3-Retour sur les conditions experimentales en
dynamometrie
Une des différences fondamentales entre les
méthodes cinématographique et dynamométrique est que cette
dernière ne prend pas en compte la gesticulation du sportif. Les
études antérieures (tab.1) ont montré,
généralement avec des outils dynamométriques, l'influence
de l'écartement antéropostérieur entre les deux pieds
ainsi que l'inclinaison des blocs sur la performance du départ. Des
essais préliminaires ont confirmé ces résultats et ont
montré une grande variabilité de l'intensité des efforts
au niveau des quatre appuis et plus particulièrement entre le pied
arrière et le pied avant (§-IV.4.2)]
Afin de bénéficier de cette information, les
essais dynamométriques sur le départ de course ont
été réalisés avec quatre plateformes de forces (une
sous chaque appui).
16 La qualité de départ de deux
coureurs a été caractérisée par les données
suivantes : Coureur 1 : temps d'impulsion = 0,3 s et Véject =
3,1 m/s
Coureur 2 : temps d'impulsion = 0,4 s et Véject
= 3,3 m/s.
Il n'est pas possible de discriminer directement la
qualité des départs de ces deux coureurs (§-V)
Il est possible de distinguer deux protocoles de mesure
permettant l'analyse du départ. Le premier prend en compte la
totalité des forces qui s'exercent sur l'athlète selon les trois
dimensions de l'espace. Le second considère l'efficacité du
mouvement selon un seul axe en ne prenant en compte que les forces
antéropostérieures exercées au niveau des pieds.
L'application de ce dernier protocole revient à estimer les forces
antéropostérieures exercées au niveau des mains comme
étant nulles. La précision de l'évaluation de la vitesse
antéropostérieure du centre de gravité lors de l'adoption
de cette hypothèse, est décrite dans le troisième
paragraphe du chapitre VI de ce manuscrit (§-VI.3).
4-A propos de la quadrupedie du depart de course
nfluence de l&ecart anteroposterieur entre les deux
pieds
La position initiale des pieds, l'un par rapport à
l'autre, avant le premier pas a fait l'objet de plusieurs études portant
sur les mouvements anticipateurs tant dans le domaine de la marche que celui de
la course [Bren 86 ; Kraa 01]. Ces études montrent
l'intérêt d'écarter les pieds suivant l'axe
antéropostérieur.
Plus l'écart antéropostérieur entre le
centre de pression (des forces exercées au niveau des pieds) et le
centre de gravité est important plus l'intensité des forces
réactives résultantes est importante [Bren 86]. Kraan (2001)
compare différentes postures initiales de départ (debout position
libre, debout position pieds joints et debout un pied posé en
arrière) [Kraa 01]. Il montre qu'un écartement
antéropostérieur entre les deux pieds permet de
générer un pic de force important dans un intervalle de temps
court. Ce résultat est exploité par les athlètes pour
adopter différentes postures de départ qui
généralement sont classées suivant l'écart
antéropostérieur entre les deux pieds. Trois positions sont
classiquement décrites :
m le départ groupé ou « Bunch Start
»: 25 à 30 cm séparent les deux blocs, position pendant
laquelle les orteils du pied arrière sont opposés au talon du
pied avant ;
m le départ moyen ou « Medium Start
» : 40 à 53 cm environ séparent les deux blocs ; cette
technique correspond à une position qui oppose le genou
côté du pied arrière à la voûte plantaire du
pied avant ;
m le départ allongé ou « Elongated
Start » : 60 à 71 cm environ séparent les deux blocs,
positon pendant laquelle le genou côté du pied arrière est
opposé au talon du pied avant.
Ces positions ne présentent pas des attitudes
naturelles, et l'adoption de l'une parmi les deux autres, suppose l'acquisition
d'une musculature et d'une coordination segmentaire spécifiques.
Une des premières études qui compare ces trois
positions en termes de forces maximales exercées sur chaque bloc de
départ suivant l'axe horizontal est réalisée par Kistler
en 1934 (citée dans Henry 1952) [Henr 52]. Il montre que la somme des
forces maximales exercées au niveau des deux pieds augmente d'une
manière proportionnelle en fonction de l'écart
antéropostérieur entre les deux pieds. Cette augmentation est
principalement liée à l'accroissement de la force exercée
par le pied arrière (tab.2). Payne (1971) précise qu'une grande
force exercée au niveau du pied arrière caractérise un bon
départ [Payn 71].
Tableau 2 Forces exercées sur les blocs en
fonction de leurs écartements respectifs d'après les
résultats de Kistler 1934, cités dans Henry 1952 [Henr
52]
Technique de départ
|
Forces horizontales maximales [N]
|
Somme des forces
|
|
Pied Avant
|
Pied arrière
|
maximales [N]
|
Groupé
|
870
|
670
|
1540
|
Moyen
|
--
|
--
|
1348
|
Allongé
|
872
|
926
|
1717
|
D'après ces résultats, la position de
départ qui permet de générer la plus grande force est
celle où l'écart entre les deux pieds est le plus important.
Cependant, il n'est pas possible d'évaluer l'efficacité des
différentes positions puisque le temps de l'action de l'athlète
dans les blocs n'est pas estimé. Dickinson (1934) étudie
l'influence de l'écart antéropostérieur des pieds sur le
temps de sortie des blocs [Dick 34]. Il remarque que la position groupée
permet aux athlètes de s'éjecter plus rapidement des blocs par
rapport aux autres positions (tab.3).
