Premiere partie
Analyse biomecanique du depart
de course vitesse sur 100m
Situation du probleme
Premiere partie
Cette première partie est une revue de
littérature technique et scientifique pour l'introduction à la
caractérisation mécanique des critères de qualités
du départ de la course de vitesse.
Le premier chapitre de ce manuscrit (§-I) défini
et traite la performance en course de vitesse sur 100 m à partir de deux
points de vue, celui de l'« homme de terrain », et celui en
référence aux codifications fédérales
instaurées par l'IAAF8. L'évolution de la performance
ainsi que du matériel et matériaux sont décrits. Les
différentes phases de la course sont exposées pour revoir et
discuter des moyens techniques et instrumentaux utilisés par l'IAAF afin
de quantifier la performance sur 100 m course de vitesse.
Le deuxième chapitre (§-II) expose les
différents outils et méthodes adoptés dans la
littérature scientifique pour la caractérisation mécanique
du départ de course vitesse. Suite à une présentation des
intérêts et limites des différentes méthodes
employées, les critères adoptés par différents
auteurs sont exposés afin de discuter de leur pertinence.
8 IAAF : International Association of athletics
Federation (
www.iaaf.org)
Chapitre
La performance en course de vitesse sur 100 m
Selon le Petit Robert le mot « performance »
signifie un résultat chiffré obtenu dans une
compétition (par un athlète, un groupe
d'athlètes). Cette performance constitue l'objectif de tout
athlète ou entraîneur. En athlétisme, lors des
épreuves de course ou de marche, la performance est quantifiée
par la mesure du temps qui s'écoule entre le signal de départ et
l'arrivée de l'athlète. La meilleure performance est donc celle
où l'athlète réalise l'épreuve dans le délai
le plus court.
L'évolution de la performance des premiers Jeux
Olympiques Modernes (Athènes 1896) à nos jours montre une nette
amélioration. Le record du monde au 100 m course de vitesse a
évolué de 12 s à 9,69 s (record réalisé par
le Jamaïcain Usain Bolt lors des JO9 de Pékin 2008).
L'évolution des records (figure1) est en partie la conséquence de
l'amélioration de la précision et de la justesse des moyens de
mesures. Jusqu'en 1964 (JO de Tokyo), le chronométrage était
« manuel ». Pour qu'une performance soit officiellement
homologuée, trois chronométreurs étaient requis. À
partir de cette date, l'IAAF adopte le chronométrage automatique
(figure1) qui remplace le chronométrage manuel lors des rencontres
internationales.
9 JO : Jeux Olympiques
Figure 1 Meilleures performances en course de vitesse
homme et femme sur 100 m lors des différents JO de 1896 à
2004
Ce haut niveau de performance requiert de la part des
athlètes des efforts musculaires brefs et intenses. Outre les
qualités physiques propres des athlètes, cette performance
bénéficie régulièrement de l'avancement de
l'ingénierie et des connaissances scientifiques. Ainsi, plusieurs
études reposant sur des méthodes
accéléromètriques et/ou dynamométriques [Laco 84 ;
Tril 87 ; Cox 03 ; Gera 03] montrent tout l'intérêt de
caractériser les différents types de sols sportifs en
qualité de friction, d'amortissement, de déformation maximale et
de réponse aux appuis dynamiques (temps de contact et coefficient de
restitution en énergie du matériau).
La qualité des appuis est sans doute un des
paramètres externes qui influence directement la performance de
l'athlète, mais aussi qui peut être sources de blessures.
Dès les JO de Mexico (1968), la piste en cendrée est
remplacée par une piste synthétique en gomme caoutchoutée
« Tartan » (figure1). Ce revêtement uniforme, perméable
à l'eau, antidérapant, élastique et résistant
à l'usure a permis à l'athlète Jim Hines de
réaliser le premier temps sur 100 m, inférieur à 10 s
(9,95 s).
Ainsi, pour effectuer la meilleure performance, il ne suffit
plus d'avoir un maillot collant aérodynamique et des chaussures
ultralégères (100 g la paire) équipées d'une
semelle en carbone et des crampons en magnésium en forme de Z
qui optimisent l'adhérence. Sans s'aventurer dans la science fiction,
que penser de la performance de l'athlète Sud-Africain Oscar Pistorius
dont les prothèses en carbone lui donnent une vélocité
égale à celles des meilleurs athlètes actuels?
