Partie I: Le marché français de
l'édition juridique.
Le marché de l'édition juridique réunit
des grandes maisons d'éditions (I), des auteurs (II) et des publics
(III), qui pour les derniers se confondent, et dont la satisfaction des besoins
est subordonnée à de nombreuses exigences.
I) Des grandes maisons d'édition juridique
privées.
Le tableau que je dessine depuis le début mon
introduction, a volontairement exclu les petites maisons d'éditions
juridiques privées et l`édition juridique publique, qui occupent
une place très faible sur le marché et sont très peu
influentes.
A) L'édition juridique publique.
1) Un paysage juridique public jusqu'alors
éclaté...
L'édition juridique publique relève aujourd'hui
d'une administration centrale unique issue d'une fusion de deux des huit
éditeurs publics institutionnels (la documentation française et
la direction des Journaux officiels), qui a unifié un paysage
éditorial juridique public jusqu'alors éclaté, mais dont
on ne peut encore mesurer les conséquences.
Jusqu'au 11 janvier 2010, date de la fusion, on distinguait;
d'une part et classiquement, les éditeurs institutionnels: les
administrations centrales et les organismes publics à vocation
éditoriale : des organismes dont l'activité
éditoriale était justifiée par leur mission:
« diffuser les connaissances qu'ils contribuent à
élaborer » ou « faire connaître au public les
oeuvres dont ils sont dépositaires. »
Tous étaient soumis à une circulaire du 20 mars
1998 qui organise les activités des organismes publics, qui selon des
critères qu`elle fixe20(*), peuvent être qualifiés
d'éditeurs et veille « à ce que [leurs]
activité[s] d'édition [...] demeure[nt] directement [liées
à leurs] missions de service public » et « ne fausse[nt]
pas la concurrence ».
Ceux-ci étaient ainsi, autorisés à
éditer :
-«de[s] titres qui « en raison de la
spécialisation du sujet abordé ou de l'étroitesse du
marché potentiel, ne pourraient pas être offerts au public
à un prix abordable sans un financement public »,
- et des ouvrages dits concurrentiels dont la «
diffusion entr[ait] dans le cadre de leur mission de service public ou en
constitu[ait] un prolongement immédiat », et pour lesquels
« l'offre du secteur privé était insuffisante pour
satisfaire complètement les besoins ».21(*)
Et si les éditeurs juridiques n'avaient en principe
rien à craindre de la première série de produits. Les
seconds, ajoutés au monopole de diffusion des données juridiques
publiques, dont jouit l'Etat depuis 1984, qui lui offre « un
accès privilégié à certains gisements
d'informations [et] fonds iconographiques », ont pu faire craindre le
développement d'une pratique de « prix
prédateurs »22(*), qui aurait faussé le jeu de la concurrence et
nui à l'édition privée.
Toutefois, ces craintes se sont vite
évaporées : les éditeurs juridiques publics
réalisent à peine plus de 1% du chiffre d'affaire du
marché, et l'attention des éditeurs privés, de même
que leurs peurs, se sont tournés vers une autre forme d'édition
publique: celle qui résulte de la politique de mise à disposition
gratuite des données publiques dites
« essentielles »23(*).
* 20 Ceux qui
conçoivent, fabriquent et diffusent des « ouvrages
imprimés autres que [des] publications périodiques »
et des « simples documents destinés à l'information du
public », « la communication ou la formation
internes. »
* 21 Circulaire du 20 mars
1998 relative à l'activité éditoriale des administrations
et des établissements publics de l'Etat.
* 22 Rapport public du
conseil d`Etat 2002, « les ressources de l'activité de service
public sont utilisées pour financer des activités
concurrentielles, dont les productions ou services peuvent alors être
vendus à un prix si bas (un prix « prédateur ») que les
autres concurrents, ne pouvant s'aligner, courent le risque d'être
éliminés, ce qui, à terme, réduit
l'intensité de la concurrence sur le marché ».
* 23 A l'origine des
fortes baisses (vente, chiffre d'affaire, production) que connaissent les
éditeurs publics depuis quelques années (Entre 2006 et 2008 leurs
ventes et leur production ont respectivement chuté de 44% et 64%, et
leur chiffre d'affaire s'est divisé par deux.), elle est la principale
raison de la fusion. Marianne Lévy-Rosenwald, « Rapport du
médiateur de l'édition publique 2008 ».
|