Pour quelle(s ) histoire(s ) d'être(s ) ? Associations 1901, inter relations personnelles et interactions sociales, un art de faire( Télécharger le fichier original )par Jean- Marc Soulairol Université Lumière Lyon 2 - Diplôme des hautes études des pratiques sociales D. H. E. P. S. 2002 |
3.2.2 De la représentation sociale à la présentation de soiCe que nous nous préparons à interpréter maintenant pointe les activités de l'adhérent-personnage dans une configuration ; c'est-à-dire les présentations de soi. Ce qui nous amène, dans un premier temps, à rappeler ce que nous avons trouvé de la représentation des adhérents dans la deuxième partie. 3.2.2.1 La représentation : un imaginaire de conformitésL'analyse des entretiens a permis de relever que pour déterminer son comportement, l'adhérent construit (se représente) la réalité de l'association à partir de théories tirées de son expérience.435(*) Autrement dit, il s'agit d'une re-construction du réel par la réalité de la configuration Compu's Club436(*), d'une re-production mentale à partir de perceptions préalablement intériorisées (une sorte d'espace symbolique). De même que « nous sommes tous enclins, semble-t-il, à identifier les gens d'après certaines caractéristiques qui comptent pour nous, ou qui, pensons-nous, ont certainement une importance générale. »437(*) Bref, une pensée singulière du monde par un "imaginaire de conformités", synthétiserons-nous. Ainsi, l'adhérent comprend et pense la configuration au travers d'un filtre, une re-composition, une évaluation schématique et symbolique438(*) de la réalité sociale de l'association. Mais, cette connaissance du réel par une réalité personnelle est aussi expérience parce-qu'elle s'ancre de diverses manières dans la configuration. Ainsi, l'adhérent « subit les contraintes des représentations dominantes dans la société [(en l'occurrence l'association)], et c'est dans leur cadre qu'il pense ou exprime ses sentiments. »439(*) C'est donc par le contexte interactif des projets des branches (la configuration de la branche, le cadre) que l'adhérent est dans le monde ; c'est-à-dire, la configuration Compu's Club, elle-même insérée dans le monde informatique. 3.2.2.2 La représentation convenue : une forme de solidaritéChaque adhérent a une représentation des comportements des autres, de ce qu'il peut attendre de lui et, réciproquement, de ce que l'autre attend qu'il fasse dans les interactions. Ce qui veut dire, les adhérents se (re)joignent par une représentation convenue440(*) permettant de se reconnaître, de s'identifier. Au cours de l'enquête, cette représentation a pris l'aspect d'une clef-passe (un passe) ; par exemple : les valeurs englobantes de l'association, gagner de l'argent pour le CEB ou une situation de chômage pour la branche Littérature. Ce passe permet aux membres de se reconnaître comme des complices unis par des intérêts communs ou des pairs unis par une identité commune tout en conservant des différences, une singularité (leur personnalité, leur individualité). Pour exemple, si les propos énoncés par les adhérents de la branche Littérature441(*) méritent le nom de représentation convenue c'est parce-que, dans ce moment, le discours déclare leur ambition commune, leur revendication, leur prétention, celle de représenter en vérité le mal-être de leur passé et de leur quotidien personnel442(*). C'est ce que nous avons déjà nommé : leur passe de complicités libres et que nous expliquons maintenant. Ici, même si les membres sont distincts, il existe un passe d'unification : exister par et dans la mise en récit de leurs histoires. Donc, ce passe de complicités libres les unit parce-qu'il définit les actions à mener ; le projet Echap dans notre exemple. Par extension, aucune personne hors de ce passe de complicités libres n'est censé partager cette union. C'est pourquoi tous nos interlocuteurs mettent en exergue une définition précise de ce qui les unit ; pour le CEB, la finance443(*) ; pour la CAO, les cartes de visite ; pour Echap, écrire un livre ; pour les autres, l'informatique. Ce passe a ainsi souvent été énoncé comme une dépendance d'intérêts communs nécessaires et réciproques. Ces dépendances d'intérêts sont équivalentes au type de solidarité relevé444(*). Ici, le passe de complicités libres est une solidarité fondée sur ce qui unit les membres. Ce qui permet d'entretenir des relations de bases dans le micro-groupe afin de découper l'espace, attribuer les tâches, rendre compte d'un travail, par exemples. Mais, si les représentations se déroulent dans ces dépendances, l'adhérent doit y choisir puis y tenir un rôle vis à vis du groupe. Un peu sur l'idée des métaphores théâtrales de Goffman, c'est-à-dire, choisir un rôle et un costume, une identité d'emprunt pour entrer en scène (le personnage). Du coup, le propos se déplace de la représentation vers la présentation de soi. * 435 Cf. deuxième partie, 2.1.2.1 Motifs d'adhésions, p. 74. * 436 Plus précisément, il s'agit d'une "manière" de reconstruire le réel de l'association : « Etre réellement un certain type de personne , ce n'est pas se borner à posséder les attributs requis, c'est aussi adopter les normes de la conduite et de l'apparence que le groupe social y associe. » Goffman, E., La mise..., op. cit., p.76. * 437 Carling, F., And Yet We Are Human, Chatto & Windus, 1962, p.18-19 in Goffman, E., Stigmates, op. cit., p.34. * 438 Cf. deuxième partie, 2.3.1.1 Les représentations ou la part symbolique, p. 103. * 439 Jodelet et Moscovici 1989, p.67 in Bernoux Philippe, La sociologie des entreprises, Seuil, coll. Essais, 1999, p.237. * 440 Cette représentation convenue pouvant être symbolique devenant alors une représentation convenue symbolique. Par exemple, les membres de la branche CEB, dans leurs aspirations à gagner de l'argent, ont une représentation symbolique de la quantité d'argent à gagner. * 441 Entretien n°2. * 442 C'est-à-dire, leurs diverses ruptures sociales : long chômage, famille monoparentale, ... * 443 Par exemple, sixième entretien, l.489-494, annexe 11. * 444 Cf. première partie, 1.2.2 De l'individualisme à la relation à l'autre : la solidarité, p. 35 : partenariat, engagement, entraide mutuelle, bénévolat, par exemples. |
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