Pour quelle(s ) histoire(s ) d'être(s ) ? Associations 1901, inter relations personnelles et interactions sociales, un art de faire( Télécharger le fichier original )par Jean- Marc Soulairol Université Lumière Lyon 2 - Diplôme des hautes études des pratiques sociales D. H. E. P. S. 2002 |
3.3.2 Tours et détours. Contours du changementRésumons-nous. La configuration en tant qu'offreuse de règles (c'est-à-dire une sorte de conditionnement, même si elle est mutuellement construite entre les adhérents) conditionne l'adhérent-usager selon une marge de liberté qui lui reste propre : ses intentions. Les interactions entre l'offre et son utilisation (tactiques et stratégies) renvoient aux représentations (par exemples, sa dimension symbolique, les différentes images développées) de l'adhérent-usager. La figure de celui-ci, rusé, subtil, bricoleur, capable de créer ses propres usages, apparaît comme celle d'un individu actif de son changement. Ses manières de se présenter (comportements, attitudes, ...) répondent aux propositions de la configuration dans l'intention de se l'approprier et par là se donner quelques chances de réaliser ses besoins-aspirations. Toutefois, la marge de manoeuvre de ses manières de faire est limité à la zone définie par toutes les manières de faire des autres adhérents-usagers, réduisant sa marge de liberté et de pouvoir dont il est détenteur à un moment. Autrement dit, l'appropriation de l'espace de la configuration permet de la comprendre comme un processus de création de sens, dans et par l'usage, dans toute sa dimension sociale. L'usage a ainsi une épaisseur sociale. Dans cette perspective, l'usage fait partie intégrante des manières de se présenter et autres manières de faire, il vient s'y intégrer en même temps qu'il les transforme et transforme, simultanément, l'état de l'adhérent ; c'est-à-dire, caractérise son changement. Prenons un dernier exemple. Nous avons parlé, plus haut, de style vu en tant que manière de se présenter ; l'interpréter, c'est interpréter un adhérent qui a trouvé sa manière de dire481(*) par une expressivité propre (manière de faire). C'est un art de faire, un savoir-faire pour comprendre, se distancer, faire le point, exister, se reconnaître, acquérir une identité, échanger, travailler sur soi, donner à être écouté, élaborer une pensée, évoluer, se dégager, se transformer voire se transcender, se sublimer et par là-même changer. En effet, lorsque cette expressivité est authentique et tombe juste, son expression par une présentation de soi spécifique devient prégnante et porteuse pour l'adhérent ; il change en ce sens qu'il oeuvre pour réaliser ses besoins-aspirations. Certeau parlait déjà d'une esthétique du savoir par un savoir-faire482(*). Ainsi, le style représente l'espace de ce que l'adhérent-usager éprouve par rapport à ce qui est ou qui doit être à un moment donné. Les bénéfices sont donc tant au plan du savoir personnel que de la personne même. Il n'est plus tout à fait le même qu'avant, il évolue, il change en jouant de la configuration. Ce qu'il est intéressant de voir finalement c'est que l'adhérent développe une créativité immédiate ou réfléchie (tactique ou stratégie) pour s'adapter aux situations et arriver à ses fins, répondre à ses attentes. Ce sont des temps d'ouverture à une socialisation (avec l'autre), porteuse d'autodidaxie (expérience-connaissance). La façon d'utiliser la configuration est au fond tributaire de la façon d'user de manières de faire en tant que processus de socialisation propre à chaque adhérent ; elles-même tributaire des différentes histoires et des règles propres des configurations à la fois modelées et modelantes. Si l'on considère qu'il peut trouver là une distance avec ses ruptures alors il change profondément, intérieurement, intrinsèquement. Par cette autodidaxie, il acquiert de nouvelles manières de penser et d'agir selon un espace-temps de transition plus ou moins long : son espace personnel élargi. Elle constitue donc un mode d'apprentissage qu'il anime comme une ressource en quelque sorte dès qu'il est, par exemple, contraint d'inventer des solutions inédites à un problème particulier. Son changement nous est par là rendu intelligible. * 481 Ce qui nous amène, à énoncer une définition du style, celle de Greimas : « Le style spécifie "une structure linguistique qui manifeste sur le plan symbolique (...) la manière d'être au monde fondamentale d'un homme" » (Greimas, Aljirdas-Julien, Linguistique statistique et linguistique structurale in Le Français moderne, 1962, p.245). * 482 « Le "retour" de ces pratiques dans la narration [...] se rattache à un phénomène plus large, et historiquement moins déterminé, qu'on pourrait désigner comme une esthétisation du savoir impliqué par le savoir-faire », Certeau, M. (de), L'invention..., op. cit., p.110. |
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