5.2- Statut bioécologique du Héron
garde-boeufs
Depuis le début du XXème
siècle, le Héron garde-boeufs est une espèce en pleine
expansion tant par l'évolution de son aire de répartition ou par
l'augmentation locale de ses effectifs (SIEGFRIED, 1978 ; BREDIN, 1983 ;
KUSHLAN et HANCOCK, 2005).
Selon SI BACHIR (2007), le Héron garde-boeufs est une
espèce en pleine expansion en Algérie, tant par son aire de
répartition que par la dynamique de ses populations. Ce dernier auteur
rajoute qu'en moins de 30 années, l'aire de nidification de
l'espèce a connu une expansion de près de 2° de longitude
vers le sud.
Le Héron garde-boeufs, est à installation
récente dans la région de Batna. L'enquête que nous avons
mené sur l'historique d'installation du garde-boeufs dans cette
région, révèle que l'espèce est sédentaire
et se reproduit dans cette région depuis l'an 1995. Les premières
régions colonisées sont celles d'Ain Touta en 1995, de Ras Layoun
en 2000, de Merouana, d'El Madher et de Tazoult en 2002 et de N' Gaous en 2003.
Le Héron garde-boeufs se manifeste dans la région par deux
populations, l'une migratrice hivernante qui séjourne d'octobre jusqu'en
mars et l'autre sédentaire nicheuse.
L'importance des effectifs tant hivernants que nicheurs de
B. ibis durant ces dernières années est
révélée par le nombre important de dortoirs et de colonies
recensés, qui est actuellement estimé à 16 dortoirs et
à 10 colonies.
La période de reproduction de B. ibis dans la
région de Batna s'étale sur un peu plus de 4 mois. Sa
reproduction est fortement conditionnée par les conditions climatiques
et les différentes phases de nidification connaissent des variations
locales.
Une multitude de milieux d'alimentation est
fréquentée par l'espèce : les bordures d'eaux
usées, les prairies, les friches, les labours, les cultures basses, les
immondices, les prairies inondées, les dépôts de fumier,
les déchets d'aviculteurs et les milieux fauchés.
Le bol alimentaire du héron garde-boeufs est
très diversifié, composé par une grande
variété de proies tant invertébrées que
vertébrées. Son alimentation est composée essentiellement
de coléoptères, d'orthoptères,
d'hyménoptères et de dermaptères. Les familles de proies
les plus prisées par l'espèce sont les Formicidae, les
Caelifera ind., les Acrididae, les Carabidae,
Labiduridae, les Harpalidae, les Pterostichidae, les
Scarabaeidae et les Gryllidae.
5.3- Facteurs de menace et de mortalité des deux
modèles biologiques étudiés
La Cigogne blanche et le Héron garde-boeufs sont
exposés à plusieurs facteurs de menace qui aboutissent parfois
même à la mortalité des deux espèces pendant les
différentes étapes de leur développement (oeufs, poussins,
adultes). Ces facteurs sont principalement de deux types : naturels et
anthropiques.
Parmi les facteurs dus à l'homme, nous citons :
- Risques de brûlures dans les décharges publiques
(Annexe, photo 5) ;
- Risques d'intoxications lors des prises d'eau ou de
l'alimentation dans les cours d'eaux polluées par les
déversements des eaux usées industrielles et urbaines ;
- Collision et électrocution après contact avec des
câbles électriques de haute et moyenne tension (Annexe, photos 11
et 12) ;
- Risques d'intoxications par les produits phytosanitaires,
notamment que les deux espèces étudiées fréquentent
les milieux agricoles par prédilection.
- Perte des habitats favorables à cause de
l'aménagement des zones humides par drainage, ce qui a pour
conséquence une réduction des ressources en alimentation dans les
milieux naturels pour les deux échassiers étudiés (exemple
chott Djendli).
- Remplacement des toitures traditionnelles en tuiles par des
dalles et abattage des grands et vieux arbres servant de supports aux nids de
la Cigogne blanche.
Parmi les facteurs naturels, nous citons :
- L'effet des conditions climatiques notamment les
périodes de sécheresse prolongées et qui coïncident
majoritairement avec la période de reproduction des deux
échassiers étudiés.
- Les maladies liées à des agents
pathogènes différents (Annexe, photos 14 et 15). Des
ectoparasites hématophages sont signalés sur des poussins de
cigognes et de hérons (FERRAH, 2007 ; BEGHORA et DJEBIR, 2008).
- Prédateurs des oeufs et des poussins aux nids (chats,
reptiles). 5.4- Intérêt environnemental de C.
ciconia et B. ibis
Les oiseaux ont un intérêt particulier par leur
situation dans le sommet des pyramides trophiques. Connaître
l'écologie trophique de deux échassiers de la région de
Batna contribuera à une mise en évidence de biocénoses
notamment celles des insectes apportant un intérêt
agro-écologique pour la région.