Tableau 3 Durée de l'action de l'athlète
dans les blocs en fonction de l'écartement, modifié
d'après [Dick 34]
Technique de départ Durée de l'action
[ms]
Groupé 244
Moyen 326
Allongé 387
À la suite de ces deux études préliminaires,
plusieurs recherches portant sur la comparaison de ces différentes
techniques de départ sont apparues [Henr 52 ; Sige 62 ; Baum
76 ; Salo 04]. Elles se rejoignent toutes sur le fait que le
départ groupé permet une éjection plus rapide, alors que
le départ allongé permet de générer une force plus
grande.
Suite à ces investigations, une étude de
référence réalisée par Henry en 1952 [Henr 52]
préconise le départ moyen puisqu'il permet de réaliser une
grande force dans un court délai. Il précise aussi que le
départ groupé permet effectivement de s'éjecter
très rapidement mais avec une faible vitesse tandis que le départ
allongé permet de s'éjecter avec une grande vitesse mais
après un temps d'action très important. Ces résultats sont
confirmés par d'autres études [Sige 62 ; Salo 04]. Elles
précisent que cette position permet d'effectuer une meilleure
performance sur 10, 20, 30, 40 et 50 m.
Influence de l'inclinaison des blocs de
depart
L'acquisition d'une importante vitesse d'éjection est
non seulement liée à la distance qui sépare les blocs mais
également à l'inclinaison des blocs par rapport au plan de la
piste. Lorsque l'angle du bloc avant se réduit de 70° à
30°, l'activité électromyographique des jumeaux devient plus
importante [Duch 86]. L'augmentation de la force de contraction de ce groupe
musculaire est due à l'allongement du triceps sural qui est
provoqué par la diminution de l'angle du bloc avant. Ces
résultats sont en accord avec ceux de Guissard (1992) qui précise
que la diminution de l'inclinaison du bloc avant favorise l'augmentation de la
vitesse d'éjection de l'athlète sans prolonger le temps de son
action dans les blocs [Guis 92]. Toutefois, la modification de l'inclinaison du
block arrière ne montre pas de variation significative. En
définitive, ces études démontrent l'intérêt
de diminuer l'inclinaison du bloc avant. Cependant, l'influence de ce
réglage sur la direction de la vitesse d'éjection n'est pas
précisée.
Influence de la posture
Des analyses cinématiques précédentes
[Baum 76 ; Harl 97 ; Natt97 ; Natt98 ; Scho 92] montrent que l'augmentation de
l'écart antéropostérieur (PG) entre le centre de
gravité et le centre de pression des forces résultantes
exercées au niveau des pieds favorise le développement d'une
force plus importante dans un délai plus court ce qui n'est pas
nécessairement synonyme de meilleure performance.
Figure 19 Ecart antéropostérieur entre le
centre de gravité (C.G.) et le centre de pression (C.P.) des forces
résultantes des deux mains et des deux pieds
En gardant la même distance entre les deux pieds, et le
même écart entre le pied avant et les mains, l'athlète peut
adopter différentes postures tout en gardant une position
quadrupédique. De nombreuses études [Natt 97 ; Natt 98] ont
étudié l'effet de différentes position de départ
(positions : habituelle de l'athlète, limite vers l'avant et plus
assise) sur la de la qualité du départ. Ces études
montrent que la « position quadrupédique limite vers l'avant »
permet de traduire le déséquilibre initial de l'athlète en
favorisant un pic de force plus grand ainsi qu'un temps plus court pour
accomplir la première enjambée.
D'autres investigations inter et intra groupe(s) visant
à étudier cette synergie segmentaire ont permis de mettre au jour
l'importance de l'ajustement des conditions externes (écartement et
inclinaison des blocs) par rapport aux caractéristiques morphologiques
de chaque athlète. En effet, la position la plus efficace varie d'un
sujet à un autre [Delh 80]. Chaque position se caractérise par
l'unicité des ajustements des angles articulaires.
Les analyses dynamométriques ont montré que le
« départ moyen » permet d'établir une bonne
performance. Afin, d'adapter cette technique à des athlètes
présentant des caractéristiques anthropométriques
différentes, l'écart entre les deux blocs est exprimé en
fonction de la longueur du tibia de l'athlète [Scho 92] soit 45% de la
longueur totale du membre inférieur (du grand trochanter jusqu'à
la malléole latérale). D'autres études [Capp 89 ; Coh 98 ;
Natt 06] ajoutent qu'il faut tenir compte de l'angle inter segmentaire relatif
jambe/cuisse (angle du genou). Cet angle doit être aux alentours de 110
#177;10° au niveau du genou arrière et 90 #177;10° au niveau
du genou avant. Ces ajustements posturaux ont pour objectif d'optimiser les
longueurs initiales des différents groupes musculaires afin d'obtenir
l'activité contractile la plus importante. Ainsi le moment articulaire
résultant sera augmenté. Toutefois, la relation force-longueur
présente une grande variabilité entre les groupes musculaires
[Goub 98]. Cette variabilité est attribuée à la longueur
des fibres musculaires ainsi que leurs orientations par rapport à l'axe
longitudinal du muscle (angle de pennation) [Ardl 01].
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