1- Les phases d'une course de vitesse
Si la course de vitesse est, du départ à
l'arrivée, un continuum ; il est pratique d'identifier
différentes phases, ne serait-ce que pour évaluer les phases pour
lesquelles la variabilité de la performance peut encore permettre la
réalisation d'un nouvel exploit. Les différentes phases de la
course ont déjà été identifiées. On les
retrouvent pour une part dans le règlement de course, et pour l'autre
part, dans les études cinématiques menées lors de
compétitions internationales.
Le règlement de la course de vitesse sur 100 m figure
dans la Section III du Chapitre 5 du règlement des compétitions
instaurée par l'IAAF. Ce règlement présente la
codification technique des compétitions en dix sections. Elles
concernent les courses, les concours, les épreuves combinées, les
épreuves en salles... L'épreuve de la course de vitesse sur 100 m
fait partie de la section des courses qui comprend onze règles (de la
règle 160 à la règle 170).
La course de vitesse sur 100 m se dispute en couloir droit,
corde à gauche sur une piste standard de 400 m. Chaque athlète
doit garder, du départ à l'arrivée, le couloir qui lui est
attribué faute d'être disqualifié. Chaque couloir mesure
1,22 #177;0,01 m de largeur et il est marqué par des lignes d'une
largeur de 0,05 m. La piste doit pouvoir compter huit couloirs.
Il est possible de distinguer parmi les onze règles du
règlement, trois groupes qui identifient trois phases de
l'épreuve de vitesse sur 100 m, à savoir : le départ, la
course et l'arrivée.
Au cours des Championnats du Monde de Rome (1987) [Mora 88] et
de Tokyo en (1991) [Ae 92], la vitesse de course sur 100 m a été
mesurée par intervalle de 10 m. Lors des Championnats du Monde
d'Athènes (1997) [Müll 97], c'est la vitesse instantanée du
coureur qui a été mesurée en exploitant l'effet Doppler
d'un faisceau laser. Ces investigations mesurent le déplacement des
athlètes suivant le seul axe antéropostérieur (figure2).
Elles montrent trois phases caractéristiques de la course de vitesse :
une première phase d'accélération initiale jusqu'à
30-50 m, une deuxième phase de course de vitesse maximale (maintenue
approximativement constante dans la mesure du possible) et une dernière
phase de décélération (plus ou moins importante) dans les
20 derniers mètres.
Figure 2 Vitesse de course moyenne enregistrée
tous les 10 m du vainqueur des Championnats du Monde du 100m homme (Carl
Lewis 9,86 s) Tokyo 1991, d'après [Ae 92]
Ainsi, en tenant compte des phases de départ et de
l'arrivée, il devient possible de séquencer la course de vitesse
sur 100 m en 5 phases (figure3).
Épreuve du 100 m
Départ Accélération Vitesse
stabilisée Décélération Arrivée
Figure 3 Décomposition en 5 phases de la course
de vitesse sur 100 m
1.1-La phase du depart
Au cours des premiers JO Modernes (Athènes 1896),
chaque athlète adopte empiriquement une posture de départ afin de
pouvoir démarrer sa course le plus rapidement possible. À la
recherche de la position optimale, certains optent pour une position de face ou
de profil, debout avec le buste légèrement incliné ou les
bras écartés avec les genoux fléchis, d'autres se mettent
en position accroupie avec les deux mains sur le sol comme le fait Thomas
Burke, le vainqueur de l'épreuve du 100 m (figure4).
Figure 4 Départ du 100 m homme aux JO de la
Ière Olympiade Athènes 1896
Cette position rappelle celle adoptée par l'australien
Black Samuel en 1870. Il met un genou à terre en s'appuyant sur une main
afin d'imiter le Kangourou d'où son nom Kangaroo Start. Dix
huit ans plus tard, le départ accroupi position penchée
Crouching Start est imaginé par l'entraîneur Murphy et
son athlète Charles H. Sherryl (USA 1888). Dans un premier temps, ce
type de départ a été jugé irrégulier par le
comité d'athlétisme. Au début du 20ème
siècle, l'entraineur Walter Christie met au point le départ
moderne (position quadrupédique en appui sur les mains). Son
athlète Forest Smilthon fut, à cette époque (1908), le
coureur le plus rapide des Etats Unis d'Amérique sur 60 m.
Les athlètes qui se mettent en quadrupédie sont
contraints de creuser des trous dans le sol pour positionner leurs pieds
(figure5.a). C'est le cas de Jesse Owens (figure5.b) qui égala le record
du monde et le record olympique en remportant la finale de l'épreuve du
100 m, lors des JO de Berlin (1936).
Figure 5 (a) Athlète creusant les trous de
départs (b) Au premier plan, départ de J. Owens, le
futur vainqueur de l'épreuve 100 m homme, JO de Berlin
1936
Ce n'est qu'en 1930 que des engins appelé blocs de
départ (figure6) également désignés par le
terme anglo-saxon starting blocs font leur entrée dans
l'athlétisme.
Figure 6 Différents blocs de départ
utilisés actuellement sur les pistes d'athlétisme
Dès leur apparition, ces engins ont fait l'objet de
plusieurs études. Il s'est avéré que leur emploi,
contrairement aux habituels trous creusés dans la piste, contribue
à une meilleure stabilité de l'athlète et lui permet de
positionner ses pieds à la même hauteur que la piste, ce
qui favorise la projection de son centre de gravité
vers l'avant plutôt que vers le haut [Bend 34 ; Dick 34]. Les blocs de
départ sont officiellement employés pour la première fois
en 1948 lors des JO de Londres (figure7).
Figure 7 Départ du 100 m homme. JO de Londres
1948
Dès cet évènement, l'IAAF exige
l'adoption de la position quadrupédique et l'utilisation des blocs de
départ lors de toutes les courses d'une distance allant jusqu'à
400 m inclusivement, ainsi que pour le premier parcours des courses de relais
4×200 m et 4×400 m.
L'IAAF n'autorise que l'emploi des blocs de départ
permettant à l'athlète de régler l'inclinaison et
l'écartement antéropostérieur des blocs par rapport
à la ligne de départ (figure8).
Figure 8 Position quadrupédique dans les blocs
avec possibilité de réglage de l'inclinaison (A1 et A2) et
de la distance entre le bloc arrière et avant (D1) et le bloc avant
et la ligne de départ (D2)
Le geste de départ se déroule durant un temps
très court (0,3 à 0,4 s) [Baum 76 ; Fort 05 ; Harl 97 ; Henr 52].
Il est possible de distinguer quatre étapes successives
caractérisant cette phase (figure9).
Figure 9 Décomposition du départ.
ts : signal du départ, ta : début de
l'action, tem : décollage des mains, tepr :
décollage du pied arrière, te : éjection de
l'athlète
m La position « Prêt » est la
position initiale de départ, au cours de laquelle l'athlète est
« au repos » en quadrupédie dans les blocs de départ
jusqu'à l'instant du signal de départ (ts) ;
m Le temps de réaction inclut le temps mis par
le signal de départ (ts fig9) pour parvenir à
l'organe sensoriel de l'athlète, et le temps de latence que met
l'athlète pour répondre à ce signal. Ce temps de
réaction diffère d'une étude à une autre : il est
d'environ 120 ms pour Mero (1992) et plus récemment Davila (2006)
l'estime à 140 ms. Les données actuelles ne permettent pas de
fixer avec précision le temps minimum qui définit un faux
départ [Mero 92 ; Davi 06] ;
m L'impulsion10 s'étend de l'instant
de début de son action (ta figure9) dans les blocs jusqu'à
l'instant de son éjection (te figure9). Au cours de cette
étape qui dure 0,31 - 0,37 s pour les élites [Harl 97], la
vitesse du centre de gravité du coureur croît jusqu'à 3.9
m/s à l'éjection [Baum 76 ; Copp 89 ; Mero 83 ; Mero 88 ; Mero 90
; Mero 92 ] ;
m L'éjection correspond à l'instant
où le pied avant de l'athlète quitte le bloc de départ
(te figure9). À partir de cet instant, l'athlète est
en phase aérienne jusqu'à la pose suivante de son pied
arrière au sol pour débuter la course. Pour les élites, la
durée moyenne de cette première phase aérienne varie de 60
à 70 ms [Harl 97] ; la variation de la position du centre de
gravité est de l'ordre de 0,3 m [Natt 06].
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