De point de vue agronomique, nous distinguons trois
catégories de familles d'insectes consommés par la Cigogne
blanche et le Héron garde-boeufs. Il s'agit des insectes phytophages
nuisibles, des insectes prédateurs utiles et des insectes qui paraissent
indifférents, mais qui ont un intérêt écologique
dans les agrosystèmes.
Parmi les familles d'insectes nuisibles, nous citons des
hétéroptères suceurs de sève telles les
Pentatomidae et les Geocoridae. Nous avons identifié
le genre Aelia dans le régime alimentaire de la Cigogne
blanche, à qui appartiennent certaines punaises ravageuses de
céréales qui piquent les feuilles et les grains laiteux notamment
ceux du blé.
Il y a lieu également de noter la prédation des
deux échassiers sur des proies insectes ravageurs des
céréales et des cultures maraîchères tels les
Tettigonidae, les Gryllotalpidae et les Gryllidae.
Mais ces familles sont d'une importance économique secondaire
comparées aux familles appartenant au sous ordre des Caelifera,
telle les Acrididae qui causent des dégâts
considérables aux diverses cultures.
Parmi les proies appartenant à la famille des
Formicidae, nous notons l'espèce Cataglyphis bicolor
qui est une espèce protégée. Nous signalons aussi
Messor barbara, fourmi des moissons et Tapinoma simroti.
Cette dernière espèce cause des dégâts aux cultures
indirectement en défendant les colonies des pucerons dont elle utilise
le miellat et en dissuadant, à cet effet, les coccinelles, meilleures
prédateurs des pucerons.
Les familles des Cicindellidae, des
Carabidae, des Nebriidae, des Scaritidae, des
Licinidae, des Harpalidae et des Pterostichidae
appartiennent toutes à la super famille des Caraboidea et entre
en partie dans la composition du régime alimentaire des deux oiseaux
étudiés. En sus des Mantidae, et des
Coccinellidae, toutes les espèces appartenant aux familles
citées plus haut sont carnassières et sont d'une grande
utilité agricole. Les adultes et les larves des ces groupes se
nourrissent de larves, de chenilles et même des adultes d'insectes
nuisibles.
Parmi les familles considérées
indifférentes à l'agriculture, nous citons les
Labiduridae et les Forficulidae de l'ordre des
dermaptères, les Dytiscidae, les Hydrophilodae et les
Histeridae de l'ordre des coléoptères. Par exemple, de
la famille des Scarabaeidae, les insectes appartenant aux genres :
Copris, Gymnopleurus, Scarabaeus, Onitis,
Bubas, Onthophagus, Geotrupes et Aphodius
sont des coprophages et ont, de ce fait, un rôle important dans le
recyclage des bouses et des crottes, ce qui enrichit le sol agricole en
matières organique. Cependant, au stade larvaire, certains
Scarabaeidae ont des larves phytophages qui vivent aux dépens
des racines de divers végétaux et sont, a cet effet, parfois
très nuisibles aux cultures maraîchères et aux
pépinières.
Il est utile de signaler aussi que l'inventaire
réaliser pour avoir une idée sur les proies potentielles dans
trois types de gagnages, comporte des espèces qui ne sont pas
détectées dans le régime alimentaire des deux
échassiers, exemple des annélides et de larves de
lépidoptères et de diptères. Beaucoup d'espèces
échappant aux pièges installés, n'échappent pas aux
becs de C. ciconia et de B. ibis comme les
Dytiscidae, les Hydrophilodae et les Staphilinidae.
Ceci met l'accent sur l'importance des études concernant les
régimes alimentaires des oiseaux insectivores dans l'approfondissement
des connaissances sur la biodiversité.
La Cigogne blanche et le Héron garde-boeufs sont, de ce
fait, d'un intérêt agroécologique certain. Chacune occupe
une place importante dans les maillons trophiques et a des fonctions dans les
cycles biogéochimiques. Elles permettent à la fois de maintenir
l'équilibre de la dynamique de certaines espèces et de limiter la
pullulation de certains groupes ravageurs de cultures.
Outre cet intérêt agronomique et
écologique que présentent les deux espèces
étudiées, il est à signaler l'importance des deux
échassiers en tant qu'indicateurs biologiques des
écosystèmes fréquentés :
- Les variations apparaissant dans le cycle biologique et la
dynamique des populations de ces deux échassiers, pourraient se
révéler comme des témoins des changements globaux de
l'environnement, les changements climatiques en particulier.
- La fréquentation de plus en plus importante des
milieux anthropiques créés par l'homme révèle de
nouvelles adaptations des deux espèces qui exploitent ces milieux mais
avec des
risques de véhiculer des maladies et leurs agents
pathogènes, risques pour l'Homme et pour d'autres espèces.
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