, image qui sera par la suite assez illusoire puisqu'ils acceptent et se fondent dans tout ce qu'ils dénoncent (la richesse et le luxe). Leur impact est plus visuel et social que musical. Ils apparaissent en effet comme des êtres spirituels doués d'une certaine intelligence en plus ou moins accord avec les conventions sociales. Leur apparence se rapproche plus du britannique moyen propre sur lui que celle du rocker à l'oeil mauvais. Cette voie ouverte par les Beatles à une culture de gauche est sitôt suivie par une autre formation, les Rolling Stones. Ces derniers représentent le contre-pied des Beatles par leur attitude anti-conformiste. En effet, ils portent des cheveux longs quand les Beatles ont leur « coupe au bol » et adopte une attitude égoïste, méprisante et sexuellement provocante. Tandis que les Beatles appuient leur musique sur le rock'n'roll américain et sur la variété, les Rolling Stones puisent dans le rythm'n'blues de Chicago, le blues et la soul, influences qui leur confère une musique plus dure et plus rêche. La recette des Rolling Stones est de mêler une musique issue du boogie-blues de Chuck Berry, de Bo Diddley et de Muddy Waters ainsi que de la soul de Salomon Burke et de Don Covay à des paroles à message en ajoutant un soupçon de non-respect des normes et des valeurs sociales. Ceci a pour effet de laisser croire que les Rolling Stones ne se soucient de leur image publique ce qui leur donne une sorte de naturel. Mick Jagger, chanteur en titre de ces mauvais garçons, associe la sensualité des débuts d'Elvis Presley à la gestuelle scénique de James Brown. L'esprit de rébellion des Rolling Stones influence. Ainsi la formation intitulée The Who a accès à la célébrité en 1965 et adopte des paroles à double tranchant sur une guitare enragée de leur meneur Pete Townshend. L'originalité de ce groupe est aussi

due à la voix de leur chanteur Roger Daltey dont le timbre blasé ressemble à celui d'un vieux routier. Des images de révolte sont perceptibles dans des titres comme My Generation. Puis le groupe se tourne vers des sujets plus baroques comme dans Substitute (où apparaît un tambourin traité au style Motown), I'm a boy (chanson dans laquelle un garçon est traité par sa mère comme une fille) mais aussi Happy Jack (où un excentrisme provincial en découle) et Pictures Of Lily (marqué par un certain fétichisme). Peu après les Rolling Stones, apparait un groupe assez innovant, les Yardbirds, dont la carrière est divisible en deux parties. Ils sont d'abords les dignes descendants des Rollings Stones. En effet, ils se produisent dans un premier temps dans les clubs londoniens comme le Crawdaddy Club, tenu par leur manager Giorgio Gomelsky qui fut celui des Rolling Stones, ou encore le Marquee. Leur originalité lors de cette première phase est due à l'apparition du premier guitar-hero anglais qui n'est d'autre qu'Eric Clapton. La deuxième phase est marquée par une approche musicale inédite pour l'époque. En 1964, ils enregistrent For Your Love dont la particularité est une extension de l'instrumentation. Dans ce titre, les bongos prédominent tandis qu'ils sont étouffés par le tintement des guitares et du clavecin. S'en est fini du rock and roll anglais. Place au rock. Le départ d'Eric Clapton permit au groupe d'engager un guitariste nommé Jeff Beck dont les sonorités déformées vont être mises en avant comme dans Still I'm Sad, Shapes Of Things ou encore Over, Under, Sideways, Down. Il en découle une nouvelle conception de l'enregistrement qui sera par la suite très vite reprise par les Beatles dans leur album intitulé Revolver. A partir de 1965-1966, le rock anglais s'exporte partout dans le monde, même aux Etats-Unis, au travers de tournées de plus en plus importantes. Les disques anglais se vendent par millions au pays de l'Oncle Sam en cette période grâce au soutien des journalistes et des animateurs de radio FM qui présente cette musique anglaise comme de l'art. Les groupes anglais disposent de managers puissants pouvant les orienter aussi bien juridiquement que financièrement.

Cela dit, l'esprit d'aventure présent sur les disques anglais entre 1964 et 1966 s'estompe peu à peu par crainte que le public ne suive pas. De ce fait toute une génération d'artistes se tourne vers les origines de leur musique, à savoir le skiffle et le rock'n'roll. A ce moment-là, un large éventail de styles inonde le marché dont les disques anglais sont très présents.

L'avènement des Beatles et des Rolling Stones eut pour effet une plus grande écoute du point de vue quantitatif de la musique. Les disques se vendaient de plus en plus et de plus en plus fréquemment avec un intérêt porté sur la pop et sur le rock'n'roll. Les artistes britanniques surent adapter le rock'n'roll à leur propre culture, tout comme les Français l'ont effectué au travers de la vague yéyé en adaptant la grille blues à des paroles aseptisées. Ces derniers sont assez proches d'une tradition qui les relie à la chanson française à texte grâce à un travail plus conséquent sur le texte que leurs homologues anglais ou américains tout en effaçant le côté tapageur et insolent du rock'n'roll. A la fin des années 1960, le rock anglais des Beatles s'est si éloigné des rythmes fougueux du rock'n'roll pionnier qu'il ouvre une voie toute tracée vers une musique populaire plus conventionnelle, voire plus commerciale, à savoir la pop music.

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius