Chapitre I3
Resultats et analyses
1-Chronologie de la phase de depart
Le traitement et l'analyse des données
expérimentales ont nécessité de définir, avec
précision, certains instants remarquables de la phase de départ
de la course de vitesse.
Dans toutes les figures de cette étude, l'instant
d'émission du signal de départ correspond à l'origine des
temps (figure 28). Toutes les variables sont exprimées par rapport au
référentiel galiléen g0 (§-III.2.1).
Un rééchantillonnage à 250 Hz des données
numériques est effectué afin de faciliter la lecture des
courbes.
Figure 28 Variation typique de la norme de la somme des
forces externes lors d'un départ de sprint
La détermination des instants tels que
ta (mise en action) ou te
(éjection) repose sur l'analyse des variations de la norme des forces
qui s'exercent au niveau de chaque appui (figure 29).
Les différents instants de la phase de départ sont
notés comme suit :
n ts : instant du signal de départ,
c'est l'origine des temps (ts = 0 s)
n ta : instant de début de l'action
de l'athlète (début de la variation de la quantité de
mouvement de son centre de gravité)
? taM : instant de début de l'action des
mains
? taMd : instant de début de l'action de la main
droite
? taMg : instant de début de l'action de la main
gauche
? taPr : instant de début de l'action du pied
arrière
? taPv : instant de début de l'action du pied
avant
n te : instant de décollage du pied
avant et éjection de l'athlète des blocs de départ
? teM : instant de décollage des mains
? teMd : instant de décollage de la main
droite
? teMg : instant de décollage de la main
gauche
? tePr : instant de décollage du pied
arrière
ts
ts
ts
ts
Figure 29 Variations typiques de la norme des actions
mécaniques exercées au niveau de chaque appui
Ces différents instants sont délicats à
déterminer expérimentalement. Les études
antérieures [Mick 00, Tiro 03] qui portent sur l'analyse du pas de
marche définissent, généralement, l'instant de
début de la variation de l'action du pied sur le sol dès que
l'écart entre la norme des actions mécaniques exercée au
niveau de l'appui dépasse de 20N la valeur de repos. Le décollage
du pied correspond à l'instant où l'appui devient
inférieur à 5N.
Pour le départ de sprint, l'athlète
débute son mouvement alors qu'il est déjà en contact avec
les dynamomètres. Il faut donc connaître la fonction : Force =
f(t) définie avant le signal de départ afin de pouvoir
déterminer, au mieux, l'instant de début du mouvement. Dans le
paragraphe qui suit, les différentes valeurs de ta obtenues par
différentes méthodes sont comparées. Il est ainsi possible
d'estimer l'effet relatif de ces méthodes sur l'estimation du temps de
réaction de l'athlète et la qualité d'appréciation
d'un éventuel faux départ (§-1.2.1).
1.1-Les instants de mise en action :
Le temps de réaction (ta -
ts) minimal fixé par l'IAAF est de 0,1 s.
La détermination de l'instant de la mise en action est
une étape cruciale qui peut provoquer la disqualification de
l'athlète « fautif ! » (§-1.2.1).
La figure 30 représente la variation de la norme de la
somme des forces externes exercées au niveau des pieds aux environs de
ts [ts - 0,2 s ts
+0,1 s]. Durant cette période l'athlète est
considéré être en position d'équilibre (§-3.4)
; or les mesures dynamométriques montrent une instabilité du
signal due à une légère oscillation de l'athlète.
Ces variations peuvent atteindre des valeurs de l'ordre de 30 à 40 N.
Figure 30 Exemples de la variation de la norme de la
somme des forces exercées au niveau des pieds lors de la position
quadrupédique aux environs de ts = 0 s
La précision de la détermination des instants de
mise en action nécessite la prise en compte de cette instabilité
de l'athlète avant la mise en action.
Plusieurs méthodes de détermination de
l'instant de mise en action (ta) sont confrontées
afin d'estimer la précision de cet instant crucial.
Si la détection de ta présente des
enjeux majeurs, l'IAAF ne donne aucune indication concernant la méthode
ou l'appareil de détection de faux départs
approuvé (règle 162.10) (§- I.2.1). Cela laisse
à des sociétés telles que Lynx, Seiko et
Omega toute la liberté pour développer des moyens de
détection de « faux départs ».
Omega Sport Timing fournisseur officiel de l'IAAF
depuis 1932, précise dans ses fiches techniques que son système
de contrôle de faux départ pour l'athlétisme ...prend
en considération le temps de réaction physiologique, qui
représente le temps écoulé entre le signal de
départ et la poussée du pied de l'athlète contre le cale
pied ... L'ordinateur OFD 2- AT mémorise et imprime toutes les
poussées... Le seuil de détection de la poussée est
réglable de 200 à 400 N.
La figure 30 montre que l'approche préconisée
par Omega surestime l'instant ta. Il importe donc
de confronter cette approche à d'autres afin d'étudier leurs
effets sur la détermination de cet instant crucial. Le tableau 2
illustre les différentes approches testées sur les données
issues des 92 essais de départs de course vitesse (§-III.1.1)
Tableau 5 Les différentes approches
adoptées pour l'estimation de l'instant de la mise en
action (sd : écart type de la force mesurée
avant le signal de départ, Inter : intersection de deux
droites)
?
Approches A1 A2 A3 A4 A5 A6 A7 A8 A9 A10
[Newton] 20 30 40 200 270 300 3 x sd 4 x sd 5 x
sd Inter
les trois premières approches A1, A2, et A3 utilisent un
seuil de détection dont l'ordre de grandeur varie entre 20 et 40 N en
référence aux études qui portent sur l'analyse du
pas de marche [Mick 00, Tiro 03].
§ les approches A4, A5 et A6 sont des seuils
approuvés par l'IAAF et adoptés lors de
rencontres officielles.
§ Les approches A7, A8, A9 utilisent des seuils qui
correspondent à une variation de
n = { 3 , 4 , 5} écart type
(sd) de la norme de la somme des forces par rapport à sa moyenne
calculée sur une durée de 0,1 s qui précède le
signal de départ.
~ l'approche A10 estime l'instant de mise en action par
l'intersection (Inter) de deux droites D1 et D2. La figure 31 illustre cette
approche en prenant comme exemple la détermination de l'instant de
début de l'action du pied arrière suite à l'étude
de la
~~~~~
norme de la force qui s'y exerce
Fpr
M +
Figure 31 Représentation de l'approche A10 pour
la détermination de l'instant de mise en action du pied
arrière en prenant en compte la norme des forces qui s'y
exercent.
D1 est une droite de la forme Y1 = Cte
où Y1 représente la valeur moyenne de
Part1
(figure 31). Part1 est un segment de la courbe de
|
~~~~~ Fpr
|
qui s'étend de ts-0,1 s
jusqu'à
|
|
|
|
|
G. L'équation de la droite D1 s'écrit comme suit
:
1 ts
Y = ×
1
t s -n
n × Freq
Fpr
tts
s
(Fpr )-1× Fpr )×
0,25+ 1 × y n n
t -n t -n
s s
M = max
telle que Freq correspond à la fréquence
d'échantillonnage soit 1000 Hz et n = 0,1 s.
D2 est une droite qui a pour équation Y2
= a 2 x+b2 dont les paramètres
a et b sont définis par régression
linéaire menée sur les données de Part2 (figure 31). Part2
est un
segment de
|
~~~~~ Fpr
|
comprenant 40 données numériques et dont le
milieu coïncide avec
|
|
|
|
|
le point M (figure 31) définie à partir
de
|
~~~~~ Fpr
|
comme suit :
|
|
|
|
|
Ainsi, la définition de D1 et D2 permet d'identifier
l'instant taPr correspondant à l'intersection des
deux droites comme suit :
1
taPr = Y b) × Éq.IV.2
a2
Suite à l'application de chacune de ces approches sur
les 92 essais de départ de sprint, il importe de déterminer si
l'instant moyen de mise en action est le même d'une approche à une
autre. La représentation des diagrammes en boîte (box plot)
ci-dessous (figure 32) illustre la médiane, le quartile inférieur
et supérieur ainsi que les valeurs extrêmes pour chaque
approche.
Figure 32 Diagrammes en boîtes des instants de
mise en action en fonction de l'approche adoptée. (*) Désigne
l'existence d'observations numériquement distantes par rapport
aux autres données de l'approche en question
Pour déterminer la présence d'éventuelles
différences significatives entre ces approches, une analyse de variance
à un facteur (ANOVA1) est effectuée.
Les résultats de l'ANOVA1 démontrent que
l'instant moyen des mises en action de tous les sujets n'est pas le même
pour toutes les approches. La probabilité d'obtenir un F de Fisher
encore plus grand est quasi nulle. Afin de définir lesquelles parmi ces
approches sont significativement différentes, un test de comparaison
multiple est effectué.
L'hypothèse d'une différence significative entre
les approches est considérée nulle si le risque est
inférieur à 0,01. Le tableau 3 illustre les résultats de
cette analyse.
Tableau 6 Comparaison multiple des moyennes issues des
92 essais et des 10 approches (s) désigne une différence
significative à p < 0,01
|
A2
|
A3
|
A4
|
A5
|
A6
|
A7
|
A8
|
A9
|
A10
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A1
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-
|
-
|
s
|
s
|
s
|
s
|
s
|
-
|
-
|
|
A2
|
-
|
s
|
s
|
s
|
s
|
s
|
s
|
-
|
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A3
|
s
|
s
|
s
|
s
|
s
|
s
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-
|
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A4
|
-
|
-
|
s
|
s
|
s
|
s
|
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A5
|
-
|
s
|
s
|
s
|
s
|
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A6
|
s
|
s
|
s
|
s
|
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A7
|
-
|
s
|
s
|
|
A8
|
-
|
s
|
|
A9
|
s
|
|
Outre la différence entre A1 et A9, les
différences restent significatives pour une valeur de p < 0,1
(c'est-à-dire pour un intervalle de confiance de 90%).
Ces résultats démontrent que les approches A4, A5
et A6 adoptées par l'IAAF présentent des différences
significatives par rapport à toutes les autres approches.
Les approches A1, A7, A8 et A9 sont très sensibles
à l'équilibre instable des athlètes dans les blocs de
départ. Elles indiquent soit un faux départ (A1 et A7) soit des
observations numériquement distantes par rapport aux autres
données (A8 et A9) (figure 32).
Les approches A2 et A10 semblent donner des résultats
identiques et permettent d'estimer les plus petits délais de mise en
action sans toutefois déclencher de faux départs.
Compte tenue de la simplicité de sa mise en oeuvre et
de son efficacité, l'approche A2 est retenue afin de déterminer
les instants de mise en action. Les différences moyennes des instants
entre l'approche A2 adoptée au cours de cette étude et les
approches A4, A5 et A6 adoptées par l'IAAF sont respectivement de
l'ordre de 0,08 s ; 0,09 s et 0,11 s. Quand aux différences maximales,
elles sont respectivement de 0,21 s ; 0,26 s et 0,27 s.
En adoptant l'approche A2, une différence
significative22 est notée entre les instants de mise en
action du pied arrière et du pied avant. La différence maximale
absolue est de l'ordre de 0,07 s.
22 ·
Différence significative à p < 0,1
Aussi, une différence significative22 est notée
entre les instants de mise en action des mains et des pieds. En effet, l'action
des mains peut devancer celle des pieds de 0,05 s (figure 29). Cela remet en
question l'approche adoptée par l'IAAF qui ne prend pas en compte ces
appuis pour l'estimation du temps de réaction des athlètes.
De plus, la mise en tension23 puis le
relâchement de l'athlète lors de la position Prêt,
peut entraîner le déclenchement d'un faux départ alors que
ce dernier n'a pas quitté les blocs.
Pour remédier à ces difficultés de
moyens techniques, l'IAAF a instauré une règle24 qui
exige l'immobilité de l'athlète dès l'ordre
Prêt énoncé par le Starter (§-I.2). Cette
règle est bien sur mécaniquement irréaliste comme le
montre la figure 30. Le corps humain ne peut dans ce cas être
réduit à un solide indéformable mais à un
système polyarticulé.
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