INTRODUCTION GÉNÉRALE
La fin des années 80 dans la plupart des pays
de la CEMAC est marquée par une grave crise du secteur bancaire dont la
manifestation la plus apparente a été la liquidation de plusieurs
établissements de crédits. Cette crise était le
résultat d'une conjoncture économique déprimée du
fait de la baisse des cours des produits de base exportés sur lesquels
reposait l'économie des pays de la sous région, du rôle
prépondérant joué par l'Etat en tant qu'actionnaire
majoritaire dans la plupart des banques, de l'inefficacité du dispositif
de surveillance existant et d'une mauvaise gestion des établissements
bancaires. Pour y remédier, les autorités monétaires de la
sous région ont entrepris des reformes portant sur le renforcement du
cadre réglementaire et prudentiel, la libéralisation de
l'activité bancaire, ainsi que de nombreuses mesures de restructuration
du système bancaire. C'est ainsi que la commission bancaire de l'Afrique
Centrale (COBAC) voit le jour en janvier 1993 en tant qu'organe supranational
de supervision des établissements de crédits. Elle s'est
immédiatement dotée dès sa création d'un dispositif
prudentiel lui permettant d'apprécier la santé financière
des établissements de crédit afin de prendre des mesures
correctives en cas de nécessité. Ce qui semble avoir porté
fruit dans la mesure où les faillites bancaires ont pratiquement
disparue et les banques semblent être bien portante du moins
financièrement.
A partir du deuxième semestre de 1994, suite
à la dévaluation du franc CFA, les banques commerciales de la
CEMAC se retrouvent dans une situation de surliquidité pouvant
être appréhendé à travers le coefficient de
liquidité1 dont la valeur dans la sous région
s'élève à 217,5 % en 1995. Elles bénéficient
ainsi d'importantes ressources pouvant leur permettre de s'impliquer davantage
dans le financement de l'activité économique et contribuer ainsi
au développement des économies de la sous région.
Curieusement, on a plutôt l'impression au regard de l'évolution
comparée des ressources collectées et des crédits
octroyés durant cette dernière décennie2, que
les banques s'éloignent de plus en plus du financement des
investissements. Leur préférence est plutôt orientée
vers des emplois de trésorerie et l'offre de services à la
clientèle pour
1 C= Actif liquide / Passif
exigible à court terme ~ 100 %
2 Les dépôts
collectés par l'ensemble du système bancaire se sont accrus de
128,2 % de 1 994 à 2004 alors que durant la même période,
les crédits bruts à l'économie n'ont évolué
que de 56 %.
lesquels elles prélèvent d'importantes
commissions. Cette frilosité des banques à financer les
investissements quoi que disposant suffisamment de ressources, est un constat
assez alarmant dans la mesure oü le crédit bancaire constitue dans
la sous région l'une des principales sources de financement de
l'activité économique, les marchés financiers étant
encore inopérants. On évolue ainsi dans un environnement oü
le besoin d'investissement n'est pas entièrement satisfait par la
production bancaire. Pourtant les banques regorgent de ressources en abondance.
La question qui nous interpelle alors est celle de savoir si dans ce contexte
de surliquidité, les banques exploitent optimalement les ressources
mises à leur disposition ? Autrement dit les banques sont elles
techniquement efficaces dans la transformation de leurs ressources en
crédits ? L'efficacité technique est entendue ici comme
l'habileté pour une banque à obtenir le maximum de crédits
possibles à partir des ressources dont elle dispose, pour une
technologie donnée. Ce niveau maximum de production possible
étant déterminé au regard des performances de banques
similaires. Le choix de définition de l'efficacité étant
opéré, on pourrait également rechercher les
déterminants de l'efficacité technique des banques commerciales
de la CEMAC.
L'objectif général de ce travail est de
mesurer les niveaux d'efficacité technique des banques commerciales de
la CEMAC et de détecter les facteurs explicatifs de ces
niveaux.
Pour atteindre cet objectif, on passera par les
objectifs spécifiques ci-après :
1' Evaluer les niveaux d'efficacité technique
des banques de notre échantillon en attribuant à chacune d'elles
un score d'efficacité compris entre 0 et 1.
1' Etablir le lien existant entre les scores obtenus et
les variables explicatives potentielles de l'efficacité technique des
banques.
Ce sujet présente un double intérêt
:
1' Il fait ressortir les variables sur lesquelles on
pourrait agir pour améliorer l'efficacité des banques
commerciales dans la transformation de leurs ressources en
crédits.
1' Il peut également servir de tremplin
à des études similaires, en l'occurrence, les facteurs
explicatifs de l'efficacité technique des établissements de
microfinances que nous n'abordons pas ici.
Deux hypothèses sous-tendent cette étude
à savoir :
1' Les banques commerciales de la CEMAC sont
techniquement inefficaces dans la transformation de leurs ressources en
crédits : elles produisent en deçà de ce qu'elles sont
susceptibles de produire à partir des ressources dont elles disposent
;
1' Plus les banques accumulent des créances
douteuses, plus elles sont techniquement inefficaces.
Nous avons eu recours à la méthode DEA
(Data envelopment analysis) pour mesurer les niveaux d'efficacité
technique de 24 banques commerciales de la CEMAC sur la période
2001-2004. Le choix de cette méthode non paramétrique se justifie
par l'incertitude de la relation fonctionnelle liant les inputs et les outputs
dans le secteur bancaire. Pour cerner les facteurs explicatifs des niveaux
d'efficacité des banques, nous avons estimé un modèle de
régression linéaire. Ce modèle a pour variable
expliquée les scores d'efficacité et comme variables
explicatives, les déterminants potentiels de l'efficacité
technique des banques. Les données utilisées pour l'estimation
des scores et l'analyse des déterminants de l'efficacité
technique, proviennent du Secrétariat Général de la
COBAC.
Pour atteindre nos objectifs, nous avons
structuré notre travail en quatre chapitres : le premier chapitre
présente le système bancaire de la CEMAC et son évolution
depuis la crise des années 80. Le deuxième chapitre quant
à lui présente les concepts d'efficacité ainsi que les
principales méthodes utilisées dans la littérature pour
mesurer l'efficacité technique des unités de production. Au
troisième chapitre, la méthode DEA est utilisée pour
estimer les scores d'efficacité technique des banques commerciales de
notre échantillon sur la période de l'étude. Le
quatrième chapitre est consacré à l'analyse
économétrique des déterminants de l'efficacité
technique des banques et à quelques recommandations visant
l'amélioration de l'efficacité des banques dans la transformation
de leurs ressources en crédits.
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